M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour le groupe La République En Marche.
M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, effectivement, nous ne devons pas avoir peur des libertés locales. La loi NOTRe, la loi MAPTAM, la loi RCT ont été évoquées à plusieurs reprises, et, dans nos fonctions d’élus locaux, nous avons certainement tous défendu auprès de l’État et du législateur un besoin de visibilité, un besoin de stabilité, un besoin de responsabilité.
La loi NOTRe, que nous connaissons bien, s’est imposée à nos collectivités territoriales brutalement, rendant obligatoire le transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération dès le 1er janvier 2020. Depuis, aucune commune, aucun territoire n’a perdu de temps : 60 % des communes ont déjà transféré ces compétences ; 20 % d’entre elles y travaillent ; bien évidemment, il s’agit de ne pas oublier les 20 % restantes.
Un certain nombre d’élus, dont nous pouvons faire partie, ont fait part de leurs difficultés à préparer ce transfert d’ici au 1er janvier 2020, mettant en exergue des singularités locales légitimant l’absence de transfert à l’intercommunalité.
Il s’agit donc de répondre à cette légitime inquiétude des élus en assouplissant la loi NOTRe, et non de revenir en arrière, selon une posture que l’on pourrait qualifier de fausse défense des collectivités locales. En tout cas, il ne faut pas provoquer d’instabilité supplémentaire.
En réponse à une initiative de groupes sénatoriaux, dont le mien, mais aussi l’Union Centriste, il a été rappelé qu’avait été créé cet automne un groupe de travail autour de Mme la ministre. Je veux ici la remercier de son écoute et de sa disponibilité.
Madame la ministre, vous parliez de merveilleuse imperfection, et je ne peux m’empêcher de penser que c’est justement ce qui caractérise l’humanité.
J’ai fait partie de ce groupe, et j’ai pu constater que l’ensemble des sensibilités y était représenté. Tous les participants avaient pour objectif de trouver un texte adapté à la réalité des enjeux, un texte de compromis.
C’est à l’unanimité que les préconisations ont été remises. Celles-ci ont été reprises par le groupe Modem de l’Assemblée nationale, qui les a transformées en proposition de loi.
M. Mathieu Darnaud. À quel titre ?
M. Arnaud de Belenet. À mon sens, ce texte tend vers l’équilibre. D’une part, une application stricte de la loi NOTRe ne peut s’envisager dans les territoires.
Mme Cécile Cukierman. C’est compliqué, hein ?
M. Arnaud de Belenet. D’autre part, revenir sur la loi NOTRe, en maintenant le caractère optionnel des compétences « eau » et « assainissement », serait certes une position facile à défendre politiquement – la difficulté est parfois dans la complexité –,…
Un sénateur du groupe Les Républicains. Non, le diable se cache dans les détails !
M. Arnaud de Belenet. … mais une telle attitude serait quelque peu légère au vu des obligations qui incomberont demain, ne l’oublions pas, aux élus de nos territoires, afin d’assurer un égal accès à une eau de qualité, notamment dans les communes les moins dotées en ressources.
N’oublions pas non plus les 60 % de communes qui ont déjà transféré ces compétences ni les 20 % qui y travaillent actuellement et ont besoin de stabilité. Parmi nous siègent de nombreux présidents d’EPCI, qui savent combien les dynamiques collectives sont complexes. (Exclamations.)
M. Jacques Genest. Il n’y en a plus !
M. Arnaud de Belenet. Je veux parler de ceux qui, ici, sont d’anciens présidents d’EPCI.
Vous savez donc combien il est compliqué de créer des dynamiques locales.
Je le répète, au-delà des 60 % de communes, n’oublions pas les 20 % qui ont engagé le travail, et prenons en compte, en responsabilité et en sincérité, c’est-à-dire sans démagogie, les 20 % de communes restantes. Voilà qui nous semble être un objectif équilibré.
Cet équilibre consiste donc à prolonger jusqu’en 2026 la période transitoire pour le transfert des compétences « eau » et « assainissement » en instaurant une minorité de blocage, sans remettre en cause l’harmonisation nécessaire de notre organisation territoriale ni la mutualisation des moyens, tout aussi nécessaires à la reprise des investissements, qui, nous le savons tous, sont devenus urgents pour un certain nombre de territoires.
C’est pourquoi nous soutenons les amendements de rétablissement du texte de l’article 1er issu des travaux de l’Assemblée nationale. Nous en avons d’ailleurs déposé un en ce sens.
S’agissant de l’article 2, relatif à la gestion des eaux pluviales, mon groupe propose un amendement qui se veut également de compromis : il tend à ce que, pour les communautés de communes, la gestion des eaux pluviales demeure facultative, et, par conséquent, sécable de l’assainissement.
Enfin, l’article 3, qui vise à assouplir les règles problématiques de représentation-substitution des communes au sein des syndicats exerçant les compétences « eau » et « assainissement », devrait, quant à lui, faire l’objet d’un vote consensuel.
Une position équilibrée, pragmatique, dénuée de toute posture politique permettrait certainement de régler au bénéfice de nos collectivités la question des eaux pluviales qui les préoccupe. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la ministre, les défenseurs des communes qui entendent les moderniser en les faisant disparaître dans des intercommunalités de plus en plus intégrées me rappellent l’ogre des contes : il aimait tant les enfants qu’il les dévorait. (Rires.)
Le malheur, c’est que, au terme d’une petite dizaine d’années de ces prétendues modernisations, ils auraient réussi, si la grande majorité des élus communaux n’avaient enfin réalisé quel marché de dupes, sous contraintes législatives et budgétaires, on leur proposait. Même les exécutifs des grandes intercommunalités, actifs militants jusque-là du transfert obligatoire à leur profit du maximum de compétences, constatent qu’en l’absence de financements nouveaux l’exercice a ses limites.
La fausse proposition de loi, mais vrai projet de loi, dont nous débattons aujourd’hui, outre un repli politicien tactique, pourrait être le signe d’une hésitation des idéologues devant la réalité. S’il est en effet des compétences dont le bon exercice dépend des réalités physiques et humaines des territoires, des compétences pour lesquelles les regroupements artificiels seront financièrement calamiteux, ce sont bien celles de l’eau et de l’assainissement.
Ici, la structure de gestion unique est bénéfique ; là, ce sont les regroupements partiels ; ailleurs, la gestion communale. Quand nos stratèges de bureau cesseront-ils de confondre la carte avec le territoire ?
S’il y a retour en grâce du principe de réalité, c’est un retour bien timide. Ainsi le Gouvernement et ses bureaux s’obstinent-ils toujours à confondre la question des eaux appelant une épuration, à savoir les eaux usées domestiques, industrielles, voire les eaux résultant du lavage de la voirie par les précipitations habituelles, et la question, différente, du ruissellement calamiteux, source d’inondations, que l’on serait bien en peine de traiter.
Comment peut-on dire sérieusement, comme notre chère ministre Jacqueline Gourault l’a fait, ici même, il y a quelques mois, que, si le ruissellement calamiteux « était rattaché à la compétence GEMAPI et non plus à la compétence “assainissement”, conformément à la jurisprudence de la Communauté européenne, cela poserait la question de la gestion des installations qui traitent à la fois les eaux usées et les eaux pluviales […], et des stations d’épuration, qui relèvent logiquement de la responsabilité de la collectivité compétente au titre de l’assainissement » ?
Il appartiendrait donc à la jurisprudence européenne ou à celle du Conseil d’État, comme notre rapporteur l’a rappelé tout à l’heure, de nous dicter ce qu’il convient de faire pour nous protéger de l’inondation ? Autant dire que vous n’entendez rien faire !
Timide retour en grâce du principe de réalité, disais-je, que cette proposition de loi, ou rideau de fumée ?
Reculer la date du transfert des compétences « eau » et « assainissement » à 2026 n’est pas revenir sur l’obligation du transfert de ces compétences prétendument siamoises. C’est d’autant moins le cas que l’alinéa 2 de l’article 1er de la proposition de loi initiale, suffisamment abscons, d’ailleurs, pour dissuader le commun de sa lecture – j’ai mis un moment à comprendre ce qu’il voulait dire –, précise qu’à tout moment jusqu’en 2026 l’exécutif des EPCI peut demander à vérifier si la minorité de blocage existe toujours. Si elle n’existe pas, quand les votes sont serrés, on pourra toujours lui donner un coup de pouce. Mais peut-être ai-je mauvais esprit…
Comptons sur la communication gouvernementale pour faire oublier ces petits détails, dont personne n’a parlé !
Enfin, la proposition de loi concerne seulement les communautés de communes, alors que le problème intéresse aussi nombre de communautés d’agglomération, particulièrement celles qui rassemblent plusieurs bassins versants et celles qui sont en fait des communautés de communes de taille XXL.
François Bonhomme et la commission des lois ont donc eu entièrement raison de disperser le rideau de fumée derrière lequel le Gouvernement tente de se cacher.
Il faut que les choses soient claires et qu’elles soient dites, comme l’a fait notre commission : premièrement, le transfert aux EPCI, communautés d’agglomération ou de communes, des compétences « eau » et « assainissement » doit rester un choix des élus. Parfois, la raison l’impose, d’autres fois non. C’est ainsi que je traduis l’article 1er du texte de la commission des lois.
Deuxièmement, la gestion des eaux de ruissellement ne relève pas de l’assainissement. J’ajouterai qu’elle est une dimension de la protection contre l’inondation, et qu’elle est par conséquent finançable par la taxe GEMAPI. C’est d’ailleurs le seul financement possible.
Comme l’ensemble des membres du groupe CRCE, je voterai donc ce texte avec entrain. L’heure est non plus à déplacer les virgules des lois NOTRe ou MAPTAM, mais à restaurer la liberté communale et les intercommunalités dans leur rôle de coopératives de communes. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, la question de l’eau et de l’assainissement revient une nouvelle fois devant notre assemblée.
En février 2017, le Sénat avait clairement exprimé sa volonté de conférer au transfert de ces deux compétences à l’échelon intercommunal un caractère optionnel, c’est-à-dire de faire confiance aux territoires, à leur expérience et à leur savoir-faire.
Pourquoi ? Non seulement parce qu’il n’y avait pas de problèmes particuliers s’agissant de la gestion de ces compétences, mais aussi parce que la quasi-totalité des associations d’élus le demandait et ne comprenait pas que cela leur soit refusé.
Souvenons-nous que, dès l’origine, les maires ont été surpris par ce texte. Ils n’ont pas été les seuls au demeurant, le volet « eau et assainissement » ayant été rajouté in extremis au projet de loi NOTRe, sans même faire l’objet d’une étude d’impact digne de ce nom. À aucun moment, d’ailleurs, les communes n’ont exprimé une telle demande de transfert, car partout, ou presque, des solutions, très souvent intercommunales, avaient été mises en place pour le bien de toutes les communes.
Les maires n’ont pas attendu la loi pour s’organiser et faire face à leurs responsabilités. Ceux des petites communes ont très tôt compris l’intérêt qu’ils avaient à travailler ensemble, dans des configurations et des périmètres appropriés, centrés sur les services à gérer et les projets à construire.
Les solutions choisies ont été pensées et édifiées patiemment, pas à pas, en fonction des réalités locales, de la géographie, de la topographie, de la topologie, bref, des particularités et contraintes naturelles de chaque territoire et des attentes et exigences de leurs administrés.
Les communes ont ainsi acquis, chemin faisant, une longue pratique de la coopération en matière de services et de réseaux, pratique qu’on veut à présent passer par pertes et profits.
L’expérience, hélas, ne vaut plus grand-chose à l’heure où l’expertise est érigée au rang de vertu première. Et Dieu sait ce que nous devons aux experts …
Nous devrions rappeler à certains, mes chers collègues, que si le rôle des parlementaires est multiple, il est moins de penser à la place des autres que de savoir écouter et comprendre.
C’est aussi, entre autres missions, l’un des rôles dévolus à la Conférence nationale des territoires. Cependant, si elle devait être animée de la même manière de voir, de la même façon d’être à l’écoute, gageons qu’elle n’obtiendra pas les résultats attendus et qu’elle sera loin, très loin même, de mériter les vertus que d’aucuns lui prêtent.
La loi NOTRe a considérablement bouleversé nos territoires, tout particulièrement les territoires ruraux, où la remise en cause des libertés locales est encore plus mal vécue qu’ailleurs.
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est vrai !
M. Jean-Marie Mizzon. Cette loi a même contribué à changer très fortement la nature de la coopération intercommunale. Elle est désormais vue moins comme un outil au service des communes, librement choisi par elles, que comme une volonté de mettre ces communes au pas dans une course au gigantisme sans limites. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Le groupe de travail que vous avez réuni à plusieurs reprises, madame la ministre, a essayé de trouver des solutions acceptables, au mieux des intérêts de tous. En dépit de vos efforts personnels et de ceux des collègues parlementaires qui le constituaient, dont je ne doute pas un instant de la volonté de travailler utilement pour nos territoires, ce groupe n’est pas parvenu à trouver un accord susceptible d’agréer le plus grand nombre. Au moins aurions-nous dû étendre la minorité de blocage aux communautés d’agglomération, qui, je le souligne, regroupent près de 7 000 communes rurales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
S’il va dans le bon sens, cet accord ne va pas assez loin dans le respect des libertés locales. Voilà pourquoi je choisis, pour ma part, de soutenir le texte de la commission des lois, sachant que cette position ne fait pas l’unanimité au sein de mon groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Laurence Harribey. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, chacun à votre manière, vous nous avez conté la genèse du texte qui nous est présenté aujourd’hui, au point que l’on ne sait plus très bien où l’on en est.
Certes, cette proposition de loi, qui a fait suite à une proposition de loi du Sénat votée à l’unanimité, laquelle a ensuite été renvoyée à la commission à l’Assemblée nationale, et qui est aujourd’hui présentée sous une nouvelle forme après passage en commission des lois du Sénat, pose problème, sur la forme comme sur le fond. Nous pouvons être sur ce point d’accord. Cela dit, une chose est sûre, nous devons assumer nos responsabilités face à une question importante pour de nombreux territoires, d’où remontent les difficultés de mise en œuvre d’un texte qui s’impose à eux aujourd’hui. Il importe donc de revenir au fond sans être dogmatique pour prendre en compte la réalité des territoires.
Le fond, ce sont d’abord les objectifs du transfert de compétences : rationaliser le secteur par rapport à l’usager et au consommateur ; permettre la réalisation d’infrastructures qui répondent aux enjeux de la qualité de l’eau et de la gestion de la ressource ; s’inscrire, ce que l’on oublie souvent, dans une vision plus globale du petit au grand cycle de l’eau.
Pour autant, nous le savons tous, la diversité des réalités territoriales oblige à être un peu pragmatique, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille pas mettre du sens dans le pragmatisme. Pour arriver à une compétence unique et permettre une politique publique de l’eau et de l’assainissement qui ait du sens, cela suppose un long chemin, des études, des diagnostics, des mesures transitoires, des plans d’investissement pour mettre à niveau, une prise en compte des logiques de bassin et des choix de mode de gestion.
Et c’est parce que 2020 nous paraissait déraisonnable que nous avons souscrit à la proposition de loi du Sénat en 2017. Le recours à une compétence optionnelle nous semblait la moins mauvaise des solutions en ce qu’elle préservait la décision des exécutifs locaux.
C’est aussi dans cet esprit que, devant les blocages, nous avons souscrit au principe du groupe de travail. Or la conclusion de celui-ci, relativement unanime, penchait pour un niveau intercommunal pertinent, mais aussi pour des assouplissements nécessaires. Quels sont ces assouplissements incontournables pour nous ? Délai repoussé à 2026, à condition que soit prévu un droit d’opposition au transfert avec le mécanisme de la minorité de blocage ; extension aux communautés d’agglomération, parce que bon nombre d’entre elles sont aujourd’hui des communautés semi-rurales ; assouplissement du mécanisme de représentation-substitution dans des syndicats élargis ; sécabilité de la compétence « eau-assainissement-SPANC-eaux pluviales » ; enfin, alignement des dispositifs financiers, notamment concernant les agences de bassin, sur ces aménagements à venir.
C’est sur cette base que nous avons travaillé sur le texte proposé par l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, le rapporteur nous propose de revenir à une compétence optionnelle, purement et simplement. Nous ne sommes pas sûrs que cela soit la meilleure manière de servir les territoires que nous représentons et qui fondent notre légitimité.
Le plus important pour nous, c’est d’aller dans le sens de l’efficience de la gestion de l’eau, de l’assainissement, en assurant une gouvernance maîtrisée par les acteurs publics locaux.
Madame la ministre, vous disiez avec le sourire que les petits ruisseaux faisaient les grandes rivières ; j’ose vous dire qu’il arrive que certains se noient dans une flaque d’eau ! (Sourires.) Il semble que le scénario écrit pour cet après-midi risque d’arriver à ce résultat, ce qui est bien dommage pour les territoires que l’on prétend représenter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en matière de gestion de l’eau et de l’assainissement, c’est le terrain, et lui seul, qui enseigne la gouvernance la plus pertinente.
La demande des élus, en particulier des élus ruraux, est simple : laisser la liberté aux communes de décider ou non du transfert des compétences « eau » et « assainissement ». Et cette liberté ne doit être ni encadrée, ni limitée, ni transitoire !
Or le contenu initial de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui ne répondait toujours pas aux préoccupations de nos territoires ruraux.
Aussi, je me réjouis que cette proposition de loi ait été profondément remaniée par notre commission des lois, afin qu’elle corresponde au texte déjà adopté à la quasi-unanimité par le Sénat le 23 février 2017, texte qui visait à maintenir les compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes.
Cette proposition de loi n’a pas été jugée satisfaisante par la commission des lois du Sénat pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, elle maintient le caractère obligatoire du transfert des compétences « eau » et « assainissement », et permet seulement de différer son entrée en vigueur au 1er janvier 2026, à la condition de réunir au moins 25 % des communes membres d’une intercommunalité représentant au moins 20 % de la population.
Ensuite, elle n’englobe pas les communautés d’agglomération, dont certaines ont été créées dans des territoires ruraux.
Enfin, la gestion des eaux pluviales et du ruissellement dans les zones urbaines a été incluse dans la compétence « assainissement » des communautés de communes et d’agglomération.
La commission des lois a donc confirmé la position adoptée à la quasi-unanimité par le Sénat le 23 février 2017.
En premier lieu, elle a voulu pérenniser le caractère optionnel des compétences « eau » et « assainissement » pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération, en supprimant le dispositif de minorité de blocage prévu dans le texte de l’Assemblée nationale.
En second lieu, elle a souhaité permettre aux communes membres d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération de continuer à prendre en charge la gestion des eaux pluviales en cas de transfert de la compétence « assainissement » à leur intercommunalité, afin d’apporter une souplesse permettant de mieux prendre en compte les spécificités des situations locales.
Je tiens, à cette tribune, à saluer le travail accompli par le rapporteur, notre collègue François Bonhomme, qui s’est montré particulièrement attentif aux préoccupations de nos territoires.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de cette proposition de loi ainsi modifiée par la commission des lois du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame le ministre, chers collègues, ce texte, c’est le festival des hypocrites ! (Exclamations.)
En effet, si on refait l’historique, d’où provient le problème ? De ce que la loi NOTRe a transféré autoritairement les compétences « eau » et « assainissement » des communes vers les intercommunalités.
Eh bien, mes chers collègues, cette loi NOTRe a été votée au Sénat par quasiment tout le monde puisque nous n’avons été que 49 sur 348 à voter contre !
Je trouve sympathique de venir se plaindre en disant que cela ne va pas, mais je fais remarquer à ceux qui ont voté la loi NOTRe qu’ils savaient quand même ce qu’il y avait dedans ! Qu’ils ne viennent pas nous dire que tel ou tel aspect leur a échappé ! La responsabilité du problème doit être assumée par ceux qui ont voté la loi NOTRe !
Or très curieusement, au mois de février 2017, quand nous avons examiné une proposition de loi du Sénat visant à abroger le transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux intercommunalités, ceux qui criaient le plus fort étaient ceux qui avaient voté la loi NOTRe ! Que faisaient ceux qui, comme moi, ne l’avaient pas votée ? Eh bien, nous étions bien évidemment favorables à l’abrogation de la disposition, mais nous nous exprimions avec une certaine pudeur et, surtout, nous avions la conscience tranquille : personne ne pouvait nous objecter que nous avions voté la loi !
Aujourd’hui, nous assistons à la même chose : ceux qui crient le plus fort que la loi NOTRe ne va pas assez loin sont précisément ceux qui l’ont votée !
Je vais le dire très simplement : j’ai été clair, j’ai voté contre la loi NOTRe. Dans mon département, il y a trois sortes de sénateurs. Les premiers étaient présents lors du vote de ladite loi. Les deuxièmes ne siégeaient pas alors au Sénat parce qu’ils occupaient des fonctions ministérielles. Et les troisièmes n’étaient pas là parce qu’ils n’étaient pas encore élus.
Nous étions deux élus de mon département en mesure de nous prononcer sur la loi NOTRe. L’un a voté contre, l’autre a voté pour. Or je suis quand même très surpris de constater que celui qui, en Moselle, crie le plus fort est celui qui a voté la loi NOTRe !
M. Jean Louis Masson. Il y a un peu d’incohérence ! Mes chers collègues, si l’on veut que le Parlement soit crédible, il ne faut pas dire blanc un jour et noir le lendemain !
Moi, je suis clair, j’ai voté contre la loi NOTRe…
Mme Cécile Cukierman. Vous n’êtes pas le seul !
M. Jean Louis Masson. … et j’y reste opposé ! Je vais bien évidemment voter le présent texte, car il amortit un tout petit peu les aspects très négatifs de la loi NOTRe, que d’autres ont votée ! (Mme Claudine Kauffmann et M. François Patriat applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en 2010, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution proclamant que le droit à une eau potable et à l’assainissement est un droit fondamental.
Dans notre pays, la question de l’accès à l’eau potable est apparue au XIXe siècle, en pleine révolution industrielle.
Les communes se sont saisies de ces missions, qui constituent l’un des fondements de l’action communale. Il est d’ailleurs opportun de rappeler que l’équipement en réseaux d’eau – tout comme l’électrification – est à l’origine des premières formes de coopération intercommunale. Je pense notamment à la loi du 22 mars 1890 instituant les syndicats intercommunaux à vocation unique. Je rappelle néanmoins que cette coopération se faisait – à l’époque – sur la base du volontariat et sur l’initiative des communes.
Au fil du temps, les évolutions institutionnelles, mais aussi la technicité accrue de ces missions, ont abouti à une diversité d’organisation sur l’ensemble de notre territoire où cohabitent plusieurs modes de gestion et où l’on compte un grand nombre de syndicats intercommunaux ou mixtes. Sans doute trop !
Il en résulte une situation contrastée dans laquelle coexistent un grand nombre de collectivités ou de groupements gestionnaires d’une ou de plusieurs de ces compétences, en totalité ou en partie. La progression des exigences environnementales, la question des rendements ou celle de la qualité de l’eau poussent à une réduction des syndicats ou à une gestion à plus grande échelle, mais posent, en corollaire, la question du coût pour le citoyen.
C’est dans ce cadre qu’est intervenue la loi NOTRe prévoyant une réforme radicale, pour ne pas dire brutale, dont cet hémicycle garde en mémoire les intenses débats qu’elle a occasionnés. Je n’y reviens donc pas.
Je rappelle néanmoins notre position constante : l’eau a sa propre géographie. Vouloir aligner les communes ou les syndicats d’eau sur les limites des intercommunalités constitue par conséquent une erreur.