M. Dominique Théophile. Cet amendement a pour objet de mettre le programme national pour l’alimentation en cohérence avec les engagements de la France en faveur du climat.
Il est nécessaire d’intégrer les exigences d’une politique de lutte contre les changements climatiques dans nos modes de production et de transformation. Améliorer la qualité de l’offre, c’est l’améliorer sur le plan nutritionnel, mais aussi sur le plan environnemental. L’inscription de ces nouveaux objectifs dans le texte serait un signal très fort.
Mme la présidente. L’amendement n° 105 rectifié sexies, présenté par MM. Decool, Bignon, Capus, Chasseing, Fouché, Lagourgue, Guerriau et Malhuret, Mme Mélot, MM. Wattebled, Vogel et Paul, Mme Goy-Chavent, MM. Daubresse, Dennemont, Delcros et Marchand et Mme Rauscent, est ainsi libellé :
Avant l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 111-2-2 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’ensemble de l’enveloppe du programme national pour l’alimentation présente des critères environnementaux et de nutrition favorisant l’atteinte des objectifs français de lutte contre les changements climatiques, de lutte contre la déforestation importée et de préservation de la biodiversité. »
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement vise à mettre le programme national pour l’alimentation en cohérence avec les objectifs de lutte contre le changement climatique, de lutte contre la déforestation importée et de préservation de la biodiversité.
L’article L. 230-1 du code rural et de la pêche maritime ne prévoit en effet aucune action dans le domaine de la lutte contre le changement climatique, alors que le secteur agricole et alimentaire représente le tiers des émissions françaises de gaz à effet de serre.
Au lendemain des accords de Paris, la politique alimentaire française doit prendre en compte la contrainte climatique pour pouvoir être intégrée à la stratégie de lutte contre le changement climatique. Aujourd’hui déjà, la politique agricole nationale se fonde sur quatre axes sociétaux : la lutte contre le gaspillage alimentaire, l’ancrage territorial, la justice sociale et l’éducation.
En 2016, les questions environnementales ont été prises en compte au titre de la politique agricole nationale. Toutefois, seulement un quart des financements de cette politique est consacré à cet axe de travail environnemental. Il convient donc de préciser que l’ensemble des programmes financés dans le cadre de la politique agricole nationale doit tenir compte de critères environnementaux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur de la commission des affaires économiques. Ces trois amendements visent à intégrer, sous des formes différentes, divers objectifs environnementaux au sein du programme national pour l’alimentation. Leur dispositif est assez éloigné de l’objet de ce programme, qui, du reste, comporte déjà de nombreux objectifs en lien avec l’alimentation. La commission est donc plutôt défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Ces amendements soulèvent des enjeux légitimes, en cohérence avec les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat, mais ils sont d’ores et déjà pour partie satisfaits.
Au titre des finalités de la politique de l’alimentation, le programme national pour l’alimentation prévoit déjà de tenir compte de la protection de l’environnement et des paysages, ainsi que de l’atténuation et de l’adaptation aux changements climatiques. L’actuel programme national pour l’alimentation contribue aux efforts de développement durable au travers des projets alimentaires territoriaux, en particulier en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire.
Il n’est en aucun cas envisageable de réserver les crédits du programme national pour l’alimentation à ces seuls enjeux, d’autant qu’il existe déjà des plans spécifiques destinés à soutenir la lutte contre le changement climatique.
Pour ces raisons, je suis défavorable aux amendements nos 306 rectifié et 105 rectifié sexies. Par ailleurs, je demande à M. Théophile de bien vouloir retirer l’amendement n° 637 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote sur l’amendement n° 105 rectifié sexies.
M. François Patriat. Mieux manger et faire de notre modèle alimentaire une force pour l’avenir, telles sont les deux objectifs du programme national pour l’alimentation.
Au moment où pèse sur l’agriculture une responsabilité nouvelle, celle de lutter contre le changement climatique, cet amendement tend à inscrire des critères environnementaux au cœur de la politique publique de l’alimentation.
Depuis le début de son action, le Gouvernement a fait le choix d’une politique volontariste en matière environnementale et climatique, au niveau tant national qu’international. Ce combat pour la planète est au cœur de l’évolution de notre modèle productif ; il doit être au cœur de notre politique alimentaire.
Notre amendement, qui a été présenté par Dominique Théophile et qui vient d’être rejeté, visait à faire de ce combat l’un des axes du programme national pour l’alimentation. Il nous paraissait important de mettre en adéquation les ambitions agricole et environnementale du Gouvernement. Cependant, il n’est pas envisageable de cibler l’intégralité de cette politique sur ce seul enjeu. En effet, la politique alimentaire doit notamment permettre de lutter pour davantage de justice sociale, ou encore de mettre en valeur notre patrimoine alimentaire. Nous voterons donc contre l’amendement n° 105 rectifié sexies.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 105 rectifié sexies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 106 rectifié sexies est présenté par MM. Decool, Bignon, Capus, Chasseing, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Malhuret et A. Marc, Mme Mélot, MM. Wattebled, Vogel et Paul, Mme Goy-Chavent, MM. Daubresse, Dennemont, Hassani, Moga, Delcros et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires.
L’amendement n° 307 rectifié est présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3231-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le programme national relatif à la nutrition et à la santé respecte les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone. » ;
2° Le troisième alinéa est complété par les mots : « ainsi que sur les enjeux environnementaux et climatiques » ;
3° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – ainsi que l’éducation, l’information et l’orientation au sein de l’éducation nationale, de l’enseignement professionnel et de l’enseignement agricole, notamment par le biais de recommandations en matière nutritionnelle, y compris portant sur l’activité physique et sur les enjeux environnementaux et climatiques ; ».
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour présenter l’amendement n° 106 rectifié sexies.
M. Jean-Louis Lagourgue. Cet amendement tend à mettre en cohérence le programme national relatif à la nutrition et à la santé avec les objectifs de lutte contre le changement climatique, tels qu’inscrits dans la stratégie nationale bas carbone.
Il comporte deux mesures : l’inscription des engagements climatiques et environnementaux dans le programme national relatif à la nutrition et à la santé ; le renforcement des mesures d’éducation et d’information sur les enjeux climatiques et environnementaux.
L’article L. 3231-1 du code de la santé publique établit le programme national relatif à la nutrition et à la santé. Cependant, il ne fait pas mention des enjeux climatiques et environnementaux, alors que le secteur agricole et alimentaire est responsable du tiers des émissions françaises de gaz à effet de serre.
La stratégie nationale bas carbone envisage une diminution radicale de ces émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050, dans la perspective des engagements pris au travers de l’accord de Paris. Il convient donc que ces éléments soient intégrés dans le programme national relatif à la nutrition et à la santé. Il se trouve que celui-ci est en cours de révision. L’inscription de ces nouveaux objectifs dans le texte serait donc un signal fort.
En outre, l’amendement tend à renforcer l’éducation à l’alimentation dans les programmes et les activités scolaires et universitaires : sessions sur la nutrition, la protection de l’environnement, la lutte contre la déforestation ou encore le bien-être animal. L’éducation à l’environnement est un enjeu essentiel de la formation des petits et des grands, et doit faire pleinement partie des formations en matière d’alimentation.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 307 rectifié.
M. Guillaume Gontard. Comme le précédent, cet amendement vise à mettre les politiques publiques en cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale bas carbone.
L’adoption de l’amendement n° 307 rectifié permettrait d’envoyer un signal fort dans le cadre de la révision du programme national relatif à la nutrition et à la santé. Soulignons que la recherche d’un meilleur équilibre entre protéines animales et protéines végétales dans l’alimentation est soutenue par le Haut Conseil de la santé publique, qui, dans l’un de ses avis, précise que les légumineuses peuvent être considérées comme des substituts aux viandes et volailles. Il s’agit non pas de supprimer la viande, mais de privilégier la qualité, dans l’intérêt des éleveurs.
Cet amendement vise à inscrire cette orientation dans le code de la santé publique. De plus, il tend à faire de l’éducation à l’alimentation et de la sensibilisation aux enjeux environnementaux et climatiques qui sous-tendent l’alimentation un levier de cette nécessaire transition.
Par cohérence avec les engagements climatiques salués par tous, nous vous invitons donc, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Il s’agit, cette fois-ci, d’intégrer les objectifs environnementaux dans le programme national nutrition santé, le PNNS. Pour les mêmes raisons que précédemment, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Ces amendements visent à modifier le code de la santé publique pour faire converger les objectifs environnementaux et ceux du PNNS. L’objectif premier de ce programme national est l’amélioration de l’état de santé de l’ensemble de la population par une action sur la nutrition. Adopter ces propositions reviendrait à l’affaiblir. En conséquence, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 106 rectifié sexies et 307 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Rappels au règlement
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour un rappel au règlement.
Mme Cécile Cukierman. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 du règlement.
Un de nos amendements à l’article 11 a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Par un courrier resté sans réponse, nous avons demandé au président de la commission des finances de revenir sur cette décision, qui frappe bien trop souvent nos amendements.
L’amendement concerné visait à instaurer, entre autres dispositions, une obligation, pour la restauration collective publique, de proposer au moins 30 % de produits issus de l’agriculture biologique. La commission des finances, se fondant sur des données statistiques, a considéré que les produits issus de l’agriculture biologique étaient de 5 % à 15 % plus chers que ceux qui sont issus de l’agriculture conventionnelle, et qu’un tel surcoût induisait une augmentation des charges publiques.
Nous considérons cette interprétation comme particulièrement hâtive et jugeons que la commission des finances n’a pas envisagé la mesure sous tous les angles.
Cette obligation de recourir à hauteur de 30 % à des produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective ne saurait nécessairement induire une augmentation des charges publiques. Sa mise en œuvre peut tout à fait être envisagée à coût constant, voire à coût réduit.
Tout d’abord, on peut ajuster la composition des menus, par exemple en supprimant un repas carné par semaine, comme cela sera proposé au cours du débat.
Ensuite, on peut s’approvisionner en circuit court, notamment en vente directe, ce qui réduit considérablement les coûts d’approvisionnement.
Une politique de lutte contre le gaspillage alimentaire peut également permettre de substantielles économies de volume, et partant une réduction des achats de denrées alimentaires.
Enfin, les municipalités peuvent accompagner cette démarche par la création de régies municipales agricoles, permettant une production locale de fruits et légumes à même d’approvisionner la restauration collective des établissements publics. C’est le cas de la commune de Mouans-Sartoux, dans les Alpes-Maritimes, qui propose, dans les cantines de ses établissements publics, des menus 100 % bio pour un prix de revient par repas de 1,86 euro, défiant toute concurrence. Nous sommes bien loin des 8 euros que coûte en moyenne aux deniers publics chaque repas de cantine scolaire !
Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, loin d’induire une charge publique supplémentaire, l’adoption de notre amendement pouvait même entraîner une baisse de la dépense publique…
Nous attendons toujours que la commission des finances réponde à notre courrier, par respect pour notre groupe ! Nous restons convaincus que sa décision relève d’une posture dogmatique, visant à empêcher le débat dans l’hémicycle. Nous ne pouvons l’accepter ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – M. Joël Labbé applaudit également.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, madame Cukierman.
La parole est à M. Didier Guillaume, pour un rappel au règlement.
M. Didier Guillaume. Ce rappel au règlement se fonde également sur l’article 36 du règlement.
Je rejoins Mme Cukierman : je pense qu’il s’agit là d’un abus de pouvoir de la commission des finances (Marques d’approbation sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.), comme je l’ai dit à son président, à qui j’ai d’ailleurs proposé de venir répondre en séance à l’interpellation de notre collègue. Il est nécessaire que ce sujet soit mis sur la table !
Il semblerait que la commission des finances prépare un texte visant à supprimer l’application de l’article 40 au Sénat. Je n’y suis pas forcément favorable, mais c’est un autre problème.
Quand un amendement tend clairement à augmenter la dépense publique, l’article 40 s’applique. C’est la règle, qu’elle plaise ou pas ! Mais, dans le cas présent, il s’agit d’une interprétation : recourir à des produits issus de l’agriculture biologique pour la restauration scolaire coûtera forcément plus cher. Or on peut trouver mille exemples qui montrent que ce n’est pas nécessairement vrai !
M. Roland Courteau. Oui !
M. Didier Guillaume. Donc, j’y insiste, c’est un abus de pouvoir de la part de la commission des finances ! Je tenais à faire ce rappel au règlement, dont j’ai prévenu le président de la commission des finances. Celle-ci n’a pas répondu : dont acte, ce n’est pas un drame, mais l’article 40 ne peut être invoqué sur le fondement d’une interprétation. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
MM. Roland Courteau et Joël Labbé. Très bien !
Mme la présidente. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, monsieur Guillaume.
Article 11
Après l’article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime, sont insérés des articles L. 230-5-1 à L. 230-5-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 230-5-1. – I. – Au plus tard le 1er janvier 2022, les repas servis dans les restaurants collectifs dont les personnes morales de droit public ont la charge comprennent une part de 50 % de produits :
« 1° Acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie ;
« 2° Ou issus de l’agriculture biologique au sens du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) n° 2092/91, y compris les produits en conversion au sens de l’article 62 du règlement n° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 portant modalités d’application du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques en ce qui concerne la production biologique, l’étiquetage et les contrôles ;
« 3° Ou bénéficiant d’un ou plusieurs modes de valorisation prévus à l’article L. 640-2 tels que les signes d’identification de la qualité et de l’origine, les mentions valorisantes et la démarche de certification de conformité des produits ;
« 4° Ou bénéficiant de l’écolabel prévu à l’article L. 644-15 ;
« 5° Ou issus d’une exploitation ayant fait l’objet de la certification prévue à l’article L. 611-6 ;
« 6° Ou satisfaisant, au sens de l’article 43 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, de manière équivalente, aux exigences définies par ces signes, mentions, écolabel ou certification.
« II. – (Supprimé)
« III. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’une application progressive du présent article, en fonction de l’évaluation des capacités de production locale des filières agricoles à répondre aux objectifs prévus au I. Il précise également son articulation avec les règles de qualité nutritionnelle des repas prévues par l’article L. 230-5. Il précise enfin la caractérisation et l’évaluation des modalités de prise en compte des coûts imputés aux externalités environnementales liées aux produits pendant son cycle de vie prévues au 1° du I du présent article.
« Art. L. 230-5-2. – L’article L. 230-5-1 est également applicable aux repas servis dans les restaurants collectifs des établissements mentionnés à l’article L. 230-5 dont les personnes morales de droit privé ont la charge.
« Art. L. 230-5-3. – À compter du 1er janvier 2020, les personnes morales de droit public et de droit privé informent, une fois par an, les usagers des restaurants collectifs dont elles ont la charge de la part des produits définis au I de l’article L. 230-5-1 entrant dans la composition des repas servis.
« Art. L. 230-5-4. – Les gestionnaires d’organismes de restauration collective publique servant plus de deux cents couverts par jour en moyenne sur l’année sont tenus de présenter à leurs structures dirigeantes un plan pluriannuel de diversification de protéines incluant des alternatives à base de protéines végétales, dans les repas qu’ils proposent. »
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je voudrais préciser certains de mes propos précédents, tenus notamment à l’adresse de notre collègue Ouzoulias.
Il n’est pas question pour moi de brider le débat. Évidemment, celui-ci doit avoir lieu, notamment sur cet article 11 à l’examen duquel nous allons consacrer, je pense, beaucoup de temps…
Cependant, mon rôle est aussi d’être, en quelque sorte, la gardienne du temps, pour permettre que le débat puisse se tenir jusqu’au bout dans des conditions satisfaisantes, sachant que certains d’entre nous sont confrontés à des difficultés de transports. Il importe que nos échanges puissent se dérouler dans un climat serein.
Monsieur le ministre, je regrette, une fois encore, que nous ayons à examiner aussi rapidement, l’un après l’autre, des textes très importants. Le Parlement n’est pas lent : trois jours pour examiner ce projet de loi, ce n’est pas beaucoup ; trois jours pour discuter de la réforme ferroviaire, ce n’est pas beaucoup ; quatre jours pour étudier le projet de loi sur l’asile et l’immigration, ce n’est pas beaucoup… Je suis gardienne du temps, mais aussi de la qualité de nos échanges : à ce titre, je tiens à dire notre insatisfaction de devoir travailler dans de telles conditions ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, sur l’article.
M. Didier Guillaume. Je vais m’efforcer d’être agréable à la présidente Sophie Primas, en faisant preuve de la plus grande concision possible !
Le débat sur cet article, sur lequel de nombreux amendements ont été déposés, risque d’enflammer notre hémicycle. Pour ma part, je vais essayer d’éviter les postures ; il ne saurait y avoir, d’un côté, les défenseurs absolus, intégristes et dogmatiques du bio, et, de l’autre, les opposants absolus, dogmatiques et intégristes du bio. Cela ne fonctionne pas ainsi !
Nous devons à la fois tenir compte de ce que veulent les agriculteurs – les conversions au bio sont nombreuses et nous assistons à une très nette évolution de l’agriculture vers l’agroécologie – et, à l’autre bout de la chaîne, de ce que veulent les consommateurs, nos concitoyens, à savoir manger des produits de qualité.
Par ailleurs, il n’est pas acceptable de prétendre, dans un tel débat, que l’agriculture biologique mettrait sur le marché de produits de grande qualité, au contraire de l’agriculture conventionnelle.
M. Jean-Paul Émorine. Très bien !
M. Didier Guillaume. Il faut également éviter les faux débats, selon lesquels, par exemple, le bio coûterait trop cher. Cela rejoint l’intervention de Mme Cukierman.
Enfin, je me rappelle que, lors du débat sur le Grenelle de l’environnement dans cet hémicycle, Jean-Louis Borloo, siégeant au banc du Gouvernement, avait annoncé qu’il faudrait atteindre le seuil de 20 % de produits bio dans la restauration collective d’ici à 2020. Nous avions eu sur ce sujet des discussions passionnées, enflammées. C’est impossible, on n’y arrivera pas, entendait-on alors ! En définitive, de nombreux départements et communes incorporent 20 %, 30 %, 40 %, 50 %, voire 100 % de produits issus de l’agriculture biologique dans les menus des cantines qu’ils gèrent.
Mes chers collègues, je ne me pose pas du tout en donneur de leçons, mais essayons de mener ce débat le plus sereinement possible, en défendant nos convictions tout en essayant d’éviter les redites. Sans cela, nous risquons d’y passer beaucoup de temps !
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.
M. François Bonhomme. Nous vivons dans une société de liberté. Cette liberté s’exprime aussi à travers nos choix alimentaires. Or ces choix alimentaires déterminent, pour une part importante, notre espérance et notre qualité de vie.
De ce point de vue, nous avons la chance, en France, d’avoir un modèle alimentaire fort, probablement le plus remarquable qui soit. Néanmoins, depuis une trentaine d’années, progressivement, parfois insidieusement, ce modèle est remis en cause et fragilisé.
Certes, le développement des magasins de grande surface, proposant des assortiments gigantesques de produits alimentaires, conjugué à un rythme de vie individuelle et familiale réduisant le temps de préparation des repas et le temps passé ensemble à table, a fortement influencé les choix alimentaires.
On pourra arguer que l’industrialisation de la fabrication des produits alimentaires et l’allongement des circuits de distribution ont fait gagner en sécurité alimentaire, mais, il faut le dire, cela a souvent été au détriment de la valeur nutritionnelle et organoleptique des produits.
La teneur des produits en sucres libres, c’est-à-dire sans valeur nutritionnelle, n’a cessé de progresser en trente ans. Qui sait, par exemple, que la consommation de boissons sucrées a sextuplé dans le même temps et que celle des produits riches en glucides simples, tels que gâteaux ou crèmes glacées, a été multipliée par quatorze ?
Cette exposition permanente au sucre est bien une réalité. Elle ne cesse de produire ses effets délétères. Il faut de dix à quinze ans d’exposition à ces produits pour voir émerger toutes les maladies chroniques non transmissibles de notre monde moderne : on recense 3,5 millions de cas de diabète de type 2, l’obésité touche 19 % de la population – un pourcentage deux fois plus élevé qu’en l’an 2000 –, le taux d’obésité infantile ne cesse de croître du fait de la généralisation des sucres cachés. Le consommateur l’ignore souvent, mais on trouve du sucre dans des produits aussi simples que des haricots verts ou des carottes râpées : on a perdu le bon sens le plus élémentaire !
L’enjeu est donc, monsieur le ministre, de prendre des mesures protectrices fortes et incitatives pour que l’industrie agroalimentaire incorpore beaucoup plus de matières agricoles à bien meilleure valeur nutritive. Cela permettra de contrer la progression constante de la « malbouffe ». Ce peut être, je le crois, un levier pour notre agriculture. Il faut aussi introduire beaucoup moins d’additifs et de sucres cachés dans les produits agroalimentaires.
Telle est l’orientation à donner aux mesures du titre II visant à favoriser une alimentation saine. Je dois le dire, monsieur le ministre, on ne peut pas s’en remettre à la seule évolution attendue ou espérée de la demande des consommateurs : il faut également imposer à l’industrie agroalimentaire de mettre le « bien manger » à son ordre du jour, car ses efforts demeurent timides, inégaux et, parfois, factices.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, sur l’article.
M. Joël Labbé. L’introduction du bio et de la qualité dans la restauration collective constitue un enjeu majeur. Cela offre aussi un débouché local à nos producteurs qui s’engagent à la fois pour la proximité et la qualité.
Un élément retient particulièrement mon attention dans cet article : le fameux objectif de 20 % de produits bio. Cette évolution est en effet vivement souhaitable. Le programme national nutrition santé fixe l’objectif d’au moins 20 % de consommation de produits bio pour l’ensemble de la population française.
En plus d’être louable, cet objectif est plus qu’atteignable ! On l’a dit précédemment, les collectivités locales qui incorporent au moins 20 % de produits bio dans les menus de leurs cantines font état d’un coût du repas avoisinant 1,80 euro, sachant que, pour un repas conventionnel, le coût des matières premières se situe entre 1,50 et 2 euros.
Pour maîtriser les coûts, évidemment, il faut réduire le gaspillage alimentaire, agir sur les proportions de protéines végétales et de protéines animales, servir des légumes et des fruits de saison et, parallèlement, renforcer l’éducation à l’alimentation.
On évoque volontiers des difficultés d’approvisionnement en produits bio. Or, alors qu’il faudrait schématiquement 400 000 hectares pour servir 25 % de produits bio dans la restauration hors domicile, nous approchons aujourd’hui des 2 millions d’hectares cultivés sous label bio, sans compter 518 000 hectares en conversion vers le bio en 2017. Lors de l’examen de la proposition de loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation, j’avais accepté que les produits issus de ces terres en conversion puissent être comptabilisés comme bio.
Je souhaite vivement que nos débats permettent de rétablir cet objectif.
Au travers d’un certain nombre d’amendements, je proposerai de fixer des exigences de qualité supérieure. Il s’agira de favoriser l’utilisation de produits issus de circuits courts, répondant à des critères de développement durable. Je proposerai également de privilégier dans la restauration collective des produits issus des projets alimentaires territoriaux, et de supprimer la référence à la haute valeur environnementale de niveaux 1 et 2, pour ne retenir que le niveau 3.
Nous nous devons d’encourager toutes les démarches réellement qualitatives. S’il n’y a pas que l’agriculture bio, celle-ci a toute sa place.
En conclusion, j’avais annoncé, par une lettre ouverte, que je demanderais un vote par scrutin public sur un certain nombre d’amendements. J’ai choisi de ne le faire que pour l’amendement de Mme la rapporteur.