M. Laurent Duplomb. Très bien !
M. Guillaume Gontard. La réduction de la vitesse permettra certainement de sauver des vies et aura un aspect pédagogique, mais une démarche plus ciblée en concertation avec les acteurs locaux aurait été préférable et plus efficace.
M. Alain Fouché. Absolument !
M. Guillaume Gontard. Beaucoup de nos concitoyens, en zone périurbaine, seraient heureux de pouvoir rouler à 80 kilomètres par heure. Leur vitesse moyenne, quand ils se rendent au travail, est bien inférieure.
C’est pourquoi cette action de réduction de la vitesse pour la sécurité routière doit s’accompagner d’une véritable réflexion sur les mobilités.
Comment mieux partager la route avec les différents usagers ? Comment réduire rapidement les émissions de CO2 et respecter nos engagements internationaux ?
On retrouvera certainement ces éléments dans le projet de loi d’orientation sur les mobilités qu’on nous promet et sur lequel nous ne disposons, pour l’instant, que de très peu d’informations.
Les questions de mobilité et de sécurité doivent être abordées de manière globale, en tenant compte de tous les usagers.
En effet – ce sera le cœur de mon intervention –, je déplore que ni la mission sénatoriale ni le plan gouvernemental n’aient sérieusement pris en compte la sécurité, sur nos routes, de tous les usagers, et plus particulièrement des cyclistes. Pour être précis, la seule mesure du plan gouvernemental qui concerne le vélo n’est qu’une petite généralisation du « savoir rouler », comme si les cyclistes, usagers de la route les plus fragiles, étaient responsables de leurs propres accidents mortels !
J’entends déjà des murmures me suggérer que cet enjeu est marginal, anodin, voire hors sujet. Détrompez-vous, mes chers collègues : l’usage de la route change ! L’usage du vélo est en constante progression pour des raisons économiques, écologiques et sanitaires. De plus en plus de nos concitoyens remplacent la voiture par le vélo pour tout ou partie de leurs déplacements.
Le déploiement du vélo électrique décuple ce phénomène. En effet, il permet d’effectuer sans trop d’efforts des trajets de plusieurs dizaines de kilomètres, quelle que soit la topographie. Même en zone rurale, même dans les montagnes du Trièves d’où je viens, faire à vélo le trajet entre domicile et travail n’est plus réservé aux athlètes.
Pourtant, nos routes ne sont pas du tout adaptées à la pratique du vélo et demeurent dangereuses pour les cyclistes. Rappelons que les deux tiers des cyclistes tués sur la route le sont en dehors des agglomérations. Tandis que le nombre de morts sur la route ne cesse de diminuer, grâce aux efforts des trente dernières années, celui des cyclistes tués ne cesse d’augmenter. On relève ainsi, pour l’année 2016, une croissance alarmante de 8,6 %. Cherchez l’erreur !
Dès lors, on regrette d’autant plus le manque criant de prise en compte des cyclistes dans les politiques de sécurité routière que nous examinons aujourd’hui. La loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie, ou loi LAURE, du 30 décembre 1996 prévoit pourtant l’aménagement de voies cyclables lors de chaque rénovation de route. Je déplore que cette loi soit si souvent contournée par les collectivités ou appliquée dans sa version minimale, en dessinant une simple bande cyclable sur la droite de la chaussée. Notons qu’une bande cyclable sans séparateur est contre-productive, car elle élargit la chaussée et invite l’automobiliste à rouler plus vite au détriment de la sécurité des cyclistes qui l’empruntent.
Vingt-deux ans après, tant pour des raisons écologiques que pour des raisons de sécurité, il faut renforcer la rédaction de la loi LAURE et imposer des aménagements cyclables dignes de ce nom, voire la création d’autoroutes pour vélos, ou « véloroutes », comme il en existe au Danemark, en Allemagne ou aux Pays-Bas.
Par ailleurs, le plan gouvernemental n’aborde pas la question des investissements sur le réseau routier. Il est dommageable de dissocier les problématiques de sécurité routière de celles de qualité des infrastructures. Il ne fait pas de doute qu’une chaussée dégradée est un facteur d’insécurité, tout comme l’est une voie ferrée endommagée. Le Gouvernement nous renverra à sa future loi de programmation des infrastructures, limitant la portée de ce nouveau plan.
La question financière est ici primordiale, car l’entretien de la voirie coûte cher et demeure à la charge des seules collectivités. Celles-ci, déjà exsangues, ne sont pas toujours en mesure de réaliser d’indispensables réfections. Il est donc nécessaire de les épauler.
Cela passe par la mise à contribution – pourquoi pas par une écotaxe – des usagers de la route et, en particulier, des poids lourds, qui polluent notre air et dégradent nos infrastructures. Nous avons débattu de ce paradoxe la semaine dernière : si l’entretien du réseau ferré est à la charge de la seule SNCF, via la redevance des péages, l’entretien du réseau routier est pour sa part à la charge de l’ensemble des contribuables, et ce sans que cela pose question. Dans les deux cas, il faut s’appuyer sur un financement mixte pour dégager une marge financière suffisante.
Pour revenir à des sujets relevant du ministère de l’intérieur et ne demandant pas de lourds investissements, le Gouvernement peut tout de même prendre des mesures pour améliorer la sécurité des cyclistes. Par exemple, nous pourrions imposer aux constructeurs d’abonder un fonds de formation continue des conducteurs ayant obtenu leur permis il y a plus de cinq ans. Ainsi, nous pourrions sensibiliser les conducteurs à la sécurité des cyclistes.
En outre, nous proposons de faire évoluer la réglementation sur la visibilité des cycles et les normes d’éclairage des vélos, qui est inadaptée aux conditions de circulation actuelles. L’Allemagne a modifié, avec succès, sa réglementation dans ce domaine.
Enfin, il faut intensifier la verbalisation des infractions de non-respect des aménagements cyclistes, qui peuvent avoir une conséquence importante en matière de sécurité.
Madame la ministre, mes chers collègues, le vélo ne peut plus rester le parent pauvre des politiques de sécurité routière. C’est pourquoi je vous invite à avancer en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Marc Boyer. Madame la ministre, comme vous, nos élus locaux souhaitent sauver des vies sur les routes. La sécurité routière est un impératif, il n’y a pas de débat là-dessus. Il est toutefois possible de réduire l’insécurité routière sans porter atteinte au quotidien des habitants et en écoutant les représentants de la Nation et les citoyens, qui sont les premiers concernés !
Réduire la vitesse maximale autorisée à 80 kilomètres par heure sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central, la mesure est justifiée. Reste que votre manière de faire et de mettre en place cette mesure est dénuée de pragmatisme : une fois de plus, vous avez préféré agir de manière soudaine et imposer. Au lieu d’écouter et d’adapter cette mesure aux routes accidentogènes, vous persistez à tout imposer d’en haut, et sur tout le réseau routier départemental.
Pourtant, nombreux sont ceux qui se sont exprimés, au sein de la société civile et parmi les élus locaux, contre la généralisation d’une telle mesure, dont l’utilité et l’efficacité sont, pour beaucoup, loin d’être certaines. L’Association des maires de France et l’Assemblée des départements de France, qui représentent les principaux responsables des 380 000 kilomètres de routes départementales, ont aussi déploré l’inexistence de la concertation. Même vos deux collègues, le ministre de la cohésion des territoires et le ministre d’État, ministre de l’intérieur, ont émis les plus grandes réserves.
Le rapport d’information du Sénat sur la sécurité routière n’est pas seulement un travail d’élus, qui sont certes représentants de la Nation. Les sénateurs ont aussi mis en place un espace participatif afin d’associer à leur réflexion l’ensemble de la société civile : des dizaines de milliers de contributions ont été reçues. Ce n’est pas un « groupuscule de sénateurs qui a entretenu une guérilla », ce ne sont pas plus « des imbéciles qui déclarent s’ennuyer lorsqu’ils roulent à 80 kilomètres par heure », comme l’affirme Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière.
M. François Bonhomme. Pourquoi pas des extrémistes !
M. Jean-Marc Boyer. Une telle mesure de réduction généralisée, qui touchera sans discernement la majorité des routes nationales et départementales hors agglomération, est ainsi très mal vécue sur de nombreux territoires enclavés, où la route est une infrastructure de mobilité incontournable. Cette mesure est perçue comme d’autant plus injuste que les services de l’État ont parfois refusé, dans ces territoires, d’aménager les routes nationales afin de les transformer en routes à deux fois deux voies.
Madame la ministre, vous agissez comme si vous pensiez que les territoires ne pouvaient pas et ne savaient pas gérer. Pourtant, dans ce domaine, la pertinence de l’action n’est pas seulement centralisée, elle est aussi territoriale et départementale.
Quelle contradiction, monsieur de Belenet ! Vous acceptez que les maires décident pour les zones urbaines, mais n’acceptez pas que les présidents de conseil départemental décident pour les zones rurales. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
La base de la circulation routière, donc de la sécurité routière, ce sont assurément les infrastructures et leur état. Si une route est en mauvais état, les bases manquent pour une conduite en toute sécurité.
Notre patrimoine routier est dégradé, cela a été répété à cette tribune et notamment mis en valeur dans le rapport sénatorial d’information de 2017 intitulé Infrastructures routières et autoroutières : un réseau en danger. Celui-ci énonce ou dénonce que, « alors que plus de 85 % de chaussées étaient dans un état correct entre 2010 et 2012, ce chiffre est tombé à 83 % en 2015 », ce qui entraîne « des ralentissements, des restrictions de circulation et des problèmes de sécurité ».
À ce sujet, je souhaite vous faire part d’un exemple que je connais bien, la RD 2089 entre Clermont-Ferrand et les départements du Cantal et de la Corrèze. Dans les années 2000, on recensait dix à quinze morts par an, contre un ou deux par an aujourd’hui. Et pour cause ! Le contrat de plan État-région a permis d’améliorer très significativement ce tronçon meurtrier par la construction de créneaux de dépassement, de portions à trois voies,…
M. Jackie Pierre. Eh oui !
M. Jean-Marc Boyer. … de bandes d’arrêt d’urgence et de mini-échangeurs aux croisements dangereux, ainsi que des opérations de sécurité, et toujours à 90 kilomètres par heure !
M. Jackie Pierre. Bravo !
M. Jean-Marc Boyer. Madame la ministre, donnez-nous les moyens d’améliorer ce réseau routier.
Par ailleurs, vous agissez comme si vous ne voyiez pas que les technologies automobiles avaient évolué et allaient encore considérablement le faire à l’avenir.
M. Jackie Pierre. Eh oui !
M. Jean-Marc Boyer. Au contraire, vous voulez généraliser tout de suite une mesure et appliquer un peu plus tard les dix-sept autres mesures que vous proposez. Pourtant, la complémentarité de celles-ci est attestée et, sur les dix-huit mesures pour la sécurité routière que vous avez présentées, dix-sept emportent l’adhésion. Il serait primordial de les mettre en place désormais et non de se focaliser sur une seule proposition qui suscite une opposition quasi unanime et dont vous ne saurez jamais si elle a permis la diminution du nombre de tués sur les routes départementales.
En outre, le groupe de travail sénatorial considère que le surplus financier qui serait issu de la réduction de la vitesse maximale autorisée à 80 kilomètres par heure sur certaines routes devrait être alloué au financement de mesures de prévention, par exemple de sensibilisation.
La proposition du Sénat est raisonnable, intelligente et acceptable. Après les zones 30, laissez les acteurs du terrain mettre en place les zones 80, afin que la réduction de la vitesse obtienne des résultats efficients et certains pour la sécurité routière et la sécurité de chacun.
Madame la ministre, n’allez pas à 100 à l’heure : écoutez les acteurs du territoire et les citoyens ! C’est maintenant que vous avez rendez-vous avec eux et non dans deux ans. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, comme nous le savons tous, depuis quarante ans, les efforts conjugués réalisés en matière de sécurité routière ont permis une baisse quasi continue des accidents de la route, du nombre de blessés et de morts, et ce en dépit d’une augmentation considérable du nombre de véhicules et des kilomètres parcourus.
En effet, dans les années 1970, nous recensions environ 17 000 morts sur les routes pour un parc automobile d’environ 13 millions de véhicules particuliers. En 2017, pour 32 millions de véhicules particuliers en circulation, c’est un peu moins de 4 000 décès, soit quatre fois moins. Certes, c’est encore trop.
Cette nette diminution tient autant, voire plus, à des éléments techniques, culturels et psychologiques qu’à la seule efficacité de la répression et de la peur du gendarme, même si cette dernière a évidemment joué un rôle certain.
Un ensemble de facteurs ont réduit le nombre d’accidents et leurs conséquences. Je pense à l’amélioration continue de la tenue de route des véhicules, de la résistance aux chocs, du freinage, des pneumatiques ; je pense encore au port de la ceinture de sécurité, aux évolutions technologiques, telles que l’airbag et l’ABS, aux infrastructures routières, notamment les revêtements et la signalisation.
Ce constat nous oblige à considérer les enjeux de sécurité routière comme une question large et multifactorielle, qui ne doit surtout pas se limiter à la seule donnée de la vitesse autorisée sur les routes.
Je tiens à saluer le travail nuancé et objectif réalisé par nos trois rapporteurs, Michèle Vullien, Jean-Luc Fichet et Michel Raison, sur les mesures destinées à renforcer la sécurité routière.
Cet excellent rapport d’information a notamment pu mettre l’accent sur deux points essentiels : d’une part, la nécessité de revoir la méthode retenue par le Gouvernement ; d’autre part, le manque de concertation ayant présidé à la décision de limiter à 80 kilomètres par heure la vitesse maximale autorisée sur les 400 000 kilomètres de routes secondaires à double sens sans séparateur central,…
M. Jackie Pierre. Voilà qui est bien vrai !
M. Olivier Cigolotti. … qui devrait entrer en vigueur à partir du 1er juillet prochain. Selon certaines sources, 76 % des Français y sont opposés.
Si la diminution du nombre de victimes d’accidents de la route est un objectif que l’on ne peut que partager, cette décision de réduire la vitesse, dont la pertinence reste à démontrer, est d’autant plus mal vécue qu’elle a été prise sans concertation,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Exactement !
M. François Bonhomme. C’est bizarre !
M. Olivier Cigolotti. … sans que les bénéfices en termes de sécurité routière aient fait l’objet d’évaluations sérieuses et, de toute évidence, en sous-estimant les conséquences en matière d’aménagement du territoire.
M. François Bonhomme. C’est le prix de l’Olympe !
M. Olivier Cigolotti. Cette limitation de vitesse suscite donc la colère et l’incompréhension d’un grand nombre d’usagers de la route et d’élus, particulièrement des habitants des zones rurales qui la vivent comme une profonde injustice, et chez qui elle alimente, à juste titre, un sentiment d’abandon, voire de relégation.
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. François Bonhomme. Saint-Germain-des-Prés !
M. Olivier Cigolotti. Madame la ministre, cette mesure aggravera inévitablement la fracture territoriale entre les zones rurales, éloignées des autoroutes et des grandes métropoles et souvent mal desservies par le réseau ferroviaire, et les zones urbaines ou périurbaines. Il me semble évident que les difficultés de déplacement dans les territoires ruraux ne sont aucunement prises en compte dans cet arbitrage.
Je pense par exemple aux zones de montagne, dont le réseau routier sera largement concerné par cette réduction de vitesse, ou encore aux départements qui n’ont pas la chance de bénéficier d’infrastructures routières modernes à deux fois deux voies, qui ne disposent pas de transports collectifs routiers ou ferroviaires et où la seule solution consiste à utiliser un véhicule personnel pour se déplacer.
Certains arguments, tels qu’une réduction de la pollution, sont également avancés pour justifier la nécessité de réduire la vitesse.
Cependant, les études menées par des organismes de surveillance de la qualité de l’air montrent que passer d’une vitesse de 90 kilomètres par heure à une vitesse de 80 kilomètres par heure entraîne un rejet plus important de composés organiques volatils et n’a qu’un impact minime sur les émissions d’oxyde d’azote. Sans compter que, plus l’on passe de temps sur la route, plus l’on pollue.
L’axe central avancé par la Sécurité routière pour justifier cette mesure est celui de la vitesse, celle-ci étant présentée comme la première cause de mortalité. La détermination de la causalité des accidents corporels n’est pourtant pas chose aisée. Certains facteurs accidentogènes, comme la vitesse, sont souvent identifiés par défaut, ce qui nuit nécessairement à la fiabilité des données produites.
Les accidents trouvent souvent leurs origines dans une combinaison multifactorielle – alcool, stupéfiants, téléphone, endormissement –, sans oublier les conduites addictives. À cela s’ajoute le non-respect des autres règles de circulation, généralement à l’origine d’une part significative des accidents. Notons, de plus, que le facteur lié à l’infrastructure est présent dans 40 % des accidents mortels.
Isoler le facteur vitesse pour réduire la mortalité sur les routes n’a donc vraiment pas de sens. Force est de constater que cela pourrait même augmenter les risques pour les conducteurs, puisque les voitures et les motos rouleront à la même vitesse que les camions, ce qui multipliera le risque de dépassement dangereux.
J’en viens aux radars. La France compte 4 600 radars avec des modèles de plus en plus perfectionnés.
M. Jackie Pierre. Oui !
M. Olivier Cigolotti. Or, nous le savons tous, une baisse de la limitation de vitesse entraînera inéluctablement un doublement, voire un triplement des excès de vitesse.
Un rapport de la Cour des comptes fait le point sur ces flashs, qui rapportent chaque année davantage à l’État : 1 milliard d’euros en 2017, soit 10 % de plus que l’année précédente.
M. Jackie Pierre. Bien sûr !
M. François Bonhomme. Racket !
M. Olivier Cigolotti. Cette recette permet de renforcer la sécurité routière et, certes, de financer une partie des préjudices. La Cour des comptes s’interroge toutefois sur l’utilisation des amendes, qui participent davantage au remboursement de la dette qu’au financement de la sécurité routière.
M. Jackie Pierre. Et le maintien du pouvoir d’achat ?
M. Olivier Cigolotti. Il ne faudrait donc pas que cette limitation de vitesse ait pour unique objectif de remplir les caisses de l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Gilbert Bouchet. Eh si !
M. Alain Fouché. Bravo !
M. Olivier Cigolotti. Madame la ministre, alors que le Gouvernement cherche à redonner confiance à l’échelon local en prenant en compte un certain nombre de spécificités et à décliner à l’échelon départemental la police de sécurité du quotidien – la PSQ, dont tout le monde entend parler actuellement –, le même ministère, le vôtre, agit aujourd’hui avec incohérence en souhaitant généraliser une réduction de vitesse, qui mérite pourtant, d’une part, d’être ciblée sur les routes les plus accidentogènes à travers des décisions décentralisées, d’autre part, d’être adaptée en fonction des réalités des territoires, lesquels devraient être associés à cette prise de décision, en concertation avec l’ensemble des acteurs, afin d’en favoriser l’acceptation.
Madame la ministre, vous connaissez le bon sens du Sénat. Nous comptons sur vous pour relayer l’excellent travail de la Haute Assemblée auprès de M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
M. François Bonhomme. C’est déjà fait !
M. Jackie Pierre. Cigolotti président ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens en préambule à saluer l’excellent travail réalisé par nos collègues rapporteurs, qui ont su s’extraire de polémiques un peu vaines et mettre de côté les arguments spécieux qui sont encore trop souvent avancés sur ce sujet.
Ces arguments, on les connaît, car nous les avons entendus à de multiples reprises :…
M. Bernard Jomier. … l’endormissement des conducteurs par excès de lenteur, le racket financier… Ce dernier argument est tout de même surprenant, car, si le montant des PV a atteint 2 milliards d’euros, les accidents de la route coûtent chaque année 50 milliards d’euros à la collectivité.
Ces arguments, nous les entendions déjà en 1974, lorsqu’a été prise la décision de limiter à 110 kilomètres par heure la vitesse sur les voies rapides, ou encore en 1990, lorsqu’il a été décidé de limiter la vitesse en ville à 50 kilomètres par heure.
J’entends les critiques sur le déficit de concertation et sur le sentiment de mépris des territoires et je dois dire qu’elles ne sont pas sans fondement.
Il faut toutefois constater que, à chaque mesure prise par les pouvoirs publics pour réduire la mortalité sur les routes, depuis l’obligation du port de la ceinture de sécurité en 1973 à la mise en place des radars automatiques en 2003, des voix se sont élevées pour critiquer en usant de tous les arguments possibles. Pourtant, les faits sont têtus – vous êtes plusieurs à l’avoir rappelé, mes chers collègues – et les résultats sont là : grâce à ces mesures, la mortalité a été divisée par cinq en trente ans, ce qui est considérable.
Reste que le nombre de morts demeure trop élevé : 3 693 l’an dernier. C’est trop, c’est beaucoup trop. Nous pouvons certainement atteindre à moyen terme un objectif beaucoup plus ambitieux.
À mon sens, il est intéressant de se pencher sur ce que font nos voisins européens, même si l’on ne peut évidemment pas le transposer directement. Alors que la France se situe au-dessus de la moyenne européenne, les sept pays qui comptent les meilleurs résultats sont ceux où la vitesse est limitée à 80 kilomètres par heure. Le pays qui a le meilleur résultat, la Suède, a adopté une limitation à 70 kilomètres par heure.
Si la prise en compte du seul facteur lié à la limitation de la vitesse ne peut être suffisante pour expliquer ce phénomène, il convient néanmoins de s’interroger. Sur le réseau dont nous parlons, celui des routes secondaires, 36 % des accidents mortels impliquent une vitesse trop élevée.
J’entends la recommandation faite par nos collègues rapporteurs visant à décentraliser et à adapter la mesure en fonction des territoires, mais je ne suis pas certain qu’elle soit efficace. Si je peux en partager l’idée et le principe, je pense que son application risque d’être contre-productive.
Il est plus simple pour les usagers de la route, dans quelque domaine que ce soit, et plus efficace pour l’objectif que nous souhaitons atteindre de bénéficier d’une règle générale et de quelques exceptions : une règle simple, c’est un message fort, c’est un message compris.
M. Bernard Jomier. Or la décentralisation de cette règle ne risquerait-elle pas d’entraîner une très grande diversité de limitations, renforçant l’imprévisibilité pour les usagers ? Nous ne pouvons pas faire abstraction de cette interrogation.
Si je regarde cette limitation d’une manière plutôt favorable, vous l’avez compris, je ne partage pas moins le constat dressé par les rapporteurs : mener une seule action n’est guère suffisant.
Oui, il faut plus d’actions de prévention. Il faut intégrer l’enseignement des gestes qui sauvent dans le cadre du permis de conduire, comme l’a proposé Catherine Troendlé. Il faut davantage lutter contre l’utilisation du téléphone au volant, contre la consommation d’alcool et de stupéfiants. Ces combats doivent être livrés de façon plus active.
Il est essentiel de conduire la bataille de la sécurité routière sur tous les fronts et c’est justement pour cela que la question de la limitation de la vitesse ne doit pas être passée sous silence. La généralisation de la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure sur les routes secondaires peut être une étape, d’autant qu’elle doit être revue et évaluée dans deux ans. Donnons-nous simplement rendez-vous à ce moment-là. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Gilbert Bouchet. Dans deux ans !
M. le président. La parole est à M. Henri Leroy. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Henri Leroy. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État (Marques d’étonnement au banc du Gouvernement.), monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, j’évoquerai deux sujets concrets, qui ont un impact direct sur la sécurité routière et, plus généralement, sur la sécurité de nos concitoyens : d’abord, la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure sur les routes, ensuite, le port de caméras individuelles par nos policiers municipaux engagés, entre autres, dans la lutte contre l’insécurité routière.
Sur la limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure, j’ai déjà eu l’occasion de l’affirmer ici : comme beaucoup d’élus, je suis un opposant à la généralisation de cette mesure.
M. Jackie Pierre. Bravo !
M. Henri Leroy. Ce sont encore nos compatriotes qui vivent dans les territoires ruraux et périphériques – et non à Paris ! – qui vont en faire les frais.
Entre 2015 et 2016, les recettes liées aux radars ont progressé de plus de 13 millions d’euros, pour atteindre les 920 millions d’euros.
Dans le même temps, la mortalité routière n’a cessé de croître, et ce pour la troisième année consécutive, portant à près de 3 500 le nombre de tués pour la seule année 2016. La vitesse n’en est pas la seule et principale cause, loin de là.
Les Français en ont assez d’être pris pour des vaches à lait :…