M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous rappeler que, dans la tradition française, héritée de la Révolution, l’élu exerce une fonction, et non un métier.
Mme Françoise Laborde. C’est vrai !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Or le principe de gratuité justifie l’application des règles particulières relatives aux élus locaux, notamment pour ce qui concerne les régimes indemnitaires et les remboursements de frais.
En effet, les indemnités de fonction sont attribuées de manière forfaitaire, sans relation avec le temps que l’élu consacre à l’exercice de ses fonctions. Un élu local n’est pas assujetti à un contrat de travail. Il exerce une mission pour laquelle il s’est porté candidat.
Ainsi, l’impact politique de la suppression de cette disposition ne doit pas être négligé. C’est la raison pour laquelle il vaut mieux attendre que les réflexions avancent.
Je demande donc, à mon tour, le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre, si les raisons que vous avancez sont si importantes que vous voulez bien le dire, je ne vois pas pourquoi une réflexion plus approfondie les ferait disparaître… (Mme la ministre hausse les épaules.)
Franchement, pourquoi maintenir cette disposition pour les seuls élus municipaux ?
M. Pierre-Yves Collombat. Les élus municipaux sont les seuls dont les fonctions sont déclarées gratuites : cette mention ne vaut que pour eux ! Pourquoi ?
Mme Cécile Cukierman. Du calme, du calme ! (Sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne m’énerve pas, j’essaye d’expliquer : c’est tellement évident ! (Nouveaux sourires.) En l’occurrence, il suffit de savoir lire : cette particularité n’existe que pour les élus municipaux.
M. Pierre-Yves Collombat. Et alors ?
M. Pierre-Yves Collombat. J’insiste, seuls les élus municipaux sont concernés. Or on pourrait tenir le même raisonnement pour tous les autres élus, y compris les élus nationaux. Ces derniers ont d’ailleurs attendu un certain temps avant de recevoir des indemnités. On estimait également qu’ils n’exerçaient pas un métier.
Bien sûr, on peut défendre de telles idées quand on vit de ses rentes. Mais, précisément, il est peut-être bon pour la démocratie que tous les représentants ne soient pas des rentiers. C’est sans doute un préjugé personnel, mais je l’assume. On peut penser le contraire…
M. Pierre-Yves Collombat. En tout cas, cela n’a aucun sens d’affirmer que les fonctions municipales sont gratuites.
Vous nous rappelez que les élus concernés perçoivent une indemnité. Ah bon ? Alors, pourquoi payent-ils des impôts à ce titre ? Ces sommes sont forfaitaires. Certes ! Mais beaucoup de personnes sont rétribuées sans que l’on calcule le temps qu’elles consacrent à leur emploi. (M. Loïc Hervé s’exclame.) Elles disposent d’un traitement forfaitaire, voilà tout.
C’est tellement étrange de partir du principe que les fonctions des élus municipaux, et de ces élus spécifiquement, doivent être gratuites, alors que ce n’est pas du tout le cas : j’ai un peu de mal à comprendre pourquoi cet amendement serait scandaleux. Pourquoi y a-t-il tant de réticences à abolir une disposition si bizarre ?
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Pour ma part, je ne comprends pas cette volonté de toiletter le droit au point d’en effacer des notions philosophiques tout à fait intéressantes.
Bien sûr, les fonctions d’élus municipaux sont exercées à titre gratuit, et je suis profondément attaché à ce principe, pour deux raisons.
Primo, la plupart des élus locaux, en France, exercent leurs fonctions à titre gratuit. Ils ne perçoivent pas d’indemnité ; leur mandat leur coûte même de l’argent.
Secundo, si l’on supprime la notion de gratuité, on supprimera la notion d’indemnité pour aller vers le salariat. On commettra ainsi une erreur philosophique.
M. Pierre-Yves Collombat. Et les autres élus ?
M. Loïc Hervé. Cher collègue, les autres élus sont très peu nombreux, par rapport à la masse des 500 000 élus locaux français !
M. Pierre-Yves Collombat. Qu’est-ce que cela peut faire ?
M. Loïc Hervé. Il est tout de même important d’avoir la notion des proportions… Pour cette armée de soldats de la République que sont les élus locaux, je suis très fier et très heureux que l’on conserve la notion de gratuité.
Prenons garde : on ne peut pas supprimer, dans notre droit, toutes ces notions qui – Mme la ministre l’a rappelé – sont l’héritage de la Révolution française ! Franchement, monsieur Collombat, venant de vous, une telle proposition m’étonne encore plus !
M. Pierre-Yves Collombat. Ce sont des notions censitaires ! Rétablissez le cens, tant que vous y êtes, ce sera très bien ! (Mouvements divers.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Mes chers collègues, à cette heure avancée, tâchons de nous en tenir aux dispositions de l’amendement…
Tout d’abord, je relève que l’exercice d’une fonction élective n’est pas nécessairement lié à la notion de gratuité : faisons attention.
Dans nos départements, nous rencontrons tous les jours des élus locaux à qui leurs fonctions coûtent de l’argent.
On ne va pas se mentir : certains élus ne peuvent pas exercer pleinement leur mandat, car ils ne peuvent pas en assumer le coût. Ce n’est pas normal : il s’agit là d’une véritable rupture d’égalité et, pour ma part, je ne peux pas m’en satisfaire !
Pour rejeter cet amendement, on ne peut donc pas se retrancher derrière l’argument de la gratuité. Ce n’est pas une simple question de sémantique… (Murmures.) Chers collègues, si je parle dans le vide, dites-le-moi : je peux aussi me taire, les débats iront plus vite !
Mme Catherine Di Folco. Nous, nous vous écoutons !
M. Yves Détraigne. Tout à fait !
Mme Cécile Cukierman. J’insiste, l’enjeu est beaucoup plus profond. Il s’agit de savoir ce que l’on veut réellement pour notre démocratie.
Madame la ministre, vous avez raison, la fonction d’élu ne doit pas devenir un métier. C’est une conviction que j’ai, moi-même, toujours défendue.
C’est précisément pour empêcher l’hyper-professionnalisation des mandats électifs qu’il est indispensable d’adopter un statut de l’élu. Mais, à l’inverse, il n’est pas satisfaisant de voir encore, dans notre droit, des dispositions en vertu desquelles les fonctions d’élu seraient gratuites. On sait bien que ce n’est pas le cas.
Une nouvelle fois, le débat renvoie à nos discussions de cette après-midi.
Aujourd’hui, notamment au sein des intercommunalités, les élus locaux doivent assumer un certain nombre de déplacements et de frais de représentation, quelle que soit la taille du territoire qu’ils représentent.
L’enjeu, ce n’est donc pas un simple dépoussiérage des textes. Nous devons faire un pas en avant.
J’entends, en somme, la menace : en supprimant le terme « gratuites », on infligerait d’autres coûts aux élus locaux. Eh bien, travaillons ensemble à une solution de substitution. En tout cas, on ne peut pas se satisfaire de la situation actuelle.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Madame la sénatrice, j’entends bien vos propos. Mais je lis dans le code général des collectivités territoriales que, si « les membres du conseil départemental reçoivent, pour l’exercice effectif de leurs fonctions, une indemnité », « le principe de la gratuité du mandat demeure. »
M. Loïc Hervé. Voilà !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. « Le conseil départemental ne peut accorder une rémunération forfaitaire et personnelle qui présente le caractère d’un véritable traitement. »
M. Pierre-Yves Collombat. Il n’y a pas de ligne spécifique à ce sujet dans le code général des collectivités territoriales !
M. le président. Mon cher collègue, je vous prie de ne pas interrompre votre interlocutrice.
Veuillez poursuivre, madame la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur Collombat, je vous donne précisément lecture d’une disposition du code !
Mesdames, messieurs les sénateurs, je sens qu’il est tard et que nous devons achever nos débats d’aujourd’hui… En tout état de cause, je vous demande de faire très attention aux conséquences de vos votes. Je vous signale notamment que les indemnités peuvent être cumulées avec des prestations sociales, ce qui n’est pas le cas d’un salaire.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est justement l’objet de mon prochain amendement !
Mme Cécile Cukierman. Mais nous l’examinerons demain ! (Sourires.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 44 amendements au cours de la journée ; il en reste 20 à étudier sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
11
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 13 juin 2018 :
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au défibrillateur cardiaque (n° 39, 2016-2017) ;
Rapport de M. Daniel Chasseing, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 544, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 545, 2017-2018).
Proposition de loi relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique (n° 337, 2017-2018) ;
Rapport de M. Dany Wattebled, fait au nom de la commission des lois (n° 535, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 536, 2017-2018).
À dix-huit heures trente :
Suite de la proposition de loi relative à l’équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale (n° 466, 2017-2018) ;
Rapport de M. Mathieu Darnaud, fait au nom de la commission des lois (n° 546, 2017-2018) ;
Avis de M. Louis-Jean de Nicolaÿ, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 539, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 547, 2017-2018).
Le soir :
Éventuellement, suite de la proposition de loi relative à l’équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale (n° 466, 2017-2018).
Proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs (n° 460, 2017-2018) ;
Rapport de M. Jean-Pierre Moga, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 548, 2017-2018) ;
Rapport d’information de MM. Rémy Pointereau et Martial Bourquin, fait au nom de la délégation aux entreprises et de la délégation aux collectivités territoriales (n° 526, 2017-2018) ;
Avis de M. Jean-Pierre Leleux, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 500, 2017-2018) ;
Avis de M. Arnaud Bazin, fait au nom de la commission des finances (n° 543, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 549, 2017-2018).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 13 juin 2018, à zéro heure quarante-cinq.)
nomination de membres d’une commission mixte paritaire
La liste des candidats établie par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 9 du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. Christian Cambon, Pascal Allizard, Cédric Perrin, Olivier Cigolotti, Mme Hélène Conway-Mouret, MM. Jean-Marc Todeschini, Raymond Vall ;
Suppléants : MM. Philippe Bonnecarrère, Dominique de Legge, Philippe Paul, Ladislas Poniatowski, Mme Christine Prunaud, MM. Yannick Vaugrenard, Richard Yung.
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD