M. le président. La parole est à Mme Michèle Vullien, rapporteur du groupe de travail. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Michèle Vullien, rapporteur du groupe de travail. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, permettez-moi de commencer par remercier mes deux collègues qui viennent de s’exprimer. Ensemble, nous avons formé un trio qui, je le pense, a travaillé tout à fait honnêtement. Je tiens également à remercier les administrateurs qui nous ont accompagnés tout au long de ces quarante-sept auditions et qui ont rédigé le rapport actuellement à votre disposition pour un coût de 3,50 euros, mais qui sera donné gracieusement ! (Sourires.)
Le 14 juin prochain, les trois rapporteurs du groupe de travail sur la sécurité routière iront défendre leurs travaux et leurs recommandations auprès du Premier ministre Édouard Philippe. Je m’y rendrai avec la ferme volonté de le convaincre de changer ses positions.
Il est bien évident que nous partageons les mêmes objectifs : comme mes collègues l’ont dit, chaque mort, chaque blessé est de toute façon un mort ou un blessé de trop. Le débat n’est pas là : il porte sur les moyens et les modalités de mise en œuvre.
La décision unilatérale de limiter la vitesse à 80 kilomètres par heure est bien le premier couac, parce qu’elle a focalisé l’ensemble des critiques et que la brutalité de son annonce constitue à mes yeux un paradoxe.
Paradoxe, d’abord, au regard du discours général du Gouvernement vantant les mérites de la concertation et le respect des spécificités des territoires. Ainsi, dans le cadre du nouveau pacte ferroviaire, le rôle des régions est considérablement renforcé, car, nous dit-on, elles connaissent les besoins et les contraintes de leurs territoires. Pourquoi la sécurité routière devrait-elle faire exception ?
Sur les limitations de vitesse, notre position n’est pas dogmatique. Pourquoi pas 80 kilomètres par heure là où cela se justifie ? Mais laissons plutôt les départements, gestionnaires des voiries, moduler la vitesse en fonction de critères objectifs ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Alain Fouché applaudit également.)
M. Michel Savin. Très bien !
Mme Michèle Vullien, rapporteur du groupe de travail. Il est tout aussi absurde de proposer 80 kilomètres par heure partout, comme le fait le Gouvernement, que 80 kilomètres par heure nulle part, comme le fait l’opposition. Pour ma part, je suis certaine que, si on laisse cette décision aux départements, certaines routes verront même leur vitesse limitée à 70 kilomètres par heure, quand c’est justifié ; il ne faut pas, en revanche, que cela soit systématique.
M. Michel Savin. Bien sûr !
Mme Michèle Vullien, rapporteur du groupe de travail. Paradoxe, ensuite, quant au dispositif global annoncé. Celui-ci comprend 18 mesures portant, notamment, sur la prévention, les distracteurs, l’alcoolémie, la conduite sous l’emprise de produits stupéfiants ou encore la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure. Dès lors, et alors que les experts nous expliquent que les accidents sont généralement liés à l’association de plusieurs facteurs, pourquoi la nouvelle limitation de vitesse s’appliquerait-elle dès le 1er juillet quand le reste des mesures ne serait mis en œuvre qu’au 1er janvier 2019 ?
Paradoxe, enfin, d’un Premier ministre qui campe sur des positions fondées sur une étude controversée, et qui ne parvient pas à créer l’unanimité au sein même de son gouvernement. Je lui suggérerais plutôt d’utiliser à son tour un « joker », de suivre les recommandations de notre assemblée et de sortir ainsi de la controverse par le haut. Tel sera l’enjeu de notre prochaine entrevue.
Avant de conclure, mes chers collègues, et pour être absolument certaine que toutes les conditions seront réunies pour convaincre le Premier ministre, je souhaite lancer deux appels solennels.
Le premier s’adresse aux présidents des conseils départementaux. Qu’ils établissent dans le délai imparti, de manière objective et argumentée, une cartographie des limitations de vitesse sans a priori politique ! Qu’ils n’oublient pas que la décision est gouvernementale ! Les citoyens ne comprendraient pas leur réticence à abonder dans notre sens, si elle aboutissait au maintien d’un statu quo à 80 kilomètres par heure.
Le second s’adresse au ministère de l’intérieur. Je sais combien ses effectifs sont mobilisés au service de la République. Pourtant, les résultats d’une politique générale de sécurité routière ne se feront réellement sentir que par une multiplication des contrôles. Il est difficile, pour nos concitoyens, d’accepter des mesures de limitation de vitesse quand ils savent, par ailleurs, que 600 000 automobilistes circulent sans permis ou que les rodéos nocturnes se poursuivent en toute impunité.
J’ai la certitude que la vision de notre groupe de travail est la bonne. Encore une fois, nous poursuivons les mêmes objectifs ; seule la mise en œuvre diffère : nous faisons confiance aux gestionnaires de voirie et au terrain. Sortir d’une injonction uniforme et arbitraire, c’est déjà faire un pas de géant pour que la mesure soit mieux comprise et puisse commencer d’être acceptée par les Français.
Nous savons parfaitement qu’en matière de sécurité routière une mesure ne se doit pas d’être populaire pour démontrer son efficacité. Mais si nous avons la possibilité de la rendre moins impopulaire sans la rendre inefficace, pourquoi nous en priver ?
Madame la ministre, je compte sur vous pour faire entendre raison à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains. – M. Alain Fouché et M. Jean-Luc Fichet, rapporteur du groupe de travail, applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la sécurité routière est notre priorité, c’est vrai. À la suite du comité interministériel de la sécurité routière du 9 janvier dernier, le Gouvernement, par la voix du Premier ministre, a décidé avec ténacité qu’à compter du 1er juillet prochain la vitesse maximale autorisée sur les routes à double sens sans séparateur central serait réduite de 90 kilomètres par heure à 80 kilomètres par heure.
Cette annonce est intervenue sans concertation préalable. Le Premier ministre a lui-même admis qu’elle n’était le résultat d’aucune expérimentation fiable.
Certes, une expérimentation a été réalisée, pendant deux ans, sur 86 kilomètres de routes, mais M. Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière, a affirmé – de manière inexacte, d’ailleurs – devant notre commission du développement durable qu’elle « n’avait pas pour but de faire diminuer le nombre de morts ». Heureusement, car ses résultats sont extrêmement mauvais, et ce malgré la réalisation d’importants travaux de sécurité de voirie avant l’expérimentation.
Cette mesure n’est justifiée que par un chiffre hypothétique – 400 morts pourraient être évitées – tiré de l’idée selon laquelle une diminution de 1 % de la vitesse entraînerait une baisse de 4 % des accidents mortels.
Comment expliquer, alors, que certains de nos voisins européens soient mieux classés que nous quant au nombre de tués sur les routes, alors qu’ils appliquent une limitation de vitesse supérieure à 80 kilomètres par heure ?
En l’absence d’éléments de nature à justifier cette décision très contestée par la population, par de nombreux parlementaires de la majorité présidentielle, et même par les forces de l’ordre dans leur majorité, le Sénat a mis en place un groupe de travail conjoint afin d’évaluer, sans a priori, l’utilité et l’efficacité de cette mesure.
Je voudrais saluer ici la volonté des présidents de la commission des lois et de la commission du développement durable, et relever le travail remarquable qu’ont accompli nos trois rapporteurs.
La conclusion du rapport est pleine de bon sens : il faut décentraliser vers l’échelon départemental la décision de réduire la vitesse.
Le président du département, propriétaire de la plupart de ces routes, doit prendre cette décision après avoir consulté la préfecture, les maires et les forces de l’ordre.
Le ministre de l’intérieur lui-même doute de l’efficacité d’une généralisation de cette mesure. Il a dit « joker », et c’est vous, madame la ministre, qu’il envoie au charbon aujourd’hui ! (Sourires.)
Comment doubler un train de camions lorsqu’on roule à 80 kilomètres par heure ? L’automobiliste sera coincé derrière des files de voitures, tout dépassement sera dangereux, voire impossible, sans parler du risque d’endormissement. Des heures et de l’argent seront perdus, outre les conséquences sur l’environnement et la pollution. Il faut cibler cette mesure sur les routes accidentogènes !
Sur la route, le risque zéro ne peut exister. Nous vous demandons donc, madame la ministre, de prendre en compte les territoires pour lesquels la route est le seul moyen de se déplacer.
La politique du tout radar ne marche plus depuis qu’on privilégie le désendettement de l’État plutôt que la sécurité. Notre collègue Vincent Delahaye l’a démontré : la politique d’implantation des radars favorise la rentabilité au détriment de l’efficacité.
Quant aux sommes rapportées par la verbalisation des automobilistes, une note de la Cour des comptes publiée le 23 mai dernier révèle que, sur les quelque 2 milliards d’euros récoltés en 2017, 438 millions d’euros, soit près de 22 %, sont affectés au désendettement de l’État et non à la sécurité.
La privatisation des radars permettra, selon le Gouvernement, de passer de 2 à 12 millions de flashs, ce qui pourrait rapporter jusqu’à 2 milliards d’euros supplémentaires !
Une partie de cette somme – c’est nouveau – pourrait être affectée aux hôpitaux. Il faut être sérieux ! On ferait quand même mieux de commencer par affecter ces sommes à la sécurité, pour éviter que les usagers ne finissent à l’hôpital !
Les dotations versées par l’État aux départements pour l’entretien des routes ne cessent de diminuer, alors même que le produit des radars n’a jamais été aussi élevé. Dans mon département, la Vienne, les dotations ont baissé de 27 % entre 2015 et 2017.
Nous vous demandons, madame la ministre, de mettre en place une véritable politique de sécurité routière, plutôt que des mesures qui aggravent la défiance des usagers de la route envers un système qu’ils assimilent à du racket. La mise en place d’une telle politique peut passer par la prévention des comportements dangereux et de la consommation d’alcool et de stupéfiants, ou encore par l’implantation de faux radars, comme en Angleterre.
L’objectif ne doit pas être la rentabilité financière du système : il s’agit plutôt de promouvoir des comportements raisonnables et responsables sur la route, pour toujours plus de sécurité.
Quant au choix des routes qui feront l’objet d’une réduction de la vitesse, faisons confiance aux présidents de département !
Madame la ministre, je vous connais, vous êtes convaincante. Je vous laisse donc le soin d’orienter le Premier ministre dans ce sens : laissons les départements gérer cela !
Par ailleurs, il y a quelques années, j’avais déposé un amendement visant à permettre de récupérer un point de permis en six mois, au lieu d’un an, et deux points en un an, au lieu de deux ans ; il tendait également à offrir des formations plus rapides. Cela avait suscité un tollé général, notamment de la part de M. Hortefeux, et de vraies engueulades ! Pourtant, en définitive, c’était une bonne mesure, puisqu’il n’y a pas eu par la suite plus d’accidents et de morts. Cela démontre que la sécurité n’est pas qu’une affaire de sanctions ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Mme Josiane Costes applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Josiane Costes. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, près de 3 700 personnes ont perdu la vie sur les routes de France en 2017, les accidents corporels ont augmenté de plus de 2 %, et le nombre de personnes blessées de 1,3 %, soit près de 74 000 personnes, pour 59 000 accidents ; la situation de la sécurité routière en France est donc préoccupante.
Après avoir atteint son plus bas niveau en 2013, la mortalité routière a connu trois années de hausse consécutives. Pour répondre à cette évolution inquiétante, le Gouvernement a décidé d’abaisser à 80 kilomètres par heure la limitation de vitesse sur les routes nationales à compter du 1er juillet. Cette mesure a suscité de nombreux débats et de vives oppositions, de la part tant des élus locaux que des professionnels de la route et des usagers. Au vu des sondages les plus récents, ceux-ci continuent en majorité de la désapprouver.
Toutefois, le Premier ministre a confirmé l’entrée en vigueur de cette mesure à partir de l’été prochain. La véritable question est donc désormais celle de sa mise en œuvre concrète et opérationnelle.
Le coût de l’installation de la nouvelle signalisation est estimé entre 5 et 10 millions d’euros. Il a été annoncé que ce coût serait entièrement pris en charge par l’État.
Par ailleurs, l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière et les observatoires départementaux ont un rôle essentiel à jouer dans l’évaluation de cette mesure et la réalisation de comparaisons sérieuses, fondées sur des indicateurs fiables des comportements et de l’accidentalité, avant et après sa mise en œuvre.
En tant qu’élue d’un département rural et très enclavé, je suis cette mesure avec une attention particulière. En effet, la plupart des routes concernées se trouvent dans ces territoires où les transports en commun sont peu, voire très peu développés, où certaines petites lignes de chemin de fer pourraient être menacées, et où le véhicule personnel est indispensable pour pouvoir se déplacer. Si l’on ne peut que souscrire à la volonté de lutter sans relâche contre la violence et la mortalité routières, il existe de vraies interrogations et, localement, de fortes, voire de très fortes réticences à la mise en place d’une limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure. On peut vraiment le comprendre.
Malgré le bien-fondé de l’objectif final, il faut convenir que cette limitation contribuera, malheureusement, à aggraver l’enclavement déjà excessif de nos territoires. Cibler l’application de cette mesure m’apparaît donc essentiel. Que les décisions soient prises au plus près du terrain !
De plus, des mesures énergiques doivent être prises afin de modifier durablement les comportements dangereux : il faut interdire le téléphone et les écrans, et assurer le respect des limitations de vitesse.
Des investissements doivent également être réalisés afin d’améliorer l’état des routes. La France bénéficie d’infrastructures de transport d’une grande qualité, mais ce réseau est aujourd’hui trop peu entretenu. En outre, du fait de la départementalisation des routes et du manque de compensation financière de l’État, les disparités territoriales ont tendance à s’accroître. La forte baisse des financements à destination des collectivités locales, notamment en raison de la décentralisation du stationnement payant, n’est pas de nature à améliorer la situation. La position du Sénat sur ce point me paraît raisonnable et ses propositions mériteraient d’être expérimentées.
Dans tous les cas, la France doit pouvoir trouver les moyens d’améliorer réellement la sécurité routière. En 2018, notre pays ne peut plus se permettre de connaître encore des taux de mortalité routière presque doubles de ceux de l’Allemagne ou du Royaume-Uni, pays où les limitations de vitesse sont pourtant plus élevées qu’en France sur les routes secondaires, puisqu’elles y sont fixées, respectivement, à 100 et 96 kilomètres par heure. On voit bien que la vitesse n’explique pas tout.
Les efforts en matière d’éducation doivent être poursuivis et accentués. Le rapport de Jean-Marc Gabouty sur le programme « Sécurité et éducation routières » de la loi de finances pour 2018 a salué une amélioration de la sincérité budgétaire pour les dépenses de communication et les frais d’étude et d’expertise.
La réforme du permis de conduire, engagée en 2014 et 2015, semble également porter ses fruits. On peut espérer que, grâce à elle, on verra de moins en moins de jeunes conduire sans permis.
Le délai moyen d’attente pour le passage de l’examen du permis de conduire poursuit sa baisse. La réforme mise en œuvre dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques avait pour objectif de rendre le permis à la fois plus accessible et plus transparent en réduisant ces délais, tout en relançant la conduite accompagnée, ce qui est une excellente chose. Cette réforme semble obtenir des résultats positifs, puisque le délai moyen entre deux présentations à l’examen du permis B est passé de 90 jours en 2014 à 57 jours en 2017. L’objectif d’une attente moyenne de 45 jours, inscrit au projet annuel de performance de 2017, n’apparaît donc plus hors d’atteinte.
Parallèlement, la durée de validité de l’examen du code est passée de trois à cinq ans. Les conditions de distance et de durée minimale pour la conduite accompagnée ont été supprimées, et les recrutements d’inspecteurs du permis de conduire ont été encouragés.
En revanche, le coût de la formation et des épreuves pour les usagers continue de poser problème. Selon le rapport remis en 2014 par Mme Florence Gilbert, ce coût s’établit en moyenne à 1 600 euros, ce qui reste un montant très élevé. En sont responsables des frais administratifs encore trop importants et un coût horaire de la leçon de conduite très élevé.
Afin de remédier réellement à ces difficultés, la solution ne serait-elle pas d’améliorer la concurrence entre les auto-écoles ou, en cas de défaillance du marché, de nationaliser l’ensemble de la formation, voire d’en faire une matière scolaire ?
Je vous remercie, madame la ministre, de répondre à ces différentes interrogations. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Michel Savin. Quelqu’un d’objectif ! (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, je voudrais avant tout remercier très chaleureusement la collègue qui, il y a quelques mois, m’a tapé sur l’épaule en me disant : « Mon pauvre vieux, tu fais partie du groupe La République En Marche, il va donc falloir que tu défendes les 80 kilomètres par heure ! » (Mêmes mouvements.)
Oui, je la remercie très chaleureusement, mais je la rassure : je me sens très bien et, comme d’habitude, je vais dire ce que je pense, non parce que je suis un soutien du Gouvernement, mais tout simplement parce que c’est ainsi que je procède.
Comme vous, mes chers collègues, j’ai travaillé et je me suis posé quelques questions.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Vous avez bien fait !
M. Arnaud de Belenet. Tout d’abord, une nouvelle impulsion dans la lutte contre les accidents était-elle nécessaire ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oui !
M. Arnaud de Belenet. Nous l’avons tous dit à cette tribune : oui ! Les chiffres stagnent depuis 2013 ; on déplore encore, chaque année, 3 500 tués et – on a oublié de le rappeler ce soir – 75 000 blessés, dont 28 000 grièvement. Ce sont autant de nos concitoyens qui, chaque année, voient leurs vies bouleversées, ainsi que les membres de leurs familles.
Tous, nous refusons de nous satisfaire de cet état de fait, nous refusons cette fatalité. Il fallait donc une nouvelle impulsion.
Cela suppose – le rapport le souligne, évidemment – que l’on s’attaque à l’ensemble des facteurs responsables.
Le plan annoncé le 9 janvier dernier les cible-t-il tous ? Il me semble que oui. La prévention et l’éducation sont au rendez-vous. Des investissements permettront, notamment en ville, de mieux protéger les piétons, dont la mortalité ne cesse elle aussi de croître.
Mme Cécile Cukierman. En ville, on ne roule pas à 90 kilomètres par heure !
M. Arnaud de Belenet. Le soutien au déploiement des nouvelles technologies, embarquées ou non, y figure aussi, de même que la lutte contre l’inattention, responsable de 10 % des morts. Je n’entrerai pas dans les détails, nous connaissons tous le plan.
Je voudrais quand même citer le durcissement des sanctions en cas d’usage d’un portable, qui iront jusqu’à la retenue du véhicule en cas de conduite dangereuse. Voilà des exemples du durcissement prévu qui me semble adapté.
Autres facteurs, les stupéfiants et l’alcool, qui sont responsables, respectivement, de 9 % et 19 % des accidents mortels. Là aussi, des mesures tout à fait drastiques et coercitives sont prévues.
Et puis, bien évidemment, le dernier facteur, la vitesse, a fait l’objet de la mesure la plus « popularisée », pour ainsi dire, notamment lors des cérémonies des vœux des maires, en janvier dernier : l’abaissement de la limitation à 80 kilomètres par heure sur les routes secondaires à double sens sans séparateur central, sur lesquelles 55 % des drames se produisent.
Un esprit chagrin pourrait regretter l’absence de statistiques probantes sur l’expérimentation décidée en 2013 et menée de 2015 à 2017. Cela change-t-il quelque chose ?
M. Jean-Luc Fichet. Oui !
M. Arnaud de Belenet. Pour moi, clairement, non ! L’utilité de cette mesure est en effet admise par toutes les études, et ce depuis longtemps, bien avant 2013. Ce sont ces études, toutes consensuelles, répétées et convergentes, qui ont conduit à la décision de 2013, en confirmant que limiter la vitesse, sur ces routes, à 80 kilomètres par heure, sauvera 350 à 400 vies chaque année !
Alors, j’ai conscience de ne pas forcément être très populaire, mais il y a des réalités. Chers collègues, vous déclarez ne pas vouloir ergoter, mais chercher à parfaire le dispositif, en confiant aux présidents des conseils départementaux ou aux maires le soin de décider de cet abaissement sur les routes les plus accidentogènes. Cette question a été posée de manière réitérée.
Gagnerait-on en visibilité ? Je n’en ai pas été convaincu ce soir. Gagnerait-on en risque de verbalisation ? Oui, certainement ! Les présidents des conseils départementaux et les maires eux-mêmes assumeraient-ils cette décision ? (Protestations.)
M. Jean-Luc Fichet. Oui !
M. Alain Fouché. Bien sûr !
M. Arnaud de Belenet. Quand on leur pose la question publiquement, ils répondent évidemment que, oui, ils l’assumeraient, qu’il faut respecter les territoires et les collectivités, et qu’ils savent ce qu’ils ont à faire : que le Gouvernement se fie donc à eux…
En revanche, quand ils parlent en off, ils admettent que, bien évidemment, ils abaisseront la limitation de vitesse à 70 kilomètres par heure. Qui, en effet, voudra être pénalement responsable en cas d’accident mortel sur une route où la vitesse maximale n’aura pas été ainsi réduite ? (Vives protestations.)
M. François Bonhomme. C’est une sortie de route !
M. Arnaud de Belenet. Mes chers collègues, je suis content d’animer votre soirée ! Cependant, je me permets de vous suggérer une piste de réflexion, si vous voulez bien le tolérer : au-delà de ce débat, ne pourrions-nous pas envisager un dispositif similaire à celui qui existe pour la zone urbaine, où la vitesse est en principe limitée à 50 kilomètres par heure, mais où il est possible, par dérogation, de fixer cette limite à 70 kilomètres par heure ?
Ne pourrait-on donc pas envisager d’inverser la proposition et de rendre possibles des dérogations sur les routes qui ne sont pas accidentogènes ?
M. Jean-Luc Fichet. Enfin !
M. Arnaud de Belenet. On trouvera bien des critères pour les définir : largeur de la route, ou encore non-dangerosité évidente de la chaussée ou des accotements.
Vous me permettrez, mes chers collègues, de revenir dans les quelques secondes qui me restent sur quelques éléments : beaucoup de contre-vérités ont été entendues aux différentes cérémonies de vœux et dans les médias et, peut-être, ce soir, sait-on jamais, pour l’avenir.
Y aura-t-il des radars supplémentaires ? On a entendu que non. (Exclamations dubitatives sur des travées du groupe Les Républicains.)
Ce dispositif serait une « machine à cash » pour l’État. Clairement, s’il y avait un produit des amendes supplémentaire, l’essentiel n’en serait pas reversé aux hôpitaux, comme je l’ai entendu,…
M. Alain Fouché. Cela a été dit !
M. Arnaud de Belenet. … mais au contraire au profit de l’amélioration de l’accueil des personnes handicapées du fait d’accidents de la route, ce qui est cohérent.
Le coût de cette mesure sera-t-il prohibitif pour les collectivités ? Non, évidemment, puisqu’il est pris en charge par l’État.
S’agit-il d’une méconnaissance de la ruralité ? Bien sûr que non : nous savons tous que cette mesure ne fera perdre que deux minutes sur un trajet de 20 kilomètres. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Il faut sortir de Paris !
M. Arnaud de Belenet. Je vous remercie, chers collègues, de m’avoir permis d’exprimer ma totale solidarité sur cette mesure, qui n’est pas populaire aujourd’hui, mais qui le sera certainement demain ! (M. Didier Rambaud applaudit. – Huées sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je tiens d’abord à remercier mes collègues rapporteurs pour leur travail.
Depuis le début du siècle, les efforts se multiplient pour améliorer la sécurité sur nos routes et, ainsi, épargner des vies humaines. Dans un contexte de recrudescence du nombre de tués sur nos routes, le Gouvernement a proposé un nouveau plan de renforcement de la sécurité routière. C’est ce plan gouvernemental que s’est attaché à examiner le groupe de travail dont les conclusions font l’objet de notre débat d’aujourd’hui.
Une mesure phare, la réduction à 80 kilomètres par heure de la limitation de vitesse sur les routes départementales, a particulièrement retenu l’attention de nos concitoyens et du Sénat. Cette mesure, décidée hâtivement et sans concertation avec les territoires, aura, de mon point de vue, surtout servi à créer un écran de fumée pour occulter la désastreuse politique gouvernementale.