M. le président. La parole est à M. Christian Manable, pour le groupe socialiste et républicain.
Mon cher collègue, vous pourrez ainsi surmonter la frustration exprimée tout à l’heure, en finissant de développer les neuf propositions annoncées ! (Sourires.)
M. Christian Manable. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme dans les feuilletons, il y a plusieurs épisodes. Voici le deuxième ! (Nouveaux sourires.)
N’ayant pas eu le temps, tout à l’heure, d’achever la présentation des neuf propositions contenues dans cette proposition de résolution, j’en reviens à la quatrième.
Il nous paraît indispensable de réfléchir à la création de groupes de travail qui associeraient en amont la CERFRES et les fabricants d’équipements sportifs, afin de bénéficier de leur expertise. C’est d’ailleurs, je dois le dire, une demande forte de la part de ces derniers, car ils sont prêts à jouer le jeu de la mutualisation et de la polyvalence des équipements sportifs.
Cinquième proposition : selon nous, la CERFRES devrait pouvoir se saisir des « normes grises », à mi-chemin entre la norme obligatoire et la norme non obligatoire. Je pense, par exemple, à tous les labels d’ordre commercial des ligues professionnelles, qu’il s’agirait ainsi de mieux réguler.
Sixième proposition : la CERFRES devrait se voir reconnaître un pouvoir d’avis dès lors qu’une décision relative à la compétition a une conséquence directe sur l’exploitation d’un équipement.
Septième proposition : ses compétences d’évaluation mériteraient d’être consolidées, par exemple via la mise en place d’une révision régulière des normes tenant compte de l’expérience des collectivités territoriales.
Huitième proposition : nous appelons la CERFRES à réactiver la procédure existante de saisine du CNEN, afin que celui-ci puisse examiner tout projet de texte relatif à une norme fédérale avant que la commission rende son avis définitif. Cette faculté est aujourd’hui largement inutilisée, alors même que le CNEN plaide pour une meilleure articulation et un échange plus régulier entre ces instances.
Neuvième proposition, enfin : nous voudrions inciter la CERFRES à s’autosaisir, à la demande d’une collectivité territoriale, d’un problème rencontré concernant une norme fédérale.
Dans la deuxième partie de mon intervention, je voudrais évoquer les « sept péchés capitaux normatifs » des fédérations sportives.
Pour ce faire, je m’inspire de quelques exemples concrets issus des travaux et du rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative conduite par MM. Boulard et Lambert en 2013-2014. Et vous allez voir, madame la ministre, mes chers collègues, que nous sommes parfois en plein royaume d’Ubu !
Premier péché capital : les coûts élevés.
Les coûts des équipements exigés par les fédérations et les ligues vont de plusieurs dizaines de millions d’euros, pour les stades de football de Ligue 1, à des sommes certes plus modestes, mais qui impactent néanmoins les budgets locaux.
Par exemple, la modification des tracés des terrains de basket-ball en fonction du niveau de jeu, qui était à réaliser avant 2015, a coûté 30 000 euros à la ville de Caen au titre de son palais des sports, sachant, comme le précise la ville, qu’il reste vingt-cinq gymnases à traiter sur le territoire communal.
Au Havre également, les changements des réglementations de la FFBB, la Fédération française de basket-ball, sont à l’origine des coûts importants. Un exemple : la modification des tableaux de score. La ville du Havre a été contrainte de remplacer lesdits tableaux lorsque les adaptations n’étaient pas possibles. Coût de l’opération pour la ville : 25 000 euros. Les modifications sur les tracés du jeu, quant à elles, ont touché quinze salles. Coût de l’opération : 15 000 euros.
Autre exemple : lors du passage d’une équipe de hockey sur glace en D2, la Fédération française impose d’augmenter le nombre de portes de piste – quatre portes de piste n’étaient pas suffisantes. Deux portes ont ainsi dû être ajoutées à Lille Métropole, en remplacement de panneaux de rambarde, pour un coût de 3 000 euros hors taxe.
Deuxième péché capital : l’instabilité normative.
Les fédérations ne cessent de perfectionner leurs normes, les modifiant sans s’interroger sur les conséquences de ces modifications sur les équipements existants.
En basket-ball, par exemple, la ligne des 3 points passe à 6,75 mètres, contre 6,25 mètres actuellement. Elle se rapproche ainsi de la ligne de la NBA, située à 7,23 mètres. La mise aux normes entraîne un coût compris entre 2 000 et 10 000 euros suivant les équipements – parquet, sol souple, etc. – et n’apporte pas la preuve d’une légitimité indéniable : il n’y a toujours pas d’uniformité mondiale – les tracés diffèrent selon les ligues et selon les pays. Cela signifie-t-il qu’un nouveau changement sera obligatoire dans le futur ?
Troisième péché capital : l’« aristocratie » normative.
Dans le monde des fédérations, l’aristocratie ne se manifeste pas par l’affichage de quartiers de noblesse, mais par la qualité des locaux d’accueil, qui varie selon les niveaux de jeu. Il en est ainsi de la taille des vestiaires réservés aux arbitres, qui augmente en fonction du classement sportif.
Malgré un investissement de 1 million d’euros pour la réalisation d’un terrain de football en revêtement synthétique dans son complexe sportif Maurice-Fouque, la ville de Caen voit ce même terrain déclassé par la Fédération française de football de la catégorie 4 à la catégorie 5, en raison de la dimension des vestiaires des arbitres. Si la ville n’avait pas réalisé de travaux sur l’aire de jeu et l’éclairage, le terrain serait resté en catégorie 4 jusqu’en 2020. Ce déclassement engendre pour elle une perte de 20 000 euros de subventions du FAFA, le Fonds d’aide au football amateur.
En handball, pour les compétitions de niveau « championnat de France », il est nécessaire de disposer d’un local antidopage, de quatre vestiaires et de deux vestiaires « arbitres » – 1 500 euros d’amende par match sont prévus si la salle n’est pas conforme.
Autre péché capital : l’obscurité des normes lumineuses, les fameux lux mesurés au sol. Les valeurs de référence vont de 200 à 500 lux selon les terrains de football, mais s’élèvent à 1 500 lux pour la télévision, qui fait en quelque sorte monter les enchères. Si cette dernière valeur n’est pas atteinte, la télévision ne retransmet pas le match. Les puissances exigées sont donc déniées, sans prise en compte des préoccupations d’économie d’énergie et de développement durable. Il en est de même des obligations de chauffage des pelouses en cas de gel.
Les normes fixent l’éclairement, mesuré sur un plan horizontal, à un niveau compris entre 200 et 500 lux, selon la catégorie. En revanche, pour la télévision, cette norme ne fixe pas de niveau précis, mesuré sur un plan vertical, applicable au cas où il est nécessaire de filmer des actions au ralenti. La règle FFN fixe un minimum de 600 lux pour les virages et les départs – mesure horizontale –, mais recommande 1 500 lux pour la télévision, étant sous-entendu que cette dernière mesure est verticale. Il n’est donc pas simple de définir le niveau d’éclairement à prescrire pour un équipement de haut niveau – telle est la difficulté qu’a rencontrée Lille Métropole.
Autre exemple relatif à l’éclairage des terrains de football – c’est l’article 1.1.1 du règlement de l’éclairage des terrains et installations sportives : la mesure de l’éclairage se fait par l’intermédiaire de points disposés sur l’aire de jeux ; or ces zones doivent être plus ou moins éclairées suivant le classement de l’équipement.
Cette réglementation engendre une augmentation de la puissance électrique exigée. Le dispositif technique est difficile à installer lorsque la structure de base ne comporte pas de mâts assez grands ou le câblage nécessaire ; en cas d’accession à une compétition nationale, aucune dérogation ne peut pourtant être accordée. Dans ce cas, le club doit chercher un nouveau stade.
Toujours au chapitre des péchés capitaux, j’en viens aux incompatibilités normatives.
L’absence de toute forme d’harmonisation entre les normes émises par les différentes fédérations rend très difficile l’usage polyvalent d’un même équipement.
Ainsi, le basket-ball, le handball et le volley-ball ont des exigences différentes et souvent incompatibles, mais le summum du ridicule, nous l’avons rencontré, lors de notre enquête, lorsque, dans une même salle où l’on pratique le badminton, le volley-ball et le tennis, nous avons constaté que les normes en vigueur exigeaient la présence de chaises d’arbitre de trois hauteurs différentes ! Ou bien on réduit la taille des arbitres, ou bien on trouve une solution technique pour créer une chaise adaptable ! (Rires.)
Je conclurai mon propos, mes chers collègues, en évoquant les contradictions normatives.
Les fédérations produisent des normes souvent contradictoires avec celles d’autres émetteurs de normes, en matière de handicap ou en matière d’économie d’énergie.
Des normes sportives peuvent ainsi aller à l’encontre des dispositions de la loi Handicap ou de la loi Grenelle II.
Le code du sport impose une pente des sols de 3 % à 5 % pour éviter les stagnations d’eau, et donc les problèmes d’hygiène et de sécurité afférents ; or le Conseil national consultatif des personnes handicapées impose un dévers de 2 % maximum pour les personnes à mobilité réduite, une personne en fauteuil circulant difficilement lorsque le dévers est important.
Voici, madame la ministre, les différentes préconisations que nous souhaitons promouvoir au titre de cette proposition de résolution. Nul doute que vous saurez entendre un cri unanime des élus locaux en faveur de la traduction prochaine de ces propositions dans une loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste. – M. Jean-Raymond Hugonet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec plus de 250 000 équipements sur leurs territoires, les collectivités locales sont les premiers propriétaires d’espaces dédiés au sport. À ce titre, elles sont soumises à l’application de plus de 400 000 normes, réglementations et prescriptions, relatives aux capacités d’accueil des équipements, à la forme des chaises d’arbitre, dont vous parliez à l’instant, mon cher collègue, à la disposition des terrains, au confort des installations, à l’éclairage et à beaucoup d’autres choses – je ne saurais épuiser cette liste, qui est presque une litanie.
L’application d’un tel stock normatif, en constante augmentation, n’est pas sans conséquence sur les finances locales, d’autant plus que ces normes réglementaires s’appliquent aussi bien aux plus petites communes rurales qu’aux grandes métropoles.
L’Association nationale des élus en charge du sport a chiffré le coût induit par ces normes à 6 milliards d’euros pour les collectivités entre 2008 et 2014. Selon l’OCDE, le fardeau normatif de la France, tous secteurs confondus, s’élève à 60 milliards d’euros par an.
La simplification normative est donc, entre autres, un enjeu de compétitivité pour les territoires. Dans un contexte de raréfaction des ressources budgétaires, cette proposition de résolution représente une libération réglementaire et budgétaire pour les élus locaux.
Pour cette raison, je tiens à saluer le travail d’audition et de concertation mené pendant des mois par Dominique de Legge, Christian Manable et Michel Savin au sein du groupe de travail sur les normes sportives applicables aux collectivités territoriales, travail qui aboutit aujourd’hui à l’examen de cette proposition de résolution dont ils sont les auteurs.
Au-delà des enjeux financiers, il s’agit également d’améliorer la lisibilité, l’accessibilité et la sécurité de notre édifice normatif. La lutte contre l’inflation normative est une nécessité de longue date. Le stock du droit national applicable en France a augmenté de 50 % en vingt ans. Or, comme le disait Montesquieu, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » – cette formule me paraît s’appliquer aussi aux normes réglementaires.
Face à des contraintes de plus en plus nombreuses, nous appelons de nos vœux une révolution réglementaire. Il faut absolument privilégier la qualité, la souplesse et l’adaptabilité du droit par rapport à l’amoncellement de normes inapplicables ou inutiles. C’est là, au sein de l’État de droit qui est le nôtre, une condition indispensable pour bâtir la nouvelle société de confiance, laquelle reposera, comme cette proposition de résolution, sur les principes de responsabilité, de concertation et de subsidiarité.
Pour cette raison, notre groupe votera avec enthousiasme en faveur de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui est soumis ce jour à l’approbation de notre Haute Assemblée résulte du travail conjoint de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation et de la commission de la culture. Il illustre bien la façon dont le Sénat peut œuvrer, au service de nos territoires, dépassant les clivages partisans.
Le Sénat s’est saisi du champ de la simplification des normes applicables aux collectivités, remplissant ainsi la fonction que lui assigne le quatrième alinéa de l’article 24 de notre Constitution.
La présente proposition de résolution porte spécifiquement sur les normes applicables en matière de pratique et d’équipements sportifs.
Celles et ceux d’entre nous qui ont été maire ou adjoint aux sports ont immanquablement été confrontés à cet enchevêtrement réglementaire, à son instabilité, à ses paradoxes voire à ses contradictions, qu’il s’agisse des mesures de sécurité, d’accessibilité, de respect de l’environnement ou de l’ensemble des règles encadrant une discipline et ses compétitions.
Certains exemples quasi kafkaïens pourraient prêter à sourire – je pense aux règles applicables à la vidange des piscines ou aux nouveaux tracés des terrains de basket-ball, évoqués tout à l’heure – s’ils n’avaient un coût non négligeable pour nos collectivités, et donc pour nos concitoyens.
Ce coût, l’ANDES l’évalue à 6 milliards d’euros sur la période 2008-2014.
Comme le souligne l’exposé des motifs, les normes émanent certes de l’exécutif et du législateur, mais sont aussi le fait des fédérations sportives délégataires.
Nos anciens collègues Alain Lambert et Jean-Claude Boulard avaient déjà pointé, il y a cinq ans, dans leur premier rapport, « les sept péchés normatifs des fédérations sportives ».
Ils qualifiaient de « dangereuse » la distinction entre le pouvoir normatif des fédérations et l’obligation de payer des collectivités territoriales.
Il pourrait donc être légitime de réfléchir à des aménagements de ce pouvoir normatif accordé aux fédérations sportives, portant sur les aires de jeu, mais également sur les espaces dédiés aux sportifs.
Aujourd’hui, il est vrai que les collectivités ont peu de prise sur la réglementation applicable à l’immense majorité des 330 000 équipements, espaces et sites dont elles sont pourtant propriétaires.
En outre, si le pouvoir réglementaire des fédérations ne concerne pas les demandes d’ordre commercial, il n’est pas rare que les ligues professionnelles édictent des prescriptions qui débordent du cadre prévu par la loi : ce sont les fameuses « normes grises ». Il faut aussi, à cet égard, souligner le rôle et les demandes des diffuseurs.
Il existe enfin une troisième source réglementaire : les normes d’homologation, par exemple celles de l’AFNOR, l’Association française de normalisation.
Sans remettre en cause leur bien-fondé, nous constatons que ces dernières sont souvent considérées par le juge comme des normes impératives, ce qui peut être de nature, en cas d’accident, à engager la responsabilité pénale des élus et des collectivités.
Or nous savons – et la consultation récemment menée par la délégation aux collectivités territoriales sur le statut de l’élu nous le confirme – que la question de la responsabilité des élus est un motif d’inquiétude, voire un frein à l’engagement municipal.
Compte tenu des contraintes toujours plus lourdes qui pèsent sur nos collectivités, les auteurs de ce texte appellent donc de leurs vœux une évolution du cadre existant.
Cette évolution passerait, tout d’abord, par un renforcement des prérogatives de la CERFRES. Depuis sa création, en 2009, cette instance collégiale réunissant État, collectivités et mouvement sportif a conduit un travail minutieux contre la surinflation normative. Cette dynamique doit être encouragée et approfondie, en allongeant les délais de consultation, ou en permettant à la CERFRES de s’autosaisir. La composition de la commission pourrait aussi être revue pour mieux prendre en compte le monde rural et les intercommunalités.
Par ailleurs, une meilleure articulation avec les travaux conduits par le CNEN, telle qu’évoquée dans la proposition de résolution, ne pourrait être que bénéfique.
La production normative des fédérations sportives doit également évoluer. En la matière, les auteurs de la proposition de résolution développent deux exigences, de proportionnalité et d’adaptabilité, qui sont empreintes de bon sens. Doit-on avoir les mêmes exigences pour un championnat régional et pour une compétition internationale ? Évidemment, non ! Doit-on encourager le multiusage des équipements par une harmonisation des normes ? À l’évidence, oui.
Enfin, le texte – c’est une de ses principales innovations – propose d’associer les fédérations sportives au financement de certaines modifications induites par les changements réglementaires qu’elles imposent, selon le principe du « prescripteur-payeur ».
L’aggravation des contraintes qui pèsent sur nos collectivités appelle l’intervention du législateur et de l’exécutif.
Souvenez-vous, madame la ministre, mes chers collègues, le précédent quinquennat avait vu la mise en œuvre du « choc de simplification », avec des avancées en définitive bien réelles, mais largement insuffisantes. L’actuel gouvernement a lancé son propre plan, comme en témoigne la règle du « deux pour un » ou le programme Action publique 2022.
Je relève néanmoins un aveu, fait par Alain Lambert lors de son audition, à la mi-janvier, par la délégation aux collectivités territoriales. Il soulignait une « volonté politique sincère », mais redoutait « un sentiment de l’administration centrale considérant que le système ne fonctionne “ pas si mal ”, et qu’il semble inopportun de changer un système assez équilibré ».
Dans ce contexte, la présente proposition de résolution est donc opportune et utile, car elle se fait l’écho des difficultés rencontrées dans nos villes et dans nos villages. L’ensemble du groupe du RDSE y souscrit pleinement.
Nous invitons désormais le Gouvernement à s’emparer de ces travaux pour, à son tour, permettre une évolution des pratiques et de la réglementation en vigueur. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous réunit aujourd’hui est un texte de simplification normative.
Depuis quelques années, et davantage encore ces derniers mois, sous l’impulsion du président Gérard Larcher, le Sénat travaille à la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales.
Les élus locaux réclamaient cet élan depuis longtemps : une simplification des normes dans le domaine de l’urbanisme ou dans celui du service public d’eau potable, entre autres. Mais le domaine que nous traitons aujourd’hui est celui du sport, domaine qui me tient à cœur.
La commission de la culture, de l’éducation et de la communication et la délégation aux collectivités territoriales se sont engagées dans le processus de simplification des normes sportives il y a un an. Elles ont constitué un groupe de travail, et je remercie les rapporteurs de ce groupe, MM. Dominique de Legge, Christian Manable et Michel Savin.
À la suite des tables rondes organisées avec des représentants de fédérations sportives, d’associations d’élus locaux, d’administrations de l’État et d’équipementiers, la proposition de résolution que nous examinons cet après-midi a été élaborée. Elle vise à mieux maîtriser le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à la pratique et aux équipements sportifs.
Nous ne pouvons qu’unanimement approuver ce texte.
Comme nous le savons, on ne compte plus les normes, réglementations et prescriptions applicables aux quelque 250 000 équipements, espaces et sites sportifs dont les collectivités territoriales sont propriétaires. Soulignons que les collectivités territoriales sont aujourd’hui les premiers financeurs du sport, assurant 70 % des financements publics, et surtout les premiers propriétaires d’infrastructures sportives en France.
Sur le terrain, les normes pleuvent. Les élus locaux sont souvent submergés. Nous devons agir pour faire en sorte de diminuer cette pression normative.
La volonté parlementaire de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales est partagée par le Gouvernement. À ce titre, le Premier ministre a demandé à MM. Alain Lambert et Jean-Claude Boulard d’identifier, en coordination avec les ministères, des simplifications du stock de normes applicables aux collectivités.
Le programme Action publique 2022 comporte par ailleurs un chantier de simplification.
Plusieurs travaux récents recommandent d’agir pour une simplification dans le domaine du sport. Je citerai notamment le rapport de MM. Alain Lambert et Jean-Claude Boulard sur la lutte contre l’inflation normative, remis en mars 2013, le rapport d’avril 2014 de la mission commune d’information du Sénat sur le sport professionnel et les collectivités territoriales, présidée par notre collègue Michel Savin, et un rapport publié en 2015 par l’Inspection générale de l’administration, l’IGA, et l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS.
Dans ce domaine du sport, les élus locaux se trouvent constamment face à des normes nouvelles, normes issues des fédérations sportives, du Gouvernement, du Parlement, normes d’homologation du type AFNOR, toutes issues, donc, de producteurs autonomes de normes.
Je me félicite de l’existence de la Commission d’examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, qui exerce un contrôle sur la production normative des fédérations sportives. Cette commission est à consolider. Il s’agit de l’unique instance de dialogue associant élus et représentants des fédérations sportives. Les auteurs du texte qui nous est soumis proposent de renforcer la composition et les attributions de la CERFRES.
L’allongement des délais d’examen des projets de règlements fédéraux me semble également une aide nécessaire aux collectivités. Les fédérations doivent veiller à laisser du temps à ces dernières pour qu’elles s’adaptent à une norme nouvelle.
Comme cela a été rappelé – c’est un point majeur de ce texte –, la proposition de résolution vise également à encadrer la production normative des fédérations sportives selon des principes de proportionnalité et d’adaptabilité.
Je citerai un problème récurrent : les changements de divisions ou de catégories sportives pour les clubs. Lorsqu’une équipe change de division, les normes qui s’appliquent au club deviennent différentes et la collectivité doit alors fournir de nombreux investissements pour s’y conformer, dans des délais contraints. Ces évolutions sont très difficiles à assumer financièrement, en particulier pour les petites collectivités.
Pour que la norme sportive réponde à un souci d’adaptabilité, il serait nécessaire que les infrastructures soient multiusage et non réservées à un sport unique. L’exemple du nombre de chaises d’arbitre aussi élevé que le nombre de sports pratiqués dans le gymnase est aberrant.
Il arrive même que les normes s’avèrent contradictoires. Les fédérations sportives doivent donc dialoguer, afin d’harmoniser leurs normes. Le futsal a, par exemple, su s’adapter, en reprenant certaines lignes du terrain de handball. L’usage polyvalent d’un même équipement est certes parfois difficile, mais il reste, en la matière, beaucoup d’efforts à faire.
Les fédérations sportives sont exigeantes ; nous ne pouvons le leur reprocher. Mais, en raison de leur caractère évolutif, les normes sont instables. Encourageons donc une meilleure adaptabilité.
Concernant le nécessaire dialogue entre les fédérations, je souhaite saluer la démarche du Comité international olympique s’agissant de la nouvelle procédure de candidature, applicable aux jeux Olympiques d’hiver de 2026. Cette procédure s’appuie désormais sur un dialogue approfondi entre le CIO, les villes et les comités nationaux olympiques, et prévoit d’importantes réductions budgétaires. Le dialogue porte ses fruits. Il devient urgent de l’encourager, notamment en faveur des collectivités locales.
Un mot, enfin, sur l’état des finances de nos collectivités locales. Les normes sportives impactent encore un peu plus ces finances déjà mises à mal – nos collectivités subissent en effet, malheureusement, les politiques successives des gouvernements qui aggravent leur état de santé financière.
Une majorité d’entre nous, sur ces travées, dénonce les 13 milliards d’euros d’économies imposées aux collectivités sur cinq ans, l’abandon brutal de 120 000 emplois aidés, la fin annoncée de la taxe d’habitation, qui affectent durement la santé financière des collectivités territoriales et mettent en péril leurs projets locaux.
Ce texte va dans le sens d’une aide apportée à nos collectivités ; il constitue un pas supplémentaire dans le processus de simplification. Nous devons poursuivre cette dynamique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche. – M. Jean-Jacques Lozach applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Abdallah Hassani, pour le groupe La République En Marche.
M. Abdallah Hassani. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui se situe dans la continuité des travaux engagés par le Sénat pour lutter contre l’inflation des normes. Faisant suite à des propositions de résolution dédiées aux entreprises, à l’urbanisme et à la construction, à l’agriculture, à la gestion de l’eau et à la vie économique, cette proposition de résolution traite des normes liées à la pratique et aux équipements sportifs.
Il s’agit, là encore, de simplifier, d’harmoniser, de mutualiser, d’évaluer, de ne garder que le nécessaire et l’utile, dans un esprit de maîtrise des coûts.
Nos collectivités territoriales sont en effet impactées au quotidien par le poids de ces règles de toute nature : plus de 400 000 normes pour 250 000 équipements, espaces et sites sportifs dont elles sont propriétaires.
L’obscurité, l’incompatibilité, l’obsolescence des contraintes normatives dans le domaine du sport, ainsi que la pression d’intérêts commerciaux, ont été souvent dénoncées, notamment par le Conseil national d’évaluation des normes, qui avait consacré un chapitre, dans son rapport de 2013, aux excès normatifs des fédérations sportives.
Une volonté d’agir pour y remédier s’est souvent manifestée. Mais le tri n’est pas facile, et la tâche est complexe, pour ne garder que la bonne norme, à sa juste place, au moment adéquat.
Le Gouvernement, pour sa part, s’y est attelé sans tarder. Dès juillet 2017, le Premier ministre a décidé que, pour toute nouvelle norme, deux seraient supprimées. Dans le cadre d’un programme de transformation de l’action publique, il a confié au président du Conseil national d’évaluation des normes, Alain Lambert, et à notre ancien collègue Jean-Claude Boulard une mission sur l’évaluation du stock de normes, l’objectif étant de limiter l’impact réglementaire sur les collectivités. Les règles relatives aux équipements sportifs font partie du champ de cette mission.
Le comité de pilotage sur la gouvernance du sport contribue aussi à cette réflexion. Installé par Mme la ministre des sports à l’occasion du dernier congrès des maires et des présidents d’intercommunalité, il réunit les acteurs de la vie sportive pour imaginer un nouveau cadre institutionnel et organisationnel du sport en France.
Par ailleurs, depuis le 1er janvier, les préfets de certains départements peuvent, à titre expérimental, déroger pendant deux ans à des normes dans plusieurs domaines, dont le bâtiment et les activités sportives. C’est le cas pour mon département, Mayotte. Cette initiative est particulièrement bienvenue : alors que plus de la moitié de notre population a moins de vingt ans, les équipements sportifs sont quasi inexistants sur notre île. De tels équipements doivent pouvoir être construits rapidement et simplement, être utiles au plus grand nombre et adaptés au climat tropical.
Les recommandations proposées à notre vote se veulent pragmatiques et concrètes. Elles visent essentiellement à renforcer le rôle de la Commission d’examen des projets de règlement fédéraux relatifs aux équipements sportifs, la CERFRES.
Il s’agit de conforter son rôle central d’instance de concertation entre l’État, les élus et le monde sportif, en améliorant son fonctionnement et en élargissant son champ de compétences.
S’agissant du fonctionnement, les auteurs du texte envisagent d’élargir le collège pour mieux prendre en compte le monde rural et les intercommunalités, d’allonger de deux mois à trois mois les délais d’examen des projets de règlement fédéraux et de réactiver la procédure de saisine du Conseil national d’évaluation des normes, le CNEN. Ils proposent de réfléchir à la création de groupes de travail associant en amont la Commission et les fabricants d’équipements sportifs, afin que ceux-ci puissent apporter leur expertise.
S’agissant du champ de compétences, les auteurs du texte souhaitent que la CERFRES puisse procéder à une révision régulière des normes tenant compte des collectivités territoriales, ainsi qu’à une autosaisine concernant les « normes grises », en principe non obligatoires, mais qui ont de fait un impact sur l’exploitation de l’infrastructure.
La proposition de résolution vise également à encadrer la production normative des fédérations sportives, selon les principes de proportionnalité, d’adaptabilité et de mutualisation. Elle insiste sur la nécessité de laisser aux collectivités un délai raisonnable pour la mise en conformité des équipements.
Soucieux de ne pas altérer le développement de l’offre sportive, tout en préservant les finances locales, les auteurs de la proposition de résolution respectent donc l’esprit de la démarche générale de simplification et la volonté du Gouvernement de réduire l’impact des normes sur les collectivités locales.
Toutefois, le sujet des « normes grises » n’a, semble-t-il, pas encore été discuté avec le mouvement sportif. Il nécessiterait donc une concertation préalable.
Il est un autre sujet qui mériterait un débat plus approfondi, et sur lequel nous émettons donc des réserves. Je pense à la demande d’ajout d’une nouvelle norme : celle du prescripteur-payeur, qui vise les fédérations. En fait, elle s’applique déjà en partie dans le cadre des conventions de mise à disposition des équipements entre les propriétaires et les utilisateurs. Il nous semble important au préalable d’en circonscrire le champ d’application en l’envisageant notamment pour les « normes grises » et de réfléchir aux modalités de sa mise en œuvre.
Pour ces raisons, le groupe La République En Marche s’abstiendra.