Mme Cécile Cukierman. En effet !
Mme Élisabeth Borne, ministre. … il n’est donc plus utilisé aujourd’hui pour le fret, même si des passages spécifiques restent possibles. En revanche, cet axe connaît une dynamique touristique certaine, et je pense que le département de la Loire est très mobilisé pour y favoriser le développement du tourisme fluvial.
Les investissements de VNF sur l’itinéraire permettront de conforter ce développement du tourisme fluvial, qui est une des autres utilisations possibles de notre réseau de voies navigables, en France.
M. le président. La parole est à Mme Michèle Vullien.
Mme Michèle Vullien. Merci, madame la ministre, d’être de nouveau parmi nous après ces nombreuses heures passées dans l’hémicycle consacrées au ferroviaire.
Nous parlons aujourd’hui du problème du fluvial. Le rapport Duron nous a éclairés sur la répartition modale du fret : pour rappel, 88 % par la route, 10 % par voie ferrée, tandis que le fret fluvial se maintient péniblement autour de 2 % – vous évoquiez, madame la ministre, une part représentant moins de 3 %, c’est par conséquent entre 2 % et 3 %, c’est-à-dire très faible –, ce qui représente tout de même 53 millions de tonnes de marchandises transportées en 2016.
D’un point de vue environnemental, les solutions les plus vertueuses sont donc aussi les moins exploitées. Quand on sait que les volumes des échanges sont en constante augmentation, il convient d’orienter les investissements en accord avec nos objectifs environnementaux.
Nous avons déjà eu l’occasion de débattre des problématiques du fret ferroviaire.
Pour ce qui est du fret fluvial, ce même rapport, faisant référence à l’audit réalisé par MENSIA Conseil, évalue le volume d’investissement pour remettre en état le réseau fluvial à hauteur de 245 millions d’euros en moyenne par an sur une période de dix ans. Ce montant passerait à 145 millions d’euros si les 20 % de dénavigation étaient retenus, mais vous nous avez dit, à ce sujet, madame la ministre, qu’il fallait d’abord analyser la situation.
Mes questions sont simples : pour être en parfaite adéquation avec l’accord de Paris, avez-vous inclus ce report modal vertueux dans votre stratégie ? C’est ce que j’ai compris de vos propos liminaires.
Quels seront les moyens financiers consentis pour le fret fluvial, notamment compte tenu des différentes hypothèses développées dans le rapport ? Quels sont les résultats attendus à court, à moyen et à long terme ? Quid de l’évaluation ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice, en 2017, un peu plus de 52 millions de tonnes de marchandises ont été transportées par voie d’eau, ce qui représente 6 700 millions de tonnes-kilomètres.
Si ce volume avait été acheminé par la route, cela aurait représenté 470 000 tonnes de CO2, alors que le transport fluvial émet en moyenne trois fois moins de dioxyde de carbone que le transport routier.
Par conséquent, favoriser le report modal vers la voie d’eau permet intrinsèquement de réduire ces émissions, donc de contribuer à la réalisation des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés dans l’accord de Paris.
Je partage tout à fait votre avis : il faut aller plus loin.
Pour se positionner comme un mode de transport plus propre et une solution crédible à la congestion routière, le fret fluvial doit offrir des solutions logistiques performantes.
Cela passe d’abord par la régénération de notre infrastructure fluviale et sa modernisation.
Comme je l’ai évoqué, le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, s’appuyant sur l’audit qui a été mené, évalue à une centaine de millions d’euros de plus par an les besoins liés à la régénération et, par ailleurs, à 330 millions d’euros supplémentaires les besoins pour la modernisation de notre infrastructure fluviale, à réaliser sur cinq ou dix ans, selon les scénarios qui seront retenus.
Cependant, il faut aussi encourager les chargeurs à faire transporter davantage de marchandises par la voie d’eau malgré les surcoûts de l’acheminement et réussir une transition énergétique vers une flotte fluviale émettant peu de gaz à effet de serre, voire n’en émettant pas du tout.
Pour aider le secteur à mener cette transition, plusieurs dispositifs d’aide sont prévus.
Premièrement, le PAMI, le plan d’aides à la modernisation et à l’innovation, permet d’accompagner la transition énergétique de la flotte fluviale de marchandises.
Deuxièmement, le plan d’aide au report modal permet d’accompagner les nouveaux trafics jugés stratégiques jusqu’à leur phase de maturité.
Par ailleurs, l’aide à la pince sera confortée prochainement.
M. le président. La parole est à M. Michel Dagbert.
M. Michel Dagbert. Madame la ministre, vous avez évoqué à plusieurs reprises le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures.
Je me réjouis que vous y fassiez régulièrement référence, tant le travail réalisé par celui-ci a été d’une grande ampleur, même s’il n’a pas été exhaustif.
En effet, je dois le reconnaître, il est un peu frustrant de ne pas voir examiner par cette instance, puisque tel était votre choix, le projet du canal Seine-Nord Europe, ce maillon pourtant reconnu comme majeur pour le développement du transport fluvial.
Les études prospectives réalisées par Voies navigables de France démontrent la possibilité de quadrupler l’ampleur du trafic fluvial sur cet axe, pour passer à 15 millions de tonnes de marchandises transportées par an à l’horizon 2020.
À l’heure où la défiance à l’égard de l’Union européenne gagne du terrain chez nos voisins, mais aussi chez nous, j’ai plaisir à rappeler que, sur ce dossier, l’Europe s’était engagée à hauteur de 2 milliards d’euros.
Très tôt, les collectivités territoriales se sont elles aussi fortement impliquées dans ce dossier, et nous pouvons noter que les alternances de 2015, à l’échelon départemental comme à l’échelon régional, n’ont eu pour effet que de conforter ces engagements, les collectivités allant jusqu’à prendre la responsabilité de la société de projet.
Dès lors, vous comprendrez que les élus des territoires s’étonnent du long silence du Gouvernement et s’inquiètent quant à notre capacité collective à respecter les obligations fixées par l’Union européenne. De même, ils souhaitent avoir toutes les garanties d’une présence pérenne des représentants de l’État dans la gouvernance de la société de projet.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, je peux vous l’assurer, nous travaillons avec les élus locaux sur ce projet, qui est effectivement un projet d’ampleur, par son montant – 4,9 milliards d’euros –, mais aussi parce qu’il doit assurer la connexion du bassin de la Seine au réseau des voies navigables du nord de l’Europe pour les convois fluviaux à grand gabarit.
Vous le savez, le Premier ministre a fixé, en octobre dernier, les orientations permettant la poursuite de ce projet. Il s’agit notamment de faire évoluer la gouvernance de la société de projet vers un établissement public local permettant de transférer le pilotage financier et opérationnel, ainsi que la maîtrise des risques du projet aux collectivités territoriales.
Pour sa part, l’État a confirmé son engagement à hauteur de 1 milliard d’euros, via un emprunt de long terme de la société de projet, dont les annuités pourraient être financées par des taxes nationales à assiette locale affectées à la société de projet.
Les travaux autour de la régionalisation de la société de projet, laquelle nécessite des dispositions législatives qui seront proposées dans le projet de loi d’orientation sur les mobilités, sont en voie de conclusion. L’objectif est que cette régionalisation soit effective dans le courant de l’année 2019, comme j’ai pu le confirmer récemment à M. Xavier Bertrand.
Parallèlement, les échanges avec les collectivités territoriales se poursuivent pour consolider le plan de financement, sur la base des orientations fixées par le Premier ministre.
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Mes chers collègues, en France, le réseau fluvial est important. Il s’étend sur 8 500 kilomètres, dont 2 000 kilomètres de canaux à grand gabarit, contre 7 300 kilomètres au total pour l’Allemagne et 4 800 kilomètres pour les Pays-Bas.
Avec 52,5 millions de tonnes transportées en 2017, le transport fluvial ne représente malgré tout que 4 % du total des marchandises transportées en France. En comparaison, les Pays-Bas transportent plus de 35 % des marchandises via leur réseau fluvial.
Cette différence s’explique, en partie, par le manque d’investissement dans le réseau fluvial et par l’absence de développement d’une vraie politique de transport de marchandises intermodale.
En 2009, un audit généralisé du réseau a permis d’évaluer l’état fonctionnel de la quasi-intégralité des ouvrages et d’en déduire les besoins d’investissement pour le garder tel qu’il est.
Pourtant les investissements n’ont cessé de diminuer. En cinq ans, VNF a perdu un quart de ses ressources d’investissement : son budget est passé de 200 millions d’euros à 130 millions d’euros en 2017, alors qu’un audit récent a évalué l’investissement nécessaire pour régénérer le réseau et le maintenir en bon état à quelque 244 millions d’euros par an sur dix ans, soit 2,4 milliards d’euros.
Cet audit a conclu que le transport fluvial aurait besoin de 63 millions d’euros par an en complément, de manière à développer et à optimiser l’infrastructure.
Madame la ministre, vous avez apporté tout à l’heure des éléments de réponse à cette question légitime des moyens à mettre en œuvre. C’est une avancée, mais c’est encore et toujours insuffisant.
Les hésitations du Président de la République sur le projet de canal Seine-Nord montrent à quel point le transport fluvial n’apparaît pas aujourd’hui comme une priorité.
À l’heure où les questions de lutte contre le réchauffement climatique et la pollution sont déterminantes, à l’heure où les routes sont saturées et où les temps d’acheminement des marchandises augmentent, à l’heure où nos voisins européens misent sur le multimodal, pourquoi la France n’investit-elle pas massivement dans ce mode de transport, qui, par le passé, a fait sa richesse et permis le développement de nombreux territoires – les métropoles d’aujourd’hui sont les villes fluviales d’hier –, notamment sur la Seine, le Rhône, le Rhin et la Loire ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, comme je l’ai évoqué, les épisodes de crues du printemps 2016 ou encore du début de cette année ont mis en évidence les faiblesses de notre réseau de voies navigables. Je pense à la rupture de digue sur le Loing en 2016 ou aux blocages récents des installations de la Seine amont.
Effectivement, l’audit réalisé sur l’état de nos infrastructures fluviales a permis de conclure qu’il faudrait 245 millions d’euros par an pendant dix ans pour régénérer le réseau fluvial, après des décennies de sous-investissement.
Vous me demandez pourquoi nous n’investissons pas massivement dans le transport fluvial. On peut aussi se demander pourquoi nous n’investissons pas ainsi dans le transport ferroviaire, ou encore dans les infrastructures routières pour rattraper les retards.
Les choix sont difficiles. Certes, il est ambitieux d’investir massivement, mais nous devons aussi tenir compte des ressources. C’est tout le sens du projet de loi de programmation des infrastructures que j’aurai l’occasion de vous présenter prochainement. Je pense que nous devons, en effet, être en mesure de proposer un scénario de rattrapage de l’état de nos infrastructures, qu’elles soient ferroviaires – nous les avons évoquées la semaine dernière –, routières ou fluviales.
S’agissant des infrastructures fluviales, effectivement, le montant que VNF a consacré à la régénération ces dernières années n’est pas du tout à la hauteur des besoins qui ont été identifiés. Il manque quelque 100 millions d’euros par an pour assurer le maintien en état de notre patrimoine, sans compter les sommes nécessaires pour le moderniser.
Vous le voyez, nous aurons des choix difficiles à faire et des priorités à définir. Ce sera, j’y insiste, tout le sens du projet de loi de programmation des infrastructures.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Prince.
M. Jean-Paul Prince. Madame la ministre, comme vous l’avez rappelé, le transport fluvial représente aujourd’hui environ 2 % du transport de marchandises. Pourtant, ce mode de transport devrait être fortement développé à l’avenir, tant il présente d’avantages. En particulier, il émet relativement peu de gaz à effet de serre et son développement permettrait de décongestionner un réseau routier trop souvent saturé.
Toutefois, il n’y aura pas de report modal significatif vers le transport de marchandises sans une volonté politique forte et une stratégie cohérente. Les chantiers sont nombreux : relance des investissements dans un réseau vieillissant, développement des synergies avec les ports… Telles sont les conclusions du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures.
L’État a d’ores et déjà pris des mesures en ce sens, ce dont on ne peut que se réjouir.
Toutefois, il me semble que l’information et la communication autour du transport fluvial ne doivent pas être négligées, tant la culture de la route est forte, aujourd’hui, chez les professionnels. Or actuellement les entrepreneurs souhaitant faire transporter leurs marchandises sont insuffisamment informés sur l’offre existante en matière de transport fluvial, ainsi que sur les avantages propres à celui-ci : sa fiabilité, sa sécurité, le réseau de voies navigables de plus de 6 700 kilomètres qui parcourt notre pays, sans oublier, bien sûr, les avantages sur le plan écologique.
Le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures dévoilé le 1er février dernier dresse ce constat, en évoquant, parmi les propositions en faveur du développement du transport fluvial, « l’incitation des chargeurs et des transitaires à prendre en compte ce mode de transport, par des modes de communication adaptés ». Le Gouvernement partage-t-il cet avis et, si oui, quelles mesures compte-t-il prendre en ce sens ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, effectivement, le transport fluvial est aujourd’hui encore trop peu connu des donneurs d’ordre du transport de marchandises, aussi bien des chargeurs, des logisticiens que des acteurs publics.
De nombreuses actions ont été engagées, en particulier par VNF, pour améliorer la visibilité et la prise en compte de la voie d’eau par les donneurs d’ordre.
S’agissant des chargeurs et des logisticiens, la connaissance du transport fluvial passe d’abord par la formation des acteurs à ce mode de transport. À ce titre, VNF intervient dans une vingtaine de formations liées à la logistique et au transport et a noué, depuis 2011, un partenariat avec le Groupe Sup de Co La Rochelle, en créant une chaire consacrée à l’optimisation des flux logistiques et au transport multimodal, afin de développer son expertise sur ce dernier.
En complément, le plan d’aide au report modal géré par VNF, doté de 20 millions d’euros et confirmé par l’Union européenne pour la période 2018-2020, permet d’accompagner de nouveaux trafics par voie d’eau, jugés stratégiques, jusqu’à leur phase de maturité. Il se traduit par une aide qui intervient selon trois modalités : réalisation d’études préalables, expérimentation ou acquisition d’équipements.
À terme, toutes ces actions devraient pouvoir être assumées, de manière collective, par la profession du transport fluvial. C’est pourquoi j’ai demandé au préfet François Philizot de préfigurer une interprofession fluviale avec l’ensemble des parties prenantes intéressées. La première réunion de travail, qui verra le lancement de cette mission de préfiguration, aura lieu demain.
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans son rapport, le Conseil d’orientation des infrastructures a étudié l’opportunité de la construction d’infrastructures fluviales nouvelles pour notre pays, à l’exception du canal Seine-Nord, qu’il a écarté de son champ d’analyse, considérant que ce dernier était déjà acté par ailleurs.
Je me réjouis de cette déclaration, qui confirme la réalisation du canal, projet essentiel pour notre pays et pour le développement du transport fluvial.
C’est par ailleurs un élément central de la liaison fluviale européenne Seine-Escaut, classée comme prioritaire par le réseau transeuropéen de transport, même si de nombreuses interrogations subsistent quant au positionnement du Gouvernement, en particulier sur la question du financement.
Le rapport s’intéresse néanmoins à deux autres ouvrages en lien étroit avec celui du canal, pour lesquels il recommande, quel que soit le scénario envisagé, de prévoir l’engagement des travaux.
Il s’agit, d’une part, du projet MAGEO, relatif à la mise au gabarit européen de la rivière de l’Oise entre Compiègne et Creil, qui permettra ainsi la continuité de circulation des convois entre la Seine et le futur canal. La réalisation de cet aménagement est donc incontournable.
Il s’agit, d’autre part, du recalibrage de la Lys mitoyenne entre Deûlémont et Halluin, à la frontière belge.
Je me félicite de ces propositions.
Cependant, le rapport précité ne formule que des préconisations, que le Gouvernement n’est en rien contraint de suivre – l’exemple du rapport Borloo nous l’a prouvé. Or, en l’espèce, nous connaissons les réticences du Premier ministre.
Aussi, madame la ministre, considérant l’importance de ces deux projets et compte tenu des nombreux engagements et investissements déjà réalisés, pourriez-vous nous indiquer si le Gouvernement entend suivre les recommandations de ce rapport et engager les financements nécessaires à la réalisation de ces infrastructures ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice, j’ai rappelé la façon dont nous travaillons actuellement avec les collectivités sur la mise en place d’un établissement public local pour permettre la réalisation de l’infrastructure très ambitieuse qu’est le canal Seine-Nord.
Deux projets complémentaires à celui-ci sont mentionnés dans le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures.
Premièrement, la mise au gabarit européen de l’Oise entre Creil et Compiègne, ou projet MAGEO, d’un coût de 288 millions d’euros, constitue le débouché sud du projet de canal Seine-Nord. Elle est donc indispensable à son plein effet. Le Conseil d’orientation des infrastructures a rappelé son caractère incontournable et la nécessité de la financer, quel que soit le scénario retenu. L’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique doit se dérouler à la fin de cette année. Le Conseil préconise, dans tous les scénarios, la réalisation des travaux principaux à partir de 2023.
Deuxièmement, la Lys mitoyenne, entre Deûlémont et Halluin, est l’un des maillons de la liaison européenne Seine-Escaut. C’est le principal goulet d’étranglement de l’axe de la Lys. D’un coût de 140 millions d’euros, l’aménagement de la Lys participe à la réalisation du canal Seine-Nord Europe et à la constitution du futur réseau fluvial à grand gabarit Seine-Escaut. Ce projet se situe à la fois en France, en Wallonie et en Flandre. La maîtrise d’ouvrage et les coûts ont donc été répartis entre les trois territoires. Le projet a été examiné par le Conseil d’orientation des infrastructures, qui préconise la réalisation des travaux sur la période 2018-2022, quel que soit le scénario retenu. La participation de l’État s’élèverait à 12 millions d’euros. L’enquête publique est prévue à la fin de cette année, pour un arrêté de déclaration d’utilité publique qui sera pris au début de l’année prochaine.
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers.
M. Pierre Cuypers. Madame la ministre, véritable arlésienne, le projet de canal Seine-Nord finira-t-il par aboutir ? Le Président de la République a souhaité rassurer sur sa réalisation d’ici à huit ans.
Qu’en est-il de son financement ?
Le projet est estimé à 4,5 milliards d’euros par les pouvoirs publics. L’Union européenne investira 2 milliards d’euros. Les collectivités territoriales participeront à hauteur de plus de 1 milliard d’euros. Les régions Hauts-de-France et d’Île-de-France s’engagent à une participation supérieure à 500 millions d’euros. La contribution de l’État, à 1 milliard d’euros, reste encore à préciser.
La participation de la région d’Île-de-France traduit une volonté de construire le Grand Paris fluvial, maillon français indispensable du projet de liaison fluviale européenne Seine-Escaut. Une accessibilité via la région d’Île-de-France permettrait de rejoindre les grands ports maritimes.
En sortant du statut de cul-de-sac fluvial, la région d’Île-de-France deviendrait, d’ici à 2024, une autoroute pour péniches de grand gabarit, notamment entre Bray-sur-Seine et Nogent-sur-Seine, à même d’assurer les capacités exportatrices de la filière agricole française.
Le partenariat interrégional et multimodal avec les Hauts-de-France permet d’espérer 10 000 emplois directs et indirects, une accessibilité directe pour l’importation et l’exportation de produits alimentaires et non alimentaires, une traçabilité et une sécurité accrues du fret et, surtout, une baisse du coût du transport et de la pollution.
Madame la ministre, ce canal est indispensable pour que notre pays reste compétitif dans le cadre de la mondialisation des échanges.
Pouvez-vous nous préciser le plan de financement sur lequel l’État compte s’engager et le calendrier retenu ?
Le projet du canal Seine-Nord a besoin d’un signal fort, de l’expression d’une volonté renouvelée et d’une clarification.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, je vous confirme les orientations qui ont été fixées par le Premier ministre en octobre dernier s’agissant du financement du canal Seine-Nord, projet estimé à 4,9 milliards d’euros.
Il s’agit de faire évoluer la gouvernance vers un établissement public local permettant de transférer le pilotage financier et opérationnel ainsi que la maîtrise des risques du projet aux collectivités territoriales. Cependant, l’État a confirmé son engagement à hauteur de 1 milliard d’euros, via un emprunt de long terme de la société de projet, dont les annuités pourraient être financées par des taxes nationales à assiette locale affectées à la société de projet. Les travaux autour de la régionalisation avancent avec les collectivités concernées.
Cette évolution suppose des dispositions législatives qui pourront être inscrites dans le projet de loi d’orientation sur les mobilités.
Comme vous l’avez souligné, le canal Seine-Nord est l’un des chaînons d’un réseau fluvial qui nous reliera de façon performante au nord de l’Europe et qui permettra de conforter le débouché vers celui-ci de l’axe Seine, le projet entre Bray-sur-Seine et Nogent-sur-Seine étant lui aussi un projet important dans cette perspective d’étendre le réseau navigable à grand gabarit de l’axe Seine dans sa partie en amont de Paris. Je sais que ce projet est très attendu, notamment par les céréaliers, puisqu’il permettra le passage de convois de 2 500 tonnes, contre un maximum de 1 000 tonnes aujourd’hui. Le Conseil d’orientation des infrastructures a confirmé la pertinence de ce projet, d’un coût de 287 millions d’euros. Il recommande sa réalisation, quels que soient les scénarios retenus sur la période 2028-2032. Les études préalables à l’enquête publique sont en cours, dans la perspective d’une enquête publique qui pourra se tenir à l’horizon 2019.
Vous le voyez, nous sommes en train de travailler sur l’ensemble de ces aménagements. Le calendrier pourra figurer dans le cadre du projet de loi de programmation des infrastructures, que je vous présenterai prochainement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la reconquête industrielle de notre pays passe évidemment par le transport.
Dans cet hémicycle, nous avons débattu tout dernièrement du fret ferroviaire. Cet après-midi, nous avons adopté le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire. Le transport routier est également une question dont nous discutons.
Le transport fluvial est lui aussi un sujet majeur pour notre pays. Mon collègue François Grosdidier complètera mon propos concernant l’abandon ou le report des liaisons Saône-Moselle et Saône-Rhin, projets majeurs pour le développement du transport fluvial.
Avec 7 000 kilomètres de voies fluviales, la France se situe au troisième rang européen pour ce qui concerne le transport fluvial, car son réseau n’est pas souvent capable d’accueillir des bateaux de gros gabarit, pouvant transporter 1 500 tonnes. C’est l’un de nos handicaps en la matière.
Surtout, madame la ministre, malgré notre réseau formidable, le trafic sur nos voies fluviales est aujourd’hui quatre fois moindre que celui des Pays-Bas et six fois moindre que celui de l’Allemagne. C’est la question de la compétitivité de notre réseau fluvial qui se pose. Comment comptez-vous procéder pour retrouver la compétitivité ?
Enfin, à la suite de la décision de fermer très rapidement les centrales à charbon, décision qui aura des incidences sur les ports, quelles mesures allez-vous prendre pour retrouver des équilibres ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, la question de la place du transport fluvial dans notre transport de marchandises est effectivement un sujet important.
Je ne peux pas me satisfaire de la place que le transport fluvial – pas plus, d’ailleurs, que de celle du transport ferroviaire – occupe actuellement dans notre transport de marchandises.
Cependant, redynamiser le transport fluvial suppose déjà, dans un premier temps, de maintenir notre réseau en état. À cet égard, l’augmentation d’une centaine de millions d’euros par an, pendant une période d’une dizaine d’années, du montant consacré à la régénération de ce réseau constitue le premier enjeu.
Le deuxième enjeu est celui de la modernisation de ce réseau fluvial. En l’espèce, le programme a été évalué à 330 millions d’euros. Il pourra être réalisé, selon les scénarios, sur une période de cinq ou dix ans.
C’est également toute une profession qu’il faut accompagner, ce qui passe notamment par des efforts de formation et de sensibilisation à l’intérêt de ce mode de transport fluvial.
Enfin, il faut être capable d’attirer de nouveaux chargeurs vers la voie d’eau. C’est tout le sens des dispositifs de soutien au transport fluvial, qu’il s’agisse du plan d’aides à la modernisation et à l’innovation, pour avoir, demain, un transport fluvial encore plus performant sur le plan environnemental – c’est notamment l’enjeu de la transition énergétique de la flotte fluviale de marchandises –, ou, afin d’encourager les nouveaux trafics, du plan d’aide au report modal, qui est doté de 20 millions d’euros et qui doit permettre d’amorcer le report de nouveaux trafics vers le transport fluvial.
Reste le sujet de l’aide à la pince pour financer le surcoût du transbordement des conteneurs. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, les modalités de cette aide seront précisées prochainement. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement a bien indiqué que nous maintiendrions une aide à la pince, que ce soit pour le transport fluvial ou pour le transport ferroviaire.