M. le président. La parole est à M. Jacques Genest, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Genest. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rapporteur, M. François Bonhomme, a très bien expliqué pourquoi le texte adopté par les députés ne nous convenait pas et pourquoi nous lui préférions celui qui avait été adopté à la quasi-unanimité dans cet hémicycle. J’en profite pour le féliciter pour son excellent travail.
Au-delà des aspects techniques, l’obstination du Gouvernement à vouloir conserver l’article 64 de la loi NOTRe soulève une question : pourquoi cette obsession à vouloir vider de leurs compétences les communes, cellules de base d’une République dite décentralisée ?
Cet échelon de proximité est un atout pour les enjeux liés à la ruralité. Or la loi NOTRe, en redistribuant ces compétences de manière dogmatique, aura eu des conséquences très négatives pour les communes rurales. Les intercommunalités de taille déraisonnable sont des schémas artificiels qui ne sauraient se calquer par magie sur les réalités si différentes de nos territoires.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Exactement !
M. Jacques Genest. L’eau et l’assainissement, au même titre que l’urbanisme, figurent parmi les compétences essentielles de nos villes et de nos villages.
Après leur disparition, que restera-t-il aux communes pour organiser leur destin commun ? Rien, mis à part la médiation des conflits de voisinage, la présidence du repas communal des personnes âgées et la gestion du cimetière !
Avec le texte adopté par l’Assemblée nationale, nous dépassons cette fois toutes les lignes rouges. Je veux en particulier citer l’inclusion de la gestion des eaux pluviales des aires urbaines dans la compétence « assainissement ». La forte disparité qui existe entre les équipements de diverses communes entraîne un très fort risque d’augmentation des coûts pour les communes les moins dotées.
Ayant consulté le compte rendu des débats qui se sont tenus lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, j’ai découvert avec intérêt que bien des députés de la majorité, qui se flattent d’être vierges de tout antécédent électoral et de l’exercice d’un mandat local, claironnent que le transfert de ces compétences aux EPCI créera des économies d’échelle. (Rires sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Vaspart. Ils sont coupés des réalités !
M. Jacques Genest. Or chaque maire qui a travaillé sur l’intégration intercommunale connaît les problèmes d’apparition de doublons dans les effectifs, et sait aussi que l’intercommunalité à marche forcée rime avec une hausse des coûts globaux de fonctionnement que l’État vient ensuite montrer du doigt.
M. Hugues Saury. Tout à fait !
M. Jacques Genest. Si le transfert de compétences est source d’économies dans certains cas, c’est tant mieux, et faisons-le ! Mais c’est, hélas, l’effet inverse qui se produira dans beaucoup d’autres situations.
Tandis que la commune assurait la distribution de l’eau avec des moyens humains limités et peu coûteux, l’organisation à l’échelle de l’intercommunalité nécessitera un affermage, qui sera vraisemblablement concédé à de grandes sociétés privées, ce qui fera mécaniquement augmenter les coûts pour les utilisateurs. Ce sera notamment le cas dans les territoires de relief et, particulièrement, dans la montagne ardéchoise, que je connais bien et dont je pourrais vous parler longuement. La communauté de communes de la Montagne d’Ardèche regroupe 29 communes qui abritent 1,5 % de la population du département sur un huitième de sa superficie. Il faut deux heures pour aller d’un bout à l’autre du territoire, et encore sans la burle ! Depuis toujours, chaque commune de ce territoire a organisé sa propre distribution d’eau, et ce à un prix modeste, malgré les difficultés liées au relief.
Madame la ministre, vous connaissez aussi bien que nous les élus locaux : lorsqu’une mutualisation des moyens était pertinente, ils n’ont pas attendu le vote d’une loi pour s’organiser à un échelon efficient et monter des syndicats.
Laisser la compétence aux communes qui le désirent est indispensable, mais à condition qu’elles en aient les moyens. C’est pourquoi j’ai signé et je soutiens l’amendement n° 23 rectifié, déposé par ma collègue Patricia Morhet-Richaud, qui vise à préciser que les communes restent éligibles aux diverses aides publiques. Sinon, sans moyens financiers, le transfert deviendra obligatoire.
C’est d’ailleurs aussi l’occasion, peut-être, de s’interroger sur la raison d’être des agences de bassin, qui ne soutiennent plus les communes, en particulier, les plus petites d’entre elles.
Je terminerai mon propos en rappelant un point essentiel : 21 % des communes rurales sont intégrées à des communautés d’agglomération ou à une métropole. Elles ne sont même pas mentionnées dans ce texte, alors qu’avec elles 5 millions de nos concitoyens sont de fait privés de la capacité de décider de leur propre sort ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je veux d’abord remercier tous les intervenants de cette discussion générale. Je les ai tous bien entendus, et je remercie tout particulièrement ceux qui m’ont donné bien des conseils pour connaître la ruralité et les collectivités locales.
Je veux revenir sur un point particulier. M. Duplomb, dans son intervention, a affirmé que le Président de la République s’était engagé à revenir sur le transfert obligatoire de ces compétences. C’est inexact ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Souvenez-vous : lors du congrès des maires, le mardi 21 novembre dernier, au matin, le Premier ministre a proposé le dispositif de la minorité de blocage. Cela a été ensuite confirmé par le Président de la République. Cette précision me semble tout de même de taille, puisqu’il s’agit d’une déclaration du Président de la République !
Je vous ai aussi bien entendus, mesdames, messieurs les sénateurs, au sujet des eaux pluviales. Il s’agit d’un réel enjeu ; nous l’avions d’ailleurs évoqué lors de l’examen de la loi GEMAPI par le Sénat en décembre dernier. À l’Assemblée nationale, l’examen de ce texte avait donné lieu au dépôt d’amendements relatifs à cette question. C’est un député que je connais bien, puisqu’il est originaire de mon département, M. Marc Fesneau, président du groupe Modem, qui avait soulevé ce problème, tout comme l’avait fait, dans cette enceinte, M. Mathieu Darnaud.
M. Michel Savin. Excellent sénateur !
M. Pierre-Yves Collombat. Excellent rapporteur !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous avions évoqué le rapport que nous attendions sur ce sujet du ministère de la transition écologique et solidaire. Ce document est paru il y a quelques jours ; il est en cours de transmission au Parlement.
M. François Bonhomme, rapporteur. Ô miracle !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’estime que le sujet des eaux pluviales mérite lui aussi d’être traité, même si je n’oublie pas ce qu’a déclaré l’auteur de l’amendement dont l’adoption a introduit les dispositions relatives à la GEMAPI au sein de la loi MAPTAM.
M. Pierre-Yves Collombat. Le coupable !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Pour ma part, monsieur le sénateur, je dis « l’auteur » : je n’accuse jamais ! Selon lui, la taxe GEMAPI pouvait répondre, en partie seulement, au problème du ruissellement dans les zones rurales. (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.)
De fait, au Parlement, chacun est l’auteur de beaucoup de choses, et ce d’autant plus qu’on y siège longtemps. On peut alors remonter très loin dans les œuvres et les citations des uns et des autres !
Mme Cécile Cukierman. Il y a plus de stabilité chez certains !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ensuite, j’ai entendu vos préoccupations relatives au SPANC. Ce point aussi me semble important, et je n’avais pas forcément bien détaillé notre position quand la loi a été adoptée. Il me faut donc vous apporter trois précisions.
Premièrement, si le SPANC a été transféré, nous n’accepterons pas de revenir en arrière. Deuxièmement, on ne peut pas démutualiser la compétence « assainissement » entre le SPANC et le collectif. En revanche, j’ai bien entendu, cher Bernard Delcros, ce que vous avez déclaré à ce sujet. La loi actuelle impose, dès lors que le SPANC a été transféré, que les collectivités qui n’ont pas encore transféré la compétence « assainissement » le fassent en 2020 ; elles ne bénéficient pas du dispositif de la minorité de blocage. Nous pouvons discuter de ce problème ; nous y reviendrons au cours de la discussion.
Mme Françoise Laborde. Ça, c’est bien !
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération
Article 1er
La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République est ainsi modifiée :
1° Le IV de l’article 64 est abrogé ;
2° Le II de l’article 66 est abrogé.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Au moment où nous abordons la discussion des articles, je tiens à faire une brève mise au point sur le processus législatif qui a été suivi jusqu’à présent.
Madame la ministre, je dois dire que, sur toutes les travées de cet hémicycle, les membres du Sénat ont été étonnés, surpris et, pour certains, même choqués de la manière dont ce dossier a été traité. Le Sénat avait adopté, à l’unanimité, une proposition de loi. Vous aviez d’ailleurs pris toute votre part à son examen, dans les fonctions que vous exerciez alors au sein de la Haute Assemblée.
L’objet de cette proposition de loi était simple : le transfert de ces compétences n’était plus obligatoire, mais devenait facultatif. En outre, les communautés dites d’agglomération, qui sont en réalité de grandes communautés rurales constituées de force par les préfets,…
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … devaient pouvoir bénéficier du même régime d’option. Enfin, ce texte prévoyait ce qu’on appelle la « sécabilité » de ces compétences.
Ce dispositif a fait l’objet d’un accord général, non pas d’un simple groupe de travail, mais du Sénat tout entier par un vote public. Madame la ministre, vous siégiez dans cette assemblée à cette époque.
Nous avons été stupéfaits de constater que l’Assemblée nationale, avec la complicité du Gouvernement, a adopté il y a quelques mois une motion pour ne pas avoir à délibérer de ce texte. Quelques semaines plus tard, une proposition de loi manifestement inspirée par le Gouvernement voyait le jour. Ce texte, n’étant pas un projet de loi, d’une part, n’a pas été examiné par le Conseil d’État et, d’autre part, n’a pas été soumis en premier ressort au Sénat, comme il est d’usage pour les textes concernant les collectivités territoriales. Qui plus est, cette proposition de loi ne fait qu’une partie du chemin nécessaire pour apporter une réponse concrète à nos collectivités.
Tout cela me fait dire, madame la ministre, que nous ne devrions pas être réunis aujourd’hui pour devoir réitérer le vote unanime que le Sénat a émis il y a quelques mois. Le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée nationale ont fait prendre un très grand retard au traitement d’un dossier extrêmement difficile, duquel beaucoup d’élus de tous les départements de France nous ont saisis. Qui plus est, madame la ministre, vous le faites en nous apportant, en quelque sorte, un texte insuffisant et en ne nous proposant que des concessions que nous apprécions, mais qui ne permettent manifestement pas de régler l’ensemble des questions qui sont soulevées.
M. Bruno Sido. Concessions insuffisantes !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Permettez-moi, madame la ministre, de vous exprimer non seulement mon regret pour cette procédure et pour le mépris dont le Sénat a pu faire l’objet dans l’étude de cette question délicate, mais aussi mon souhait que le Sénat confirme son vote de l’année dernière. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, sur l’article.
M. Max Brisson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je crois au temps long et à l’inscription de nos décisions dans ce temps long.
Or, en matière d’approvisionnement en eau et de traitement de cette ressource, la loi NOTRe, comme la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale, tout particulièrement, son article 1er dans sa version initiale, ainsi que certains amendements déposés au Sénat à cet article sont en rupture avec notre histoire, car ils tournent le dos aux libertés communales.
L’histoire de l’approvisionnement en eau est en effet celle de constructions qui, quoiqu’extrêmement diverses, ont globalement donné la part belle à l’échelon communal. Communes et syndicats ont su, au fil du temps, s’adapter à la géographie locale et élaborer des systèmes ingénieux et performants de distribution et de traitement de l’eau. Dans notre vieux pays jacobin, c’est presque un contre-exemple qui s’est imposé, loin des schémas d’uniformisation. Dans les zones de montagne comme dans les territoires les plus éloignés, la liberté qui a été donnée aux élus a permis une couverture exceptionnelle de notre pays par des réseaux efficients.
Cela ne fut possible que par l’engagement bénévole de nombreux élus : ils étaient persuadés de concrétiser là leur volonté de s’engager pour un service public de qualité et au meilleur prix pour tous les usagers, jusqu’à ceux qui étaient les plus éloignés des grands centres urbains.
En revanche, la rationalisation qui nous est proposée aujourd’hui n’est que le faux nez de la centralisation.
Certes, aucun système ne peut rester figé. Tout le monde en convient, et l’importance des investissements peut militer pour la recherche d’une taille critique. Mais les collectivités n’ont pas attendu la loi NOTRe pour aller dans ce sens, celui d’une gestion efficace et responsable !
Lorsque cela était souhaitable, les EPCI se sont organisés pour optimiser la gestion de l’eau. Beaucoup d’entre eux exercent déjà cette compétence. C’est bien la preuve que les élus locaux n’ont pas de position dogmatique et savent choisir la meilleure option.
Madame la ministre, mes chers collègues, il y a dans le domaine de l’eau autant d’histoires, autant d’engagements bénévoles et autant de constructions que de territoires. C’est bien le message que portait la proposition de loi sénatoriale qui a été écartée sans ménagement ! C’est aussi ce que porte l’article 1er du présent texte tel qu’il a été modifié par notre commission des lois : un acte de confiance envers les territoires et les élus locaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, sur l’article.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’exercice de la compétence « eau et assainissement », que nous abordons à travers cet article 1er, est un sujet majeur. Il s’agit d’un service public essentiel et vital pour nos concitoyens.
Au vu de notre histoire et de la diversité des territoires, la seule réponse que nous pouvons apporter est celle de la confiance dans les élus locaux. Ils ont su, au fil des années, se regrouper entre communes pour mutualiser cette compétence en fonction de diverses contraintes géographiques locales, en conservant toujours le bon sens qui les anime.
Grâce à cela, aujourd’hui, 96 % des Français ont accès à l’eau potable, et ce pour un prix inférieur à la moyenne européenne. C’est bien la preuve que les communes sont capables de juger par elles-mêmes s’il est pertinent ou non de transférer cette compétence à l’intercommunalité.
Je regrette vivement que la proposition de loi issue des travaux de l’Assemblée nationale, en prolongeant l’esprit de la loi NOTRe, rompe avec cette confiance historique, en particulier à travers son article 1er.
Alors que des assises de l’eau sont annoncées pour cette année, il aurait été cohérent d’aller dans le sens d’une plus grande liberté pour les communes et de continuer à faire confiance à leurs savoir-faire. Malheureusement, le texte de l’Assemblée nationale nous propose le contraire, en introduisant la date butoir de 2026, et ce sans qu’aient été consultés les sénateurs du groupe de travail compétent, alors qu’un compromis avait pourtant été trouvé.
Pour ma part, je considère que ne pas donner écho à ce texte est une grave erreur. Et puis certains esprits tourmentés pourraient y voir une sorte de mépris à l’égard des élus.
Enfin, je veux rappeler un point important. L’extension du périmètre de la compétence implique aussi le passage d’une gestion de proximité à une gestion par des organismes extérieurs. In fine, cela entraînerait une augmentation de prix. Or, en Lot-et-Garonne, les tarifs de l’eau avoisinent déjà les 5,50 euros par mètre cube, et sont parmi les plus élevés de France !
Madame la ministre, maintenir le caractère optionnel de cette compétence pour les intercommunalités est la seule solution possible pour conserver une politique de l’eau adaptée aux contraintes des territoires, et ce à des coûts constants pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, sur l’article.
Mme Françoise Gatel. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte dont nous débattons aujourd’hui soulève la question de notre conception de l’efficience de l’action publique.
L’eau et l’assainissement ne sont que des sujets techniques et devraient donc être examinés avec pragmatisme et souci d’efficacité. Or que constatons-nous ? Ils sont devenus des sortes de métastases de la loi NOTRe, voulue par le précédent gouvernement,…
M. Jean-Pierre Sueur. Et votée par votre groupe !
Mme Françoise Gatel. … dont la vision centralisatrice et autoritaire de l’organisation territoriale allait jusqu’à nous laisser croire que la loi pourrait commander aux éléments naturels en rattachant leur gestion à un périmètre administratif !
Ma deuxième remarque est tout à la fois un constat et un regret, ceux d’un dialogue très difficile entre le Sénat et l’Assemblée nationale sur un sujet technique qui concerne nos collectivités, dont le Sénat est le représentant. Le rejet par l’Assemblée nationale de la proposition de loi sénatoriale empreinte de pragmatisme et d’efficacité, adoptée ici à l’unanimité, résonne comme l’affirmation d’une vision technocratique et d’une absence de confiance dans les élus locaux et leur sens des responsabilités.
Ce sujet a ainsi été totalement pollué, ce qui est un comble quand on parle de qualité de l’eau !
Je salue, madame la ministre, avec beaucoup de respect et de sincérité, votre engagement sur ce sujet…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. À juste titre !
Mme Françoise Gatel. … et votre volonté de sortir d’une longue errance née de la loi NOTRe.
Vous avez réussi à construire une issue à une impasse née du rejet de la position du Sénat qui consistait à permettre plutôt qu’à imposer. Toutefois, pardonnez-moi, cette issue ressemble à une sorte de liberté conditionnelle, du fait de la minorité de blocage.
En cohérence avec l’attente des élus de mon territoire, je vous confesse que j’aurais préféré une vraie liberté de faire, selon que l’efficacité l’exige ou non. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, sur l’article.
Mme Frédérique Puissat. Madame la ministre, je vous invite en Isère : vous pourrez y constater que nous avons non seulement beaucoup de produits, mais aussi, comme vous l’avez dit, des intercommunalités variées. Certaines d’entre elles exercent partiellement la compétence « eau et assainissement ». L’article 1er du présent texte, dans la rédaction que vous avez proposée, ne permet pas à ces intercommunalités de déroger à la loi NOTRe.
Pour prendre un exemple, il se peut qu’une intercommunalité qui regroupe trente communes n’exerce aujourd’hui cette compétence que sur sept communes ; les autres communes l’exercent elles-mêmes. Pourquoi une telle situation ? D’abord, parce que chaque collectivité a une histoire. Ensuite, en raison des engagements pris et des aléas topographiques.
La présente proposition de loi, dans la rédaction que vous nous avez soumise, madame la ministre, ne nous permet pas de déroger à la loi NOTRe. Or nous attendons avec grande impatience une telle possibilité. Pour ma part, je suis vraiment à votre écoute, parce que, comme beaucoup de membres de notre assemblée l’ont dit, les enjeux de la loi NOTRe sont excessivement importants. À ce titre, je me permets de regretter l’absence de M. Vallini : il a tout de même fait adopter cette loi !
Madame la ministre, je vous demande simplement de préciser, dans l’article 1er, qu’il y a effectivement possibilité de déroger pour les intercommunalités qui exercent de façon partielle la compétence « eau et assainissement » sur leur territoire, de sorte que les autres communes puissent continuer à exercer une compétence individuelle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, sur l’article.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en cohérence avec la position défendue et adoptée à l’unanimité par cette assemblée, je souhaite redire mon opposition à l’esprit de la proposition de loi adoptée sur l’initiative des députés du groupe La République En Marche, texte que la commission des lois du Sénat a examiné.
La proposition de loi donne la possibilité aux communes membres de communautés de communes qui n’auraient pas déjà transféré leurs compétences « eau » et « assainissement » de s’opposer au transfert de ces compétences avant le 1er juillet 2019, pour un report au 1er janvier 2026. Néanmoins, à cette date, et dans tous les cas de figure, elles ne pourront plus s’opposer au transfert.
Sur ce sujet aussi sensible, qui touche tous nos concitoyens quotidiennement, la problématique est, non pas la date du transfert de compétences, mais bien son caractère obligatoire, fût-il décalé dans le temps.
On ne peut pas aborder la gestion de l’eau et de l’assainissement de manière dogmatique et systématique, parce que ces problématiques s’ancrent nécessairement dans la diversité de nos territoires.
Si je ne siégeais pas à vos côtés à cette date, mes chers collègues, je partage néanmoins totalement la position adoptée à l’unanimité par le Sénat le 23 février 2017.
Loin des dogmes et des conjectures, je veux répéter dans cet hémicycle qu’il y a une vie territoriale, des compétences et du professionnalisme au-delà des espaces métropolitains. Cela se vérifie particulièrement pour les questions d’eau et d’assainissement, même si ces deux questions pourraient être différenciées.
Chaque jour, dans nos communes, des élus travaillent bénévolement et avec un haut niveau d’exigence. Chacun de nous aurait des histoires à raconter pour témoigner de la compétence de ces élus bénévoles, qui se mettent au service de tous et qui, de surcroît, permettent de limiter le prix du mètre cube d’eau.
Je ne suis pas opposé aux regroupements de communes qui permettent de mieux organiser et de mutualiser nos moyens ; je suis bien placé pour le savoir, puisque j’ai été président de ma communauté de communes et que je l’ai fait fusionner avec la communauté de communes voisine.
Bien entendu, il existe localement des difficultés quant à la gestion de l’eau et de l’assainissement. Le transfert de compétence peut apporter une solution. Néanmoins, il existe de nombreux territoires où cette gestion se déroule dans les meilleures conditions et offre un service de qualité à nos concitoyens. Il serait dommageable de casser ces modèles de réussite parce que l’on souhaite calquer et uniformiser un modèle semblable partout.
Ne nous trompons pas : la très grande majorité des élus locaux savent organiser ces questions en fonction des contraintes et des atouts de leurs territoires.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Marc Todeschini. Que l’on ne vienne pas me parler des présidences de syndicat qui motiveraient notre position !
En conséquence, je réitère mon soutien à l’esprit de la proposition de loi adoptée ici en février 2017. C’est en cohérence avec cet esprit que je voterai en faveur du texte de la commission.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, sur l’article.
Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai voté la proposition de loi du mois de février 2017 et je suis favorable au retour au caractère optionnel de ces compétences – j’avais d’ailleurs déposé un amendement en ce sens en commission.
La loi doit laisser les élus communaux décider quelle est la meilleure solution pour la gestion de l’eau potable et de l’assainissement sur leur commune. Nous savons que, pour des raisons topographiques ou historiques, les situations locales sont trop différentes pour qu’un modèle puisse être appliqué partout avec la même efficacité, et ce dans l’intérêt des citoyens.
Que je sache, le fait que ces compétences soient optionnelles n’empêche pas – et n’a d’ailleurs pas empêché – les EPCI et les communes qui le souhaitent de réaliser ce transfert.
Madame la ministre, beaucoup d’élus que je rencontre voient dans le texte qui nous est soumis un déni – une méconnaissance peut-être – de ce qu’ils sont parvenus à mettre en œuvre, souvent au prix de nombreuses heures de disponibilité et de travail bénévole, pour que les services de l’eau et de l’assainissement soient rendus de la manière la plus efficace et la moins coûteuse. Pour nombre d’élus ruraux, l’obligation de transférer ces compétences, que ce soit en 2020 ou, plus tard, en 2026, apparaît comme le dernier assaut contre les fondements de la commune.
Un maire m’a dit tout récemment : « Vous savez, si je perds la gestion de l’eau, je ne connaîtrai plus les habitants de ma commune, car c’est le dernier lien social qui nous reste. » (Mme Brigitte Micouleau acquiesce.)
M. Bruno Sido. C’est vrai ! Il a raison !
Mme Marie-Pierre Monier. Je partage aussi les craintes de ces élus d’uniformisation des modes de gestion de l’eau et de l’assainissement, mais aussi de limitation des possibilités de fonctionner en régie publique. En effet, les EPCI très vastes, parfois à cheval sur plusieurs bassins versants et avec des densités de population très disparates, ne seront peut-être pas en mesure de mettre en place une gestion en régie et devront rapidement harmoniser les modes de gestion pour atteindre une certaine équité sur leur territoire. À ces échelles, la maîtrise de la ressource en eau et des coûts de gestion est moins bien assurée qu’à l’échelon d’une commune ou d’un syndicat de communes à taille humaine.
Cela paraît d’autant plus vrai lorsqu’on connaît le fonctionnement des grands groupes en matière tant de recherche et de réparation des fuites que de rentabilité, laquelle nécessite par exemple des hausses de tarif pour compenser des consommations rendues plus faibles par les comportements plus économes des citoyens.
Chaque fois que j’interroge des maires de la Drôme sur le réseau d’eau et d’assainissement, je suis surprise du niveau de modernisation. Contrairement à ce qui est généralement avancé, les investissements ont été réalisés sans qu’il soit besoin de transférer la compétence.
C’est pourquoi je suis définitivement favorable à ce que les compétences « eau » et « assainissement » soient optionnelles pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération. (Mme Cécile Cukierman et M. Pierre-Yves Collombat applaudissent.)