M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement étant pratiquement identique aux précédents, je considère qu’il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Ces amendements nous ont semblé avoir pour objet principal de servir de support à l’inclusion des produits issus de ces petites fermes dans les 50 % visés dans la rédaction initiale de l’article 11. Compte tenu des modifications que nous avons apportées à cet article, cette définition n’a plus de raison d’être.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Cécile Cukierman. C’est expliqué dans notre amendement, monsieur le ministre !
M. Stéphane Travert, ministre. Une ferme de cent cinquante vaches, actuellement, sur notre territoire, peut être considérée comme une petite ferme, par rapport aux fermes-usines que l’on trouve au Brésil ou en Ukraine. Je ne crois pas qu’il faille, aujourd’hui, donner une définition de ce qu’est une ferme, qu’elle soit petite ou grande.
Nos concitoyens souhaitent que nos exploitations agricoles soient compétitives, qu’elles fonctionnent, qu’elles puissent nourrir leurs propriétaires, et qu’elles soient respectueuses des hommes, de leur environnement et des animaux. Pour atteindre ces objectifs, on n’a pas besoin de définir un type ou une taille de ferme.
Notre pays a en revanche besoin de la diversité agricole, qui est faite de grandes exploitations comme de plus petites. Ce qui m’importe, pour les petites exploitations, c’est que ceux qui l’exploitent puissent trouver les débouchés commerciaux nécessaires pour vivre en fonction de leurs besoins. Je suis évidemment très attaché au modèle français d’exploitation familiale.
J’ajouterai également que la petite taille d’une ferme ne garantit pas forcément que les produits qui en sont issus constituent une alimentation saine et durable. Il existe de toutes petites exploitations qui pratiquent de la transformation et où les contrôles sanitaires révèlent parfois de bien mauvaises surprises. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Dominique de Legge. C’est vrai !
M. Stéphane Travert, ministre. L’ensemble des exploitations est touché par ces problèmes.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Tissot. Manifestement, monsieur le ministre, nous sommes allés trop vite dans notre explication ; je m’excuse de devoir allonger les débats, mais nous expliquons de manière claire ce qu’est une petite ferme dans nos amendements : « Son chiffre d’affaires hors taxes, incluant la moyenne triennale des aides de la politique agricole commune du premier pilier, est inférieur à 50 000 euros pour une unité de travail annuel »…
M. Pierre Louault. On ne peut pas vivre avec cela !
M. Jean-Claude Tissot. Je suis un exemple vivant, mon cher collègue, de ce type de ferme ! J’y ai très bien élevé quatre enfants, qui ont fait des études brillantes que j’ai pu payer avec le revenu de mon exploitation et le travail de mon épouse, infirmière. (Exclamations.) Voulez-vous encore voir ma déclaration de revenus ?
Je reprends le cours de notre définition des petites fermes : « 62 500 euros pour 1,5 unité de travail annuel, 75 000 euros pour deux unités de travail annuel, 100 000 euros pour trois unités de travail annuel, 125 000 euros à partir de la quatrième unité de travail annuel et au-delà. Les cotisants solidaires et la pluriactivité sont pris en compte tant que leur revenu, inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance, ajouté au chiffre d’affaires est inférieur aux plafonds ci-dessus ;
« La moyenne triennale du montant maximum d’aides du premier pilier de la politique agricole commune est de 15 000 euros pour une unité de travail annuel, de 20 000 euros pour deux unités de travail annuel et au-delà ;
« Une surface agricole utile maximum, hors landes et parcours, inférieure à trente hectares pour une unité de travail annuel, quarante hectares pour deux unités de travail annuel, cinquante hectares pour trois unités de travail annuel, soixante hectares pour quatre unités de travail annuel et au-delà. »
Vous m’avez interpellé, mon cher collègue, soutenant qu’il serait impossible de vivre d’une petite ferme. C’est complètement faux ! J’ai vécu de mon exploitation de 45 hectares – 55 hectares sur la fin. J’en tirais 35 000 euros d’excédent brut d’exploitation. Certes, c’est moins élevé qu’une indemnité de sénateur, mais cela permet tout de même de vivre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Joël Labbé applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je trouve exceptionnel d’avoir ce débat alors qu’un amendement identique a été adopté par le Sénat, comme l’a rappelé Guillaume Gontard, lors de l’examen de la loi Montagne.
M. Michel Raison, rapporteur. Par accident !
Mme Cécile Cukierman. En effet, les élus de la montagne – je me revendique moi-même comme telle, je participe aux réunions de l’ANEM, l’Association nationale des élus de la montagne, et je porte certaines de leurs revendications – connaissent la fragilité de certaines fermes de leurs massifs ; il faut les protéger !
Nous nous plaçons au-delà des grands discours et des disputes sur l’expérience de tel ou tel d’entre nous : nous avons tous des expériences locales, nous avons tous un ancrage territorial !
Lors de l’examen de la loi Montagne, les élus de la montagne présents dans cet hémicycle ont souhaité aller un peu plus loin que la loi, dans le domaine réglementaire, afin de revaloriser, de protéger et de sécuriser l’agriculture de montagne, en redéfinissant les petites fermes.
Monsieur le ministre, votre réponse n’est pas honnête ! Vous n’êtes pas honnête, parce que la définition des petites fermes est présente dans nos amendements. Jean-Claude Tissot vous l’a lue à l’instant. Ne nous dites donc pas que vous ne savez pas ce qu’est une petite ou une grande ferme ! À vous entendre, c’est la fête au village, chacun fait la ferme à la taille qu’il veut ! Bien évidemment, nous le savons.
Depuis que nous avons entamé l’examen de ce texte, notre débat porte sur l’objet même de la loi qui sortira de nos travaux. Protégera-t-elle celles et ceux qui – paysans ou agriculteurs, on les appellera comme l’on veut, je ne veux pas entrer dans ce débat – travaillent au quotidien et doivent en tirer un revenu décent ?
L’État et le législateur que nous sommes ont la responsabilité de se pencher, à un moment donné, sur le sort des plus petits et des plus faibles. Je ne pense pas être gauchiste ou vouloir faire la révolution en disant cela. Il nous faut tendre vers la protection de celles et ceux qui, au vu de la situation de leur exploitation et des rapports de force avec la grande distribution, évoqués tout au long de la journée d’hier, seront demain les premiers lésés, les premiers à en payer les conséquences.
Voilà le sens de cet amendement. Nous avions adopté un amendement identique lors de l’examen de la loi Montagne : j’appelle au moins les élus de la montagne à s’en souvenir. (M. Guillaume Gontard applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Certains d’entre nous ne connaissent pas ce qui a été mis en place dans nos territoires.
Chère collègue, vous n’avez pas de chance, je suis moi aussi de la montagne ! Tous nos territoires ont une histoire, qui n’est pas venue de nulle part. Je pense au principe de la surface minimum d’installation, ou SMI, qui prend en compte, en France, la diversité de nos territoires ; je puis vous assurer que, par rapport aux autres pays de l’Union européenne, cette surface n’a rien de monstrueux.
Je suis par ailleurs surpris, chère collègue, que cette intervention vienne de votre groupe. Nous étions quasi unanimes, au Sénat, lors de notre débat sur les retraites agricoles. Il ne faut pas raconter d’histoires aux agriculteurs !
Mme Cécile Cukierman. Je n’en raconte jamais !
M. Daniel Gremillet. Pardonnez-moi, mais, dans le cas présent, si ! On ne peut pas imaginer avoir une retraite décente et revivre ce qu’ont vécu, hélas, nos parents avec le système du forfait.
Aujourd’hui, l’agriculture bénéficie d’une certaine solidarité, qui n’a été largement partagée de cette manière que dans peu de professions. Cela permet de faire en sorte que les plus fragiles puissent exister. Peu de professions ont été capables de le faire ; l’agriculture, encore en 2018, le fait !
Enfin, chère collègue, vous avez mentionné les zones défavorisées, un sujet que nous avons déjà évoqué. Nous avions d’ailleurs adopté un amendement, presque à l’unanimité, à la suite de la proposition de notre collègue Franck Montaugé sur ces zones.
Vous avez oublié d’évoquer les compensations de handicap, qui viennent compléter le chiffre d’affaires. On peut donc additionner les points sur lesquels il faut être très honnête : je pense notamment à la capacité de vivre de son métier, par rapport à l’économie d’un territoire.
Mme Cécile Cukierman. Cela n’a aucun rapport !
M. Daniel Gremillet. Là encore, vous parlez de diversité dans nos territoires…
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas le sens de notre amendement !
M. Daniel Gremillet. Je ne vous ai pas interrompue, chère collègue.
Mme Cécile Cukierman. Je ne dis pas que vous avez tort !
M. Daniel Gremillet. Et je ne dis pas que j’ai raison ! Je veux simplement souligner qu’il est aujourd’hui nécessaire de prendre en compte les réalités des territoires, ce que ne font pas les auteurs de ces amendements. Encore une fois, on est ici hors du cadre de nos responsabilités de législateur.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote. (Marques de lassitude sur diverses travées.)
M. Guillaume Gontard. Nous venons de recevoir une sorte de leçon. Mes chers collègues, revenons-en aux bases : vous aviez adopté un tel amendement à l’unanimité !
Je suis moi aussi élu de la montagne. On se donne des leçons sur l’expérience de chacun ou sur le cumul des mandats. Eh bien, j’ai été maire ; nous n’avons donc pas de leçons à recevoir. Chacun d’entre nous travaille dans ses territoires.
Dans le mien, la totalité des exploitations sont des petites fermes. Ce n’est pas le seul territoire à vivre de la sorte, notamment en montagne. C’est d’ailleurs pourquoi cet amendement est porté par l’ANEM. Oui, dans de tels territoires, il faut donner un petit coup de pouce aux agriculteurs, car leur vie n’est pas si facile.
On peut donc reconnaître ce type d’exploitations. Tel est le sens de ces amendements, et je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi ils ne font pas l’unanimité dans cet hémicycle. (M. Joël Labbé applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je veux apporter une précision sur la disposition qui avait été adoptée par le Sénat au sujet des petites exploitations.
Il s’agissait d’intentions sur des soutiens possibles. Les amendements qui nous sont proposés à présent sont différents ! Ils visent plutôt à définir les petites fermes. J’imagine que, ensuite, on attend des soutiens différents, mais il faut faire les choses honnêtement. On passe par la définition pour aboutir, ensuite, à des politiques publiques, mais il faut le dire ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Il faudrait que des politiques publiques viennent accompagner ces petites fermes. Tout un mécanisme se mettrait donc en place à la suite de cet amendement ; ce serait un mécanisme pour l’avenir.
Mme Cécile Cukierman. Alors, on ne peut plus aider les petites fermes !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je rejoins les propos de notre collègue Daniel Gremillet : il existe déjà, aujourd’hui, des dispositifs dans les politiques publiques, qu’elles soient françaises ou européennes, pour venir au secours des fermes les plus petites. Elles seraient selon moi redondantes avec les mesures que les auteurs de ces amendements essaient de faire adopter.
J’estime donc que nous pourrions cesser de débattre sur cette question. Nous avons consacré beaucoup de temps à ces propositions, qui sont, selon moi, orthogonales avec les décisions que nous avions adoptées.
M. Pierre Cuypers. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 192 et 467 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 654 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 25, présenté par Mme Espagnac, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 317 rectifié, présenté par Mme Gatel, M. Le Nay, Mme Joissains et MM. Janssens, Capo-Canellas, Canevet, Delcros, Poadja et de Legge, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le 2° de l’article L. 640-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« – la mention “démarche agricole de progrès nutritionnel” ; »
2° Après l’article L. 641-19-1, il est inséré un article L. 641-19-… ainsi rédigé :
« Art. L. 641-19-… – Sans préjudice des réglementations communautaires ou nationales en vigueur à la date de promulgation de la loi n° … du … pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, peuvent bénéficier de la mention “démarche agricole de progrès nutritionnel” les produits agricoles ou alimentaires qui sont produits selon la démarche agricole d’amélioration de la qualité nutritionnelle des aliments dont l’intérêt est reconnu par les ministères de la santé et de l’environnement et qui satisfont aux conditions définies par les cahiers des charges homologués par arrêté du ou des ministres concernés.
« Un décret fixe les conditions dans lesquelles est délivrée cette mention valorisante. »
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Notre amendement a pour objet certains signes de qualité, en particulier, la filière Bleu-Blanc-Cœur, que ma collègue Françoise Gatel et moi-même souhaitons soutenir, parce qu’elle représente 7 000 agriculteurs.
Il lui a trop souvent été objecté qu’il y avait déjà assez de signes de qualité, entre l’agriculture biologique, les labels rouges et les appellations d’origine contrôlée. Or aucun des signes de qualité ou labels actuels ne couvre le terrain de la nutrition et de son lien au mode de production agricole. La démarche portée par Bleu-Blanc-Cœur répond pourtant aux aspirations des éleveurs comme à celles des consommateurs pour les produits de l’élevage français ; il s’agit de croiser une préférence alimentaire nationale avec des qualités intrinsèques améliorées et reconnues.
En effet, le lien entre le mode de production agricole, la densité nutritionnelle des produits et le développement de certaines maladies n’est plus à prouver. Des études ont été réalisées par l’AFSSA et l’ANSES à ce sujet.
Cette filière incarne un mode de production figé dans un cahier de charges et contrôlé par un organisme tiers accrédité et indépendant ; c’est une obligation de moyens. Ce mode de production produit une qualité nutritionnelle mesurable et mesurée systématiquement ; c’est une obligation de résultat.
Elle est en lien avec une amélioration de la nutrition et de la santé humaine, ce qui contribue, à consommation égale, à atteindre les objectifs nutritionnels définis par les apports nutritionnels conseillés de l’ANSES et du programme national nutrition santé, selon des éléments fournis par des études cliniques dédiées et publiées dans la presse scientifique à comité de lecture ou, a minima, par une bibliographie abondante et expertisée.
Cette filière doit pouvoir trouver son application dans le dispositif que nous proposons.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Cet amendement vise à créer une nouvelle mention valorisante, baptisée « démarche collective d’agriculture à intérêt nutrition et environnement » ou « démarche agricole de progrès nutritionnel », qui bénéficierait essentiellement à la démarche privée Bleu-Blanc-Cœur.
Ces démarches peuvent tout à fait entrer dans le processus de certification au titre d’une démarche valorisante existante. Il ne nous semble pas nécessaire de multiplier les démarches valorisantes au gré des demandes des uns et des autres, au risque de créer une confusion et d’affaiblir la légitimité des démarches existantes.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Au travers de cet amendement, monsieur le sénateur, vous voulez créer une nouvelle mention valorisante.
Je voudrais quant à moi rappeler, concernant les allégations nutritionnelles, que seules celles qui sont reconnues par la Commission européenne, après une évaluation par les agences sanitaires, peuvent être mises en place. On est là dans le domaine du droit communautaire. Cette procédure est nécessaire pour éviter la tromperie des consommateurs. Par ailleurs, il est nécessaire d’évaluer ces allégations d’un point de vue scientifique.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Canevet, l’amendement n° 317 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 317 rectifié est retiré.
L’amendement n° 301 rectifié, présenté par MM. Dennemont, Patient et Marchand, Mme Schillinger et M. Yung, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À partir du 1er septembre 2019, la teneur en acides gras trans industriels des huiles et des graisses ne doit pas excéder 2 g par 100 grammes d’huile ou de graisse dans les repas et aliments de la restauration collective publique.
À partir du 1er septembre 2020, la présence des acides gras trans industriels des huiles et des graisses est interdite dans les repas et aliments de la restauration collective publique.
Sont définis comme acides gras trans industriels les huiles et les gras qui ont été hydrogénés, mais sans qu’ils parviennent à la saturation complète ou quasi complète et dont l’indice d’iode est supérieur à 4.
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Les acides gras trans industriels sont issus d’un procédé permettant d’avoir des graisses plus faciles à utiliser, qui s’oxydent moins et se conservent donc plus longtemps. On les retrouve aussi, sans le savoir, dans de nombreux produits alimentaires transformés, mes chers collègues, tels que votre croissant de ce matin ou votre quiche surgelée de tout à l’heure.
Si cette trouvaille industrielle présente de nombreux avantages fonctionnels, elle comporte aussi un désavantage majeur pour la santé de tous.
Ainsi, l’Organisation mondiale de la santé a calculé que ces acides gras sont responsables de 500 000 décès par an. Ils augmentent sensiblement le risque de cardiopathie, même à faibles doses, et ont des conséquences importantes sur la survenue de cancers, l’apparition du diabète, le développement fœtal et bien d’autres choses encore.
L’OMS appelle purement et simplement à leur interdiction d’ici à 2023. Nombre de pays ont déjà agi en ce sens : le Danemark, la Lettonie, les États-Unis, ou encore le Canada, pour ne citer qu’eux. Aussi, je propose que la France aille dans le même sens.
Nous pouvons facilement faire un premier pas en les limitant, puis en les supprimant, dans la restauration collective publique en deux ans, afin de laisser aux différents acteurs le soin de s’organiser. Peut-être pourrons-nous, dans un second temps, élargir cette proposition pour les supprimer complètement des aliments achetés et vendus en France.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. La présence excessive d’acides gras trans dans l’alimentation constitue en effet, nous le savons tous, un enjeu de santé publique.
Néanmoins, avant d’envisager une limitation dans la restauration collective publique dès 2019, puis une interdiction totale en 2020, il conviendrait de disposer d’éléments fiables d’analyse, qui mesureraient à la fois l’opportunité, ne serait-ce qu’en matière de taux maximal, de cette mesure, et sa faisabilité technique et financière, tant pour les industriels que pour les acheteurs publics.
Je vous demande donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Madame la sénatrice, un croissant le matin et une quiche le midi, je ne sais pas si c’est très équilibré ! Il faudrait qu’une nutritionniste vienne consulter au Sénat ! (Sourires.)
Mme Cécile Cukierman. Cela dépend aussi des sports que l’on pratique !
M. Stéphane Travert, ministre. Plus sérieusement, madame Schillinger, vous avez raison quant aux acides gras et à certains produits présents dans nos aliments. Nous devons travailler pour diminuer leur teneur : c’est la mission du programme national nutrition santé, dont la nouvelle version sera publiée au début de 2019, après une phase de concertation que nous allons bientôt ouvrir, afin de définir des objectifs à la fois pour l’ensemble de la population et pour les convives de la restauration collective.
Nous allons d’ailleurs créer, dans les semaines à venir, le Conseil national de la restauration collective, qui nous permettra, lui aussi, de progresser dans ce domaine.
Je vous demande donc à mon tour, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Madame Schillinger, l’amendement n° 301 rectifié est-il maintenu ?
Mme Patricia Schillinger. Il s’agissait bien d’un amendement d’appel, mais ce que peuvent faire d’autres pays, la France peut largement le faire aussi ! Je compte vraiment sur vous dans les mois à venir, monsieur le ministre, pour répondre à nos demandes.
Cela dit, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 301 rectifié est retiré.
L’amendement n° 361 rectifié, présenté par MM. Patient, Karam, Théophile, Mohamed Soilihi, Hassani et Dennemont, Mme Rauscent et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les pistes envisageables pour créer pour les collectivités de l’article 73 de la Constitution un label outre-mer, pour favoriser et permettre d’identifier l’origine et la qualité de la production locale.
La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Cet amendement vise à mettre en place un label outre-mer, aux côtés des labels nationaux existants. Ce nouveau label permettra au consommateur d’identifier l’origine des produits et de les différencier des produits importés, notamment du point de vue des normes sanitaires, sociales et environnementales. Cela représenterait un soutien pour les agriculteurs de nos territoires ultramarins.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Mon cher collègue, les productions ultramarines peuvent déjà bénéficier d’une mention valorisante définie par le droit français, la mention « produits pays », et d’un label défini par le droit européen, celui des régions ultrapériphériques. Votre objectif me semble donc satisfait.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Nous sommes attachés à la valorisation des productions ultramarines. Ce matin même, après les assises de l’outre-mer, nous avons eu à l’Élysée une session de speed dating : nous avons pu rencontrer des porteurs de projets et des chefs d’entreprise, de manière à valoriser leurs savoir-faire et des productions agricoles de qualité. Là aussi, nous avons un travail à faire !
J’ai confié au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, ou CGAER, une mission sur cette question relative aux territoires ultramarins. Bien évidemment, nous en attendons les conclusions pour pouvoir continuer à avancer.
Nous comptons également sur les plans de filières que nous avons mis en place. Lors d’un déplacement que j’avais accompli aux Antilles, nous avions travaillé sur la structuration des filières, notamment de l’élevage et des produits végétaux. Il s’agit de structurer une offre beaucoup plus importante.
Je vous demande donc, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Théophile, l’amendement n° 361 rectifié est-il maintenu ?
M. Dominique Théophile. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 339 rectifié ter, présenté par Mmes Préville et Taillé-Polian, M. Tissot, Mme Lienemann, M. Jomier, Mmes Grelet-Certenais et G. Jourda, MM. Duran, Marie, Kerrouche et J. Bigot, Mmes Meunier, Conway-Mouret, Lepage et Guillemot, M. Madrelle, Mmes Espagnac, Jasmin, Ghali et Féret et MM. Tourenne, Antiste, Courteau, Roger et Gontard, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À titre expérimental, pour une durée de trois ans après la promulgation de la présente loi, l’État autorise les collectivités territoriales qui le demandent à rendre obligatoires l’affichage de la composition des menus et l’affichage du logo Nutri-score par plat dans les services de restauration collective dont elles ont la charge.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, et notamment la liste des collectivités territoriales concernées par l’expérimentation.
L’expérimentation fait l’objet d’une évaluation dont les résultats sont transmis au Parlement au plus tard six mois avant son terme.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Cet amendement vise à réintroduire l’expérimentation aux termes de laquelle l’État autorise les collectivités qui le souhaitent à rendre obligatoire l’affichage de la composition des menus dans les services de restauration collective dont elles ont la charge. Expérimenter, c’est imaginer, c’est ouvrir des possibles, et les expérimentations réservent parfois de belles surprises !
Cet affichage est certes déjà mis en place dans nombre d’établissements, mais il s’agit bien entendu ici de créer un cercle vertueux et d’obtenir une évaluation concrète de ces dispositifs, qui serait transmise au Parlement.
Il s’agirait d’un engagement fort au diapason avec les vœux de nos concitoyens, qui sont de plus en plus nombreux à être soucieux de leur alimentation.
Pour que le consommateur soit en mesure d’effectuer un véritable choix, incitons les collectivités désireuses de participer à cette expérimentation à lui indiquer si les produits sont locaux, surgelés, biologiques, ou encore en boîte. La restauration scolaire, en particulier, répond à une double exigence de maintien de la qualité nutritionnelle des repas et d’information des parents et des enfants.
L’amendement vise à ajouter à cette expérimentation l’affichage du logo Nutri-Score sur chaque plat. Cette proposition s’inscrit dans la volonté de sensibiliser à l’alimentation de qualité, dans une logique d’éducation des enfants.
L’alinéa 7 de l’article 11 undecies prévoit de « favoriser l’acquisition pendant l’enfance et l’adolescence d’une culture générale de l’alimentation ». Allons dans ce sens et passons aux travaux pratiques ! Quoi de plus ludique pour un jeune enfant qu’un logo doté d’un code couleurs pour se familiariser avec les enjeux de sa santé ?
Rappelons-nous les problèmes préoccupants d’obésité et de diabète chez les jeunes enfants. Si nous voulons que la situation change, faisons en sorte que les enfants eux-mêmes puissent faire des choix : c’est une démarche très positive, éducative, qui n’a rien de punitif et qui impliquera d’autant plus les enfants qu’ils en seront les acteurs.
Mes chers collègues, les fabricants et distributeurs du secteur alimentaire qui s’engagent à utiliser ce logo doivent d’ores et déjà transmettre les données à la section nutritionnelle de l’Observatoire de l’alimentation dont la mise en œuvre est confiée à l’Institut national de la recherche agronomique et l’ANSES.
Cette mesure ne sera ni coûteuse ni chronophage. Elle permettra aux gestionnaires de la restauration de répondre aux attentes de nos concitoyens.