Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le Parlement serait le dernier recours !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 142 rectifié quinquies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 229, présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, le Haut Comité du système de transport ferroviaire mentionné à l’article L. 2100-3 du code des transports remet également au Parlement une évaluation de l’état des infrastructures et des circulations sur les lignes les moins circulées du réseau ferré national, en vue d’établir une classification actualisée de ces lignes au regard de leur utilité collective et de leur contribution à l’aménagement du territoire.
Dans un délai de vingt-quatre mois, les commissions parlementaires compétentes en matière de transports réalisent chacune une étude sur l’avenir des lignes les moins circulées au regard de critères socio-économiques, comme celui d’un aménagement équilibré et solidaire du territoire ainsi que de la valorisation à moyen et long terme du patrimoine ferroviaire.
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Dans le souci de répondre aux craintes légitimes des élus, des populations et des usagers quant au sort réservé aux petites lignes – et dans les régions concernées, personne ne sourit ! –, l’article 3 quater prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, une évaluation de l’état du réseau ferroviaire et des circulations sur les lignes les moins empruntées du réseau ferré national.
Le rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a introduit dans l’étude proposée les critères d’« utilité collective » et de « contribution à l’aménagement du territoire », ce qui permet de ne pas limiter l’étude à une évaluation uniquement sous un angle financier et en termes de coût-avantage.
Considérant que la préservation de ce patrimoine relève aussi d’un choix de société, les auteurs de l’amendement souhaitent disposer de plusieurs études et analyses afin d’éclairer de manière contradictoire et plurielle les enjeux concernant l’avenir de ces petites lignes, dans un contexte de forte évolution technologique, offrant de nouvelles opportunités.
Des études socio-économiques devraient par ailleurs permettre une véritable appréciation des besoins en termes d’aménagement et de maillage du territoire, mais aussi de développement durable et de valorisation des externalités positives du rail par rapport au transport routier.
Pour toutes ces raisons, il est proposé de confier également au Haut Comité du système de transport ferroviaire et aux commissions parlementaires compétentes la réalisation d’études permettant de compléter l’évaluation produite par le Gouvernement.
Il s’agit bien, comme cela a été souligné à l’occasion du précédent amendement, de choix politiques. Nous avons donc pensé que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable pourrait travailler sur cette question importante de l’avenir des petites lignes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. C’est la série des amendements curieux !
Cet amendement conduirait à multiplier les rapports concurrents sur un même sujet – jusqu’à présent nous avions les rapports, désormais nous avons les rapports concurrents. Par ailleurs, il méconnaît le principe d’autonomie de chacune des assemblées parlementaires, car la loi n’a pas à définir le programme de travail des assemblées et de leurs commissions permanentes.
L’avis est très défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. L’état de notre réseau ferré national est un sujet majeur de préoccupation, qui a un impact sur le quotidien de beaucoup de nos concitoyens. Le projet de loi qui vous est soumis prévoit un rapport pour éclairer les décisions dans la perspective des prochains contrats de plan.
Je ne suis pas certaine que nos concitoyens attendent de nous que l’on propose un deuxième rapport conduisant à des études dans les commissions de chacune des assemblées. Ils attendent de nous que l’on agisse, et c’est bien ce que le Gouvernement se propose de faire, plutôt que de multiplier les études et les rapports.
Aussi, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3 quater, modifié.
(L’article 3 quater est adopté.)
Articles additionnels après l’article 3 quater
Mme la présidente. L’amendement n° 138 rectifié, présenté par MM. Léonhardt, Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 3 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1222-12 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les conventions relatives à l’exécution des services de transport ferroviaire de voyageurs d’intérêt régional et d’intérêt national contiennent des dispositions relatives à la possibilité, pour les voyageurs, de suspendre leurs abonnements en cas de grève ou de perturbations importantes et prévoient la mise en place de dédommagements forfaitaires automatiques et proportionnels au nombre de jours de grève ou de perturbation du trafic. »
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Les conventions actuelles qui lient les opérateurs aux autorités organisatrices de transport sont très peu contraignantes sur les modalités de suspension des abonnements pendant les périodes perturbées et sur les dédommagements dus aux voyageurs qui ont été dans l’impossibilité d’utiliser l’offre de transport correspondant au coût de leurs abonnements.
Il s’agit d’intégrer au code des transports la nécessité de prévoir, dans les conventions qui lient les opérateurs aux autorités organisatrices de transport, la possibilité, pour les voyageurs, de suspendre leurs abonnements en cas de grève ou de perturbations importantes et de prévoir la mise en place de dédommagements forfaitaires automatiques et proportionnels au nombre de jours de grève ou de perturbation du trafic.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Cet amendement vise à imposer au sein des conventions de service public la définition de stipulations relatives aux droits des voyageurs en cas de grève.
La généralisation imposée par l’amendement, en particulier pour la suspension des abonnements ou les dédommagements forfaitaires automatiques en cas de grève, mériterait de faire l’objet d’une évaluation de son impact pour les autorités organisatrices et leurs relations avec les entreprises ferroviaires.
Il est préférable de laisser les autorités organisatrices libres de définir elles-mêmes les stipulations qu’elles souhaitent établir avec l’attributaire du contrat.
Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je suis sensible à l’argument de la nécessité de dédommager les usagers qui subissent des perturbations. Néanmoins, il est de la responsabilité de chacune des autorités organisatrices de définir les modalités de ce dédommagement, en lien avec l’opérateur ferroviaire. C’est du reste ce que la plupart des régions viennent de faire avec la SNCF.
Je propose donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Arnell, l’amendement est-il maintenu ?
M. Guillaume Arnell. Je préfère le retrait à un vote défavorable. Cependant, il était important d’attirer l’attention sur ce point, car le dédommagement ne se fait pas de façon automatique. Certes, la SNCF vient de proposer pour les cartes Navigo la possibilité d’un remboursement, mais ce n’est pas aussi systématique. Il ne faudrait pas que les voyageurs soient toujours pénalisés. Ayons un regard vigilant sur cette affaire !
Je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 138 rectifié est retiré.
L’amendement n° 113, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les avantages et inconvénients du redéploiement d’un service public de trains de nuit.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, je vais vous parler des trains de nuit, sujet sur lequel vous ne m’aviez pas répondu précédemment.
De manière discrète et progressive, la SNCF a retiré de la circulation la quasi-totalité des trains de nuit. Bien entendu, les critères de rentabilité et l’efficacité économique ont été mis en avant pour justifier le démantèlement de ce service public qui apportait, pourtant, beaucoup de satisfaction à ses usagers.
Nous estimons qu’avant toute décision d’arrêt d’un tel service, particulièrement préjudiciable en période de congés, une mission parlementaire aurait pu se pencher sur la question.
La SNCF a argué que les trains de nuit représentaient un véritable gouffre financier. Cette étude aurait donc été bienvenue, car nous avons appris, il y a peu, que la Deutsche Bahn, la compagnie ferroviaire allemande, avait falsifié des données afin de justifier la fin de ses trains de nuit.
Nous proposons, à l’instar de nombre d’associations et d’usagers qui se mobilisent pour la sauvegarde de ces trains, de promouvoir les Intercités de nuit comme transports très longue distance au sein de la stratégie pour le développement de la mobilité propre lancée par le ministère de l’environnement.
Nous estimons qu’il faut redéployer les Intercités de nuit en desserte quotidienne pour recréer des liaisons ferroviaires qui ne passent pas par Paris, entre les régions périphériques. Cela permettrait, en outre, de désenclaver les zones de montagne ou encore les territoires excentrés.
Selon nous, une telle politique permettait d’encourager le report modal de l’avion sur le rail à l’échelle européenne, car les trains de nuit permettent de développer les liaisons ferroviaires internationales.
Vous avez mis en avant la vétusté du matériel roulant. C’est malheureusement vrai. La SNCF a anticipé de longue date l’arrêt de ces trains, en ne réinvestissant pas. Mais nous touchons là à une question fondamentale des priorités données en matière de transports.
Nous n’évoquons pas, par exemple, les investissements gigantesques en faveur de la route, qui sont contraires à une politique écologique cohérente et crédible. Ils sont d’autant moins évoqués qu’ils se font au profit du secteur privé, soit directement par la privatisation des autoroutes, soit indirectement en permettant aux transporteurs routiers de circuler avec une politique d’investissements minimum en infrastructures.
Ce sont des choix économiques et des choix de société qui sont faits, en particulier en matière d’environnement.
Je conclurai mon propos en évoquant les congés payés, car le train de nuit y est souvent associé dans la mémoire collective.
La suppression de ces trains pénalise les salariés qui, grâce aux trains de nuit, pouvaient préserver deux journées pleines de vacances.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Quand cesserons-nous de demander des rapports ? C’est une catastrophe !
Cet amendement introduit une demande de rapport sur le redéploiement d’un service public de trains de nuit.
L’un des objectifs de l’ouverture à la concurrence est précisément de diversifier l’offre de services de transports. Ainsi, si les services de trains de nuit répondent à un véritable besoin des voyageurs, des opérateurs pourront entrer sur le marché pour proposer de tels services. Il n’est donc pas utile de prévoir un rapport sur le redéploiement d’un service public de trains de nuit.
L’avis est défavorable.
Mme Éliane Assassi. Vous le savez bien, monsieur le rapporteur, nous n’avons pas d’autre choix que de procéder ainsi !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Les problèmes des trains de nuit sont réels : ils sont, en grande partie, le corollaire de la grande qualité de notre desserte TGV, qui a progressivement asséché le trafic des trains de nuit.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
Mme Élisabeth Borne, ministre. La SNCF n’a pas réussi dans le passé, et aujourd’hui non plus, dans le cadre de sa convention avec l’État à mettre en place un service de qualité ayant les faveurs de ses clients.
Cela n’est pas, du reste, un problème propre à la SNCF puisque, vous vous en souvenez sans doute, le précédent gouvernement avait organisé un appel à manifestation d’intérêt qui n’avait pas permis d’identifier d’acteur alternatif intéressé.
Pourtant, je veux le redire, l’État ne se désengagera pas des trains de nuit. Il continuera à soutenir les liaisons vers les régions qui ne disposent pas d’offre alternative. Aujourd’hui, ce n’est pas un rapport qui va résoudre les difficultés des trains de nuit, s’agissant en particulier de la qualité des sillons, laquelle découle en partie des travaux importants de rénovation à mener sur l’ensemble de notre réseau.
C’est pourquoi je vous propose, monsieur le sénateur, de retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Vous aurez compris, madame la ministre, qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. (M. Roger Karoutchi rit.)
M. Fabien Gay. Ne dites pas : encore un rapport ! Nous n’avons que ce moyen, sinon nos amendements tombent sous le coup de l’irrecevabilité prévue à l’article 40 de la Constitution. Nous souhaitons aussi avoir des débats politiques sur la question des trains de nuit. C’est la troisième fois que j’interpelle Mme la ministre !
Nous avons là un vrai débat, et j’ai entendu votre volonté de maintenir ces trains.
On ne peut pas opposer ces trains aux TGV. J’ai écouté vos propos, mais je veux parler du coût que représentent les voyages en train pour de nombreuses familles. On aurait pu organiser la complémentarité entre les deux. Certains veulent prendre le TGV – je le prends aussi – parce qu’il est rapide ; d’autres veulent partir à moindre coût et ont le temps, notamment pour les vacances et les congés que j’ai évoqués.
Monsieur le rapporteur, j’insiste, ne me dites pas qu’il s’agit encore d’une demande de rapport. Cet amendement soulève une réelle question politique. Nous ne le retirons donc pas. (M. le rapporteur s’étonne.)
Mme Éliane Assassi. Il a du sens !
M. Fabien Gay. Il a effectivement du sens !
Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.
Mme Fabienne Keller. Je ne suis pas, moi non plus, fan des rapports. En revanche, je veux dire ici très brièvement mon immense regret de la suppression, je le rappelle, de six trains de nuit – seuls deux ont survécu – il y a deux ans environ.
Pour nous, les trains de nuit allaient de Strasbourg à la frontière espagnole ou à la frontière italienne. Ils étaient beaucoup moins chers que les TGV. Ils faisaient économiser du temps – ce point que vous avez évoqué, monsieur Gay, est très juste –, puisqu’ils circulaient la nuit. Ces trains étaient dans un état absolument catastrophique. Ce sont ceux-là, vous le savez, madame la ministre, qui ont été proposés aux repreneurs. Il était impossible de les exploiter, ils ne fonctionnaient d’ailleurs plus et restaient souvent en carafe. C’est un sujet de travail, mais je ne pense pas qu’un amendement ou un rapport y change quoi que ce soit.
Est-il possible sur certains axes avec des dessertes plus fines – on ramassait des clients dans davantage de villes et, à l’arrivée, les dessertes étaient plus fines, sur des distances longues, à des prix plus accessibles aux familles – d’ouvrir des sillons à des tarifications raisonnables ? Ce sujet mérite d’être travaillé.
Mes chers collègues, il est dommage que vous n’ayez pas retiré votre amendement, car ce n’est pas un rapport qui changera l’avenir. Néanmoins, c’est un beau combat ! (M. Fabien Gay s’exclame.)
Mme Éliane Assassi. Qu’est-ce qui va changer l’avenir, alors ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 113.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 4
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, pour adapter le système ferroviaire dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, toute mesure relevant du domaine de la loi afin de :
1° Définir et harmoniser les contraintes d’exploitation des services de transport ferroviaire de voyageurs, ainsi que, conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l’article 3 du règlement (CE) n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 précité, les règles générales, applicables à toutes les entreprises de transport ferroviaire, fixant des obligations de service public visant à établir des tarifs maximaux pour l’ensemble des voyageurs ou pour certaines catégories d’entre eux, les modalités de consultation des régions lors de la définition de ces tarifs, ainsi que les modalités de compensation de ces obligations de service public ;
2° Préciser les règles en matière de vente de titres de transport, d’information, d’assistance, de réacheminement et d’indemnisation des voyageurs ferroviaires, en vue notamment de permettre la commercialisation et la distribution des titres de transport dans des conditions garantissant une concurrence libre et loyale entre les entreprises de transport ferroviaire de voyageurs ;
3° Déterminer le cadre d’exécution des prestations de services ferroviaires successifs par une ou plusieurs entreprises de transport ferroviaire ;
4° Compléter et renforcer les modalités de régulation, de gestion et d’exploitation des installations de service reliées au réseau ferroviaire et des prestations fournies par leurs exploitants, ainsi que les modalités d’accès à ces installations et à ces prestations ;
5° Modifier les modalités de gestion et d’exploitation des gares de voyageurs utilisées principalement par des services publics de transport ferroviaire, en permettant notamment aux autorités compétentes d’inclure, à leur demande, dans le périmètre des contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs tout ou partie des prestations de gestion ou d’exploitation de gares ;
6° Définir les conditions de fourniture ainsi que les principes et le cadre de régulation de prestations rendues par les entités du groupe public ferroviaire au bénéfice des acteurs du système de transport ferroviaire national.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.
M. Guillaume Gontard. Cet article prévoit la définition par ordonnance des modalités de l’ouverture à la concurrence en matière de tarifs, de conditions de vente et de gestion des gares.
Il s’agit au fond de questions essentielles qui concernent la qualité du service aux usagers – vous le voyez, nous nous préoccupons également de ces derniers ! – et l’égalité d’accès au service public, dont la gestion des gares est un élément central.
Toutes ces questions ne seront donc pas discutées au Parlement.
Concernant les tarifs, et malgré la volonté de disposer de billetteries communes, de définir des tarifs maximums et de préserver les tarifs sociaux, nous craignons, au fond, comme cela s’est passé dans la majorité des situations d’ouverture à la concurrence de services publics, notamment dans le cadre de la téléphonie ou de l’énergie, que la multiplication des entreprises ferroviaires sur le réseau n’achève de déréguler les tarifs, qui, disons-le, sont déjà élevés et incompréhensibles. Nous avons d’ailleurs proposé des amendements à ce sujet.
Nous notons avec inquiétude aussi le fait que les gares pourront demain être non seulement filialisées au sein d’une société anonyme, mais également gérées par des entreprises privées dans le cadre des contrats de service public passés avec les régions. C’est une privatisation de lieux qui sont parfois, notamment dans des petites villes, de véritables centres de vie. Nous avons déjà largement parlé de cette question hier soir.
Nous considérons que les gares font partie du patrimoine, des infrastructures, que leur gestion doit donc rester dans le giron de la SNCF et non pas être confiée à des opérateurs privés, qui n’ont aucune idée des contraintes d’exploitation de structures support du service public.
Nous voterons donc contre cet article qui enterre définitivement toute idée de service public dans le transport ferroviaire et qui, en organisant une nouvelle fois le passage par voie d’ordonnance, prive les parlementaires de leur pouvoir législatif. Vous comprendrez que cet exercice autoritaire du pouvoir, concernant l’avenir du service ferroviaire, nous semble inacceptable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller, sur l’article.
Mme Fabienne Keller. Je veux dire quelques mots de cet article 4, qui traite des gares, pour partager ma passion et mon engagement sur ce sujet.
Nous allons essentiellement traiter la question de la gare comme pôle d’échanges et de multimodalités, bref, comme centre d’organisation de l’intermodalité entre les transports. On peut aussi définir la gare plus largement, en allant au-delà du périmètre technique de la gare, comme un lieu de rencontre entre les deux cultures : la culture du transport et la culture de la ville. C’est ce que l’on pourrait appeler la « grande gare ».
Cette gare se caractérise par le fractionnement des acteurs : plusieurs autorités organisatrices, plusieurs propriétaires en gare, plusieurs exploitants. Il est donc très compliqué d’organiser les gares. Nous nous limiterons, dans cet article, aux pôles d’échanges multimodaux, les PEM, c’est-à-dire à l’intermodalité. Mais nous pouvons nous intéresser plus largement au concept d’aménagement, et je fais le rêve, madame la ministre, que les projets soient tous centrés autour du voyageur.
Ces gares sont intéressantes et ont du potentiel à plusieurs échelons : dans les petites villes, dans les villes moyennes, dans les grandes villes et, bien sûr, dans les métropoles. Ces gares se caractérisent par des retards d’investissement, même si, au cours de la dernière décennie, ont émergé plutôt de beaux projets. Bref, ce sont des lieux à potentiel, des lieux républicains, parce que, comme dans les stades et quelques autres endroits, tout le monde s’y croise.
Madame la ministre, je voudrais plaider en faveur d’une stratégie nationale pour ce qui pourrait être des nouveaux cœurs de ville. J’en suis convaincue, dans les petites villes et les villes moyennes, comme dans les villes de la périphérie parisienne, il existe un énorme potentiel pour faire des gares, qui sont parfois, notamment en Île-de-France, la place du village, c’est-à-dire le lieu le plus fréquenté de la commune, des endroits offrant une réelle mixité, une véritable harmonie et une vraie offre de services de transport, encourageant nos concitoyens à utiliser des transports plus respectueux de l’environnement.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 62 est présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 248 est présenté par M. Jacquin, Mme Lienemann, MM. Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mme de la Gontrie, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 62.
Mme Éliane Assassi. Je serai assez brève puisque Guillaume Gontard a largement explicité les raisons pour lesquelles nous souhaitons la suppression de cet article.
Je veux revenir sur deux raisons fondamentales qui nous conduisent à demander cette suppression.
Premièrement, sous le prétexte de définir et d’harmoniser les contraintes d’exploitation des services de transport ferroviaire ainsi que les règles générales applicables à toutes les entreprises ferroviaires fixant des obligations de service public, notamment les tarifs sociaux, les règles en matière d’assistance ou d’indemnisation des voyageurs, le présent article met en relief les risques potentiels de dégradation de la qualité de service qui s’attachent à l’ouverture à la concurrence.
Deuxièmement, cet article est également particulièrement dangereux sur la question des gares, en permettant aux autorités organisatrices d’intégrer la gestion des gares dans les contrats de service public.
Nous ne souhaitons pas que les gares, outils d’aménagement du territoire et supports du service public, puissent être gérées ou exploitées par une entreprise privée, soumise à des impératifs de rentabilité financière.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour présenter l’amendement n° 248.
M. Olivier Jacquin. Je considère que cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Madame la présidente Assassi, je note que votre amendement de suppression est cohérent avec l’opposition à l’ouverture à la concurrence que vous avez manifestée depuis le début de ce débat.
Je veux vous signaler qu’il s’agit d’une habilitation résiduelle puisque les principes de l’ouverture à la concurrence sont désormais inscrits dans le texte de loi lui-même, grâce aux concertations qui ont été menées et aux débats qui ont permis d’enrichir le texte.
L’amendement est cohérent avec votre position.
Je comprends moins bien l’amendement du groupe socialiste, dont finalement je ne sais plus très bien s’il est favorable, ou non, à l’ouverture à la concurrence.
Mme Éliane Assassi. Il l’est !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Se pose donc une question de cohérence. Vous avez précédemment évoqué, monsieur Jacquin, le fait que le groupe socialiste était favorable à l’ouverture à la concurrence, ce qui, au demeurant, est cohérent avec le fait que le précédent gouvernement a fait voter les dispositions d’ouverture à la concurrence durant le précédent quinquennat. Cela me paraît assez incohérent et peu clair.
Je suis, en tout cas, défavorable à ces deux amendements identiques de suppression.