M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Pierre Médevielle, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Nous avons prouvé, la semaine dernière, sur des sujets sensibles, que nous pouvions dépassionner le débat. Pourquoi ne pas continuer dans la même voie ?
Nous avons vu les dangers de la politisation et de la médiatisation à outrance de certains dossiers, comme celui du glyphosate. Je pense que, sur de tels dossiers, il y a un temps pour tout. Passé les moments de peur et d’émotion, il faut retrouver sérénité et lucidité et considérer les dossiers, qu’il s’agisse de ristournes ou d’interdictions, avec pragmatisme.
À la suite d’une saisine de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, j’ai été chargé de rédiger, pour l’OPECST, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, un rapport sur le glyphosate. Ce rapport sera rendu public au mois de novembre prochain. Le temps passant, on constate que, plus les informations s’accumulent, plus la littérature est abondante, plus la cancérogénicité de ce produit est improbable.
Nous parlerons également des produits voisins que sont les néonicotinoïdes.
Aujourd’hui, deux grandes tendances se dégagent à l’égard de notre pharmacopée : ceux qui voudraient tout garder et ceux qui voudraient vider complètement notre « trousse à pharmacie ». Prenons garde, mes chers collègues ! Le monde sans insecte et sans infection bactérienne ou fongique n’existe pas encore. Gardons quelques armes à notre disposition.
Faut-il tout conserver pour autant ? Je crois qu’il faut être raisonnable. Comme le disait notre collègue René-Paul Savary, observons les progrès accomplis depuis de nombreuses années dans l’utilisation de l’eau ou encore dans l’usage des produits phytosanitaires. Continuons dans cette voie avec pragmatisme.
De plus, depuis la fusion de l’AFSSA et de l’AFSSET, nous disposons, avec l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, d’une agence hyperperformante, que tout le monde nous envie et qui a mis en place un système de phytopharmacovigilance. Il serait totalement incohérent que l’on finance une telle agence pour s’asseoir in fine sur ses recommandations.
Nous avons également vu les dangers et les problèmes créés par la surtransposition de la réglementation européenne. Ce débat nous offre donc une excellente occasion de mettre en adéquation nos paroles et nos actions.
Quant aux ristournes, on ne peut évidemment pas voter une telle mesure : celle-ci impacterait directement le revenu des agriculteurs, qui n’ont pas besoin de cela en ce moment.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je veux intervenir non pas sur le fond, mais sur la forme.
Je veux aller dans le sens de notre rapporteur pour avis et dire que, sur les rabais et ristournes, comme, plus tard, sur le glyphosate ou les néonicotinoïdes, je souhaite que nous ayons un débat apaisé.
Nous avons tous des convictions. Écoutons-nous, respectons nos argumentations et évitons les accusations !
Monsieur Labbé, les propos que vous avez tenus sont accusatoires et très blessants. Ils ne donnent pas une image fidèle de notre assemblée, qui, vous le savez, travaille sur le fond et n’est pas sous l’influence des lobbies. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Très bien !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Nous ne sommes pas sensibles aux lobbies ! Je pense aux lobbies des produits phytopharmaceutiques, comme à ceux qui jettent en pâture sur les réseaux sociaux les images des parlementaires, pour qu’ils soient accusés…
J’appelle donc au calme et à la sérénité sur ces sujets graves, qui touchent au sens de notre agriculture et à sa transformation. Je voudrais vraiment que le Sénat fasse honneur à sa réputation de sagesse. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je souhaite moi aussi que ce débat se déroule dans la sérénité, mais je pense que, de fait, le débat est serein. Cela dit, il est normal que ce sujet suscite des propos passionnés.
Je pense qu’il ne faut surtout pas avoir de mépris pour les exploitants agricoles et pour les agriculteurs.
Il n’y a pas très longtemps, nous avons voté, à l’unanimité, le principe d’une indemnisation des victimes des produits phytosanitaires. Autrement dit, nous avons affirmé, à l’unanimité, que les produits phytosanitaires posaient un problème réel et qu’ils avaient causé des maladies, qu’il fallait indemniser. Il faut continuer dans cette logique.
On me dit que les promotions ne font pas vendre plus. En ce cas, à quoi servent-elles ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Expliquez-moi, chers collègues !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. À acheter moins cher !
M. Guillaume Gontard. Il me semble que, si l’on veut aider les agriculteurs, si l’on veut soutenir leurs revenus, il faut les accompagner pour qu’ils utilisent moins de produits phytosanitaires et pour qu’ils se tournent vers une autre agriculture. C’est justement l’achat des produits phytosanitaires qui leur coûte cher actuellement !
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je suis, moi aussi, favorable à un débat apaisé. Pour ce faire, je crois que nous devons nous appuyer sur la réalité des chiffres.
Mon collègue Savary a affirmé que l’utilisation des produits phytosanitaires avait baissé de 40 % depuis vingt ans.
J’ai consulté rapidement le site internet du ministère de l’agriculture. Les derniers chiffres que j’y ai trouvés datent de 2015 – c’était alors M. Stéphane Le Foll qui était ministre de l’agriculture. Cette année-là, les produits phytosanitaires utilisés avaient effectivement baissé de 2,7 %, sans qu’on sache, comme le reconnaissait alors le ministère, si cette baisse était liée à la conversion d’agriculteurs au bio ou à une météo plus favorable. En revanche, depuis 2009, l’utilisation des produits phytosanitaires n’avait cessé d’augmenter. Elle avait même augmenté, en 2014, de 9,4 %. Je peux vous montrer ces chiffres, mes chers collègues. Leur source est on ne peut plus fiable !
Par ailleurs, il n’y a pas, d’un côté, les défenseurs du pouvoir d’achat des agriculteurs et des agricultrices et, de l’autre, ceux qui voudraient leur amputer leur budget. Il n’y a pas non plus des sénateurs qui se préoccupent de santé publique et d’autres qui n’en auraient rien à faire. La véritable question qui nous est posée est celle de l’application du principe de précaution, si nous pensons collectivement qu’un risque existe.
Je suis évidemment d’accord avec mes collègues qui appellent à ne pas culpabiliser les agriculteurs et les agricultrices. D’ailleurs, personne ne le fait ! Les agriculteurs font comme on leur a appris. La situation actuelle est le résultat de l’agriculture productiviste telle qu’elle existe depuis quarante ans. Si nous voulons en sortir, notamment sur cette question des promotions, il faut les accompagner vers autre chose. Certes, ces techniques sont aujourd’hui balbutiantes, mais nous avons le devoir d’y investir assez massivement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je rejoins la présidente de la commission : il n’y a aucune raison pour que le Sénat ne se rassemble pas sur cette question comme il a su le faire, par exemple, sur celle des cantines, pour parvenir à une réponse consensuelle qui permette de faire confiance aux femmes et aux hommes qui sont les acteurs de notre agriculture.
Ne parle-t-on pas du « bon sens paysan » en français ?
M. Laurent Duplomb. Eh oui !
M. Daniel Gremillet. Mon père m’a toujours appris, et c’est ainsi que tous les paysans ont été élevés, que le premier argent gagné est celui qu’on ne dépense pas. Les rabais et ristournes ne vont pas du tout inciter les agriculteurs à mettre plus de produits pour soigner les plantes. Pas du tout !
Au cours du débat, on a beaucoup parlé de « collectif ». Certains semblent oublier qu’un homme seul n’est pas grand-chose en agriculture. Les rabais et ristournes viennent justement parce que les agricultrices et les agriculteurs ont su s’organiser sur le terrain pour acheter collectivement et n’avoir qu’un seul point de livraison, par exemple, pour faire diminuer les coûts. Un unique point de livraison a aussi des conséquences positives en termes d’émissions de gaz à effet de serre. Les agriculteurs cherchent réellement l’efficacité au quotidien. Alors, de grâce, faisons confiance aux hommes !
Par ailleurs, si vous prenez les chiffres, production par production, vous constaterez que la consommation de médicaments des plantes à l’hectare, par rapport aux volumes produits, est bien inférieure aux objectifs assignés aux agriculteurs, à l’instar de ce qui s’est passé sur les antibiotiques dont la consommation est inférieure de 10 % par rapport à l’objectif fixé par Stéphane Le Foll.
Enfin, même l’agriculture biologique doit recourir à certains produits pour tuer les mauvaises herbes. De grâce, gardons tous notre bon sens paysan ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Cuypers. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour explication de vote.
Mme Nicole Bonnefoy. Je rejoins tout ce qu’ont dit le rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et la présidente de la commission des affaires économiques. Sur ces sujets éminemment graves, sensibles, personne ne détient la vérité.
En 2012, nous avons su avancer ensemble dans le cadre de la mission commune d’information que nous avons menée au Sénat et qui a abouti, au début de cette année, à l’adoption à l’unanimité de la proposition de loi portant création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques. Nous sommes donc capables d’avancer sur ces sujets pour peu que nous dépassionnions le débat.
Pour ce qui concerne mon amendement, je le retire au profit de celui du Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° 551 rectifié est retiré.
M. Joël Labbé. Monsieur le président,…
M. le président. Vous avez déjà pris la parole pour explication de vote, mon cher collègue.
M. Joël Labbé. … je veux dire…
M. le président. Je ne peux donc pas vous la redonner, sauf si vous souhaitez retirer votre amendement.
M. Joël Labbé. Oui, il est retiré, simplement,…
M. le président. Monsieur Labbé, soyez un tout petit peu respectueux du règlement du Sénat !
M. Joël Labbé. … je veux dire que je souhaite moi aussi un dialogue apaisé. Je vous explique pourquoi.
M. le président. Non, vous aurez l’occasion d’expliquer votre vote sur l’amendement du Gouvernement dans quelques instants, si vous le désirez.
M. Joël Labbé. Parce que l’amendement du Gouvernement est mesuré, et je tiens à le dire…
M. le président. Monsieur Labbé, respectez notre règlement !
L’amendement n° 486 rectifié est retiré.
La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote.
M. Jérôme Bignon. Comme tout le monde, je suis bien évidemment très favorable à un débat apaisé. Il est tellement plus agréable de se dire gentiment des choses vraies.
Cela étant, je ne comprends pas certains termes du débat. Peut-être allez-vous pouvoir m’éclairer : si l’on veut empêcher certains produits dangereux d’être davantage répandus dans les champs, il me semblerait logique de les interdire, ce qu’on ne veut ou ne peut faire. Or nous avons su le faire pour les néonicotinoïdes.
Je ne vois pas en quoi le fait de supprimer la ristourne va empêcher les paysans de mettre des produits dans les champs.
M. Gérard Longuet. Tout à fait !
M. Jérôme Bignon. Ils vont gagner un peu moins d’argent, mais cela n’influencera pas la quantité de produits utilisés. C’est une question de bon sens.
Il existe une solution que personne n’évoque, ce qui me surprend un peu : pourquoi ne pas travailler sur la taxe applicable aux produits phytosanitaires ? Son augmentation aurait un effet immédiat.
Par ailleurs, cette histoire de ristourne est blessante pour les cultivateurs, dont on pourrait penser qu’ils répandent certains produits en fonction de leurs combines avec les fabricants. Je ne trouve cela ni très sympa ni très sain pour les relations entre agriculteurs, citoyens, parlement et gouvernement.
Il serait plus juste d’interdire totalement ces produits si on n’en veut plus, ou de les taxer davantage pour en faire diminuer la consommation. Ce serait faire preuve de davantage de cohérence.
Je voterai contre la suppression des ristournes, disposition absolument pas efficace. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 195 et 633 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote sur l’amendement n° 749.
M. Joël Labbé. Merci de me donner la parole, monsieur le président.
Comme tout le monde, je souhaite un dialogue apaisé. Pour autant, la sérénité, ça ne se décrète pas. Et sur ce genre de sujet, je tiens à vous dire que je ne suis pas serein tant pour des raisons de santé humaine que de santé environnementale ! Bien que gravissime, la situation ne semble pas suffisamment palpable.
J’ai retiré de très bon cœur mon amendement au profit de celui du Gouvernement, dont les arguments m’ont convaincu. Je souhaite véritablement qu’on parvienne à un consensus.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je voudrais rectifier mes propos, pour que les choses soient bien claires : les chiffres que j’ai cités concernaient la filière céréalière, dont la consommation de produits a diminué de 40 % quand le coût des mêmes produits augmentait d’autant.
S’il en fallait une, c’est bien la preuve par neuf que des efforts sont aussi réalisés dans les grandes cultures intensives pour réduire l’usage des produits phytosanitaires. L’objectif des céréaliers, comme du monde viticole que je connais un peu, est bien d’arriver à terme à produire de la façon la plus propre possible en faisant appel à des techniques nouvelles et à des produits beaucoup plus intéressants pour l’ensemble de la chaîne humaine ou animale.
Le problème est qu’aujourd’hui nous n’avons pas de solution de remplacement. Prenons garde de ne pas remplacer ces produits par d’autres produits qui se révéleront demain encore plus dangereux. Bien souvent, les choses se passent ainsi.
N’oublions pas non plus que nous sommes en compétition avec nos amis Européens. Nos partenaires de l’Union européenne, avec lesquels nous partageons un certain nombre de valeurs dans le monde agricole, doivent être soumis aux mêmes règles et aux mêmes contraintes : ne pénalisons pas davantage le paysan français que les autres paysans européens. C’est la raison pour laquelle je reste particulièrement ferme – et serein – sur cet amendement. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Jérôme Bignon et Franck Menonville applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Travert, ministre. Que les choses soient bien claires, monsieur Savary : le Gouvernement n’a pas déposé cet amendement en partant du postulat que les agriculteurs mettraient moins de produits s’ils coûtaient plus cher. Le dosage n’est pas fonction du prix, mais des besoins particuliers d’un territoire donné.
Nous n’avons pas décidé comme ça, un matin, de supprimer ces rabais, remises et ristournes pour le plaisir de faire supporter une charge supplémentaire aux agriculteurs.
M. Gérard Longuet. Ça y ressemble !
M. Stéphane Travert, ministre. Au contraire, à travers ce projet de loi, nous essayons de diminuer leurs charges, d’augmenter leurs revenus et de travailler sur la qualité. Pour ce faire, nous devons trouver ensemble les voies et moyens nous permettant de modifier les pratiques, à travers la formation, par exemple.
Vous avez évoqué une diminution de 40 % des produits phytosanitaires dans les grandes cultures céréalières. Je vous rejoins sur un point : la filière viticole a réalisé un très, très gros travail sur la diminution de ces produits. La filière céréalière conduit également ce travail, mais elle est moins avancée.
M. René-Paul Savary. C’est vrai !
M. Stéphane Travert, ministre. Notre idée n’est pas non plus d’interdire toute consommation de produits phytosanitaires pour les remplacer par d’autres, encore plus dangereux, ce qui n’aurait aucun sens au plan environnemental. Nous voulons travailler sur les pratiques vertueuses, sur la rotation des cultures, sur les changements de pratiques agronomiques et diminuer petit à petit l’utilisation de ces produits phytosanitaires, sans jamais laisser les gens sans solution – nous y reviendrons sur la question du glyphosate. Le Président de la République a toujours été clair sur ce sujet : pas d’interdiction sans solution alternative ; pas de surtransposition non plus.
Je vous rejoins sur autre un point : nous avons besoin de travailler au plan européen pour harmoniser les réglementations. Et, comme moi, vous savez que ce ne sera pas facile ! La France a choisi un chemin clair en prenant les devants sur ces questions. Nous espérons être accompagnés par le plus grand nombre, et nous menons un travail de persuasion auprès des autres États membres.
Les choses avancent chez certains et avancent même plutôt bien : j’ai reçu mon homologue allemande, la semaine dernière, pour entamer un travail conjoint sur ces questions de réduction des produits phytosanitaires. L’Allemagne a un rôle très important à jouer dans ce domaine. La société allemande est en train de bouger, tout comme bouge la société française. Les consommateurs, nos concitoyens, nous réclament des comptes sur ces sujets.
Pour autant, nous ne devons pas faire les choses n’importe comment. Nous devons accompagner cette transition. Vous aurez remarqué que je ne fais pas partie de ceux qui prennent pour postulat de départ d’interdire les choses de manière brutale. Au contraire, je souhaite utiliser le temps ; raison pour laquelle nous avons présenté une feuille de route de sortie des produits phytosanitaires et de réduction de leur utilisation qui s’inscrit sur la durée du quinquennat. Il s’agit de la feuille de route sur la politique alimentaire 2018-2022.
Nous travaillons sur des trajectoires nous permettant d’abord de diminuer les fréquences de traitement et ensuite d’aider chacune des filières à trouver sa place et à progresser. Au final, il s’agit de nous mettre d’accord sur ces principes. C’est tout le sens de cet amendement.
À un moment, il faut se décider à amorcer les choses, à l’instar de ce qui a été réalisé dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt sur la question des antibiotiques. Le sujet est différent, certes, mais les filières ont su s’emparer de cette question avec les vétérinaires et l’ensemble des professionnels pour parvenir à une réduction de 37 % de l’utilisation des antibiotiques, alors que l’objectif retenu dans la loi d’avenir était de 24 %, ce qui constitue une première en Europe. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail des éleveurs.
Nous devons faire preuve de vigilance : les autres pays nous observent et s’intéressent à la manière dont nous accompagnons les choses. Nous voulons diminuer l’utilisation des produits phytosanitaires tout en accompagnant les agriculteurs. Il s’agit non seulement de bien faire les choses, mais aussi de le faire dans l’intérêt économique des agriculteurs et dans celui de leur compétitivité.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. À certains moments, je me pose la question de savoir si le ministre parcourt la campagne.
M. Laurent Duplomb. Les agriculteurs pratiquent la rotation depuis des décennies, pour ne pas dire des siècles.
M. Laurent Duplomb. Sur mon exploitation, par exemple, je ne fais jamais deux cultures identiques une année sur l’autre. La rotation permet de limiter la consommation de produits phytosanitaires et de fertilisants et donc de produire à moindre coût.
Observez ce qui se passe dans les campagnes : vous y verrez des agriculteurs qui binent des maïs et qui, au lieu de désherber avec de l’atrazine comme cela se faisait voilà vingt ans, limitent au maximum le désherbage au premier passage et favorisent le binage de façon à éliminer un maximum de plantes adventices.
Dans cet hémicycle, personne n’évoque la surveillance. Quand une plante adventice mesure dix centimètres, il faut mettre trois fois plus de produits que si elle n’avait que deux feuilles. Les agriculteurs vont donc très régulièrement dans leurs champs pour déterminer le moment optimal de la moindre utilisation de produits. Pour quelle raison, monsieur le ministre ? Tout simplement parce qu’ils paient ces produits ! À vouloir toujours augmenter les impôts comme vous le faites et à maintenir les prix au plus bas sur l’alimentation, le revenu des agriculteurs diminue. Et quand votre revenu n’est pas à la hauteur de ce que vous attendiez ni du travail fourni, vous faites attention à toutes vos dépenses !
Mes chers collègues, ne croyez pas que les agriculteurs achètent des désherbants ou des pesticides pour le plaisir. Quelqu’un sait-il, dans cet hémicycle, que laisser quatre plants de gaillet gratteron par mètre carré sur un blé équivaut à perdre quinze quintaux sur la culture ?
Hormis la question du rendement, se pose aussi celle des microtoxines : quand on laisse trop de coquelicots et de bleuets dans un champ, le blé a des difficultés pour se nourrir et faire monter l’amidon dans le grain, car trop concurrencé sur la culture. Au final, ce blé sera plein de microtoxines qui passent la barrière du four du boulanger et qu’on retrouve dans le pain. Ainsi, dans quelques années, on se rendra compte que ce qu’on croyait être exceptionnel, parce que bio, est encore plus chargé de microtoxines qu’auparavant.
Regardons un peu les choses en face. Je ne suis pas en train de dire qu’il ne faut pas d’agriculteurs en bio, mais penser que l’agriculture française, au milieu d’un monde concurrentiel,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Laurent Duplomb. … puisse véritablement se passer des produits phytosanitaires que tout le monde utilise n’est pas sérieux. En utilisant ces produits, nous cherchons simplement à limiter la concurrence sur la culture – car un agriculteur ne sème pas pour récolter des plantes adventices – et à produire de la manière la plus saine possible,…
M. le président. Merci de conclure !
M. Laurent Duplomb. … même si cela ne va pas sans quelques inconvénients. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. En conséquence, l’article 14 demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 14
M. le président. L’amendement n° 757 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 511-12 du code de la consommation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« … Les manquements aux chapitres III et IV du titre V du livre II code rural et de la pêche maritime. »
La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Travert, ministre. Cet amendement vise à étendre l’habilitation des agents des services de l’État pour constater les manquements liés à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques concernant notamment les conditions d’étiquetage qu’ils doivent respecter et l’interdiction de vente en libre-service de certains produits aux particuliers.
Le contrôle des produits phytopharmaceutiques est notamment réalisé par les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, raison pour laquelle nous vous proposons d’introduire cette habilitation dans le code de la consommation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement qui vise à renforcer le dispositif existant.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 14.
L’amendement n° 570 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy, MM. Cabanel, Montaugé, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, M. Kanner, Mme Artigalas, M. Roux, Mme Taillé-Polian, M. Tissot, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2018, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dans lequel il présente les actions qu’il compte engager pour encourager la mise en place d’un fonds européen des agences sanitaires communautaires des États membres. Ce fonds, financé par les agences elles-mêmes, aurait pour but de financer des recherches notamment toxicologiques publiques indépendantes destinées à soutenir la réalisation d’études sur les risques sanitaires et environnementaux.
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Cet amendement d’appel vise à demander au Gouvernement de s’engager auprès de ses partenaires de l’Union européenne pour demander la création d’un fonds interagences sanitaires au niveau européen qui aurait pour but de financer des études et travaux de recherche sur les risques sanitaires et environnementaux insuffisamment documentés ou controversés.
Ce dispositif permettrait, d’une part, de répondre à des situations de crise se caractérisant par des controverses scientifiques ou sociétales et, d’autre part, d’agir de façon proactive en anticipant un manque de données sur certains sujets et de lancer en conséquence des études de grande ampleur.
Lors de l’élaboration de cet amendement, nous avons échangé avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, qui nous a confirmé la pertinence d’un tel fonds interagences. L’ANSES constate en effet que l’existence lacunaire de données scientifiques sur certaines thématiques conduit à des questionnements sur l’indépendance ou l’exhaustivité des études menées par les agences, comme nous avons pu le constater au gré de polémiques entourant telle ou telle substance active.
C’est la raison pour laquelle nous proposons, par cet amendement d’appel, de mener une réflexion sur la mise en place d’une réelle stratégie européenne de collaboration entre agences nationales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Comme il s’agit d’un amendement d’appel, nous laissons le Gouvernement y répondre.
Toutefois, les budgets des agences sanitaires sont déjà contraints, ce qui explique largement les délais d’attente, souvent très longs, des remises de rapport et des évaluations. La commission est donc plutôt défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?