Mme Cécile Cukierman. Il y en a d’autres, madame la ministre ! Au moins une troisième, que vous connaissez aussi…
Mme Cécile Cukierman. Non, pas la dette ; on peut taxer les grandes fortunes !
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Madame la ministre, je souhaite vous interpeller sur l’organisation de la desserte TGV, et affirmer à cette occasion mon attachement à l’offre de liaisons cadencées à grande vitesse dans les Hauts-de-France, l’un des piliers de l’aménagement de notre territoire.
La desserte TGV constitue une véritable colonne vertébrale en termes de dynamique et de maillage territoriaux, qu’il convient de conforter tant pour la métropole lilloise que pour les autres grandes agglomérations de la région Hauts-de-France.
Dans ce cadre et à la suite de la remise du rapport Duron, j’ai deux questions à vous poser.
La première porte sur la liaison Roissy-Picardie.
La construction de cette nouvelle ligne ferroviaire de 6 kilomètres, inscrite au contrat de plan État-région, doit permettre de raccorder la ligne Amiens-Creil-Paris à la LGV vers Roissy. C’est un projet essentiel pour la mobilité, l’attractivité et le développement économique du territoire.
Alors qu’un certain nombre de projets sont reportés sine die, le rapport Duron confirme l’intérêt de cette liaison et différents scénarios de réalisation y sont proposés.
Madame la ministre, quel scénario allez-vous privilégier, et selon quel calendrier ?
Ma deuxième question porte sur la desserte en TGV des gares dites « autres gares desservies par le TGV » dans les Hauts-de-France… Je pense à Arras, Béthune, Dunkerque, Douai, mais aussi à Valenciennes, dont vient de parler Michel Dagbert.
Aujourd’hui, force est de constater que le service et le cadencement sont dégradés. Faute d’investissements, notamment sur la mise en sécurité – je pense, par exemple, à la suppression des passages à niveau –, nous sommes passés à un temps de trajet d’environ 1 heure 30 pour relier Paris à Valenciennes il y a une dizaine d’années, à près de 2 heures aujourd’hui. Le risque est évidemment de décourager les voyageurs et, faute de voyageurs, de justifier la fermeture de ces lignes.
Madame la ministre, quelle est la stratégie du Gouvernement pour cette desserte des capitales infrarégionales des Hauts-de-France ? Pouvez-vous nous confirmer le maintien de ces lignes TGV pour les villes moyennes ? Enfin, vous l’avez compris, il conviendra d’engager rapidement des travaux qui devront permettre de retrouver un cadencement acceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice, la liaison Roissy-Picardie est identifiée par le COI comme étant l’une des liaisons prioritaires. Dans le contrat de développement de l’Amiénois, l’État s’était engagé à lancer la première phase du projet.
Le montant nécessaire pour réaliser ce projet est d’environ 160 millions d’euros, quel que soit le scénario retenu. Le Conseil d’orientation des infrastructures souligne l’intérêt de ce projet. Dans le cadre des débats que nous aurons prochainement, l’intérêt du projet, sa réalisation et le calendrier des travaux pourront être confirmés. L’enquête, qui devait être lancée, mais avait été suspendue dans l’attente des réflexions sur la programmation des infrastructures, pourra être conduite, une fois levées les quelques incertitudes sur les paramètres économiques du projet.
En ce qui concerne la desserte des villes, je voudrais vous redire mon attachement et celui du Gouvernement à un modèle de TGV qui non seulement dessert les métropoles reliées par des lignes à grande vitesse, mais a bien une vocation d’irrigation de notre territoire.
Je suis un peu surprise par la dégradation des temps de parcours que vous avez mentionnée. Nous allons donc nous adresser à SNCF Réseau pour obtenir des explications. Je pourrais vous dire qu’il est toujours un peu contrariant de devoir investir pour retrouver les temps de parcours qu’on connaissait précédemment. Qu’il puisse y avoir des défauts d’entretien et de modernisation, je peux le comprendre, mais qu’il faille dépenser plus pour avoir le même temps de parcours peut nous conduire à nous interroger. Néanmoins, je vais demander à SNCF Réseau de me donner des explications, dans l’objectif de retrouver une desserte performante de ce territoire.
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Madame la ministre, lors de l’ouverture de la ligne à grande vitesse Grand Est en 2007, après de longs débats, la gare de Lorraine a été finalement implantée au milieu des champs, à Louvigny. Elle est surnommée par les Lorrains la gare « colza » ou « betteraves » – selon les goûts ! – en raison de son emplacement, certes équidistant de Metz et de Nancy, mais surtout déconnecté de toute liaison avec le réseau régional, notamment la ligne TER nord-sud entre Nancy et Metz, qui est structurante pour le sillon lorrain tout entier jusqu’à Luxembourg.
La semaine dernière encore, j’étais en réunion à Nancy avec un intervenant de Poitiers, très heureux des 3 heures 10 de trajet entre Poitiers et la gare de Lorraine, mais désolé de l’heure et demie – retard inclus – d’autocar pour parcourir les 36 kilomètres restants jusqu’à Nancy. Ces situations sont également fréquentes dans d’autres lieux où les gares ne sont pas connectées au réseau TER.
Maintenir cette gare à Louvigny relèverait d’une conception passéiste des lignes à grande vitesse, à l’heure où les transports doivent être envisagés, comme le COI et vous-même le proposez d’ailleurs, dans une logique de complémentarité et d’intermodalité des liaisons. Ainsi, l’ancienne région Lorraine est la seule des trois composantes de la nouvelle région Grand Est à ne pas avoir de gare TGV interconnectée à son réseau régional.
En 2014, Christian Eckert, alors secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, a permis qu’une part non négligeable de ressources issues de la TICPE, estimée à 20 millions d’euros par an, soit fléchée à l’échelle régionale pour financer ce projet, profitant d’un dispositif européen qui le permet. Pourtant, la majorité régionale, très discrète sur le sujet, semble vouloir privilégier d’autres projets ferroviaires sans rapport avec une LGV.
Madame la ministre, je souhaiterais connaître vos intentions sur ce sujet et savoir si la modification de l’implantation de la gare pourrait être confirmée dans la loi de programmation, afin que les financements envisageables soient enfin affectés à ce projet nécessaire aux mobilités du XXIe siècle dans le Grand Est.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Vous le savez, monsieur le sénateur, l’ensemble du foncier nécessaire à la réalisation de la gare et de ses accès a été acquis, et des mesures conservatoires ont été prises lors de la réalisation de la première phase de la LGV est-européenne. Compte tenu de cette maîtrise foncière, la déclaration d’utilité publique n’a pas été prolongée.
Le coût de cet équipement est évalué entre 140 millions et 150 millions d’euros. Il a été décidé que le conseil régional de Lorraine, en lien avec SNCF Réseau, assurerait la maîtrise d’ouvrage de la gare TER-TGV de Vandières. La part attendue de l’État s’élève à 30 millions d’euros dans le cadre de la convention de la deuxième phase de la LGV Est. Mais, à ce jour, aucun crédit n’a été budgété en ce sens.
Le projet a fait l’objet – je veux le rappeler – d’un référendum régional organisé en février 2015 par le conseil régional de Lorraine, qui a conduit à un rejet. Je tiens à vous redire que le foncier est là et qu’il est disponible, mais qu’il revient aux collectivités de décider de l’intérêt ou non de réaliser cette gare, en tenant compte du résultat du référendum qui avait été organisé sur ce sujet.
Du point de vue de l’État, c’est vraiment une initiative qui doit relever des collectivités locales.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer.
M. Jean-Marc Boyer. Madame la ministre, le rapport Duron ne semble pas prêt à ouvrir les portes de l’avenir au territoire dont je vais vous parler.
Il s’agit du Grand Centre Auvergne Massif central. Ce territoire, qui compte 17 millions d’habitants, soit 25 % de la population française, ne cesse d’attendre… que ses besoins en mobilité soient pris en compte.
Vous avez reçu une délégation d’élus et de parlementaires, dont le président de l’association TGV Grand Centre Auvergne, Rémy Pointereau, et je vous en remercie en leur nom. Nous vous avons fait part de cette attente, à la suite du dernier rapport Duron qui semble vouloir prolonger encore celle-ci en mettant à mal le projet POCL qui doit relier Paris, Orléans, Clermont-Ferrand et Lyon.
Nous vous avons rappelé l’importance de cette ligne pour la desserte et le désenclavement de notre territoire. Je tiens de nouveau à rappeler, comme cela vous a déjà été dit, que Clermont-Ferrand est la capitale régionale la plus éloignée de Paris en temps de transport ferroviaire. Contrairement aux affirmations de M. Duron, la population de la métropole clermontoise augmente régulièrement et son dynamisme économique est à l’image de celui de l’entreprise Michelin.
À la suite de nos échanges, madame la ministre, vous avez été rassurante. Vous nous avez certes rappelé que la rentabilité socio-économique du projet POCL était étroitement liée au doublement de la ligne Paris-Lyon. Toutefois, vous nous avez aussi dit que rien ne sera fait qui puisse rendre le projet POCL impossible à moyen et à long termes, et que vous alliez demander à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, la DGITM, de se pencher sur la question des réserves foncières de Vitry et d’Ivry.
Vous nous avez aussi annoncé que vous étiez favorable à la tierce expertise et que vos services allaient contacter les trois régions concernées afin de faire le point sur le plan de financement. Je vous confirme ici, dans cet hémicycle, que les trois présidents de région tiennent fortement à ce projet.
Vous nous avez également informés que vous étiez pour la poursuite des travaux de l’observatoire de la saturation ferroviaire de la ligne Paris-Lyon et que, dès à présent, la ligne SNCF actuelle serait améliorée et rénovée afin que, de Paris, l’on puisse rejoindre Clermont-Ferrand en moins de 3 heures.
Pourriez-vous, madame la ministre, nous confirmer ces points essentiels ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, j’ai rencontré la délégation dont vous faisiez partie et qui était conduite par votre collègue Rémy Pointereau le 14 mars dernier. Nous avons pu faire ensemble le constat que le COI avait fait un lien entre l’intérêt de la ligne POCL et les enjeux de saturation de la ligne à grande vitesse Paris-Lyon. Aujourd’hui, les évaluations dont nous disposons permettent d’envisager cette saturation à un horizon lointain, grâce à la nouvelle signalisation ERTMS qui est mise en place et à un nouveau matériel plus capacitaire.
Mais j’ai pu vous confirmer, et je peux le refaire, que je suis favorable à la poursuite des travaux de l’observatoire de la saturation ferroviaire de la LN1, Paris-Lyon. Je vous ai aussi annoncé qu’il était nécessaire de terminer la tierce expertise des deux scénarios « médian » et « ouest », et donc de poursuivre la réflexion sur le projet.
J’ai également dit qu’il ne fallait pas obérer l’avenir et se priver de la capacité de réaliser ultérieurement ce projet. Mais j’ai insisté, et je veux le répéter ici, sur le fait que ces réflexions ne doivent pas nous faire oublier la nécessité d’améliorer rapidement la ligne existante entre Paris et Clermont-Ferrand, ce qui sera le cas avec la livraison du nouveau matériel qui équipera cette ligne.
Je le disais, les offres nous ont été remises le 15 mars dernier, avec l’objectif d’une couverture numérique de cette ligne dans les meilleurs délais, donc d’ici à la fin de 2018, au travers d’un schéma directeur en cours de discussion qui permettra de recenser les aménagements d’infrastructures utiles pour améliorer la performance du service ferroviaire sur cet axe. J’attends ce schéma directeur dans les prochaines semaines, au plus tard avant l’été. Par ailleurs, il faut savoir que SNCF Réseau consacrera 750 millions d’euros au financement de la régénération d’ici à 2025, ce qui permettra de remettre en état cet axe.
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Madame la ministre, je pose cette question au nom de ma collègue Patricia Schillinger, qui souhaitait vous interroger sur la réalisation de la desserte ferroviaire de l’EuroAirport Bâle-Mulhouse. Ce raccordement vise à assurer un accès direct à l’aéroport par les trains régionaux avec, aux heures de pointe, six trains par heure en provenance et à destination de Bâle, et quatre trains par heure en provenance et à destination de Mulhouse.
En plus de renforcer l’attractivité de l’EuroAirport, ce raccordement offrira une alternative à la route et contribuera à désengorger l’A35, qui connaît une forte fréquentation aux heures de pointe.
Alors que ce projet a connu des avancées récentes avec la signature d’une déclaration d’intention commune entre la région Grand Est et les cantons de Bâle-Ville, de Bâle-Campagne et de Soleure, laissant présager un début de travaux à l’horizon 2020, le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures semble remettre en cause ce projet dans au moins deux des trois scénarios envisagés. En effet, dans deux d’entre eux, l’État ne participerait pas au financement de l’infrastructure, ce qui compromettrait l’équilibre financier du projet et sa réalisation à terme.
Si nous comprenons la nécessité budgétaire qui conduit l’État à faire des choix répondant aux urgences du quotidien, il ne faut pas négliger ce projet qui présente à la fois un intérêt environnemental, en permettant de proposer une alternative à la route, et une dynamique transnationale de développement économique.
Du côté suisse, la phase de consultation pour l’étape d’aménagement de l’infrastructure ferroviaire 2030-2035, en cours, a bien pris en considération le raccordement ferroviaire. Alors qu’il appartiendra au Parlement fédéral de confirmer cet engagement, il est capital pour la poursuite du projet que l’État français donne des garanties sur ses engagements et envoie, dès aujourd’hui, un signal fort à la Confédération helvétique en confirmant sa volonté de terminer les études et l’enquête publique d’ici à 2021 et de réaliser le projet sur la période 2022-2027.
Madame la ministre, quel avenir, quel calendrier et quel financement par l’État envisagez-vous pour la desserte ferroviaire de l’EuroAirport ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Effectivement, le projet de desserte de l’aéroport de Bâle-Mulhouse est un projet estimé à environ 220 millions d’euros que le COI n’a pas jugé prioritaire à court terme.
Je sais l’attachement des élus à ce projet transfrontalier, de même que celui des autorités suisses. Il va donc de soi que son avenir doit se décider entre ces différentes parties. Le président de la région Grand Est a sollicité une rencontre avec les élus concernés. Je suis tout à fait prête à recevoir une délégation pour échanger sur l’intérêt de ce projet.
Nous attendons, à l’heure actuelle, une étude socio-économique pour apprécier les gains de chacun des acteurs, à la fois en France, en Suisse et en Allemagne, liés à la réalisation de ce projet, ce qui pourrait préfigurer des clés de financement pour la réalisation ultérieure du projet.
Continuons à discuter avec les autorités suisses et les élus concernés pour voir dans quelle mesure, dans le cadre des contraintes financières qui sont les nôtres, nous pouvons envisager la réalisation de cette infrastructure dont je suis consciente qu’elle est attendue localement.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Madame la ministre, je tiens d’abord à saluer le riche travail du Conseil d’orientation des infrastructures.
Pour cause de financement multipartite, le rapport ne s’est pas saisi du projet Lyon-Turin. Cependant, il se prononce tout de même sur la partie française, c’est-à-dire les liaisons entre Lyon et Saint-Jean-de-Maurienne : « la démonstration n’a pas été faite de l’urgence d’engager ces aménagements dont les caractéristiques socio-économiques apparaissent à ce stade clairement défavorables » et « ces travaux […] seront à engager après 2038 ». Cette date est postérieure à la durée maximale de validité de la déclaration d’utilité publique, soit août 2028…
Ce faisant, les constats officiels franco-italiens reconnaissent que les prévisions de fret routier ont été largement surévaluées. Ainsi, on constatait en 2017 moins de la moitié du volume prévu en 2006. De même, les circulations de fret ferroviaire franco-italiennes ont été divisées par six depuis trente ans, malgré 1 milliard d’euros d’investissements entre Lyon-Dijon et Turin.
Les analyses démontrent d’ailleurs que le réseau ferré existant offre la possibilité, moyennant quelques investissements, d’accroître considérablement cette offre de fret. Le rail pourrait ainsi accueillir les marchandises d’un million de poids lourds par an dans les Alpes.
Pourtant, après la pause décrétée au début de l’été, le Gouvernement, soufflant le chaud et le froid, a prorogé la déclaration d’utilité publique de cinq années. Nous peinons donc à comprendre s’il souhaite ou non engager la réalisation de ce tunnel, dont chaque kilomètre coûtera 150 millions d’euros.
Cela est d’autant moins compréhensible que, sans les accès français et italiens, il est impossible de rentabiliser un tel ouvrage dont le modèle économique est déjà plus qu’incertain. J’aurais tendance à dire que l’on met la charrue avant les bœufs.
Enfin, alors que l’incertitude politique italienne pèse également sur le tunnel, ce double discours paraît d’autant plus curieux. Si la finalité est l’abandon du projet, autant éviter d’enfouir 10 milliards d’euros dans 57 kilomètres de galeries sous les Alpes !
Madame la ministre, pourriez-vous nous préciser la logique sur laquelle s’appuierait le maintien d’un tel projet ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, il y a effectivement deux sujets distincts : la réalisation du tunnel lui-même et l’aménagement éventuel des accès.
S’agissant du tunnel, je voudrais rappeler qu’il a fait l’objet d’un traité, qui a été ratifié par le Parlement en France comme en Italie. Les travaux de reconnaissance de la section internationale sont désormais réalisés à plus de 75 %, avec plus de 23 kilomètres percés à ce jour. Les travaux définitifs du tunnel devraient être lancés au cours de l’année 2018.
Je rappelle aussi que, en raison de son caractère binational, le projet dispose d’un plan de financement tout à fait spécifique, puisqu’il est financé à 40 % par l’Union européenne et à 35 % par l’Italie. La France porte ce projet à hauteur de 25 %, ce qui n’est pas rien pour un projet de 2,5 milliards d’euros.
J’ai eu l’occasion de le dire, l’enjeu est bien que la réalisation du projet ne vienne pas peser sur les ressources de l’AFITF, au détriment des projets d’une dimension plus « habituelle » ou, en tout cas, des projets qui sont utiles pour le quotidien de nos concitoyens.
C’est dans cet état d’esprit qu’une réflexion a été engagée avec nos collègues italiens pour mettre en place une société de projet, qui tirerait ses ressources notamment des tarifications applicables sur les autoroutes et ne viendrait pas obérer les capacités de financement pour les autres projets.
S’agissant des accès, nous faisons le constat que les lignes actuelles ont supporté par le passé un trafic qui correspondait au triple de ce qu’il est aujourd’hui. Il est préférable d’attendre de constater la réalité de la remontée du trafic avant d’engager des travaux coûteux pour l’aménagement des accès.
Le tunnel de base fait bien l’objet d’un traité international au titre duquel il est soumis à un traitement spécifique. Les éventuels accès supplémentaires seront réalisés dans la mesure où les lignes actuelles ne permettraient pas d’assurer un accès satisfaisant au tunnel.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Madame la ministre, mes chers collègues, le 1er février dernier, le Conseil d’orientation des infrastructures faisait des propositions sur l’ampleur des investissements envisageables en matière de transports. Il réalisait alors une revue des projets, en oubliant néanmoins d’étudier certains projets d’envergure, je pense en particulier au Grand Paris Express.
Mais toujours est-il que ce rapport accordait une place de choix aux projets de lignes à grande vitesse, les LGV.
Selon lui, trois scénarios seraient envisageables. Le premier prévoit de ne pas affecter de ressources supplémentaires significatives à ces projets, et donc de maintenir la pause annoncée par le Président de la République en la matière. Les deux autres préconisent, à différents degrés, un accroissement des dépenses pour accélérer leur réalisation.
Le 15 février dernier était présenté le rapport Spinetta adoptant des conclusions quelque peu différentes. Il préconisait, entre autres, la fermeture des petites lignes et l’arrêt du développement du réseau TGV. Il avançait alors que le réseau TGV pouvait être aujourd’hui considéré comme abouti et que la construction de toute nouvelle ligne serait donc contre-productive.
Par ailleurs, la Cour des comptes soulignait déjà en 2014 que le modèle français du ferroviaire à grande vitesse était devenu non soutenable.
Madame la ministre, au regard de ces deux rapports et de la position de la Cour des comptes, opterez-vous pour le choix du développement continu des grands projets de LGV ou confirmerez-vous la pause annoncée par le Président de la République ?
Qu’en est-il notamment de certains grands projets, tels que l’interconnexion des LGV entre Massy et Valenton, indispensable au bon fonctionnement de l’interconnexion des TGV autour de Paris et aussi à celui du RER C ?
Cette interconnexion, alliée la réalisation de la ligne 18 du Grand Paris Express, permettra une plus grande efficience de la gare TGV de Massy, ainsi qu’un lien facile entre celle-ci et l’aéroport d’Orly.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, vous soulignez le fait qu’il y a eu deux rapports. Ceux-ci sont complémentaires : dans un cas, la question posée concernait une réflexion globale sur nos infrastructures routières, ferroviaires et fluviales, avec l’ambition de dessiner une stratégie pour les prochaines années ; dans l’autre, était soulevée la question du modèle économique du ferroviaire, avec une triple interrogation : quelle place pour le ferroviaire dans notre politique de mobilité, comment remettre sur pied le modèle économique du ferroviaire, comment préparer une ouverture réussie à la concurrence ?
Les deux rapports traitent de sujets disjoints. Les réflexions de Jean-Cyril Spinetta sur les petites lignes ferroviaires n’ont pas vocation à être reprises, le Gouvernement ayant largement fait savoir qu’il ne suivrait pas ces recommandations. Les réflexions sur les projets de lignes à grande vitesse sont étudiées à la fois du point de vue de leur phasage et de leurs modalités de financement, sur la base des travaux du Conseil d’orientation des infrastructures.
Dans ce cadre, je voudrais tout de même souligner que les scénarios ne se distinguent pas seulement par les rythmes de réalisation des lignes à grande vitesse, mais aussi par leur capacité à répondre aux priorités qui ont été affirmées : l’entretien et la modernisation des réseaux, la désaturation des nœuds ferroviaires et le maillage du territoire, au travers notamment de la réalisation et de la mise à niveau de nos infrastructures routières.
Selon les cas, des lignes à grande vitesse, dont certaines sont fortement attendues dans les territoires, peuvent être réalisées de façon phasée. Je peux vous confirmer l’importance, du reste pointée par le rapport, d’améliorer l’interconnexion des TGV. C’est ce qu’attendent notamment les élus du Grand ouest. C’est ce qui pourrait également être attendu autour de la gare de Massy.
Ce dossier, qui a un « certain âge », pose des problèmes d’insertion, notamment environnementale, mais sur lequel il est utile de reprendre les travaux pour trouver une solution. Il pose un enjeu de connexion de tous nos territoires sans passer par Paris. Ce projet figurera en bonne place dans la loi de programmation que je serais amenée à présenter prochainement.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Madame la ministre, la ligne à grande vitesse devant relier Toulouse à Bordeaux a été jugée prioritaire, et je m’en réjouis. Nous sommes pourtant loin de la mise en service prévue par le projet initial GPSO.
Selon les scenarii envisagés, la durée des travaux pourrait varier entre dix et vingt ans. Même dans le scénario n° 1, le plus contraint, seule la section Agen-Toulouse serait réalisée. Si une chose est pourtant évidente, c’est bien que la région Occitanie ne peut pas attendre vingt ans. L’enjeu de la mise en service de la ligne Toulouse-Bordeaux est bien celui de sa temporalité.
L’aire urbaine de Toulouse comporte 1,2 million d’habitants et accueille le siège mondial d’Airbus. Elle est la quatrième plus grande aire urbaine du territoire, avec une croissance de 1,5 % par an. À ce titre, je rappellerai une récente enquête de l’URSSAF qui montre que notre région a créé 28 000 emplois sur les cinq dernières années, soit quatre fois plus que la moyenne nationale.
Cette attractivité indéniable se heurte pourtant à certains freins : un corridor routier saturé, des petites lignes menacées dans toute la région et le manque effectif d’une ligne à grande vitesse. Au travers de ce projet de ligne à grande vitesse, il est question d’équité territoriale et d’un aménagement du territoire équilibré, afin qu’une région dynamique et vivante puisse continuer à se développer sans des freins qui finiraient par lui être préjudiciables.
Malgré la LGV Paris-Bordeaux, le temps de trajet actuel entre Paris et Toulouse dépasse largement 4 heures, puisqu’il est au mieux de 4 heures 20. Comment admettre que Toulouse soit la seule grande capitale régionale qui ne soit pas reliée à Paris par une ligne à grande vitesse ? Il est clair que, face à de tels enjeux économiques et démographiques, le rail est une des clés du désenclavement de nos territoires.
Les perspectives du scénario n° 3 interrogent sur les dépenses à prévoir dans un cadre financier et budgétaire restreint. Pour atteindre ce scénario, qui est – vous vous en doutez – celui que nous appelons de nos vœux, et pour mieux répondre aux attentes des territoires, quels financements peut-on imaginer ?