compte rendu intégral

Présidence de M. Vincent Delahaye

vice-président

Secrétaires :

M. Éric Bocquet,

M. Dominique de Legge.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte commun sur la proposition de loi visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

3

 
Dossier législatif : proposition de loi relative au défibrillateur cardiaque
Discussion générale (suite)

Défibrillateur cardiaque

Adoption définitive d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au défibrillateur cardiaque
Articles 1er et 2

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au défibrillateur cardiaque (proposition n° 39 [2016-2017], texte de la commission n° 545, rapport n° 544).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, chaque année, entre 40 000 et 50 000 personnes sont victimes d’une mort subite, souvent à la suite d’un infarctus, faute d’avoir bénéficié au bon moment de l’intervention d’une personne qui aurait pu leur sauver la vie en pratiquant les gestes de premiers secours et en relançant le cœur par un choc électrique, ou défibrillation, le temps que les secours médicaux interviennent.

C’est pendant le temps que mettent les secours à arriver que l’état d’une victime s’aggrave ou que le décès intervient. C’est pendant ce laps de temps qu’il faut agir. Grâce à des gestes simples qui s’apprennent, chacun d’entre nous peut un jour sauver une vie ou éviter à une personne de lourdes séquelles. Ne rien faire, c’est de toute façon condamner la personne en arrêt cardiaque.

Il est fondamental que toute personne témoin d’un arrêt cardiaque initie la « chaîne de survie » formée de quatre maillons qui procurent aux victimes d’urgences médicales les meilleures chances de survie : appel rapide aux services de secours et de soins d’urgence ; massage cardiaque entrepris rapidement ; défibrillation précoce en utilisant un défibrillateur automatisé externe ; soins médicalisés spécialisés rapides, rendus possibles grâce à l’appel au SAMU.

La formation du public, et en particulier des jeunes, aux gestes élémentaires de premiers secours est une priorité pour le Gouvernement.

La France, société de solidarité, confrontée à des menaces toujours plus présentes – catastrophes naturelles, accidents, attentats… –, doit porter un programme ambitieux de formation aux gestes de premiers secours. Tout un chacun est confronté à des situations de détresse et savoir réagir permet de sauver des vies. Si des efforts très importants ont été mis en œuvre pour initier ou former le public à tous les moments de la vie à la prise en charge d’une personne en arrêt cardiaque et à l’utilisation d’un défibrillateur automatisé externe, ou DAE, il reste encore du chemin à parcourir. Actuellement, on estime que seulement 20 % de la population française a suivi une formation aux gestes de premiers secours et que 50 % des élèves en classe de troisième ont bénéficié de la formation « prévention et secours civiques de niveau 1 », ou PSC1, alors que 80 % de nos voisins allemands et autrichiens sont formés.

Les objectifs fixés par le Président de la République de formation de 80 % de la population aux gestes de secours sont inscrits dans le programme national de santé publique. Un travail interministériel piloté par le ministère de l’intérieur en concertation avec tous les acteurs est en cours afin d’en établir les modalités d’application. Une attention particulière sera apportée aux formations pour les jeunes générations, en fonction de leur âge : premier degré – dispositif « apprendre à porter secours » ; second degré – classe de sixième « gestes qui sauvent » et classe de troisième « PSC1 » ; enseignement supérieur – « rattrapage » des étudiants non formés au PSC1 et mise à jour des connaissances de ceux qui sont déjà formés.

Dans ce cadre, l’arrêté du 30 juin 2017, cosigné par le ministre de l’intérieur et la ministre des solidarités et de la santé, a institué une sensibilisation aux « gestes qui sauvent » et défini le contenu et les modalités de la formation. Il convient maintenant de promouvoir cette formation. Cet arrêté prévoit notamment que les professionnels de santé peuvent dispenser la sensibilisation aux « gestes qui sauvent ».

Le cadre réglementaire de l’apprentissage des gestes de premiers secours existe et se renforce. Le nombre de personnes formées augmente régulièrement, notamment chez les jeunes, mais il faut, mesdames, messieurs les sénateurs, dynamiser cette action en favorisant partout les initiatives visant à promouvoir l’appropriation de ces gestes dans la population.

Depuis le décret du 4 mai 2007 relatif à l’utilisation des défibrillateurs automatisés externes par des personnes non médecins et modifiant le code de la santé publique, « toute personne, même non médecin, est habilitée à utiliser un défibrillateur automatisé externe ». Il convient désormais d’encourager leur installation dans les lieux recevant du public. Si des initiatives sont prises localement pour installer des défibrillateurs, force est de constater qu’elles demeurent encore insuffisantes et manquent parfois de cohérence.

Nous proposons d’établir une obligation d’installation d’un défibrillateur automatisé externe pour certains établissements recevant du public, ou ERP, sans préjudice de la décision individuelle d’installation d’un DAE par toute personne jugeant opportun d’y procéder.

L’installation des défibrillateurs automatisés externes au sein des établissements recevant du public, modulée selon la catégorie et la capacité d’accueil de personnes des ERP, présente un intérêt certain en termes de santé publique et a fait l’objet de recommandations par le Conseil français de réanimation cardio-pulmonaire et par l’Académie nationale de médecine, qui ont souligné l’intérêt d’installation de ces dispositifs médicaux dans les lieux de passage fréquentés par une population importante – gares, centres commerciaux, salles de spectacle –, où statistiquement il se produira des arrêts cardiaques, ainsi que dans les lieux où le risque de mort subite est le plus important, souvent en lien avec un effort physique – 800 sportifs sont victimes d’une mort subite chaque année, dont 10 à 15 professionnels – : stades, équipements sportifs, etc.

L’objectif n’est pas de mettre un défibrillateur à chaque coin de rue, mais de favoriser un maillage pertinent et une couverture optimale du territoire en équipant les lieux publics dans lesquels les accidents sont les plus fréquents, les risques potentiels les plus élevés et le public le plus nombreux.

Si l’on utilise immédiatement un défibrillateur automatisé externe chez une victime en arrêt cardiaque par fibrillation ventriculaire, les chances de survie sont les plus élevées. En effet, les taux de survie, dans les études sur les arrêts cardiaques qui utilisent la défibrillation au cours des toutes premières minutes suivant l’arrêt, sont de 85 % voire plus, contre 3 % à 5 % si l’on ne fait rien.

Par ailleurs, les défibrillateurs automatisés externes sont des dispositifs médicaux dont il convient d’assurer la maintenance. À l’obligation d’installation d’un défibrillateur automatisé externe dans les établissements recevant du public est ainsi logiquement jointe une obligation de maintenance desdits appareils par les propriétaires des établissements. Ce dispositif d’urgence doit être en effet en permanence en état de marche pour permettre de sauver des vies. C’est pour cela que la maintenance est indispensable.

Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, la constitution d’une base nationale de données relatives aux lieux d’implantation des défibrillateurs cardiaques automatisés externes sur l’ensemble du territoire est essentielle. Il faut savoir où trouver un défibrillateur en cas d’urgence. Cette base de données doit permettre à tous de géolocaliser les défibrillateurs automatisés externes à proximité du lieu d’un arrêt cardiaque afin que la personne qui appelle ces services puisse utiliser le défibrillateur conjointement aux gestes de secours, mais aussi de faciliter les opérations de maintenance de ces dispositifs médicaux.

Cette base nationale que nous vous proposons d’instaurer doit être accessible aux services d’incendie et de secours et de soins d’urgence, mais aussi à d’autres opérateurs publics et privés pour faciliter l’accès de la population à ces appareils en cas d’urgence. Je pense notamment aux applications numériques à destination du public.

Un tel dispositif permettra de sauver des centaines de vies et aura un impact évident sur les comportements. La France pourra ainsi enfin rattraper le retard qu’elle a pris par rapport aux autres pays de l’Union européenne.

C’est tout l’objet de cette proposition de loi que je soutiens, car il s’agit d’une réponse forte à un problème de santé publique qui doit fédérer tous les élus. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Daniel Chasseing, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, cher Jean-Pierre Decool, mes chers collègues, en France, le taux de survie à la suite d’un arrêt cardiaque n’excède pas 8 %. Près de 50 000 personnes en meurent chaque année dans notre pays.

Ces chiffres ne sont pas une fatalité. Ces décès sont pour beaucoup évitables : les études scientifiques concluent à des gains majeurs de survie lorsqu’une défibrillation est rapidement pratiquée. Vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, le taux de survie est de 85 % dans les toutes premières minutes.

La prise en charge des victimes est une lutte contre le temps : chaque minute représente 10 % de chances de survie en moins. Alors que le SAMU intervient en 10 à 15 minutes en moyenne, l’accès rapide et effectif à un défibrillateur ainsi que la démocratisation de son usage sont des enjeux cruciaux pour le bon fonctionnement de la chaîne de survie.

Dans d’autres États dotés de programmes d’accès public à la défibrillation, les taux de survie sont bien supérieurs au taux français. Une étude américaine réalisée dans les années 2000 dans les casinos de Las Vegas, où les accidents cardiaques sont nombreux pour des raisons que chacun pourra aisément imaginer, a démontré que l’accès à des défibrillateurs utilisés par du personnel formé permet d’atteindre un taux de survie de 74 %.

Les pouvoirs publics français ne sont certes pas restés immobiles face à cette question.

Depuis un décret de 2007, l’utilisation des défibrillateurs automatisés externes, les DAE – comme leur nom l’indique, ils fonctionnent de manière entièrement automatisée et sont donc facilement utilisables –, est ouverte au grand public.

Des dispositifs de sensibilisation, voire de formation aux « gestes qui sauvent » ont par ailleurs été mis en place. En particulier, un arrêté de 2009 a prévu une initiation du grand public à l’utilisation des DAE.

L’enjeu demeure cependant le passage de ces évolutions réglementaires dans les pratiques citoyennes. De ce point de vue, de fortes marges de progrès existent. La sensibilisation du grand public aux gestes de premiers secours demeure tout à fait insuffisante en France, 20 % seulement de la population ayant suivi une formation. C’est évidemment trop peu.

Le flou entourant les obligations des collectivités publiques et privées constitue également un obstacle majeur. En l’absence d’obligation d’installation dans les lieux publics, l’implantation des DAE repose surtout sur le volontarisme. Selon les estimations des services ministériels, notre territoire compte actuellement de 160 000 à 180 000 défibrillateurs en accès public.

Par ailleurs, si l’installation des défibrillateurs, qui sont des dispositifs médicaux, est en principe assortie d’une obligation de maintenance, sa mise en œuvre est souvent difficile du fait de la complexité de la chaîne de distribution et d’exploitation. Dans ce contexte, il est très probable qu’une large partie du parc des DAE installés sur le territoire français ne soit pas fonctionnelle, ceux-ci étant bien souvent la cible de dégradations.

Il ne suffit cependant pas de sensibiliser la population à l’utilisation des DAE et d’en équiper les lieux publics ; encore faut-il qu’il soit possible, dans une situation d’urgence, d’accéder rapidement à un équipement.

Or, à l’absence d’obligation en matière d’équipement s’ajoute une absence d’obligation de recensement. Il est pourtant indispensable pour un témoin d’arrêt cardiaque de localiser le défibrillateur fonctionnel le plus proche. Cette situation est d’autant plus absurde que la plupart de nos concitoyens disposent de smartphones dont la fonction de géolocalisation pourrait sauver des vies.

Face à cette carence de l’action publique, des initiatives privées ont vu le jour. En particulier, l’Association pour le recensement et la localisation des défibrillateurs, ARLoD, créée en 2008, a mis en place une base de données en ligne visant à recenser l’ensemble des DAE présents sur le territoire national, avec une implication que je salue. Cette base n’est cependant pas exhaustive : chaque jour, de nombreux défibrillateurs sont nouvellement installés, devenus hors d’usage ou déplacés, sans que ces informations fassent l’objet d’un recensement obligatoire.

Nous avons par ailleurs rencontré les représentants d’applications mobiles, notamment ceux de SAUV Life, proposant la géolocalisation de personnes susceptibles de porter assistance aux victimes. L’intervention de ces « bons Samaritains » formés aux gestes de premiers secours et volontaires soulève cependant un certain nombre de problèmes éthiques et juridiques, notamment en matière de responsabilité. Bien qu’il ne s’agisse pas directement de notre sujet, Mme la secrétaire d’État pourra peut-être, dans un deuxième temps, nous préciser quelles sont les évolutions réglementaires à attendre.

La présente proposition de loi, qui résulte d’une initiative et de travaux largement communs à l’Assemblée nationale et au Sénat, n’a pas l’ambition d’apporter une réponse à l’ensemble de ces enjeux. Elle vise cependant à mieux encadrer les aspects les plus matériels de ces questions, en assurant l’accessibilité effective de la défibrillation cardiaque sur l’ensemble de notre territoire.

Son article 3 crée tout d’abord une obligation nouvelle d’équipement par un DAE de certains types et catégories d’établissements recevant du public qui seront définis par décret en Conseil d’État. Il prévoit ensuite, de manière complémentaire, une obligation de maintenance des DAE.

Je me félicite bien entendu de ces dispositions, qui permettront de clarifier l’asymétrie sur laquelle repose le régime actuel : tous nos concitoyens ont le droit d’utiliser un DAE, mais il n’existe pas d’obligation générale d’équipement des lieux publics. Cette évolution législative permettra enfin aux politiques de prévention d’avancer, si l’on peut dire, sur les deux jambes.

On peut cependant s’interroger sur le périmètre des ERP qui sera retenu dans le décret. Aucune orientation générale n’est en effet prévue par le texte, mais certains lieux, vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, sont un cadre propice à la survenue d’arrêts cardiaques et devraient impérativement figurer dans cette liste : je pense aux piscines, aux enceintes sportives, mais vous pourrez sans doute nous indiquer d’autres localisations essentielles.

Je suis par ailleurs bien conscient des réticences soulevées par le coût potentiel d’un équipement généralisé des lieux publics en défibrillateurs. Ce coût paraît relativement limité : selon le ministère de la santé, il faudrait compter entre 1 000 euros et 1 500 euros pour l’acquisition d’un défibrillateur, et 120 euros par an pour en assurer la maintenance. Selon l’Assemblée des départements de France et l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité que j’ai contactées, les véritables inquiétudes relayées par les élus locaux portent moins sur le principe de l’obligation que sur le nombre d’équipements à installer et leur lieu d’implantation. Je considère à cet égard que le décret devra ménager des marges de souplesse afin de permettre aux élus locaux de prendre les mesures les plus appropriées en fonction de la configuration de leur territoire.

L’article 3 bis prévoit ensuite la création d’une base de données nationale permettant de renseigner les lieux d’implantation et l’accessibilité des DAE. Je souligne que cette base devra être interconnectée avec les SAMU et les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, comme vous l’avez du reste indiqué, madame la secrétaire d’État.

J’en terminerai en saluant l’action et la détermination de nos deux collègues parlementaires du Nord, Jean-Pierre Decool, aujourd’hui sénateur, mais qui a rédigé le texte que nous examinons aujourd’hui en tant que député, et notre ancien collègue Alex Türk, qui se sont engagés depuis plusieurs années pour faire aboutir ce texte. Cet engagement a également pris une forme très pratique et exemplaire : nos deux collègues ont en effet consacré la majeure partie de ce qui constituait alors leur réserve parlementaire à l’équipement en défibrillateurs de leur département, qui en compte aujourd’hui plus de 4 000.

Je voudrais également remercier Alain Milon, le président de notre commission des affaires sociales, de m’avoir confié ce rapport sur un maillon essentiel de la chaîne de survie en cas d’arrêt cardiaque.

Je vous demande donc, mes chers collègues, d’adopter sans modification cette proposition de loi. Il est de notre devoir de tout mettre en œuvre pour encourager la citoyenneté et la solidarité de nos concitoyens dans de telles situations d’urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en Loire-Atlantique, dans une petite commune, peu importe laquelle, un adolescent de seize ans a fait un malaise cardiaque alors qu’il pratiquait sa passion sur un terrain de football. La commune, répondant à sa mission de sécurité publique, et bien que n’y étant pas obligée, s’était préalablement équipée d’un défibrillateur. Celui-ci n’a malheureusement pas fonctionné en raison d’un problème de batterie et ce jeune est mort.

Rien ne dit que le défibrillateur l’aurait sauvé, mais ce dysfonctionnement ajoute évidemment à la détresse et à la tristesse des parents. Nul ne peut douter de l’engagement ni du sérieux du maire de cette commune et de son équipe, néanmoins, pour lui aussi, pour eux, c’est désormais un poids à porter, et ce même s’il n’y a pas eu de conséquences juridiques.

Cet exemple a ému et interpellé les élus bien au-delà des limites de cette commune, et il y a donc de vraies attentes à l’égard de la proposition de loi que nous discutons aujourd’hui.

De plus en plus d’expérimentations et d’enquêtes démontrent l’intérêt de disposer d’un défibrillateur, a fortiori dans les établissements recevant du public, les ERP, notamment ceux où l’on pratique une activité sportive, car c’est là que se produisent le plus fréquemment les arrêts cardiaques. Si le décès d’un sportif de haut niveau peut faire la « une » des journaux, c’est bien dans le sport de loisir que surviennent la majorité d’entre eux. Ainsi, l’utilisation d’un défibrillateur directement disponible peut réduire le temps de délivrance du premier choc de sept à trois minutes environ, avec un taux de survie sans séquelles neurologiques très important. Car, il faut le souligner, au-delà de la seule question de la survie, plus la défibrillation est rapide, plus faibles sont les séquelles.

M. Ronan Dantec. Rendre obligatoires l’installation et la maintenance de défibrillateurs automatisés externes dans les ERP, lieux de passage important de populations de sexe et d’âges très divers, est un impératif. C’est le sens de cette proposition de loi, et nous nous en réjouissons. À titre d’exemple, en Loire-Atlantique sont recensés aujourd’hui dans la base de données du SDIS près de 740 défibrillateurs pour 22 230 ERP. À lui seul, ce chiffre témoigne de l’urgence à équiper d’autres ERP, mais également de l’effort financier à fournir par les collectivités ; ce point ne peut être ignoré. Nous aurions pu demander à l’État de participer, mais l’article 40 de la Constitution nous aurait brisés dans notre élan.

De la même façon, créer une base de données nationale relative aux lieux d’implantation et à l’accessibilité des défibrillateurs automatisés externes sur l’ensemble du territoire va dans le bon sens.

Cette loi est donc nécessaire ; elle répond à un enjeu majeur de santé publique et permettra assurément de sauver des vies humaines.

Je voulais profiter de cette tribune, madame la secrétaire d’État, pour attirer votre attention sur l’enjeu de la formation aux gestes de premiers secours, mais vous avez précédé, dans votre intervention, mon interpellation. En effet, si nécessaire soit-elle, cette proposition de loi serait insuffisante si elle n’était pas accompagnée d’un programme ambitieux de formation.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Tout à fait !

M. Ronan Dantec. Je l’évoquais plus haut, l’un des publics les plus concernés est celui des pratiquants de sports de loisir, celui des associations sportives, de ces millions d’enfants, de seniors, de vétérans, pour qui le risque est encore plus élevé, tous ces « sportifs du dimanche » qui s’entraînent en semaine et jouent le week-end, par passion, mais aussi pour entretenir leur santé. La grande majorité d’entre eux est encadrée par des bénévoles, souvent des parents.

Or, combien d’entre eux savent reconnaître un incident nécessitant l’usage d’un DAE ? Combien d’entre eux savent le faire fonctionner ? Combien connaissent seulement le protocole à suivre en cas d’accident : qui prévenir, comment prévenir, que faire en attendant les secours, sachant par exemple que la réalisation d’un massage cardiaque est nécessaire lors de l’usage d’un défibrillateur ?

Notre pays souffre d’un retard considérable dans la formation aux premiers secours alors que cette formation sauverait des vies, mais aussi, je veux noter ce point, renforcerait le sentiment de citoyenneté, la cohésion de nos sociétés, chacun se sentant ainsi un peu plus responsable de l’autre.

Dans le rapport de la mission de préfiguration sur la généralisation au plus grand nombre de nos concitoyens de la formation aux gestes qui sauvent, en avril 2017, Patrick Pelloux et Éric Faure rappellent que seulement 27 % des Français sont initiés aux gestes de premiers secours. Selon la Fédération française de cardiologie, moins de 20 % des témoins d’accidents cardiaques connaissent les gestes de premiers secours. Or, quatre victimes sur cinq qui survivent à un arrêt cardiaque ont bénéficié de ces gestes simples pratiqués par le premier témoin.

Nous le voyons, l’enjeu de santé publique dépasse le seul cadre de l’installation, de la maintenance et de la géolocalisation des défibrillateurs, même si ce point est important.

Le Gouvernement prévoit dans son plan de prévention sur la santé de former 80 % de la population aux gestes de premiers secours. C’est un affichage important, une ambition forte. Vous nous avez donné des éléments, madame la secrétaire d’État, concernant notamment le public scolaire. Cependant, de nombreuses interrogations subsistent. L’État s’appuiera-t-il sur les SDIS, les réseaux de santé, les enseignants, les élus locaux ? Nous avons vraiment besoin d’y travailler ensemble, y compris pour savoir qui va assurer la formation dans les écoles, comment mieux former les bénévoles, ceux qui ont quitté l’école depuis longtemps.

Le texte reste probablement perfectible, mais l’urgence s’impose à nous. Le vote conforme peut permettre de répondre à cette urgence, le groupe du RDSE votera donc ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Brigitte Micouleau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, entre 40 000 et 50 000 morts sont directement causées, chaque année, en France, par un arrêt cardiaque. C’est l’équivalent de la population d’une ville comme Albi, préfecture du Tarn, ou Charleville-Mézières, préfecture des Ardennes, qui disparaît chaque année. C’est une mortalité au moins douze fois supérieure à celle enregistrée sur nos routes en 2017 !

Or un grand nombre d’études scientifiques nous dit qu’une large part de ces 40 000 à 50 000 décès serait évitable dès lors qu’une défibrillation serait pratiquée dans les toutes premières minutes suivant l’arrêt cardiaque.

Certes, depuis 2007, l’utilisation des défibrillateurs automatisés externes, les DAE, est ouverte au grand public. C’est une bonne chose, mais est-ce suffisant ?

En dépit de l’implication de divers acteurs publics et privés, l’accessibilité effective des dispositifs de défibrillation destinés au grand public sur l’ensemble de notre territoire se révèle encore trop faible, insatisfaisante.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a le mérite de proposer une réponse réaliste à cette question. L’objectif d’un meilleur taux d’équipement de DAE sur le territoire devrait ainsi être atteint.

Je profite d’ailleurs de cette tribune pour faire part de la démarche positive de la SNCF, qui équipe peu à peu ses trains. Dans les TGV Lyria, par exemple, un défibrillateur semi-automatique se trouve à bord des rames, installé très visiblement dans la voiture-bar. Sa présence et son utilisation ouverte à tous sont signalées au départ du train par le chef de bord.

La création d’une base de données nationale relative aux lieux d’implantation et à l’accessibilité des DAE est également une disposition qui va dans le bon sens. Des applications mobiles avec service de géolocalisation sont en cours de développement et pourront permettre dans quelque temps un accès rapide à cette base de données.

Parce que ces deux mesures vont dans le bon sens, je voterai cette proposition de loi. Mais ne nous leurrons pas ! Tout le monde connaît cette sentence de Confucius : « Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson ».