Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Je suis d’accord avec vous, monsieur Gay, cet article est extrêmement important. Je suis aussi d’accord avec vous pour dire que, lors du débat à l’Assemblée nationale, le volet social de ce texte n’a guère été traité.
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Pour ma part, j’ai considéré que le Sénat devait inscrire dans le texte un marqueur d’aménagement du territoire, mais aussi un marqueur social, ce thème n’ayant pas été suffisamment abordé, selon moi, à l’Assemblée nationale.
J’ai donc consulté tous les syndicats. Ils sont tous venus, sauf un, qui a décliné le matin une audition prévue l’après-midi. J’ai considéré que ce syndicat ne souhaitait pas rencontrer le rapporteur et je ne l’ai plus revu. Certains syndicats m’ont dit qu’ils étaient absolument contre cette réforme, contre l’ouverture à la concurrence, contre la fin du statut de cheminot, contre la transformation de l’EPIC en société anonyme, toutes évolutions auxquelles je suis, quant à moi, favorable. Nous avons pris acte de nos divergences. Ils s’inscrivaient dans une position de refus. C’est leur droit le plus strict, mais, dès lors, ce n’était plus la peine de continuer les auditionner.
Deux syndicats, l’UNSA et la CFDT, ont déclaré qu’ils n’étaient pas forcément d’accord avec le texte, mais qu’ils allaient essayer d’apporter leur contribution. Ils auraient préféré qu’il n’y ait pas d’ouverture à la concurrence, mais, sachant que la loi avait toutes les chances d’être votée, ils préféraient tenter d’améliorer les choses plutôt que de refuser tout en bloc. J’ai considéré qu’il convenait de travailler avec eux, et nous les avons auditionnés une deuxième fois. J’ai été très attentif à leurs remarques.
Je tiens à le souligner, j’ai bénéficié d’une attention toute particulière de la part du président du Sénat, qui, gaulliste social comme moi, m’a beaucoup aidé pour l’examen de cet article.
Dans ses apports, le Sénat s’est montré, je le crois, franchement novateur. Tout n’est peut-être pas parfait, certains voudraient sans doute encore plus – je le comprends, cela fait aussi partie des négociations –, mais je pense avoir trouvé, en tant que rapporteur, un équilibre satisfaisant, même si, bien sûr, il ne le sera jamais pour ceux qui rejettent ce texte en bloc.
Voilà ce que je voulais dire en préambule. J’en viens maintenant à cet amendement visant à supprimer l’article 2 quinquies.
Cet article détermine le cadre du transfert des personnels, ainsi que les droits garantis aux salariés transférés.
Le transfert de personnel, lorsqu’une entreprise succède à une autre entreprise, est un principe appliqué dans de nombreux secteurs d’activité, par exemple dans celui des transports urbains. Cette obligation de reprise des salariés par le nouvel employeur est avant tout conçue pour protéger les salariés et empêcher que leur emploi ne disparaisse avec la perte du marché par l’entreprise sortante.
Organiser le transfert des salariés permet d’assurer la continuité du service. Il s’agit, en l’espèce, de garantir la continuité du service de transport ferroviaire et de permettre aux nouveaux entrants de bénéficier, cela a été souligné mais je le redis, de personnels déjà formés et compétents pour exploiter les lignes concernées.
Le cadre du transfert qui est prévu par le projet de loi est protecteur. Nous avons, en commission, renforcé les droits des salariés de SNCF Mobilités qui seront transférés. Ces salariés bénéficieront du maintien des éléments essentiels du statut : la garantie de l’emploi, l’affiliation au régime de retraite et un montant de rémunération équivalent, incluant l’ensemble des primes, indemnités, gratifications et allocations.
Par ailleurs, nous avons souhaité favoriser au maximum le recours au volontariat des salariés, puisque pourront être volontaires pour rejoindre le nouvel entrant l’ensemble des salariés de la région concernée.
Nous avons également prévu que, si le transfert implique un changement de région, les salariés pourront le refuser sans conséquence pour la poursuite de leur contrat de travail.
Vous le voyez, mes chers collègues, cet article garantit aux salariés transférés un large socle de droits sociaux, loin, très loin des caricatures que nous pouvons parfois entendre. Ces caricatures font d’ailleurs mal au cœur (Mme Éliane Assassi proteste.) parce que, franchement, j’ai essayé de toutes mes forces de comprendre les préoccupations des salariés.
Dans ce domaine, certains trouveront que j’ai été assez loin, d’autres trop loin, d’autres encore pas assez loin, mais je souhaite que nous conservions un certain équilibre. C’est pourquoi j’ai voulu faire figurer dans le texte de la commission toutes ces avancées sociales, de façon à être très transparent à l’égard de l’ensemble des syndicats. (M. Jean-Raymond Hugonet et Mme Laure Darcos applaudissent.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Il s’agit effectivement d’un article très important. Dès le départ, le Gouvernement a annoncé qu’il souhaitait conduire cette réforme en étant ferme sur de grands principes, notamment celui de l’ouverture à la concurrence, mais en étant ouvert à la concertation avec les organisations syndicales et à la co-construction avec le Parlement.
S’agissant de l’ouverture à la concurrence, j’ai toujours dit que je souhaitais qu’elle soit à la fois progressive, comme le souhaitent les régions, et protectrice pour les salariés.
C’est ce qui m’a conduite à mener, durant deux mois, soixante réunions de concertation avec les organisations syndicales, qui ont permis d’inscrire dans le texte à l’Assemblée nationale des principes forts en matière d’organisation des transferts de personnel en cas de perte de contrat par l’opérateur historique.
Tout d’abord, la priorité est donnée au volontariat. Ensuite, les cheminots sont assurés, en cas de transfert, d’emporter avec eux l’essentiel des garanties liées au statut : garantie de l’emploi, régime spécial de retraite, garantie de rémunération, facilités de circulation, médecine de soins, logement. Nous avons même été au-delà, dans le texte qui a été voté par l’Assemblée nationale, en organisant une véritable portabilité des droits, qui permet donc aux cheminots d’effectuer des mobilités volontaires en conservant ces mêmes garanties.
Après l’adoption du texte à l’Assemblée nationale, j’ai souhaité poursuivre les concertations avec les deux organisations syndicales qui, sans être spontanément favorables à l’ouverture à la concurrence, ont voulu s’inscrire dans cette démarche, dans l’intérêt des cheminots.
Cette concertation nous a permis d’introduire, ensemble, de nouvelles avancées dans le texte qui a été adopté en commission au Sénat. Je veux remercier ici votre rapporteur, le Sénat et son président d’avoir voulu donner une grande place au dialogue social.
Votre commission a en particulier élargi le champ du volontariat et apporté des assurances supplémentaires quant au maintien de l’intégralité de la rémunération. Elle a également adopté le principe de la possibilité d’un retour au statut en cas de réintégration de la SNCF. C’est un point auquel les organisations syndicales étaient attentives.
Il est très important que l’on puisse organiser une véritable mobilité à l’échelle de la branche. Je veillerai à ce que ce principe soit pris en compte dans le cadre de la construction de la future convention collective.
Je pense que des avancées importantes ont été obtenues et que des garanties fortes sont données aux cheminots en cas de transfert. C’est le résultat à la fois des concertations que j’ai pu mener depuis près de trois mois et de la place donnée au dialogue social par le président du Sénat, votre rapporteur et la commission.
Je suis évidemment défavorable à la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Monsieur le rapporteur, madame la ministre, il est bien que nous puissions échanger longuement sur cet article. Nous suivons l’actualité et connaissons donc les éléments que vous avez rappelés, mais des questions restent en suspens. C’est sur ces points que les cheminotes et les cheminots attendent des réponses.
Qu’adviendra-t-il des cheminotes et des cheminots qui refuseront le transfert à un opérateur privé ? C’est une véritable interrogation. Ils peuvent refuser le transfert à un opérateur privé parce qu’ils sont attachés à la SNCF, au service public. Nous rencontrons de nombreux cheminotes et cheminots, syndiqués ou non, qui sont dans ce cas.
Qu’adviendra-t-il des cheminotes et des cheminots si l’opérateur privé auquel ils ont été transférés perd la délégation de service public qu’il avait obtenue pour cinq ou dix ans ? Quid du droit au retour ? C’est là aussi une véritable question. Vous avez commencé à y répondre, madame la ministre, mais il faut creuser encore.
Enfin, un certain nombre de cheminotes et de cheminots s’interrogent sur le sort des nouveaux entrants, présents dans l’entreprise depuis moins de six mois. Sur ce point, il subsiste un doute.
Il faudra pouvoir avancer sur toutes ces questions au fil de la discussion.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur. J’ai le souci, bien naturel, que le texte du Sénat puisse être validé en commission mixte paritaire par nos collègues de l’Assemblée nationale.
Je voudrais remercier Mme la ministre, car ce texte est un bel exemple de coconstruction. Dans cet esprit, tout ce qui a été intégré dans le texte de la commission a été validé par le Gouvernement. Je le dis d’autant plus volontiers que cela n’a pas toujours été le cas dans le passé, certains ministres ayant parfois balayé d’un revers de main des propositions de loi sénatoriales. Je ne doute pas que, sur ce texte, nous allons continuer à travailler dans ce climat. En tout cas, je tiens à souligner que Mme la ministre a vraiment été très attentive au travail du Sénat. Je l’en remercie, et j’espère que son attitude très constructive, pour reprendre un mot à la mode, inspirera ses collègues du Gouvernement, car nous avons besoin de la hauteur de vues du Sénat, qui est capable de travailler en transcendant les clivages politiques, dans l’intérêt de la France et des Français.
M. Philippe Dallier. Bien dit !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je comprends les attentes et les inquiétudes soulevées par nos collègues du groupe CRCE. Elles sont tout à fait légitimes.
Cela étant, il faut prendre du recul. Notre rapporteur a livré une analyse pédagogique et apporté des explications. Mme la ministre a rappelé le grand nombre de réunions de concertation qu’elle a conduites, de même que la commission, dont le rapport comporte de nombreux éléments tout à fait constructifs et objectifs.
L’ouverture à la concurrence suscite certes des inquiétudes compréhensibles dans le monde cheminot, mais on essaie de trouver des solutions au travers du dialogue social, en restant très prudents et vigilants, afin de pouvoir rassurer les quelque 146 000 personnes concernées sur leurs évolutions de carrière.
Je me rallie à la position du rapporteur en ce qui concerne cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Le Gouvernement et le Sénat garantissent le statut des salariés dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, même dans le cas d’un transfert, et s’attachent à rendre cette loi la plus protectrice possible pour les cheminots, notamment en donnant la priorité au volontariat, en prévoyant un droit au retour ou en maintenant la garantie de l’emploi.
Je voudrais remercier M. le rapporteur de son action : il a fait le maximum pour apporter toutes garanties aux cheminots, qui sont bien sûr anxieux et doivent être rassurés par le texte.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 57.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 119 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 15 |
Contre | 325 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 246, présenté par M. Jacquin, Mme Lienemann, MM. Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mme de la Gontrie, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Remplacer le mot :
six
par le mot :
trois
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. La durée minimale d’une période d’essai en CDI est de trois mois. Même si celle-ci est renouvelable, il n’y a aucune raison à notre sens de fixer un délai excessif pour les salariés de la SNCF qui seraient embauchés quelques mois avant le changement d’attributaire d’un contrat de service public pour que leur contrat soit transféré dans des conditions décentes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Monsieur le sénateur, votre amendement tend à réduire de six à trois mois l’antériorité minimale de l’embauche des salariés pouvant bénéficier du transfert. De fait, que les salariés justifient d’une expérience minimale apparaît souhaitable pour assurer les meilleures conditions de continuité d’exploitation de la ligne.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait que cette mesure répond à l’une des demandes exprimées par les organisations syndicales lors des nombreuses réunions de concertation que j’ai conduites. Je ne crois pas opportun de revenir sur un équilibre qui a été entériné au cours de la concertation. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 101, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après le mot :
employeur,
insérer les mots :
en respectant les spécificités des métiers et l’organisation collective du travail,
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Il s’agit d’un amendement de repli. Mme la ministre a dit publiquement, avec raison, qu’il faut accélérer la table ronde réunissant le président de Transdev et de l’Union des transports publics et ferroviaires, l’État et les syndicats de salariés.
On nous dit qu’il s’agit d’une grande ambition nouvelle dont la majorité actuelle serait seule à l’origine, mais nous savons tous qu’une convention collective est en discussion depuis la fin de 2013. La négociation n’a pas abouti ; elle a avancé sur six points et bloque sur trois autres. Transdev, l’Union des transports publics et ferroviaires et les syndicats des personnels ont décidé de prolonger leurs discussions sur ces trois points précisément dans l’attente de la réforme, qui prévoit une ouverture à la concurrence, une filialisation et un changement de statut. Dans ce débat, il ne faut pas perdre de vue l’historique des faits.
Si nous avons déposé cet amendement de repli par rapport à notre opposition de principe à l’ouverture à la concurrence, c’est parce que nous nous soucions de l’avenir des salariés qui seront transférés. Il vise à confirmer que le transfert des salariés de la SNCF à des opérateurs privés devra se faire dans le respect des spécificités des métiers et de l’organisation du travail des cheminots et des cheminotes.
Nous pensons, pour notre part, que le respect des spécificités des métiers et les droits fondamentaux des salariés n’ont pas été tout à fait garantis par la loi Travail. Cet amendement vise à assurer le respect des carrières des cheminots et des cheminotes, que nous souhaitons longues et dévouées, ainsi que la reconnaissance de leurs métiers bien particuliers, dont les savoir-faire doivent être conservés.
Quelle que soit notre opinion sur la flexibilité ou la mobilité, la question du retour dans l’entreprise et celle du volontariat sont très importantes. Je ne pense pas que les poser relève d’une approche partisane. Nous avons tous connu des personnes dont l’expérience dans le secteur public a été profitable dans le secteur privé, et inversement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Cet amendement vise à préciser que le transfert des salariés devra se faire dans le respect des spécificités des métiers et de l’organisation collective du travail.
Votre préoccupation est satisfaite s’agissant des métiers, monsieur le sénateur.
D’une part, le texte précise bien que le recours au volontariat doit se faire dans le respect des qualifications professionnelles.
D’autre part, les partenaires sociaux qui auront à négocier sur les critères de transfert tiendront également compte de cette exigence.
En ce qui concerne l’organisation collective du travail, il y aura un cadre au niveau de la branche, qui sera décliné au sein de chacune des entreprises. Cette déclinaison relève de l’employeur, qui devra trouver la meilleure organisation pour assurer le service dans le respect des prescriptions de sécurité.
Enfin, je vous confirme que, comme je m’y suis engagée vendredi dernier, je réunirai dans les prochains jours les partenaires sociaux pour relancer la négociation de la convention collective.
Je sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Savoldelli, l’amendement n° 101 est-il maintenu ?
M. Pascal Savoldelli. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 44, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Cet amendement, qui anticipe sur un amendement similaire que nous défendrons tout à l’heure, tend à revenir sur la possibilité ouverte par le texte d’intégrer les gares dans les contrats de service public.
L’avenir de ces infrastructures, qui sont le support du service public ferroviaire, font partie du patrimoine de la nation et constituent un élément du réseau ferroviaire.
Nous estimons, par principe, que ces structures doivent continuer à relever de Gares et Connexions, sous la responsabilité du groupe public ferroviaire intégré, et donc ne pas être filialisées.
Nous sommes, par conséquent, opposés au recours au modèle « transporteur-intégrateur », qui permettrait de confier la gestion des gares au seul opérateur de ces infrastructures, et ce pour plusieurs raisons.
La première est que nous prônons l’unité du réseau. Considérant les gares comme un élément de l’infrastructure, nous souhaitons un gestionnaire unique. Nous estimons même que la démarche de contractualisation est contradictoire avec la volonté affichée d’unifier la gestion et l’exploitation des gares sous la responsabilité de SNCF Réseau, reconnaissance implicite du caractère déterminant d’infrastructure ferroviaire de celles-ci.
La deuxième raison est que cette option n’est envisageable que pour les gares desservies par un unique transporteur. Qu’en sera-t-il pour toutes les autres, celles qui sont utilisées par plusieurs opérateurs ferroviaires ? Rien ne précise ce et n’exclut un recours aux contrats de service public dans ce cadre.
De plus, une telle possibilité d’intégration dans le contrat de service public suppose que les gares soient placées sous la responsabilité des régions, ce qui implique d’intensifier encore une décentralisation qui s’opère déjà aujourd’hui, mais, hélas ! sans les ressources adéquates.
Enfin, ouvrir la possibilité de confier l’exploitation des gares à un opérateur privé, même sous contrat avec une région, ne nous semble pas pertinent. Une gare, élément du réseau et partie intégrante du domaine public, ne peut être confiée à un opérateur privé.
Nous proposons donc la suppression de cette possibilité d’intégration de la gestion des gares dans les contrats de service public.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. M. Gay a sa logique. Ce n’est pas la mienne.
M. Fabien Gay. C’est sûr !
M. Gérard Cornu, rapporteur. En fait, cet amendement vise à supprimer la possibilité que le transfert de personnel concerne également des salariés de l’opérateur sortant qui effectuent des prestations en gare.
Actuellement, dans de nombreuses gares dites « monotransporteur », où ne circulent que des trains gérés par SNCF Mobilités, la plupart des prestations en gare, comme l’accueil et l’information des voyageurs, sont assurées directement par SNCF Mobilités, et non par Gares et Connexions. Il serait, en effet, contre-productif que des agents de Gares et Connexions soient affectés dans ces gares où peu de trains circulent et où, par conséquent, l’accueil des voyageurs peut être assuré directement par l’opérateur de transport.
En cas de changement d’opérateur, il convient de prévoir la possibilité que les personnels de SNCF Mobilités qui effectuent ces prestations en gare soient transférés au nouvel opérateur.
Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je partage l’avis de M. le rapporteur sur la nécessité de ne pas réduire le périmètre des agents transférés : il y a là un enjeu de continuité du service public.
Il y a, par ailleurs, un enjeu de mutualisation, et donc d’efficacité, du service public. À cet égard, entraver les synergies au sein des différents services risquerait de conduire un jour à fermer de petites gares.
Il importe donc de raisonner en considérant le périmètre d’ensemble.
J’entends bien la crainte que ces transferts peuvent susciter. Cependant, les transferts constituent une protection. En effet, dans de nombreux secteurs de l’économie, quand une entreprise perd un contrat, les emplois peuvent être menacés. Dans le cas de contrats de service public ou de délégations de service public, la reprise des contrats par un nouvel opérateur protège les salariés. Par exemple, lorsque, dans une commune, Transdev reprend un service de transport urbain précédemment confié à Keolis, Transdev reprend également les contrats de travail des salariés concernés. Il faut bien avoir conscience que, dans le cadre des contrats de service public, les transferts, s’ils peuvent signifier un changement d’environnement drastique, représentent une protection pour les salariés.
Évidemment, l’environnement du secteur ferroviaire est en train de connaître une forte évolution. C’est la raison pour laquelle toutes ces modalités particulières de transferts sont organisées par la loi, afin de tenir compte des spécificités des métiers et de maintenir des garanties pour les cheminots.
Il faut que chacun ait en tête que les transferts, dans le cadre des changements d’opérateurs des contrats de service public, constituent d’abord une protection pour les salariés.
Vous dites, monsieur le sénateur, que les salariés veulent rester à la SNCF parce qu’ils sont attachés au service public, mais le contrat de service public peut être exécuté par une autre entreprise, toujours pour le compte de l’autorité organisatrice. Demain, le métier des cheminots relèvera donc encore du service public !
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement n° 255, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi que du maintien de l’application à ces salariés des dispositions de la convention collective mentionnée à l’article L. 2162-1 en vigueur à la date du transfert
La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Il s’agit d’un amendement de précision, qui vise à éviter toute difficulté d’interprétation quant à l’application de la convention collective nationale de la branche ferroviaire aux salariés transférés. Il s’inscrit dans la volonté du Gouvernement d’instituer un cadre social de haut niveau applicable à l’ensemble des salariés.
Il s’agit de s’assurer que les salariés transférés continueront de relever de la convention collective ferroviaire et bénéficieront de l’ensemble des stipulations qui seront négociées au titre de la construction d’un cadre social de haut niveau pour la branche.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que les contrats de travail des salariés transférés à un nouvel opérateur continueront d’être régis par la convention collective de la branche ferroviaire. Cette précision me semble de nature à rassurer les salariés transférés. La commission émet un avis favorable.
Vous voyez, madame la ministre, que je ne donne pas que des avis défavorables aux amendements du Gouvernement ! (Mme la ministre sourit.)
Mme la présidente. L’amendement n° 102, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Au début, insérer les mots :
Un accord de branche étendu ou, à défaut,
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. L’article 2 quinquies, élaboré lui aussi au terme d’une grande concertation, puisqu’il a été introduit en commission à l’Assemblée nationale par adoption d’un amendement du Gouvernement… Largement récrit au Sénat, il porte sur le devenir des cheminots en cas de changement d’opérateur.
Je ne reviendrai pas sur notre opposition à l’ouverture à la concurrence. Il vaudrait mieux éviter d’employer l’expression « sac à dos social », diversement appréciée par les cheminots et les cheminotes. Elle a pu choquer certains ; les travailleuses et les travailleurs, même s’ils ne manquent pas d’humour, sont attentifs aux mots.
Pour parler de façon plus technique, il s’agit ici de la portabilité des droits. Nous pensons que cette réforme organise un début de morcellement du statut. Elle permettra un transfert au fil de l’eau des employés de la SNCF vers des entreprises privées, dont beaucoup seront moins soucieuses de garantir de bonnes conditions de travail que de dégager une rentabilité.
Nous voulons la pérennisation du statut des cheminots et un service public ferroviaire de qualité. Nous n’avons pas obtenu la suppression de l’article 2 quinquies. Cet amendement de repli vise au moins à garantir à la branche un rôle prépondérant dans la détermination des modalités du transfert des salariés de la SNCF. Nous ne comprenons pas pourquoi l’article renvoie certaines modalités à un décret et d’autres à la négociation de branche. Nous souhaitons que les organisations syndicales négocient sur l’ensemble des modalités de transfert, afin de garantir aux salariés transférés le maintien des droits sociaux acquis.
Tous les cheminots ne sont pas politisés ou syndiqués. Ce qu’ils veulent, c’est connaître leur futur statut et les modalités de leur éventuel transfert. Il faut le comprendre !