M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, Albéric de Montgolfier ayant déjà livré, au nom de la commission des finances, une analyse détaillée du projet de programme de stabilité, je serai bref.
Bien entendu, je me réjouis moi aussi de l’amélioration des comptes publics. Notre pays est en passe de retrouver une véritable crédibilité budgétaire en Europe, et nous devons tous nous en féliciter.
Naturellement, je centrerai mon propos sur la trajectoire envisagée des comptes des administrations de sécurité sociale, les ASSO.
Le projet de programme de stabilité prévoit une contribution constamment positive des ASSO au solde public sur l’ensemble de la période : + 0,7 % du PIB dès 2018, après 0,2 % en 2017. Ce chiffre intègre, d’une part, la reprise en base d’un solde 2017 finalement meilleur qu’escompté –5,1 milliards d’euros au lieu de 4 milliards d’euros prévus dans la loi de programmation des finances publiques –, et, d’autre part, une prévision plus optimiste concernant la masse salariale privée de 2018, qui entraînerait un surcroît de recettes de 2,7 milliards d’euros.
Pour chacune des années de 2019 à 2022, la contribution positive des ASSO au solde public atteindrait 0,8 % du PIB, ce qui correspond à l’hypothèse conventionnelle d’écrêtement des soldes des ASSO sur les années 2019 à 2022 définie dans la dernière loi de programmation des finances publiques. On notera cependant que la méthode de calcul actuelle intègre des « bénéfices » qui n’en sont pas vraiment et qui ne permettent quoi qu’il en soit en aucun cas le financement de dépenses courantes. Je pense aux 14,3 milliards d’euros de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, destinés à l’amortissement de la dette sociale, et aux 2 milliards d’euros de l’ERAFP, qui ne pourront servir qu’à financer, un jour, la retraite complémentaire des fonctionnaires.
Or, monsieur le ministre, 16,3 milliards d’euros, cela correspond précisément à 0,73 point de PIB. Dès lors, on voit bien qu’un tel écrêtement des « excédents » des ASSO à 0,8 point de PIB laisserait entièrement à l’ACOSS la charge de la résorption de la dette sociale à court terme portée par l’ACOSS… Je me permets de rappeler que celle-ci s’élève aujourd’hui à 21 milliards d’euros.
Par ailleurs, messieurs les ministres, le manque de détail du projet de programme de stabilité pour ce qui concerne les ASSO nous laisse un peu sur notre faim.
Ce manque de détail concerne d’abord la distinction entre solde structurel et solde conjoncturel, qui ne se fait pas au niveau des sous-secteurs. Or, d’une part, le Haut Conseil des finances publiques considère que la prévision de croissance du Gouvernement pour 2020-2022 est « optimiste ». D’autre part, les comptes sociaux sont très sensibles à la conjoncture, en recettes comme en dépenses. Au-delà, on peut se demander à quoi sert d’établir une telle distinction dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques sans possibilité d’en effectuer un suivi sérieux.
Ce manque de détail concerne également l’évolution des comptes par type d’ASSO. Or, comme vous le savez, le périmètre des ASSO figurant dans le présent projet de programme de stabilité et dans la loi de programmation des finances publiques n’est pas celui du PLFSS, et aucun lien n’est fait entre ces deux périmètres pour la période à venir. Cette lacune nous pose un problème sérieux, puisqu’elle empêche le Parlement, au moment de l’examen du PLFSS, de voir si le projet de loi s’inscrit, ou non, dans la trajectoire que nous avons définie.
Avant de conclure, permettez-moi de poser quelques questions sur les mesures qui permettront au Gouvernement, selon lui, de tenir la norme ambitieuse qu’il affiche.
En matière de recettes, les chiffres du projet de programme de stabilité pour 2018-2022 intègrent-ils une éventuelle révision du principe de compensation des exonérations de cotisations sociales décidées par l’État ?
En matière de dépenses, comment parviendrons-nous, par exemple, à contenir l’ONDAM, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, en deçà de 2,3 % sur l’ensemble de la période ? Le projet de programme de stabilité reste elliptique sur ce sujet. En tout cas, il ne faudrait pas qu’un « fétichisme » de l’ONDAM se traduise par un transfert de déficit et de dettes vers d’autres acteurs publics, comme les hôpitaux. Nous y veillerons.
S’agissant de l’assurance-chômage, comment une norme sévère de dépenses sociales sera-t-elle compatible avec l’ouverture de nouveaux droits pour les personnes qui démissionnent ou pour les indépendants ? Nous n’avons aucune information sur ce point ; cela reste pour nous un mystère.
En conclusion, monsieur le ministre, la commission des affaires sociales se réjouit de l’amélioration des comptes publics et vous soutiendra pour poursuivre dans cette voie, mais elle maintiendra sa vigilance, autant que les outils à sa disposition le lui permettront…
À cet égard, puisque « efficacité » semble être devenu le maître mot pour juger de l’action des pouvoirs publics, permettez-moi de vous dire qu’améliorer les outils de pilotage et d’évaluation du budget de la sécurité sociale et des comptes des ASSO serait sans doute bien plus efficace que réduire de vingt jours l`examen du budget au Parlement ou organiser l’examen commun, forcément artificiel, d’organismes n’ayant ni la même comptabilité, ni le même type de recettes –cotisations d’un côté, impôts de l’autre –, …
M. le président. Il faut conclure, monsieur le rapporteur général !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … ni le même type de dépenses –objectifs évaluatifs d’un côté, crédits limitatifs de l’autre. Nous aurons certainement l’occasion d’en reparler dans les mois à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à ceux de nos concitoyens qui se demandent à quoi servent les parlementaires, je répondrai qu’il faut une sacrée dose d’optimisme pour vivre une journée comme celle d’aujourd’hui et entendre le même discours anxiogène à neuf heures en commission des finances et à vingt-deux heures trente-cinq en séance publique : la France est au bord du cataclysme, du gouffre, c’est la fin du monde !
Doit-on se féliciter que notre pays se retrouve, au terme de l’année 2017, sur les rails du traité budgétaire européen ? À en croire les déclarations du Gouvernement et certains communiqués enthousiastes, cela ne fait guère de doute : nous serions sur la bonne voie et, grâce au train des réformes, qui traduisent autant d’engagements de campagne, le pays devrait bientôt goûter aux félicités de l’équilibre budgétaire.
Vous avez dit « réduction du déficit budgétaire », « réduction des déficits en format européen » ? Soit, mais la réduction du déficit provient autant de la maîtrise des dépenses que de la progression des recettes. J’ai encore souvenir, mais cela n’a évidemment pas été rappelé, que nous avons voté cet automne un collectif budgétaire prévoyant, « brut de décoffrage », 5 milliards d’euros de recettes nouvelles au titre de l’impôt sur les sociétés acquitté par nos plus grands groupes industriels et commerciaux. La chose a certes fait couiner quelques grands groupes économiques, mais on ne saurait oublier que l’année boursière 2017 s’est achevée sur l’annonce de 94 milliards d’euros de bénéfices cumulés pour les entreprises du CAC 40 : on le voit, du capital, il y en a !
Les salariés des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, les surveillants de prison, les magistrats, les élus locaux, les retraités, les infirmières, bien d’autres encore attendent avec une impatience non dissimulée, ces temps-ci, les effets tant espérés du « ruissellement ».
À la vérité, la stabilité ne s’applique guère aux dividendes et aux profits. Malgré la croissance, qui serait retrouvée, et le retour de l’inflation, qui risque de faire sentir ses effets sur les taux longs, et sans parler de la guerre économique et fiscale relancée ces derniers temps par M. Trump à Washington, comme est fragile le résultat obtenu !
Les signes ne trompent pas et ils devraient interpeller. Nous conservons un déficit primaire important. En clair, cela signifie qu’une fois payés les dépenses de fonctionnement et les intérêts de la dette, nous sommes encore en déficit et que nous n’avons plus d’argent pour investir dans l’avenir du pays.
L’investissement public ayant atteint des niveaux de faiblesse inégalés, la croissance potentielle se trouve de plus en plus fortement obérée, et n’allons pas espérer que l’investissement privé prenne le relais. Ainsi, une députée de la majorité rappelait, ingénument peut-être puisqu’il s’agissait de survendre les initiatives du Gouvernement en la matière, que la France se situait désormais au vingt-quatrième rang européen, sur vingt-huit États, pour la qualité du réseau de téléphonie mobile. Notre réseau est pourtant largement ouvert à la concurrence, laquelle, comme nul ne l’ignore, fait baisser les prix et stimule l’innovation…
L’amélioration du solde budgétaire est donc trompeuse. Elle masque fort mal les restrictions de crédits, comme d’ailleurs les cadeaux fiscaux qui continuent d’être prodigués à ceux qui n’en ont pas besoin et alimentent le robinet du « ruissellement ».
La dépense publique, qui finance l’éducation, les dépenses de santé, la formation, la recherche, contribue elle aussi, qu’on le veuille ou non, à la croissance et au progrès économique. Elle n’est pas nuisible par nature, elle est aussi un levier.
Je pourrais également évoquer la situation des comptes des collectivités locales, eux aussi en excédent en raison d’un ralentissement significatif des investissements locaux, mais il est temps, mes chers collègues, que nous parlions enfin d’autre chose.
Contrairement à d’autres, qui font mine aujourd’hui d’en découvrir les travers et les conséquences sur la vie quotidienne des Français, nous n’avions pas approuvé la ratification du traité budgétaire européen. Nous ne siégeons pas au Parlement pour discuter tous les ans de l’amertume de la purge que les marchés financiers imposent aux populations, des attentes et des aspirations de ceux-ci en vue de garantir au mieux la rentabilité du capital. Il y a des objectifs politiques plus audacieux, mes chers collègues. Il est temps de mettre un terme aux logiques d’arriération des politiques budgétaires actuelles. La question qui se pose avec une acuité forte aujourd’hui, c’est celle de l’indispensable modification de la répartition de la richesse produite dans ce pays.
Enfin, le béotien que je suis s’interroge régulièrement sur la dette. « La dette, la dette, la dette », répète-t-on à l’envi aujourd’hui, comme un docteur Diafoirus, ou comme Toinette à son malade imaginaire : « Le poumon, le poumon, le poumon »… Si vous réduisez trop la dette, ne risquez-vous pas d’inquiéter les marchés financiers qui nous financent depuis des décennies ? (M. Bruno Sido rit.)
Si la situation de la France est si catastrophique qu’on le dit, comment expliquer, monsieur le ministre, que notre pays puisse encore, en 2018, emprunter 195 milliards d’euros – 75 milliards d’euros environ pour financer le déficit et 120 milliards d’euros pour rembourser les obligations échues –, sans difficulté aucune et à des taux historiquement bas ? En somme, c’est la dette à perpétuité pour le peuple, et la rente d’État garantie pour l’éternité pour les marchés financiers ! Voilà une véritable question qui mériterait un débat de fond : la dette aura-t-elle une fin ?
Enfin, je voudrais citer un article des Échos (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains), excellent journal que je lis tous les jours pour m’informer de l’état de santé du libéralisme. (Rires sur les mêmes travées.) Cela fait parfois grincer des dents mes camarades, mais c’est la vie ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Bruno Sido. Bravo !
M. Éric Bocquet. Il y était question, hier, sous le titre « Une banque proche du pouvoir », de la banque Rothschild :
« De Georges Pompidou, qui travailla près de dix ans au service des frères Rothschild dans les années 1950, à Emmanuel Macron, plus jeune associé gérant de la banque avant de devenir secrétaire général adjoint de l’Élysée en 2012, la maison a toujours cultivé des liens étroits avec le pouvoir. Liens naturels, intimes et surtout plus forts que les bouleversements politiques. »
La fin vaut son pesant de cacahuètes et donne beaucoup à réfléchir. Monsieur le ministre, quelle est votre réaction à cette citation tirée d’un journal que l’on ne peut taxer de bolchevisme exacerbé ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Marc Laménie et Jean-François Rapin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, le projet de programme de stabilité présente le cadrage économique et financier retenu par le Gouvernement pour la période 2018-2022. Ce document est accompagné d’un programme national de réformes qui expose la stratégie économique de réformes structurelles de la France.
Ces deux documents sont des outils capitaux du semestre européen et de la surveillance multilatérale des politiques économiques dans l’Union européenne. Ils constituent l’image que notre pays renvoie à ses partenaires européens en termes de volonté de réforme et de respect de nos engagements financiers. Ils ont donc une portée politique majeure, au moment même où le Président de la République entend redonner à la France un rôle moteur en Europe.
L’importance politique de cet exercice de programmation impose, me semble-t-il, de conjuguer trois vertus : sincérité, ambition et réalisme.
Le programme de stabilité doit d’abord être bâti sur des hypothèses sincères, ce qui, il faut le reconnaître, a rarement été le cas par le passé. Le présent texte semble rompre avec cette habitude, au moins en début de période. Les hypothèses de croissance qui nous sont présentées aujourd’hui ont ainsi été qualifiées de « réalistes » pour l’année 2018 et d’« atteignables » pour l’année 2019 par le Haut Conseil des finances publiques.
Si le scénario de fin de période est jugé « optimiste », notamment en raison d’incertitudes pesant sur l’environnement économique international, cet optimisme est, je le crois, une figure imposée pour un exercice de prévision à plus de deux ou trois ans. Comment reprocher au Gouvernement de retenir une hypothèse de stabilité des conditions économiques mondiales ? Nul ne peut sérieusement prévoir l’imprévisible. C’est l’horizon temporel du programme de stabilité qui est trop long pour que l’on puisse produire une prévision fiable, dans un monde où le commerce, les flux de capitaux et les fondamentaux macroéconomiques sont soumis à des variations de plus en plus brutales.
Si un procès d’insincérité de ses hypothèses ne peut donc être intenté au Gouvernement, je lui reprocherai en revanche de manifester une ambition plus limitée pour les deux premières années de programmation. À quoi bon prévoir de consentir l’effort le plus important durant les années plus incertaines que j’ai évoquées ?
Je prends acte des contraintes qui pèsent notamment sur l’année 2019 – vous les avez rappelées, monsieur le ministre –, mais il y aura sans doute d’autres contraintes en 2020, en 2021 et en 2022.
Dans ces conditions, l’excédent budgétaire de 0,3 % du PIB prévu pour 2022 me semble hypothétique. L’atteindre supposera un courage politique qu’il vous faudra, monsieur le ministre, assumer jusqu’au bout. Vous marqueriez ainsi l’histoire de votre fonction : aucun de vos prédécesseurs, depuis que les programmes de stabilité existent, n’a honoré ses engagements de fin de période. Vous seriez donc le premier !
Le courage politique est la clef de ces exercices de programmation européens.
Du courage, je vous en reconnais lorsque vous avancez la date d’inversion de la courbe de la dette publique à cette année. Il s’agit d’un enjeu vital pour notre économie, mais également pour notre démocratie. Nous devons écarter le plus rapidement possible cette épée de Damoclès qui menace de s’abattre sur la France à la moindre augmentation des taux d’intérêt et qui obère nos marges de manœuvre politiques.
Du courage, je vous en reconnais également lorsque vous vous engagez à diminuer progressivement le nombre des contrats aidés. C’est un dispositif coûteux, inefficace selon la Cour des comptes elle-même. En tant que rapporteur des crédits de la mission « Travail et emploi », j’ai eu l’occasion de défendre au nom de la commission des finances, il y a quelques semaines, un recentrage des politiques de l’emploi sur des dispositifs ayant fait la preuve de leur efficacité à moindre coût, dans le droit fil d’ailleurs de la tradition de la commission des finances du Sénat depuis plusieurs années sur ce sujet.
Les fruits de la croissance et la baisse du chômage dans les prochaines années doivent nous permettre de rompre avec une logique d’emplois subventionnés, pour mettre l’accent sur la formation et la montée en compétences.
Du courage, je vous en reconnais enfin, monsieur le ministre, lorsque vous annoncez vouloir revoir en profondeur les normes et la fiscalité applicables aux PME et aux TPE, notamment dans le cadre de la loi visant à mettre en œuvre le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, la loi PACTE, que j’espère la plus ambitieuse et la plus large possible, en particulier en vue de réduire le déficit de notre commerce extérieur.
Néanmoins, monsieur le ministre, pour paraphraser Sénèque, faute d’adversaire, votre courage s’étiole. Il ne faudrait donc pas que le retour de la croissance et les bonnes hypothèses conjoncturelles que vous retenez vous rendent trop timide en matière d’effort structurel, notamment en termes de dépense.
Le déficit structurel de la France sera toujours, en 2022, supérieur à la limite fixée par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. Le niveau de la dépense publique de la France demeurera largement au-dessus de la moyenne européenne, à hauteur d’au moins deux points de PIB. En conséquence, le taux des prélèvements obligatoires ne diminuera que très modestement sur la période, d’un point de PIB seulement.
Il conviendrait donc, monsieur le ministre, que cette programmation nous mette à l’abri d’un retournement de conjoncture ou d’une hausse des taux d’intérêt. Je vous encourage donc à intensifier vos efforts en matière de maîtrise de la dépense publique. Il faut élever les ambitions du programme « Action publique 2022 », qui ne doit pas connaître le destin des précédentes revues de dépense. Vous pourrez compter sur notre groupe pour vous soutenir et vous faire des propositions à cette fin, qui est véritablement d’intérêt national. (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, en cette année 2018, le projet de programme de stabilité budgétaire fait l’objet d’une déclaration du Gouvernement devant le Parlement en séance publique. Il s’agit d’un acte politique fort, puisque le Gouvernement, en vertu de la Constitution, n’en a pas l’obligation.
Après les échéances électorales de l’an dernier, nous renouons donc avec un exercice utile. Le moment est bien choisi pour évoquer les perspectives économiques de la France et de ses territoires. Alors que s’achève déjà la première année de présidence d’Emmanuel Macron, l’amélioration de la situation économique globale semble réelle.
Après la présentation technique du document ce matin en commission des finances et les excellentes interventions des rapporteurs, je souhaite apporter un éclairage un peu différent et, je l’espère, plus concret et compréhensible pour l’ensemble de nos concitoyens.
Lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques, à l’automne dernier, notre collègue Jean-Marc Gabouty avait qualifié la trajectoire budgétaire de « crédible ». Je reprendrais volontiers ce terme pour qualifier ce projet de programme de stabilité, bien que la trajectoire ait jusqu’ici plutôt péché par pessimisme.
Après la croissance record de 2017, l’exécutif table de nouveau sur un taux de croissance de 2 %, du jamais-vu depuis 2011. À l’instar de la météo printanière, il semble que l’économie, décidément, sourie au président Macron !
M. Jean-Claude Requier. Le solde budgétaire serait, quant à lui, ramené à 2,3 %, ce qui permettrait à la France de ne plus encourir les rigueurs des règles européennes.
Dernière bonne nouvelle, la baisse des prélèvements obligatoires sur la durée du quinquennat est confirmée.
Cependant, derrière cet ensemble de bonnes nouvelles d’ordre général, la réalité quotidienne des territoires n’est pas toujours rose. Comme l’a dit hier à la tribune de l’Assemblée nationale le Premier ministre canadien, « le changement n’est pas toujours synonyme de progrès ». C’est d’ailleurs l’accord commercial avec le Canada, le CETA, qui suscite des inquiétudes chez les agriculteurs et les éleveurs. Les bonnes nouvelles économiques globales ne doivent pas faire oublier ces inquiétudes légitimes. La proposition de résolution européenne que j’ai déposée en ce début d’année vise à attirer l’attention du Gouvernement sur ce point, afin que soient pris en compte les intérêts des filières agricoles.
Le secteur agricole ne doit pas être le parent pauvre de ce quinquennat. Certains éleveurs et agriculteurs rencontrent des difficultés insupportables, qui ne peuvent pas laisser le Gouvernement sans réaction. L’amélioration de la conjoncture économique et budgétaire devrait permettre à l’exécutif d’agir plus résolument pour leur apporter des réponses.
Les collectivités rurales ont également des attentes fortes. Si le maintien des dotations, après des années de baisse, doit être salué, la perte de ressources propres, due à la suppression d’une partie de la taxe d’habitation, et la marginalisation des centres-bourgs, des communes et des départements ruraux face à la montée en force des intercommunalités et des métropoles sont source de vives inquiétudes.
Le 27 mars dernier, le ministre Jacques Mézard a présenté à Châtellerault, dans la Vienne, le programme « Action cœur de ville », dont doivent bénéficier 222 villes, réparties dans toute la France. Des conventions de revitalisation sur cinq ans seront mises en place afin de redynamiser leurs centres-villes. Ce sujet, qui intéresse depuis longtemps notre assemblée, doit être une priorité de la politique économique du Gouvernement, car ces territoires se meurent !
Les débats sur la trajectoire macroéconomique sont certes importants et intéressants, mais ils ne doivent pas nous conduire à perdre de vue les préoccupations peut-être plus prosaïques, mais non moins importantes, de nos territoires. Contrairement à une image souvent véhiculée, les campagnes et le secteur agroalimentaire ne sont pas à l’abri des évolutions du monde et de la concurrence internationale. Ils sont aussi un emblème de la France à l’étranger, de la richesse de ses terroirs, de la variété de ses produits et de ses appellations.
En conclusion, je comprends bien les contraintes et les objectifs de l’exécutif, ainsi que sa volonté de réformer, de moderniser, de transformer, mais je lui recommande de rester à l’écoute des territoires, des habitants de nos zones rurales et des petites villes.
Telles sont les quelques remarques que je souhaitais faire au nom du groupe du RDSE. Je terminerai par une réflexion personnelle et une suggestion concernant la dette. J’ai découvert l’ampleur du déficit lorsque je suis arrivé à la commission des finances, il y a quatre ans. Notre dette s’élève à plus de 2 200 milliards d’euros et elle augmente de 2 665 euros par seconde ! Cette charge insupportable pèse sur nos concitoyens et sur les générations à venir. J’ai été maire pendant plus de vingt-cinq ans : le budget de ma commune a toujours été en équilibre, au contraire de celui de l’État. Ma proposition est iconoclaste et irréalisable, mais je vous la livre tout de même (Rires.) : pourquoi ne pas afficher un compteur de la dette publique au fronton de Bercy ? (Nouveaux rires.) Cela permettrait de prendre conscience de l’augmentation de la dette seconde après seconde et de sensibiliser les Français à un problème très important. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe La République En Marche.
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, chers collègues, je suis heureux que l’Europe soit revenue au centre du débat. Le Président de la République s’était engagé pour l’Europe. Il avait repris le flambeau européen. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles je l’ai soutenu. Dans le discours d’Athènes, dans celui de la Sorbonne et, récemment, devant le Parlement européen, il a tenu cette ligne.
Ces discours doivent bien sûr être accompagnés d’actes, car ce dont l’Europe a le plus souffert, c’est d’un manque d’audace. Certes, il faut continuer à progresser vers l’harmonisation fiscale et sociale en Europe, mais il est aussi important de replacer l’Europe au centre du jeu.
En matière de finances publiques, Europe ou pas, il faut agir. Il y a certes un cadre européen, mais il faut de toute façon maîtriser la dépense publique, notamment pour préserver la souveraineté de l’État. Cela a été dit, le remboursement de la dette préempte nos marges de manœuvre budgétaires.
Cette contrainte n’est donc pas, comme on l’entend trop souvent dire, une contrainte européenne. En tout état de cause, nous ne pouvons plus laisser filer notre déficit public et notre endettement.
Deux points du projet de programme de stabilité peuvent nous satisfaire collectivement, me semble-t-il.
Tout d’abord, la France est enfin sortie, au bout de dix ans, de la procédure pour déficit excessif. C’est une nouvelle que nous devons saluer. Notre déficit s’établissait à 2,6 % du PIB en 2017. Il sera de 2,3 % en 2018. Il faut bien sûr continuer dans cette voie.
Le retour de la croissance est un second motif de satisfaction. On le sait, la victoire a mille pères, la défaite est orpheline : c’est un grand classique. Notons simplement qu’une réduction du déficit a déjà été constatée et que le Haut Conseil des finances publiques a jugé réalistes les hypothèses macroéconomiques pour les deux premières années du programme. C’est un point essentiel.
D’autres sujets font débat entre nous, notamment la dépense publique. Il ne faut pas faire dire à ce texte ce qu’il ne peut pas dire. Il s’agit non pas d’un projet de loi de finances, mais d’un texte-cadre. Je relève à cet égard une forme de décalage dans les discours. Lorsque nous examinons des textes-cadres, tout le monde s’accorde à dire qu’il faut réduire la dépense publique, mais lorsque nous envisageons les choses de manière plus concrète, par exemple lors de la discussion d’un projet de loi de finances ou d’un projet de loi de finances rectificative, c’est beaucoup plus difficile !