M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour explication de vote.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Je souscris aux propos d’Arnaud Bazin. J’ai bien entendu, aussi, ce qu’a dit Michel Raison. Il ne saurait être question de faire d’amalgame, ce serait totalement contre-productif.
Je comprends les inquiétudes de Daniel Gremillet. Mais on ne peut juger les actions de toutes les associations de protection animale, qui font un travail indéniable sur le terrain depuis des années, à l’aune de celles d’une ou deux associations parfaitement extrémistes. Celles-ci, par ailleurs, maîtrisent parfaitement les codes de l’information et ont compris comment les choses fonctionnaient en France.
Nous n’avons pas encore évoqué l’importance d’internet. Lorsque des films et des témoignages sont diffusés sur les réseaux, ils infusent dans la société française.
J’ai assisté au débat qui a lieu dans l’hémicycle depuis trois jours, et j’ai appris beaucoup de choses. J’ai ainsi beaucoup entendu évoquer la notion de pragmatisme. En tant qu’élus, nous devons précisément être pragmatiques et répondre aux attentes de nos concitoyens, dès lors qu’ils ont reçu ces informations et demandent des réponses.
Je souhaite que nous ayons un débat apaisé, qui attestera de la qualité délibérative du Sénat, mais on ne peut pas ignorer certaines questions.
Opposer bien-être des éleveurs et bien-être animal serait une erreur, même s’il y a des contingences économiques, dont nous allons discuter.
À titre personnel, je ne voterai pas ces amendements, qui représenteraient un recul.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je l’ai dit d’emblée, et je le répète à Céline Boulay-Espéronnier, certains d’entre nous ont encore le temps d’aller sur le terrain et de voir ce qui se passe dans les élevages, partout en France, et dans les autres lieux de rassemblement des animaux, comme les marchés et les abattoirs. J’ai un grand respect pour les femmes et les hommes qui travaillent dans ces lieux, et je ne voudrais pas que les signaux que nous sommes en train d’envoyer soient dépourvus de cette dimension de respect pour leur travail.
Comme partout, lorsque l’être humain est en cause, il y a des personnes qui dérapent. On ne peut ni les soutenir ni les cautionner, car elles sont condamnables. Monsieur le ministre, il n’y a aucun problème sur ce point ! Mais je ne voudrais pas qu’une personne, parce qu’elle travaille avec des animaux, sur les marchés ou dans un abattoir, soit jetée en pâture et jugée uniquement à charge.
Je veux vous rassurer, madame la rapporteur, je vais retirer le premier de mes amendements. Mais je souhaitais que, durant quelques instants, de manière très apaisée, on parle aussi des éleveurs de façon positive. Je suis heureux du dialogue qui s’instaure entre nous parce que, encore une fois, ce sujet est très profond.
Je vais également retirer mon second amendement, de repli, que nous avons souhaité déposer à cause de la situation que nous connaissons. Car le film continue ! Le président du syndicat des bouchers demande à être protégé, et des boucheries sont attaquées parce qu’elles travaillent et vendent de la viande !
Sur ce véritable sujet de société, je souhaite, encore une fois, que nous ayons un débat apaisé. Je retire donc mes amendements et vous remercie, mes chers collègues, pour les échanges que nous venons d’avoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. Les amendements nos 380 rectifié bis et 377 rectifié sont retirés.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Le débat que nous venons d’avoir a été plutôt serein et apaisé.
Cher Daniel Gremillet, si vous ne les aviez pas retirés, je n’aurais pas voté ces amendements, la commission ayant émis un avis défavorable. Je tiens cependant à dire que vous vous êtes fait avec beaucoup de sobriété et de calme le porte-parole d’un certain nombre d’éleveurs, mais aussi d’autres professionnels.
Mon département des Yvelines compte ainsi l’un des derniers abattoirs porcins d’Île-de-France, qui est régulièrement la cible d’associations tout à fait désagréables, qui y entrent par effraction, prennent des photos et diffusent des images montées.
Ces personnes ne se rendent pas compte de ce qu’elles font, au-delà des animaux, aux hommes qui travaillent dans ces abattoirs ! Je pense notamment au propriétaire de cet établissement, M. Vincent Harang, qui fait consciencieusement son travail depuis des années. Il en a « bavé » pour que son abattoir reste ouvert et que les cochons normands et d’Île-de-France ne parcourent pas des kilomètres avant d’être abattus. Mon cher Joël Labbé, cet abattoir a un rôle extrêmement important de structuration de la filière alimentaire pour les circuits courts en région parisienne.
Ce cri du cœur des éleveurs et des transformateurs, nous devons l’entendre.
M. le président. Je mets aux voix l’article 13.
(L’article 13 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 13
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 208 rectifié bis, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le premier alinéa de l’article L. 215-11 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Tout manquement grave ou répété aux obligations définies à l’annexe I du règlement (CE) n° 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 sur la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes constitue un mauvais traitement au sens du premier alinéa du présent article. »
II. - La section 4 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code rural et de la pêche maritime est complétée par un article L. 214-… ainsi rédigé :
« Art. L. 214-… – Pour les transports d’animaux se déroulant entièrement sur le territoire français, il est prévu les conditions particulières suivantes :
« 1° La durée maximale de voyage des animaux domestiques est fixée à huit heures pour les espèces bovine, ovine, caprine, porcine et les équidés domestiques et à quatre heures pour les volailles, les oiseaux domestiques et les lapins domestiques ;
« 2° Par dérogation, une autorisation préalable peut être délivrée pour un voyage d’une durée supérieure, dans une limite maximale de douze heures de transport, par un vétérinaire qui atteste de la capacité des animaux à réaliser ce voyage sans risque d’être blessés ou de subir des souffrances inutiles ;
« 3° Les femelles gravides qui ont passé les deux tiers de la période de gestation prévue ne sont pas considérées comme aptes à être transportée.
« Un décret précise les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Je trouve que notre discussion est de très grande qualité, et j’aimerais la poursuivre un peu, avec votre permission, en passant rapidement sur l’amendement.
Monsieur Raison, dans mon pays, les vaches n’ont plus de nom, parce qu’il s’est produit un changement radical des modes d’élevage. Un éleveur qui gère seul un cheptel de 120 vaches n’a plus le temps de leur donner des noms… (M. Michel Raison s’exclame.)
Par ailleurs, les vaches ne vont plus à l’étable. La procession biquotidienne que j’ai connue n’existe plus.
M. Michel Raison. Des vaches à lait ou allaitantes ?
M. Pierre Ouzoulias. Ce sont des limousines, les meilleures vaches du monde ! (Sourires.)
En tant qu’historien, j’ai beaucoup travaillé sur les problèmes d’alimentation, sur une période deux mille ans. Cela donne du recul !
Dans l’Antiquité, cela va vous surprendre, la consommation de viande était liée quasi uniquement au culte et à la religion : on consommait de la viande en référence aux dieux et dans un cadre cultuel.
La consommation de viande telle qu’on la connaît aujourd’hui est un fait extrêmement moderne et récent, qui date des années cinquante et soixante.
On constate aujourd’hui, partout dans le monde, une baisse de la consommation de viande, que l’on a du mal à interpréter. Je vous le dis en historien, on peine à comprendre pourquoi des évolutions se produisent de façon aussi radicale dans le mode d’alimentation.
Croyez-moi, les quelques excités que vous avez cités n’ont aucune relation avec cette forte baisse de la consommation de viande, qui trouve son ancrage dans l’appréhension par les personnes de leur rapport à la nature. C’est quelque chose de très profond sur lequel il faut travailler. Il faut se dire que la consommation de viande va continuer à baisser, c’est une évidence !
Par ailleurs, j’enseigne à des étudiants l’histoire de l’agriculture, et je suis effrayé de constater que certains gamins ne connaissent plus du tout les campagnes ; il faut leur expliquer la différence entre la paille et le foin ! Quels que soient nos débats, il y a un problème de fond : la méconnaissance absolue, totale et définitive entre le monde urbain et le monde de la campagne. Pour rendre service aux agriculteurs, il faudrait rapprocher les uns et les autres.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 397 rectifié quater est présenté par Mme Rossignol, M. Vallini, Mmes Jasmin, Monier, Lienemann, Conway-Mouret et Préville et M. Jomier.
L’amendement n° 513 rectifié est présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano et Corbisez, Mme Laborde et M. Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 4 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code rural et de la pêche maritime est complétée par un article L. 214-… ainsi rétabli :
« Art. L. 214-… – Pour les transports d’animaux se déroulant entièrement sur le territoire français, la durée maximale du voyage des animaux domestiques est fixée à huit heures pour les espèces bovine, ovine, caprine, porcine et les équidés domestiques et à quatre heures pour les volailles, les oiseaux domestiques et les lapins domestiques.
« Par dérogation, une autorisation préalable peut être délivrée pour un voyage d’une durée supérieure, dans une limite maximale de douze heures de transport, par un vétérinaire qui atteste de la capacité des animaux à réaliser ce voyage sans risque d’être blessés ou de subir des souffrances inutiles.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »
L’amendement n° 397 rectifié quater n’est pas soutenu.
La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 513 rectifié.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise à encadrer les durées de transport des animaux sur le territoire français, en les fixant à huit heures pour les espèces bovine, ovine, caprine et porcine, et à quatre heures pour les volailles et les lapins.
Ce sujet est essentiel à un double titre : pour le bien-être des animaux, mais aussi – je le répète – parce qu’il nous faut sortir des absurdités liées à la mondialisation de l’alimentation.
Est-il logique de transporter pendant plus de douze heures des animaux vivants, alors que nous pouvons relocaliser les productions au bénéfice des consommateurs, de l’environnement, de l’économie locale et des éleveurs ou des paysans ?
Pourquoi infliger inutilement des conditions de transport difficiles aux animaux ? En parallèle, on abandonne le soutien aux petits abattoirs de proximité qui, nous le savons tous, sont en grande difficulté, lorsqu’ils existent encore ! Je défendrai d’ailleurs un amendement sur ce sujet ultérieurement.
J’ose espérer que le présent amendement fera l’objet d’un consensus. Il est d’ores et déjà très équilibré, puisqu’il prévoit une durée de transport qui peut aller, avec dérogation, jusqu’à douze heures, si un vétérinaire donne un avis favorable. Il est également compatible avec le droit européen, lequel ne fait pas obstacle à d’éventuelles mesures nationales plus contraignantes visant à améliorer le bien-être des animaux au cours des transports se déroulant entièrement sur le territoire d’un État membre, ou pour les transports maritimes au départ du territoire d’un État membre.
Par ailleurs, un certain nombre d’États membres demandent à ce que soient renforcées les exigences en matière de limitation de la durée des transports. C’est le cas de l’Allemagne, du Danemark, de la Belgique, des Pays-Bas, qui ont porté cette demande lors du Conseil européen du 15 novembre 2016.
La France ne sera donc pas isolée si elle adopte une telle position. On parlait précédemment des demandes et des attentes sociétales : cela en fait partie.
M. le président. L’amendement n° 113 rectifié sexies, présenté par MM. Decool, Bignon, Capus, Chasseing, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Malhuret, Mme Mélot, MM. Wattebled, Vogel, de Belenet et Paul, Mme Goy-Chavent et M. Daubresse, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 4 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code rural et de la pêche maritime est complétée par un article L. 214-… ainsi rédigé :
« Art. L. 214-… – Pour les transports d’animaux se déroulant entièrement sur le territoire français, la durée maximale de voyage des animaux domestiques est fixée à seize heures pour les espèces bovine, ovine, caprine, porcine et les équidés domestiques et à huit heures pour les volailles, les oiseaux domestiques et les lapins domestiques.
« Par dérogation, une autorisation préalable peut être délivrée pour un voyage d’une durée supérieure, dans une limite maximale de douze heures de transport, par un vétérinaire qui atteste de la capacité des animaux à réaliser ce voyage sans risque d’être blessés ou de subir des souffrances inutiles.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Cet amendement vise à limiter la durée maximale de transport des animaux vivants.
Le règlement européen n° 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 relatif à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes réglemente le transport des animaux vivants entre les pays de l’Union européenne et définit les modalités des contrôles opérés à l’entrée ou à la sortie de celle-ci.
Ce règlement ne fixe aucune limitation de durée maximale de transport, mais uniquement des limites de temps de route successifs : 29 heures pour les bovins, ovins et caprins, 24 heures pour les chevaux et pour les porcs, 19 heures pour les animaux non sevrés. Au-delà, les animaux doivent être déchargés, alimentés, abreuvés et bénéficier d’un temps de repos de 24 heures avant de reprendre la route.
Chaque État membre de l’Union européenne est soumis à l’application de ce règlement. Cependant, l’article 1er du règlement prévoit que ce dernier « ne fait pas obstacle à d’éventuelles mesures nationales plus contraignantes visant à améliorer le bien-être des animaux au cours des transports se déroulant entièrement sur le territoire d’un État membre ou pour les transports maritimes au départ du territoire d’un État membre ».
Depuis plusieurs années, les ONG de protection des animaux dénoncent régulièrement, en s’appuyant sur des enquêtes détaillées, des conditions de transport non compatibles avec la protection minimale des animaux. Un des problèmes les plus récurrents est la durée des transports. Cet amendement vise donc à combler ce vide juridique.
Sources de stress, de blessures, de douleurs et de souffrances, les transports peuvent couvrir des distances de plus de 3 000 kilomètres et durer plusieurs jours. Selon un rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, paru en 2004, après quelques heures le bien-être des animaux se détériore sévèrement.
En 2012, le Parlement européen s’était d’ores et déjà prononcé pour une limitation à 8 heures de la durée de transport des animaux destinés à l’abattage, appuyé par une pétition signée par plus d’un million de citoyens européens.
La Fédération des vétérinaires d’Europe soulignait en septembre 2016 « les graves déficiences subsistant lors de l’exportation des bovins […] conduisant à la souffrance, l’épuisement et parfois même la mort des animaux », appelant à « décourager autant que possible les transports longues distances », à « remplacer le transport d’animaux vivants par le transport des carcasses » et déclarant, en conclusion, que « les animaux devraient être élevés aussi près que possible des lieux où ils sont nés et abattus aussi près que possible de leur lieu de production ».
Par ailleurs, un certain nombre d’États membres demandent aujourd’hui une révision du règlement n° 1/2005 précité afin de renforcer les exigences sur la limitation de la durée des transports. C’est ainsi le cas de la Suède, appuyée par l’Allemagne, le Danemark, la Belgique, l’Autriche et les Pays-Bas, qui a porté cette demande lors du Conseil européen du 15 novembre 2016, en affirmant qu’« afin d’améliorer le bien-être animal, il est crucial de réexaminer les dispositions [du règlement n° 1/2005], notamment sur les temps de parcours ».
M. le président. L’amendement n° 410 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol, M. Vallini, Mmes Jasmin, Lienemann et Conway-Mouret, M. Devinaz, Mme Préville et M. Manable, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 411 rectifié ter, présenté par Mme Rossignol, M. Vallini, Mmes Jasmin, Conway-Mouret et Lienemann, M. Devinaz et Mme Préville, n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Ces amendements visent à limiter la durée de transport des animaux vivants, pour les transports se déroulant exclusivement sur le territoire français.
Or, vous l’avez dit, mes chers collègues, les règles applicables en matière de transport sont harmonisées au niveau européen : elles fixent déjà un certain nombre de prescriptions, qui peuvent toujours paraître insuffisantes aux uns ou aux autres.
À titre d’information, les animaux ne peuvent voyager plus de 8 heures, sauf si le moyen de transport remplit toute une série de conditions très précises.
Je rappelle, par ailleurs, que l’article 13 du projet de loi a étendu le délit de maltraitance au transport. Nous avons doublé les sanctions et permis aux associations de se porter partie civile en cas d’infraction constatée.
J’ajoute, enfin, qu’imposer une règle, même pertinente, sur le seul territoire français n’aurait au final que peu d’intérêt, ces sujets devant être traités à l’échelle européenne.
Pour toutes ces raisons, l’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Nous sommes là en pleine surtransposition, puisque le transport des animaux est encadré par une réglementation européenne.
Pour autant, nous pouvons travailler sur des cas pour lesquels il est possible d’améliorer les conditions de transport des animaux. Je pense, par exemple, aux femelles gravides aux deux tiers de la gestation : nous pouvons soit prévoir des arrêts, soit refuser de donner des autorisations de transport pour les femelles à ce stade de la gestation.
Mais, pour le reste, faisons attention : en adoptant des amendements comme ceux-ci sur la limitation de la durée du transport d’animaux vivants, vous tuez le Salon de l’agriculture ! En effet, comme il faut bien évidemment plus d’une dizaine d’heures en camion pour rejoindre Paris depuis un territoire très éloigné comme la Savoie ou le fond du Pays basque, il ne sera plus possible de transporter les animaux pour venir participer à cette grande vitrine internationale qu’on appelle la ferme France.
C’est pourquoi nous avons veillé, dans le plan d’action prioritaire en faveur du « bien-être animal », à faire en sorte, pour ce qui concerne les conditions de transport, d’assurer le bien-être des animaux, et à permettre aux associations de se porter partie civile après des contrôles officiels relevant des manquements au bien-être animal.
J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements, qui font de la surtransposition. Un travail est à faire sur les femelles gravides aux deux tiers de la gestation, car cela semble être une mesure de bon sens. Mais, encore une fois, il faut faire attention à ne pas limiter le transport pour le reste des animaux vivants. J’ai pris l’exemple du Salon de l’agriculture,…
M. Didier Guillaume. C’est un bon exemple !
M. Stéphane Travert, ministre. … mais je pense aussi au transport d’animaux vivants vers d’autres pays pour lesquels les temps de transport sont un peu plus longs. Il faut bien évidemment prendre toutes les précautions, mais aussi veiller à ne pas tuer des pans entiers de notre économie tournés vers l’exportation ni les grands rassemblements ou rendez-vous comme le Salon de l’agriculture.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Monsieur le ministre, je voudrais vous poser deux questions.
J’ai assisté hier matin, avec quelques-uns de nos collègues parlementaires, à un colloque traitant de ces questions. Le représentant des transporteurs qui était présent – il était d’ailleurs très intéressant de l’entendre – nous a dit que la réglementation sur le temps de travail des chauffeurs était incompatible avec celle sur le transport des animaux vivants. Il nous a en outre indiqué qu’il alertait l’administration depuis, de mémoire, plus de dix ans sur ce sujet sans avoir eu de réponse.
Je voudrais savoir si cette question vous avait été communiquée et ce qu’en pense l’administration. Je n’ai pas eu le temps, depuis hier, de vérifier ces éléments d’un point de vue technique, mais il faut nous interroger sur l’incompatibilité entre les deux réglementations, qui conduit, semble-t-il, au non-respect de l’une des deux.
Ensuite, j’entends bien tout ce qu’on nous dit sur les améliorations possibles et les contraintes qui s’imposent aux uns et aux autres en matière de transport, mais j’aimerais connaître les moyens de contrôle réellement mis en œuvre par l’administration.
C’est une bonne chose d’édicter un certain nombre de règles, mais on est tout de même beaucoup plus rassuré quand des contrôles réguliers et efficaces confirment que tout se passe bien. Pour tout vous dire, ce n’est pas ce que nous avons entendu encore récemment.
Je souhaiterais que vous puissiez, monsieur le ministre, si ce n’est aujourd’hui, du moins plus tard – car j’imagine bien qu’un certain nombre de vérifications doivent être faites –, nous apporter des éléments de précision sur ces deux questions.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Travert, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez raison de poser la question des temps de transport des animaux et des temps de conduite pour les chauffeurs.
Vous savez que les temps de conduite sont contrôlés par la police et la gendarmerie grâce au disque. Quant aux temps de transport des animaux, ils le sont par la DGAL, la direction générale de l’alimentation. Un travail est donc effectué de ce côté-là.
La question que vous soulevez nous est régulièrement posée : c’est la raison pour laquelle des contrôles sont effectués. Vous devez voir comme moi, si vous voyagez souvent, des camions de transport d’animaux, de volailles, arrêtés pour permettre le contrôle, à la fois, du temps de route du chauffeur avec la vérification du disque et de la durée de transport entre le lieu de départ et la destination pour les animaux.
Aujourd’hui, dans les départements, 3 965 agents travaillent à ces contrôles pour toute la chaîne alimentaire, auxquels s’ajoutent 535 agents dans les régions.
J’ajouterai que, pour toutes les questions sanitaires, qui préoccupent aujourd’hui la société, nous avons prévu une augmentation de 12 millions d’euros dans le budget pour 2018, parce que nous considérons que ces sujets sont absolument essentiels. Parmi ces questions figurent les contrôles relatifs au bien-être animal. Nous allons encore renforcer, au travers de ce projet de loi, les moyens dont nous disposons pour travailler à cette question.
J’espère avoir répondu à vos questions, monsieur le sénateur.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 208 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 113 rectifié sexies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 599 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol, MM. Cabanel et Montaugé, Mmes Bonnefoy et Artigalas, MM. Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Cartron et M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, M. Roux, Mme Taillé-Polian, M. Tissot, Mme Tocqueville, MM. Kanner et Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 4 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code rural et de la pêche maritime est complétée par un article L. 214-… ainsi rédigé :
« Art. L. 214-… – Pour les transports d’animaux au départ du territoire français et à destination de pays tiers de l’Union européenne, les conditions particulières suivantes s’appliquent :
« 1° Un accord de partenariat entre la France et le pays tiers de destination encadre la protection des animaux durant le transport, l’abattage et les opérations annexes. Il encadre l’application des recommandations relatives au bien-être animal durant l’élevage, le transport et l’abattage, de l’Organisation mondiale de la santé animale dans le pays de destination ;
« 2° L’organisateur de transport dispose d’un certificat pour l’exportation délivré par les autorités compétentes permettant de garantir que le traitement et l’abattage des animaux exportés au sein du pays importateur sont conformes aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé animale relatives au bien-être animal jusqu’au point d’abattage. L’organisateur de transport doit justifier d’une traçabilité complète de la chaîne logistique dans le pays de destination, du transport à l’abattage des animaux exportés, appuyé d’un audit indépendant des standards de bien-être animal appliqués.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Cet amendement, déposé par Mme Rossignol, tend à introduire un encadrement spécifique des exportations d’animaux vivants vers des pays hors de l’Union européenne, par l’obligation d’introduire dans les accords de partenariat avec les pays de destination des clauses encadrant la protection des animaux dans ces pays, ainsi que la mise en place d’un certificat à l’export sur le modèle australien.
En effet, chaque année, environ 3 millions d’animaux sont exportés de l’Union européenne vers des pays tiers, notamment vers l’Afrique et le Moyen-Orient. La France figure parmi les premiers exportateurs, principalement vers les pays d’Afrique du Nord.
La réglementation européenne relative à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes s’applique théoriquement aux animaux même lorsqu’ils ont quitté l’Union européenne.
Pourtant, une fois franchies les frontières de l’Europe, la réalité est tout autre : les voyages peuvent durer jusqu’à 14 jours dans des conditions d’extrême densité de chargement, sous des chaleurs dépassant parfois les 40 degrés, sans temps de repos approprié, ni suffisamment de nourriture ou d’eau ; l’engraissement et l’abattage à l’arrivée se déroulent dans des conditions qui, pour la plupart, sont contraires aux standards internationaux de l’Organisation mondiale de la santé animale, l’OIE.
Depuis 2011, à la suite de nombreux scandales relatifs aux conditions de traitement des animaux dans les pays de destination, l’Australie a mis en place un système assurantiel, qui exige des exportateurs de garantir que les animaux seront traités à l’arrivée en conformité avec les recommandations de l’OIE sur le bien-être animal.
Le présent amendement s’inspire de l’exemple australien, en prévoyant un encadrement des règles d’exportation des animaux vivants vers des pays hors de l’Union européenne.