Sommaire
Présidence de Mme Catherine Troendlé
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot, M. Michel Raison.
avenir des services de santé au travail interentreprises
Question n° 0216 de M. Philippe Mouiller. – Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail ; M. Philippe Mouiller.
Question n° 0219 de M. Jean-Pierre Corbisez. – Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail ; M. Jean-Pierre Corbisez.
situation des jeunes majeurs étrangers dans les centres de formation d’apprentis
Question n° 0251 de M. Michel Savin. – Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail ; M. Michel Savin.
moyens alloués aux missions locales
Question n° 0137 de Mme Agnès Canayer. – Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail ; Mme Agnès Canayer.
situation du tribunal de thonon et de la cour d’appel de chambéry
Question n° 0212 de M. Cyril Pellevat. – Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Cyril Pellevat.
fermeture de la maternité de creil
Question n° 0255 de Mme Laurence Rossignol. – Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé ; Mme Laurence Rossignol.
reconnaissance des maladies des dockers
Question n° 0139 de M. Yannick Vaugrenard. – Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé ; M. Yannick Vaugrenard.
situation du centre hospitalier de valenciennes
Question n° 0233 de M. Éric Bocquet. – Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé ; M. Éric Bocquet.
risque d’une crise sanitaire sans précédent
Question n° 0265 de M. Pierre Médevielle. – Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé ; M. Pierre Médevielle.
présentation à l’examen du permis de conduire dans le val-de-marne
Question n° 0157 de Mme Catherine Procaccia. – Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; Mme Catherine Procaccia.
situation des élus placés en arrêt maladie
Question n° 0224 de Mme Françoise Gatel. – Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; Mme Françoise Gatel.
refus de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle en charente
Question n° 0239 de Mme Nicole Bonnefoy. – Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; Mme Nicole Bonnefoy.
projet d’effacement des ouvrages hydroélectriques sur la sélune
Question n° 0214 de M. Jean Bizet. – M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Jean Bizet.
Question n° 0161 de Mme Catherine Dumas. – M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Catherine Dumas.
rôle de la région dans la gestion des grands ports maritimes français
Question n° 0269 de Mme Nathalie Delattre. – M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Nathalie Delattre.
réintroduction de l’ours dans les pyrénées béarnaises
Question n° 0238 de Mme Denise Saint-Pé. – M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Denise Saint-Pé.
fin des contrôles d’identité des passagers aériens
Question n° 0238 de Mme Denise Saint-Pé. – M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Denise Saint-Pé.
avenir du fonds d’amortissement des charges d’électrification
Question n° 0153 de M. Jean-Yves Roux. – M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Jean-Yves Roux.
téléphonie fixe et téléphonie mobile
Question n° 0266 de M. Jean-Marc Boyer. – M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Jean-Marc Boyer.
mise en place d’une continuité de service durant les week-ends dans les abattoirs départementaux
Question n° 0201 de Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. – M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.
ventes sauvages de fruits et légumes
Question n° 0248 de Mme Brigitte Micouleau. – M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; Mme Brigitte Micouleau.
accompagnants des élèves en situation de handicap dans l’enseignement agricole public
Question n° 0259 de Mme Élisabeth Doineau. – M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; Mme Élisabeth Doineau.
suppression de classes en milieu rural
Question n° 0203 de M. Olivier Paccaud. – M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Olivier Paccaud.
prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu
Question n° 0252 de M. Claude Nougein. – Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer ; M. Claude Nougein.
renforcement de la lutte contre la pêche illégale en guyane
Question n° 0245 de M. Antoine Karam. – Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer ; M. Antoine Karam.
lenteur administrative du tribunal de commerce de la réunion
Question n° 0260 de M. Jean-Louis Lagourgue. – Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer ; M. Jean-Louis Lagourgue.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Éric Bocquet, Mme Annie Guillemot, M. Michel Raison.
3. État au service d’une société de confiance. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Explications de vote sur l’ensemble
Ouverture du scrutin public solennel
Suspension et reprise de la séance
Proclamation du résultat du scrutin public solennel
Adoption, par scrutin public n° 72, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot, M. Michel Raison.
4. Questions d’actualité au Gouvernement
laïcité et totalitarisme islamiste
Mme Françoise Laborde, M. Édouard Philippe, Premier ministre.
renforcement du contrôle et des sanctions des chômeurs
M. Pascal Savoldelli ; Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail.
manifestations - climat social
M. Rachid Temal ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; M. Rachid Temal.
responsabilité des acteurs privés dans la lutte contre la précarité énergétique
M. Jean-Pierre Decool ; M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
M. André Reichardt ; Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
avenir de l’usine ford de blanquefort
M. Alain Cazabonne ; Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; M. Alain Cazabonne.
système de santé des travailleurs transfrontaliers
Mme Patricia Schillinger ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé ; Mme Patricia Schillinger.
Mme Michelle Meunier ; Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Catherine Deroche ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé ; Mme Catherine Deroche.
contrôle des imams étrangers à l’occasion du prochain ramadan
Mme Nathalie Goulet ; Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; Mme Nathalie Goulet.
point d’étape sur la politique de la ville
M. Frédéric Marchand ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires.
calendrier du plan très haut débit
M. Patrick Chaize ; M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé du numérique ; M. Patrick Chaize.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam ; Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier
5. Protection des données personnelles. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Sophie Joissains, rapporteur de la commission des lois
M. Simon Sutour, au nom de la commission des affaires européennes
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
Clôture de la discussion générale.
Demande de réserve de l’article 5 après l’article 6. – M. Philippe Bas, président de la commission des lois ; Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. – La réserve est ordonnée.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
Amendement n° 119 de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Amendement n° 29 de Mme Maryse Carrère. – Rectification.
Amendement n° 29 rectifié de Mme Maryse Carrère. – Adoption.
Amendement n° 14 rectifié bis de M. Alain Marc. – Retrait.
Amendement n° 62 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 30 de Mme Maryse Carrère. – Retrait.
Amendement n° 82 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 79 rectifié de Mme Catherine Morin-Desailly. – Adoption.
Amendement n° 121 de Mme Sylvie Robert. – Adoption.
Amendement n° 120 de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Amendement n° 63 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 15 rectifié bis de M. Alain Marc. – Retrait.
Amendement n° 17 rectifié bis de M. Alain Marc. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 1er
Amendement n° 122 rectifié de Mme Sylvie Robert. – Retrait.
Amendement n° 123 rectifié de M. Jérôme Durain. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 1er bis
Amendement n° 124 de M. Jérôme Durain. – Retrait.
Amendement n° 155 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 31 de Mme Maryse Carrère. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 126 rectifié de M. Jérôme Durain. – Retrait.
Amendement n° 125 de M. Jérôme Durain. – Rejet.
Amendement n° 19 rectifié bis de M. Alain Marc. – Rejet.
Amendement n° 83 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 127 rectifié de M. Jérôme Durain. – Retrait.
Amendement n° 35 de Mme Maryse Carrère. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 151 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 52 de M. Loïc Hervé. – Retrait.
Amendement n° 84 du Gouvernement. – Retrait.
Amendement n° 34 de Mme Maryse Carrère. – Retrait.
Amendement n° 85 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 56 rectifié de Mme Christine Lavarde. – Rejet.
Amendement n° 57 rectifié bis de Mme Christine Lavarde. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article 5 (précédemment réservé)
Amendement n° 33 de Mme Maryse Carrère. – Retrait.
Amendement n° 128 de M. Jérôme Durain. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 6
Amendement n° 137 de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° 20 rectifié bis de M. Alain Marc. – Retrait.
Amendement n° 47 rectifié de Mme Muriel Jourda. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel avant le chapitre Ier
Article additionnel avant l’article 8
Amendement n° 59 rectifié de Mme Christine Lavarde. – Retrait.
Amendement n° 13 rectifié septies de Mme Marie-Thérèse Bruguière. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 129 de M. Jérôme Durain. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel avant l’article 10
Amendement n° 39 de Mme Maryse Carrère. – Retrait.
Article additionnel après l’article 10
Amendement n° 66 de Mme Esther Benbassa. – Devenu sans objet.
Article additionnel avant l’article 11
Amendement n° 36 de Mme Maryse Carrère. – Retrait.
Amendement n° 67 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 87 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 11
Amendement n° 9 rectifié ter de Mme Laure Darcos. – Retrait.
Amendement n° 89 du Gouvernement. – Adoption.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot,
M. Michel Raison.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 15 mars 2018 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Questions orales
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
avenir des services de santé au travail interentreprises
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, auteur de la question n° 0216, adressée à Mme la ministre du travail.
M. Philippe Mouiller. Ma question, qui s’adresse en effet à Mme la ministre du travail, porte sur les préoccupations exprimées par les représentants des services de santé au travail interentreprises, les SSTI.
Aujourd’hui, quelque 250 SSTI, regroupant 15 000 collaborateurs, assurent le suivi d’environ 15 millions de salariés sur l’ensemble du territoire national. Depuis le 1er janvier 2017, le cadre juridique de l’activité de ces services de santé s’est modernisé.
Si les dispositions législatives et réglementaires aménagent le suivi individuel de l’état de santé des salariés, elles ne modifient pas les missions confiées aux services de santé au travail, qui consistent notamment à mener des actions de prévention en entreprise, à assurer la surveillance de l’état de santé des salariés et à participer au suivi et à la traçabilité des expositions professionnelles, ainsi qu’à la veille sanitaire.
Toutefois, les représentants des SSTI craignent que la pérennité de ceux-ci ne soit menacée, compte tenu de la disparition progressive des médecins du travail, laquelle risque de s’accélérer dans les cinq prochaines années. Ils constatent que l’ensemble des SSTI subit une démographie médicale défavorable, plus ou moins forte selon l’attractivité géographique du service. La moyenne d’âge des médecins du travail est élevée, puisqu’elle est de cinquante-sept ans environ.
Par ailleurs, les facultés de médecine ne sont plus en capacité d’assurer la spécialité « médecine du travail » avec le départ des enseignants qui ne sont pas remplacés. Ainsi, les facultés de médecine de Poitiers, Tours et Nantes n’ont plus d’enseignants.
De plus, le nombre de postes ouverts en médecine du travail est en baisse significative, avec 138 postes en 2017. Paradoxalement, on constate également que tous les postes proposés en médecine du travail ne sont pas pourvus : à l’examen classant national de 2017, quelque 39 postes n’ont pas été occupés.
Madame la ministre, ne pensez-vous pas qu’il serait urgent d’ouvrir des postes d’enseignants dans les facultés de médecine, afin de permettre aux étudiants en médecine de s’orienter vers cette spécialité, de valoriser la spécialité « médecine du travail », qui est délaissée par les étudiants en médecine, et de faciliter l’intégration des collaborateurs médecins dans les services de santé, en réduisant la durée de formation à deux ans, au lieu de quatre actuellement ?
Je vous remercie de bien vouloir nous préciser les mesures que vous entendez prendre afin de répondre aux préoccupations et aux attentes des représentants des SSTI et, d’une façon générale, du monde du travail.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail, à laquelle je souhaite la bienvenue.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur Mouiller, je vous remercie de votre question relative à la santé au travail, un sujet très important qui, comme vous l’avez souligné, est confronté à plusieurs problèmes, notamment ceux du recrutement des médecins du travail et de la formation initiale et continue.
Vous le savez, un nouveau cadre permet aux services de santé d’agir plus efficacement – tel est en tout cas l’objet de la réforme –, en faveur de la prévention des risques professionnels et du maintien en emploi ; tel est bien l’objectif.
Cette réforme, aussi nécessaire qu’elle soit, répondra en principe, lorsqu’elle sera pleinement opérationnelle, aux enjeux que vous avez évoqués. Néanmoins, la question démographique et l’attractivité de la profession peuvent être la pierre d’achoppement de la rénovation de la santé au travail.
Aujourd’hui, comme vous l’avez relevé, on note une baisse des effectifs, qui ne tient pas à des questions budgétaires ; là n’est pas le problème. On comptait 4 800 médecins du travail en 2016, contre plus de 6 000 en 2007. On le voit, la perte d’attractivité de la profession est réelle et continue, année après année. De plus, vous l’avez rappelé, la pyramide des âges est une légitime source d’inquiétude. En effet, si nous n’agissons pas, la situation s’aggravera encore.
C’est le tout le sens du rapport d’août 2017 de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, l’IGAEN, sur l’attractivité et la formation des professions de santé au travail.
Les recommandations qu’il contient alimenteront les travaux de la mission que j’ai confiée en novembre dernier, conjointement avec ma collègue Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, à la députée Charlotte Lecocq, à Henri Forest et à Bruno Dupuis sur l’évolution du système de prévention des risques professionnels, au sein duquel les services de santé au travail occupent une place centrale. Les conclusions de cette mission sont attendues pour la fin du mois de mai prochain, et nous en rendrons évidemment compte tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.
Plus qu’une simple évolution, c’est une question de fond que nous devons nous poser : comment avoir un système de santé au travail attractif, pour qu’il joue son véritable rôle, un rôle que tout le monde s’accorde à reconnaître, avec une mission accrue en matière de prévention dans les années à venir ?
Pour ce faire, il convient de partir de la base, c’est-à-dire de la formation, initiale et continue, ainsi que de l’attractivité de ce métier. En effet, cette profession est en partie mal connue dans ses évolutions et ne fait pas assez l’objet de promotion. Elle n’est pas considérée comme valorisante par les jeunes médecins. Aussi, nous avons un travail commun à faire en ce sens.
Le rendez-vous est fermé, si j’ose dire. Le constat est bien connu, et les conclusions qu’Agnès Buzyn et moi-même attendons nous permettront de faire des propositions en profondeur sur ce sujet, pour régler le problème.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Vous l’avez dit, nous attendons avec impatience les conclusions du rapport.
Le chantier est, il est vrai, important. Au-delà de l’attractivité de la profession se pose la question de la définition des missions de ces services de santé. D’autres professionnels de santé peuvent-ils intégrer les missions de prévention ? Nous avons un travail important à réaliser, en prenant en considération le regard que portent les professionnels de santé, mais aussi le monde de l’entreprise. Nous sommes tous mobilisés pour ce travail commun.
avenir des contrats aidés
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, auteur de la question n° 0219, adressée à Mme la ministre du travail.
M. Jean-Pierre Corbisez. Ma question portera sur l’avenir des contrats aidés, notamment au regard des propositions formulées par M. Borello dans le rapport qu’il vous a remis, madame la ministre, le 16 janvier dernier.
Certes, on peut reprocher aux contrats aidés de n’avoir pas suffisamment joué leur rôle en matière de qualification ou de professionnalisation, mais il ne faudrait pas tomber dans l’excès inverse et réserver le nouveau dispositif exclusivement aux employeurs susceptibles d’être les plus performants. Le risque serait de poser un niveau d’exigence tel qu’il priverait les petites structures, notamment associatives, du recours aux nouveaux « parcours emploi compétences » préconisés dans le rapport.
Si l’on ne peut que soutenir l’objectif d’accroissement des compétences, il ne faudrait pas oublier l’utilité sociale des contrats aidés, qui ont souvent été une véritable bouffée d’oxygène pour des personnes très éloignées de l’emploi et menacées de désocialisation : une occasion de reprendre confiance, de se sentir utile aux autres. Cet aspect a d’ailleurs été très bien rappelé par nos collègues Alain Dufaut et Jacques-Bernard Magner dans leur rapport d’information sur les contrats aidés, remis en février dernier.
Cette vocation des contrats aidés s’est principalement exprimée dans le cadre des missions confiées par des associations, sans doute moins « apprenantes » que des structures plus importantes, mais qui auront apporté une réelle plus-value en matière d’insertion sociale. En offrant aux associations des coûts du travail supportables, ces contrats leur ont aussi permis de pérenniser certaines de leurs actions, qui bénéficient – est-il besoin de le rappeler ? – à nombre de nos concitoyens et concourent au maintien de la cohésion sociale.
Aussi, j’appelle à la plus grande vigilance quant à l’éventuel processus de sélection des employeurs qui pourrait découler de la mise en œuvre de la proposition du rapport Borello. Elle ne pourrait se concevoir sans un accompagnement renforcé des petites structures, leur permettant de satisfaire au triptyque « employer, former, accompagner ».
Enfin, je souligne le décalage persistant entre l’ambition affichée par le Gouvernement de lutter contre le chômage et les moyens alloués dès lors que le nombre de contrats budgétés sur 2018 reste inférieur de 100 000 postes à celui de 2017 et que l’aide financière publique pour ces parcours serait réduite de 75 % à 50 %.
Madame la ministre, je souhaite donc vous interpeller sur trois points.
Tout d’abord, quelles suites seront données à ce rapport ? Si réforme il y a, quels en seront le calendrier et la méthode ?
Ensuite, quelles mesures concrètes seront mises en œuvre pour préserver la capacité des structures associatives à s’inscrire dans les dispositifs d’accompagnement à l’insertion professionnelle ?
Enfin, quels moyens seront réellement investis en matière d’inclusion économique et sociale des personnes les plus éloignées de l’emploi ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur Corbisez, le rapport de Jean-Marc Borello intitulé Donnons-nous les moyens de l’inclusion repose sur un principe que je partage et que nous partageons, me semble-t-il, pleinement avec lui : nul n’est inemployable.
Tout part de là. Mais il faut prévoir des conditions pour les plus vulnérables, les plus éloignés du travail, parce qu’ils connaissent le chômage de longue durée ou qu’ils n’ont jamais pu s’insérer complètement dans le monde du travail. Il faut effectivement des paliers, des étapes pour les aider à accéder au monde du travail tel qu’il existe aujourd’hui.
À cet égard, de nombreux dispositifs sont déjà en vigueur : Jean-Marc Borello les a rappelés, et nous souhaitons les poursuivre. Je pense, pour les jeunes, aux établissements pour l’insertion dans l’emploi, les EPIDE, aux écoles de la deuxième chance, et évidemment à tout le secteur de l’insertion par l’économique qui joue ce rôle, les entreprises adaptées pour les travailleurs handicapés. Dans la palette d’outils susceptibles de leur mettre le pied à l’étrier, il y a les contrats aidés, que nous avons remplacés, mais qui reposent sur la même base législative, par les « parcours emploi compétences ».
Vous le savez, car j’ai eu l’occasion de m’exprimer à plusieurs reprises sur ce sujet, les changements que nous avons opérés sont le fruit de quarante ans d’expériences associatives. Comment peut-on aider les personnes plus vulnérables, qui manquent de confiance en elles et d’expérience, à trouver ou retrouver le chemin du travail ?
Ce parcours repose sur un triptyque : une situation de travail – découvrir que l’on est utile et capable donne de la fierté –, un accompagnement très personnalisé – les personnes concernées rencontrent aussi des problèmes en matière de logement, de santé, ce que l’on appelle dans le jargon administratif « les freins périphériques » – et de la formation.
Cette formation ne doit pas forcément être dispensée de manière classique, dans des salles, mais il faut développer des compétences minimales, de savoir-être et de savoir-faire, pour favoriser l’accès à l’emploi.
C’est pour cette raison que nous avons réorienté les contrats aidés. En effet, nous avons constaté que seul un contrat aidé sur quatre débouchait sur un emploi. Cela signifie que des personnes en situation de précarité se retrouvaient sur des emplois précaires qui ne débouchaient pas sur un emploi durable. Nous maintiendrons l’orientation que nous avons prise, car l’objectif est un meilleur taux d’insertion que par le passé, notamment pour les 200 000 personnes qui s’engagent cette année sur le marché du travail.
Par ailleurs, vous avez posé une autre question, tout aussi légitime, à savoir le financement du secteur associatif.
Le crédit d’impôt de taxe sur les salaires est de nature à donner des moyens supplémentaires au secteur associatif. Au-delà de cette mesure, une large concertation sur la vie associative est engagée sous l’égide du ministre de l’éducation nationale, qui est chargé de la vie associative.
Oui, une question se pose : l’utilité sociale du secteur associatif est très grande, et il faut régler ce problème. Mais on ne peut pas faire reposer la solution sur les salariés en situation de précarité. C’est pour cette raison que je distingue la politique de l’emploi de la politique de la vie associative : les deux sont nécessaires, mais elles ne peuvent pas tout à fait se confondre.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.
M. Jean-Pierre Corbisez. Je veux simplement remercier Mme la ministre de ses réponses.
situation des jeunes majeurs étrangers dans les centres de formation d’apprentis
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, auteur de la question n° 0251, adressée à Mme la ministre du travail.
M. Michel Savin. Madame la ministre, je vous interpelle aujourd’hui sur la situation des jeunes étrangers suivant des formations dans les centres de formation d’apprentis, les CFA, au sein de certaines chambres de commerce et d’industrie, et ce dans la perspective du projet de loi relatif à l’asile et l’immigration et de la réforme de l’apprentissage.
En effet, bien qu’ils soient motivés, ces jeunes qui signent des contrats d’apprentissage avec des entreprises au sein de ces instituts de formation ne disposent souvent que d’un niveau très faible en français. Cela suscite des difficultés évidentes, complique le travail des équipes pédagogique et ralentit les enseignements. Surtout, cela oblige les CFA à mettre en place des cours de français pour lesquels ils n’ont pas de financements particuliers.
Une crainte supplémentaire est la mise en danger de ces jeunes, dans l’incapacité de lire et de comprendre les consignes de sécurité, aussi bien en entreprise qu’au CFA, face à l’utilisation de machines et des équipements dangereux pour eux ou leurs collègues de travail.
De plus, de nombreux jeunes suivent ces cursus d’apprentissage dans l’espoir de voir leur situation administrative se régulariser, instrumentalisant donc grandement le parcours d’apprentissage.
Enfin, il convient de noter que certaines entreprises peu scrupuleuses pourraient utiliser ces réseaux pour avoir accès à une main-d’œuvre peu chère et peu regardante sur les conditions de travail.
Madame la ministre, il est important d’accompagner spécifiquement ces jeunes qui, dans ces conditions, n’ont quasiment aucune chance d’être diplômés, tandis que ce détournement de l’apprentissage déstabilise le système. La question est non pas de fermer les voies d’apprentissage à ces jeunes étrangers, mais bien de les aider et de les protéger.
Aussi, comment comptez-vous accompagner les centres de formation qui se trouvent aujourd’hui en grande difficulté ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur Savin, vous posez la question de l’apprentissage des jeunes mineurs, notamment de ceux qui ne sont pas ressortissants de l’Union européenne. En effet, les ressortissants de l’Union européenne bénéficient des conditions de droit commun s’ils répondent aux conditions d’éligibilité au dispositif de formation ; le problème se pose donc moins pour eux.
En ce qui concerne l’accès à l’apprentissage, les primomigrants n’ont pas droit la première année de leur séjour aux contrats d’apprentissage, ni aux contrats en alternance, sauf les jeunes mineurs isolés bénéficiant de l’aide sociale à l’enfance française, qui entrent dans le droit commun.
Cela dit, en situation régulière sur le sol national, ils peuvent, sous le statut scolaire ou étudiant, suivre une première année de formation professionnelle et conclure ensuite un contrat d’apprentissage. Mais la question que vous posez porte plus sur les prérequis, et il s’agit là d’un problème important.
Dans le cadre de la réforme de l’apprentissage que j’aurai l’honneur de vous présenter dans quelques mois, nous avons prévu que les centres de formation d’apprentis puissent proposer un dispositif de prérequis, c’est-à-dire un mélange de savoirs de base pour se débrouiller en France, mais aussi de savoir-être dans tous les domaines. Ce dispositif concerne non pas uniquement les jeunes étrangers, mais aussi une partie des jeunes Français ayant besoin d’un sas préalable.
Permettez-moi surtout de parler ici des résultats prometteurs du programme expérimental HOPE, hébergement orientation parcours vers l’emploi, que j’ai eu le plaisir d’observer sur le terrain à deux reprises, le 6 février dernier et plus récemment. L’une des expérimentations a été menée par l’AFPA, l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes, avec les travaux de la ligne de métro 14, et l’autre avec les Compagnons du Devoir.
Ce dispositif offre, après une sélection de volontaires bénéficiant de la protection internationale de la France en tant que demandeurs d’asile, réfugiés ou bénéficiaires de la protection subsidiaire, une formation approfondie en français et une formation qualifiante : pour réussir, il faut à la fois faire du français de manière intensive et suivre une formation qualifiante. Il est financé par les branches professionnelles, qui le définissent elles-mêmes pour les métiers en tension, ce qui permet de résoudre deux problèmes à la fois.
Ce dispositif vertueux concerne aujourd’hui 660 stagiaires en France, avec une montée en puissance prévue de mille places. C’est là aussi une voie de formation en français, de qualification et d’insertion.
Puisque ce dispositif porte sur les métiers en tension, les bénéficiaires, qui sont mobiles sur toute la France, sont quasi certains de trouver un emploi, comme j’ai pu le constater. Ces conditions vont leur permettre de s’insérer tout à fait légalement, vous avez raison – par ailleurs, nous traquons le travail illégal –, pour leur bénéfice et pour celui de la France.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Je formulerai deux remarques, madame la ministre.
Ces jeunes ne sont pas uniquement des mineurs ; de nombreux majeurs sont dans ces filières de formation. Vous me faites observer que l’accès à la formation n’est possible qu’après une année de présence sur le territoire français, mais certains sont là depuis plusieurs années, ont même déjà intégré une entreprise ou ont une activité commerciale, ce qui pose un véritable problème.
Aussi, je ferai deux propositions. Vous l’avez souligné, il est important, dans le cadre du projet de loi sur l’apprentissage que vous élaborez, de prévoir, dans cette filière, une année préparatoire pour la maîtrise de la langue française. La langue française est la base même d’une bonne formation.
Par ailleurs, nous demandons un soutien particulier aux CFA pour les aider à assurer ces formations. Il faut leur donner les moyens financiers et humains nécessaires pour assurer cette année supplémentaire.
moyens alloués aux missions locales
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 0137, adressée à Mme la ministre du travail.
Mme Agnès Canayer. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur les préoccupations des missions locales.
L’universalisation de la garantie jeunes a considérablement modifié les conditions d’exercice des actions d’accompagnement vers l’emploi et la formation des missions locales. En effet, l’accès à la garantie jeunes de tous les jeunes NEET – Not in Education, Employment or Training – de seize à vingt-cinq ans impose de multiplier les actions et d’intensifier l’accompagnement global, afin de responsabiliser les publics qui cumulent de nombreux freins à l’emploi.
Malheureusement, les contraintes administratives et financières pesant sur les missions locales sont de plus en plus nombreuses. La multiplication des justificatifs à fournir pour obtenir les financements, notamment européens, l’évolution permanente et peu concertée des objectifs fixés par les financeurs et l’utilisation d’un outil numérique i-milo peu didactique entravent au quotidien l’action des missions locales.
Ces contraintes obligent les conseillers à passer plus de temps pour accomplir les missions administratives qu’à accompagner les jeunes ou encore à tisser des liens avec les employeurs.
À l’heure où les réformes engagées en matière d’apprentissage, d’orientation et de formation visent à mieux répondre aux besoins d’emplois des territoires, les missions locales ont la volonté d’être des acteurs efficaces, notamment celle du Havre, que je préside, dans la réussite de l’accès du plus grand nombre de jeunes à ces dispositifs.
Au moment où se dessine le plan d’investissement dans les compétences et les parcours d’accès à l’emploi, qui nécessiteront un accompagnement fort et global, une bonne adéquation entre l’offre et la demande est nécessaire.
Cependant, force est de constater que les incertitudes pèsent tant sur le financement que sur la place réservée aux missions locales. Ces dernières ont besoin pour remplir justement leur mission que les conférences des financeurs soient installées sur tous les territoires, à commencer par la Normandie, pour donner de la lisibilité aux attentes de chacun. Elles ont aussi besoin d’un outil numérique partagé et interactif avec les partenaires de l’emploi, notamment Pôle emploi, et les acteurs de la formation, pour mieux accompagner les jeunes.
C’est pourquoi je me permets de vous interroger, madame la ministre, sur ces sujets et sur la volonté du Gouvernement pour donner aux missions locales les moyens de remplir efficacement leur mission.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame Canayer, je suis d’accord avec vous, les missions locales sont un maillon important du service public de l’emploi. Je les connais bien pour avoir dirigé dans ma jeunesse, il y a bien longtemps, l’une des trois premières missions locales en France ; je n’ai donc cessé de suivre ce sujet.
Cela dit, nous avons aujourd’hui un défi majeur à relever. En effet, comme vous le savez, quelque 1,3 million de jeunes en France ne sont ni en études, ni en formation, ni en emploi. La question des missions locales et l’efficacité de notre accompagnement sont plus critiques que jamais, puisque le problème s’est aggravé au fil du temps.
Permettre à ces jeunes d’obtenir une qualification et un emploi est une priorité absolue sur le plan humain – ils vivent un drame –, mais aussi sur le plan économique, car la situation actuelle est coûteuse et crée évidemment un risque social majeur.
Aussi, le plan d’investissement compétences, avec ses 15 milliards d’euros, est principalement ciblé sur les jeunes et les demandeurs d’emploi de longue durée, avec l’ambition de former dans les cinq ans qui viennent 1 million de jeunes. Nombre d’entre eux n’ont pas encore travaillé et vont découvrir ce qu’est la situation de travail. Ce n’est pas donc uniquement un sujet de qualification ; il y va également de la compréhension du mode de travail, ainsi que des savoir-être et des savoir-faire de base.
Dans ce contexte, les missions locales auront toute leur place. Elles ont été créées à l’origine par Bertrand Schwartz avec l’idée qu’elles avaient une vision complètement pluridisciplinaire : leur approche était centrée sur le jeune, mais elles s’occupaient d’emploi, de formation, de santé, de justice, etc. ; à cet égard, je salue la garde des sceaux, qui nous a rejoints. L’un des risques des missions locales est de ne devenir que gestionnaire de dispositifs et de s’appauvrir, si j’ose dire, en étant un service administratif, ce qui n’est pas, selon moi, la mission d’origine des missions locales.
Un certain nombre de dispositifs leur ont permis de renouer avec leurs racines ; je pense notamment à la garantie jeunes qui, d’après les premières estimations – je suis prudente, car on ne dispose pas encore de toutes les évaluations –, semble donner des résultats satisfaisants, avec de meilleurs taux d’insertion pour les jeunes : c’est une notion de parcours et non pas de gestion de dispositif.
Toutefois, la mobilisation pour ce dispositif, qui apporte en plus une ressource financière supplémentaire aux intéressés, ne doit pas faire perdre aux missions locales leur allant pour aider les jeunes à entrer dans les EPIDE, les établissements pour l’insertion dans l’emploi, les écoles de la deuxième chance ou les centres de formation d’apprentis.
S’agissant des contributions au budget des missions locales, je vous rappelle que la contribution de l’État a été reconduite pour un montant de 206 millions d’euros. À cet égard, permettez-moi de regretter que le Sénat n’ait pas voté les crédits de la mission Travail et emploi que j’ai présentés, mais j’espère qu’il en sera autrement l’année prochaine… Ces crédits permettront de pérenniser les postes, y compris ceux des « référents justice » au sein des missions locales, car c’est là un point important.
En ce qui concerne les sujets opérationnels, vous avez raison, on a besoin – c’est évident – d’un outil numérique partagé, et je dirais même d’une meilleure articulation avec Pôle emploi. En effet, les missions locales ont les jeunes, mais ne disposent pas des offres d’emploi. Aujourd’hui, les deux dispositifs sont trop éloignés. Certes, il existe de bonnes coopérations localement, mais nous devons travailler sur cette question.
De même, et c’est un autre point important, les missions locales doivent aussi aller chercher les jeunes là où ils sont et non pas attendre simplement que ces derniers viennent dans leurs locaux. De nombreux jeunes, dans les quartiers ou les zones rurales, ne vont pas jusqu’à elles. J’ai constaté que certaines missions locales commençaient à être mobiles, en allant sur le terrain avec des permanences dans des bus. C’est une démarche que nous devons encourager. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette question.
L’État joue son rôle dans le financement, à hauteur de la moitié du budget des missions, outre la garantie jeunes, l’autre moitié étant à la charge des collectivités territoriales.
Mme la présidente. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Néanmoins, nous devons encore travailler sur cette question, afin que les missions locales soient plus efficaces.
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Madame la ministre, je vois que vous êtes aussi passionnée que moi par les missions locales et leur place dans l’accompagnement global des jeunes !
Nous avons vraiment besoin des moyens suffisants pour contribuer à la résorption du chômage sur nos territoires – ce n’est pas simple, je le sais –, en lien – c’est une petite révolution ! – avec les employeurs de nos territoires. Il est nécessaire de faire évoluer la place des missions locales.
situation du tribunal de thonon et de la cour d’appel de chambéry
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 0212, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, à laquelle je souhaite la bienvenue.
M. Cyril Pellevat. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, en février 2017, j’avais alerté le garde des sceaux du précédent gouvernement sur la situation du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains et attiré son attention sur les faibles moyens financiers et humains de ce tribunal, submergé par son activité. En effet, c’est surtout en matière d’effectifs humains que la situation est difficile.
Le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains est en tête des tribunaux les plus démunis de France. Le rythme y est intense : de dix à quinze audiences par semaine. L’activité judiciaire est foisonnante, la juridiction thononaise étant la plus chargée du ressort de la cour d’appel de Chambéry et le principal pourvoyeur des affaires criminelles aux assises et de la maison d’arrêt de Bonneville.
En 2017, le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains rendait quelque 7 557 décisions de justice, contre 5 695 en 2016. Le volume de l’activité contentieuse de ce tribunal est le plus important du département ; il est supérieur à celui du tribunal de grande instance d’Annecy, et c’est celui qui connaît la plus forte croissance démographique. Le supprimer est une hérésie !
Le territoire de la Haute-Savoie est l’un des plus attractifs de France : la population y a augmenté de plus de 20 % en moins de dix ans.
Il conviendrait de donner davantage de moyens à ce tribunal, pour une justice plus rapide et efficace. Comme vous le savez, nous avons craint la suppression de la cour d’appel de Chambéry. Pour certains habitants de Haute-Savoie, la suppression de cette cour d’appel aurait représenté un trajet de plus de deux heures, puisqu’ils auraient désormais dû se rendre à Grenoble.
Que ce soit pour le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains ou la cour d’appel de Chambéry, une suppression conduirait à un désert judiciaire que nous ne pouvons pas accepter.
Plus de 250 avocats des cinq barreaux des deux Savoie ont fait grève le 15 février dernier, et j’étais à leurs côtés. En Haute-Savoie, la mobilisation des avocats du barreau de Thonon-les-Bains, du Léman et du Genevois fut grande. Et c’est désormais les quinze barreaux de la Conférence des bâtonniers de la région Rhône-Alpes qui, représentés par Mme le bâtonnier Laurence Joly, ont décidé la semaine dernière la grève des désignations pénales à compter de cette semaine et pour une durée indéterminée. Ces grèves sont la conséquence du fait qu’aucune concertation n’ait vu le jour.
À plusieurs reprises, madame la garde des sceaux, vous nous avez assuré qu’aucune juridiction ne fermerait. L’avant-projet de loi de programmation pour la justice 2018–2022, que j’ai pu me procurer, semble en effet maintenir l’ensemble des tribunaux de grande instance et cours d’appel existants, et la Chancellerie ne parle plus de juridictions départementales ou de proximité.
En revanche, l’article 54 de l’avant-projet de loi précise que des tribunaux de grande instance, dont la liste sera fixée par décret, se verront attribuer des contentieux au civil et au pénal, dont la liste sera également fixée par décret : voilà qui ne me rassure pas sur l’avenir du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains – ni d’autres juridictions.
La départementalisation reste donc d’actualité, qui dépouillera les tribunaux de grande instance de leurs contentieux au profit des tribunaux de grande instance départementaux. Même si vous ne fermez pas les premiers, permettez-moi d’espérer que votre objectif n’est pas de les dévitaliser… Si tel n’est pas le cas, comptez-vous augmenter les moyens humains et financiers de ces juridictions, ou prendre d’autres dispositions en leur faveur ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Vous appelez mon attention, monsieur le sénateur Pellevat, sur la situation des effectifs du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, où vous estimez que la situation financière et humaine est très dégradée.
Je vous rappelle que, afin d’assurer le fonctionnement des juridictions, une circulaire de localisation des emplois est élaborée chaque année, à l’issue d’un dialogue avec les chefs de cour et au vu de l’activité des juridictions.
S’agissant du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, et au sens de cette circulaire, les effectifs de greffiers s’élèvent à cinquante et une personnes, toutes catégories confondues ; ces effectifs sont aujourd’hui au complet. Les trois postes d’encadrement sont également pourvus, par des agents très expérimentés.
Pour ce qui est des magistrats, la circulaire de localisation des emplois a fixé à vingt-deux le nombre de magistrats nécessaires pour accomplir les activités du tribunal : il y a six magistrats au parquet et seize aux sièges, effectifs qui, là encore, sont aujourd’hui tout à fait au complet et tiennent compte de l’activité soutenue du tribunal, que vous avez bien voulu souligner.
Toutefois, en l’état du dernier projet de nomination, diffusé le 19 février dernier, et sous réserve des avis du Conseil supérieur de la magistrature, deux postes au parquet et un poste au siège pourraient devenir vacants au 1er septembre prochain. Les chefs de cour disposeront néanmoins de magistrats placés au parquet et de trois magistrats placés au siège, qu’ils pourront déléguer provisoirement au sein des juridictions de leur ressort.
En tout état de cause, monsieur le sénateur, les services de la Chancellerie demeureront particulièrement attentifs à la situation du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains et aux effectifs de la cour d’appel de Chambéry lors de l’élaboration de la liste des postes offerts aux auditeurs de justice de la promotion 2016, qui prendront leurs fonctions au 1er septembre prochain.
Enfin, je voudrais dire un mot de la situation, que vous avez abordée, des cours d’appel. Je vous rappelle que M. le Premier ministre et moi-même avons présenté, le 9 mars dernier, les principaux axes de la réforme de la justice : à cette occasion, nous avons rappelé, une nouvelle fois et après les multiples concertations qui ont été engagées, que nous ne fermerions aucun lieu de justice ni aucune juridiction.
C’est donc avec grand plaisir que je vous redis, une nouvelle fois, que la cour d’appel de Chambéry continuera à statuer en appel, comme elle le fait depuis le traité de Turin de 1860. C’est également avec grand plaisir que je vous annonce qu’aucun tribunal d’instance ne fermera, et que notre attention soutenue est toujours tendue vers une justice de proximité, dont nous souhaitons même qu’elle puisse rendre à l’avenir plus rapidement et plus amplement des décisions au service des justiciables.
C’est dans ce sens-là, uniquement dans ce sens-là, que s’inscrivent les chantiers de la justice, pour lesquels, je le rappelle, plusieurs phases de consultation d’abord, de concertation ensuite, sur les propositions qui m’avaient été faites puis sur le projet de loi, ont été engagées, y compris avec les avocats, lesquels nous ont fait part d’un certain nombre d’observations dont nous avons tenu compte dans le texte transmis au Conseil d’État ; je crois que cela méritait d’être à nouveau rappelé.
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Madame la garde des sceaux, je vous remercie pour vos réponses à cette question que j’ai bien évidemment préparée en concertation avec les avocats du barreau de Thonon-les-Bains.
Même si vous nous garantissez que, aujourd’hui, les effectifs sont là, la population est grandissante – elle va vraisemblablement atteindre le million d’habitants – et le nombre d’affaires ne fait qu’augmenter chaque année. Dans ces conditions, il faudra, non pas stabiliser les effectifs, mais tenir compte de la progression des affaires.
Nous comptons sur vous, madame la garde des sceaux, et les parlementaires seront très attentifs à la suite des débats, car, comme l’exprime le blason que je porte, nous tenons à nos tribunaux à Chambéry et Thonon-les-Bains !
Mme la présidente. Je remercie Mme la garde des sceaux de sa présence et souhaite la bienvenue à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
fermeture de la maternité de creil
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteur de la question n° 0255, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la maternité de Creil et le projet de fermeture de cette maternité et de fusion de celle-ci avec la maternité de Senlis.
Je rappelle que les centres hospitaliers de Senlis et de Creil ont fusionné pour n’en former qu’un. Ces deux centres hospitaliers comportent chacun une maternité : celle de Creil, de niveau 3, réalise 1 700 accouchements par an, celle de Senlis, de niveau 2, 1 900. Le directeur du centre hospitalier a annoncé, il y a quelque temps, la fusion de ces deux maternités en un seul grand établissement.
Je n’ai jamais eu pour habitude de défendre, y compris dans mon département, toutes les maternités, quels que soient le nombre d’accouchements qu’elles réalisent et l’offre qui existe aux alentours. Pour autant, à la logique comptable du directeur de l’hôpital, j’opposerai la logique de la géographie humaine et de ses chiffres.
Le bassin creillois est un bassin de population important et difficile, avec un taux de pauvreté supérieur à la moyenne nationale et une population plus jeune que la moyenne nationale. En outre, 40 % de la population n’a pas de moyen de transport autonome, et il n’existe bien entendu aucun moyen de transport entre l’hôpital de Creil et celui de Senlis.
Cette décision de fermeture de la maternité est grave, d’abord, du point de vue sanitaire, parce que, en raison de la population de la ville de Creil, plus le suivi est proche et durable, mieux les parturientes sont prises en charge et mieux les enfants, également, sont suivis
Par ailleurs, je m’étonne de l’absence de cohérence des politiques publiques et du cloisonnement entre les différents ministères.
Dans le bassin creillois, des sommes importantes sont investies depuis des années au titre de la politique de la ville. Or, au-delà de sa fonction sanitaire, la maternité de Creil remplit une fonction démographique : elle garantit la mixité dans le bassin creillois et la proximité. Elle est indispensable pour que l’argent investi dans le cadre de la politique de la ville ait du sens ! Comment peut-on investir en politique de la ville et, en même temps, détruire ce que la politique de la ville vise à réparer ?
Madame la ministre, j’ai demandé pour M. le président de l’agglomération creilloise et moi-même un rendez-vous auprès de vous-même et de votre cabinet. Ce matin déjà, je tiens à attirer votre attention sur ce dossier, en insistant sur l’absence de justification à la fermeture de la maternité de Creil, qui réalise bien plus que 1 200 accouchements par an, soit le seuil souvent repris pour l’équilibre des maternités, remplit une fonction locale au service de la mixité des populations et constitue un outil de politique sociale auprès des populations les plus défavorisées.
Pourquoi, dans ces conditions, fermer Creil plutôt que de rapprocher Senlis de Creil ? Je ne peux pas m’empêcher de penser que, entre Senlis et Creil, le choix annoncé n’est pas positif au regard de la spécificité du bassin creillois.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Rossignol, le groupe hospitalier public de l’Oise, établissement bisite du sud de l’Oise et établissement support du groupement hospitalier de territoire Oise Sud, dispose en effet de deux maternités : l’une sur le site de Creil, de niveau 3, l’autre sur le site de Senlis, de niveau 2A. Le niveau d’activité était en 2017 de plus de 1 400 accouchements à Creil et de plus de 1 700 à Senlis.
L’autorisation d’exercer l’activité de soins de gynécologie-obstétrique et de néonatalogie sur les sites de Creil et Senlis et de réanimation néonatale sur le site de Creil a été renouvelée le 23 août 2017, à compter du 20 avril 2018 et pour cinq ans, soit jusqu’au 19 avril 2023.
Le sud de l’Oise bénéficie de deux autres maternités : une, de niveau 2B, au centre hospitalier intercommunal de Compiègne-Noyon et une autre, de niveau 1, à la polyclinique Saint-Côme, à Compiègne.
Madame la sénatrice, vous me parlez de fermeture, mais il s’agit en fait d’une unification des deux sites de maternité. Le projet d’unification de la maternité, actuellement proposée sur les deux sites de Creil et Senlis, est porté par la communauté médicale de l’établissement, qui soutient sans réserve l’unification.
Le projet consisterait à opérer un regroupement en un lieu unique de la maternité, de la néonatalogie et des blocs obstétricaux sur le site de Senlis, afin de rationaliser la permanence des soins, de répondre aux problèmes de démographie médicale et de renforcer l’attractivité du service.
En revanche, le suivi obstétrical des femmes, qu’il soit prénatal ou postnatal, resterait organisé sur les deux sites, ce qui répondrait à la question de la proximité, que vous avez soulevée.
Le développement de nouvelles techniques innovantes pour la prise en charge de la douleur serait également possible sur le site de Senlis ; je pense à l’hypnose ou à l’accouchement en baignoire.
Ce projet s’inscrit dans l’actualisation du projet médical de l’établissement, qui vient d’être adressé à l’Agence régionale de santé Hauts-de-France, laquelle doit procéder prochainement à son instruction. J’ajoute que d’autres activités médicales pourraient, à l’inverse, être transférées à Creil. Il s’agit donc bien de la rationalisation de l’offre de soins sur les deux sites.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Je commencerai par une précision factuelle. Non, le sud de l’Oise ne bénéficie pas de trois maternités : le site de Compiègne-Noyon, que vous avez cité, se trouvant dans le nord du département, il y a, dans le sud de l’Oise, Creil et Senlis, pour le moment.
Ensuite, vous évoquez une unification et non une fermeture. Le vocable semble moins douloureux, mais, en réalité, il s’agit bien d’un transfert de la maternité de Creil et de son activité à Senlis et de la fermeture de la maternité de Creil. On ne pourra plus accoucher à Creil : appelons cela comme l’on veut, moi j’appelle ça une fermeture – même si les femmes ne se retrouveront pas pour autant sans aucune solution.
Par ailleurs, vous n’avez pas répondu à ma question sur la cohérence avec la politique de la ville dans un bassin en grande difficulté. Je répète que 40 % de la population n’a pas de moyen de transport pour se rendre de Creil à Senlis, ce qui est une donnée importante. La population de Creil est une population qu’il faut accompagner, parce que, comme je l’ai expliqué, elle est plus pauvre et plus jeune que la moyenne nationale.
S’agissant enfin de l’éventuel accord de la communauté médicale, croyez-moi : en rencontrant les sages-femmes et les personnels hospitaliers de la maternité de Creil, je n’ai pas recueilli l’adhésion que vous avez évoquée et qu’évoquent les autorités administratives qui suivent ce dossier.
Madame la ministre, la décision que vous vous apprêtez à prendre n’est bonne ni sur le plan sanitaire, ni sur celui de l’accompagnement, ni sur celui de l’aménagement du territoire. Ce n’est pas une bonne décision pour les femmes et les enfants !
reconnaissance des maladies des dockers
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, auteur de la question n° 0139, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
M. Yannick Vaugrenard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, voilà maintenant dix années que les dockers demandent la reconnaissance de leurs cancers comme maladie professionnelle.
En effet, le travail de manutention portuaire entraîne des expositions à toutes sortes de produits toxiques, notamment parce que les dockers déchargent des marchandises venues de pays dont les normes de sécurité ne sont pas les mêmes qu’en France : ils se retrouvent ainsi en contact avec des polluants comme la silice des ciments, le coke du pétrole, les phosphates, les bois traités ou encore les émanations du charbon.
Résultat : nombre d’entre eux développent plusieurs cancers simultanément – cancers du larynx, du poumon, de la thyroïde, du rein ou encore de la prostate.
Une étude réalisée en 2014 par des sociologues et des scientifiques, connue sous le nom de rapport ESCALES, a démontré une surmortalité par cancers des dockers. Ainsi, 53 % des dockers travaillant au sein du Grand Port Maritime de Nantes Saint-Nazaire seraient atteints de cancers ou décédés prématurément, les pathologies cancéreuses étant à l’origine de 67 % des décès.
Par ailleurs, à l’échelle nationale, les travaux d’un médecin ont établi que l’espérance de vie des dockers était de dix années inférieure à l’espérance de vie moyenne des Français.
En dépit de ce constat dramatique, les pathologies des dockers ne sont toujours pas reconnues comme maladies professionnelles.
En 2014, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes a, quant à lui, reconnu le caractère professionnel des cancers des dockers, estimant que la multiexposition aux poussières et à des produits toxiques et cancérigènes avait joué « un rôle causal direct et essentiel dans la survenance de ces pathologies ». Cette décision avait constitué un précédent fondamental pour les victimes et leurs familles.
Toutefois, en février 2017, la cour d’appel de Rennes est, de façon surprenante, revenue sur ce jugement, estimant que la preuve du lien entre les maladies et le métier de docker n’était pas rapportée.
Madame la ministre, il n’est pas acceptable que les dockers et leurs familles soient ainsi laissés dans l’expectative et devant la non-prise en charge de leurs maladies !
Devant ce drame, l’État se doit de prendre ses responsabilités, en permettant aux dockers d’être justement indemnisés pour des maladies qui, à l’évidence, ont des origines professionnelles. Je souhaite connaître clairement la position du Gouvernement sur ce sujet qui est véritablement un sujet majeur de santé publique.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur Vaugrenard, l’ouverture des conteneurs maritimes et les travaux de déchargement de marchandises portuaires exposent potentiellement les dockers à des substances dangereuses.
C’est pourquoi l’évaluation par l’employeur des risques liés à la présence de ces substances dangereuses, qui s’inscrit dans la démarche globale de prévention des risques professionnels, joue un rôle primordial.
En 2016, l’Institut national de recherche et de sécurité, l’INRS, a ainsi élaboré, en lien avec la branche risques professionnels de l’assurance maladie, un guide intitulé « Ouvrir et dépoter un conteneur en sécurité », détaillant les mesures de prévention adaptées : ventilation, détection de gaz ou port de masque. La mise en œuvre de ces mesures nécessite une bonne information et une formation des salariés, en lien avec la médecine du travail.
Toutefois, l’exposition à ces substances peut provoquer des maladies professionnelles, vous avez raison, parmi lesquelles des cancers.
Pour les dockers comme pour tous les assurés du régime général de la sécurité sociale, le caractère professionnel des maladies peut être reconnu dans le cadre des tableaux de maladies professionnelles. La victime bénéficie alors d’une présomption d’origine professionnelle.
En raison de cette automaticité des droits, les tableaux ne peuvent comporter que les pathologies dont le lien de causalité avec le travail est solidement établi. Un système complémentaire a donc été instauré, afin d’éviter que certaines maladies ne puissent être prises en charge, soit que le salarié ne remplisse pas toutes les conditions prévues au tableau – liste limitative de travaux, délai de prise en charge, durée d’exposition –, soit que sa maladie ne soit pas stricto sensu désignée dans un tableau. Ce système complémentaire est fondé sur une expertise médicale collégiale, réalisée par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
Ce dispositif permet donc aux dockers, lorsque les conditions sont remplies, de faire reconnaître le lien entre l’exposition professionnelle et la pathologie et d’ouvrir ainsi droit à leur prise en charge par la branche accidents du travail-maladies professionnelles.
En outre, s’agissant spécifiquement de l’amiante, le dispositif de préretraite amiante a été étendu aux dockers en 2000.
Enfin, les anciens dockers peuvent, sur leur demande, bénéficier d’un suivi post-professionnel pris en charge par l’assurance maladie, afin de dépister d’éventuelles pathologies. Dans ce cadre, une surveillance médicale adaptée à leur situation peut être définie par leur caisse, en lien, le cas échéant, avec un centre de consultation de pathologie professionnelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Madame la ministre, je ne suis pas satisfait de votre réponse.
Dans un premier temps, vous avez expliqué que de nouveaux moyens sont mis en œuvre pour éviter les conséquences néfastes du déchargement de marchandises, notamment de conteneurs. Seulement voilà : les dockers qui sont maintenant en retraite n’ont pas bénéficié de ces nouvelles mesures…
Dans un deuxième temps, vous avez évoqué un certain nombre de processus administratifs extrêmement technocratiques et qui ne facilitent pas pour les dockers la prise en charge réelle de leurs maladies.
Comme je l’ai expliqué, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes avait considéré comme d’origine manifestement professionnelle les maladies des dockers, lesquels ont une espérance de vie inférieure de 10 % à la moyenne nationale, après quoi la cour d’appel de Rennes a rendu une décision contraire.
Pour ma part, je souhaite que la puissance publique aille beaucoup plus loin que les constatations que vous venez de dresser. En particulier, le Gouvernement doit faire appel de la décision de la cour d’appel de Rennes.
Ou alors, que faut-il faire ? Faut-il que les élus, les familles, moi-même intervenions auprès de la Cour de justice de l’Union européenne, de la Cour européenne des droits de l’homme ? De fait, les choses aujourd’hui n’avancent pas beaucoup, et même pas du tout, alors que 63 % des dockers du port de Nantes Saint-Nazaire sont atteints de maladies dues à des expositions liées aux marchandises qu’ils déversent !
Madame la ministre, je souhaite que cette position soit revue, et que, au-delà des aspects administratifs que vous avez évoqués, l’aspect humain soit au cœur de la décision, avant que nous n’ayons, malheureusement, à intervenir au niveau européen pour faire entendre un minimum d’humanisme à la puissance publique française.
situation du centre hospitalier de valenciennes
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, auteur de la question n° 0233, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette question est consécutive à une visite que ma collègue Michelle Gréaume, ici présente, et moi-même avons effectuée voilà quelque temps dans le Valenciennois, arrondissement du département du Nord, où nous avons rencontré des professionnels de santé, des personnels soignants et non soignants, des syndicalistes et des patients.
Ils nous ont confirmé ce que de récentes études montrent : l’état sanitaire alarmant de ce territoire et de ses habitants. Un seul chiffre : 31 % de surmortalité par rapport à la moyenne nationale – et plus encore pour certaines pathologies. Triste palmarès, que certains professionnels qualifient de véritable épidémie…
La population paye là un lourd tribut lié, bien sûr, au passé industriel et minier, mais aussi à la situation économique et sociale du moment. Résultat : les malades consultent tard, parfois trop tard, et le manque de médecins, de spécialistes et de personnels paramédicaux constitue un obstacle supplémentaire dans une situation déjà reconnue comme difficile.
Dans ce territoire plus qu’ailleurs, les politiques d’austérité font particulièrement mal, alors qu’il faudrait là un véritable plan de rattrapage sanitaire : un plan global, qui améliore l’accueil des malades et les soins apportés, mais surtout qui s’attaque aux racines du mal, c’est-à-dire aux inégalités socio-économiques, ainsi qu’à la prévention dès le plus jeune âge.
L’hôpital public a, dans ce domaine, un rôle central à jouer. Nous voulons saluer l’implication des professionnels du centre hospitalier de Valenciennes et leur opiniâtreté à refuser tout fatalisme ; ils accomplissent un travail admirable, mais dans des conditions de plus en plus difficiles, voire précaires.
Beaucoup nous ont dit leur souffrance, leurs difficultés, qui touchent toutes les catégories de personnels, sans exception. Ils nous ont dit leurs craintes de nouvelles suppressions de lits, voire fermetures d’établissement ou de service, comme c’est le cas pour les urgences de l’hôpital de Denain.
Ils nous ont dit les conséquences quotidiennes du manque de moyens financiers et humains et d’un management obnubilé par l’obligation de rentabilité, la chasse aux dépenses jugées « inutiles » et la recherche permanente de la moindre économie ; et, en définitive, leur désarroi et leur colère, souvent, de voir, malgré tous leurs efforts, la qualité des soins apportés aux malades se dégrader.
Madame la ministre, la situation appelle une réponse et des moyens d’ampleur, à la mesure de la situation. Elle nécessite, selon nous, un plan de rattrapage, que nous vous demandons de mettre en place au plus vite et dans la plus large concertation.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Comme vous le savez, monsieur le sénateur Bocquet, nous avons à gérer aujourd’hui une diminution de la démographie médicale qui n’a malheureusement pas été anticipée par les gouvernements successifs depuis une vingtaine d’années.
Vous m’interpellez sur l’accès aux soins, en particulier au centre hospitalier de Valenciennes. Établissement polyvalent de recours du territoire de santé du Hainaut et de proximité pour le Valenciennois, ce centre hospitalier fait preuve d’une maîtrise médico-économique depuis plusieurs années.
Les exercices 2016 et 2017, portés par une forte dynamique d’activité, se sont clôturés avec des excédents de 4,6 et 2 millions d’euros respectivement.
L’établissement bénéficie aussi d’aides à l’investissement, à hauteur de 10 millions d’euros par an, dont 800 000 euros pour la réorganisation de ses activités de psychiatrie, avec la construction d’un nouveau bâtiment.
S’agissant de ses effectifs, une augmentation des équivalents temps plein médicaux et non médicaux est observée sur les trois derniers exercices : elle est de 6 % pour le personnel paramédical et de 10 % pour le personnel médical.
En vue de répondre aux besoins d’une population dont vous avez souligné qu’elle est en difficulté, les capacités de l’établissement ont augmenté sur la même période, en matière de lits de médecine et de chirurgie, d’hospitalisation et de prise en charge ambulatoire. Le nombre de lits et places en obstétrique, psychiatrie et soins de suite et de réadaptation est, quant à lui, resté stable. Le centre hospitalier de Valenciennes contribue donc largement à l’accès aux soins, et il est accompagné.
Pour remédier aux difficultés que rencontrent nos concitoyens en matière d’accès aux soins, il n’y a pas une réponse miracle, mais un éventail de solutions.
L’accès aux soins doit évidemment reposer sur l’accès à des médecins en ville, mais pas uniquement sur l’installation de médecins ; il doit reposer sur une organisation coordonnée de tous les professionnels de santé d’un territoire.
Un programme d’investissements de 400 millions d’euros est en cours de déploiement. Plus de 200 millions d’euros d’aides conventionnelles sont prévus pour aider les professionnels dans les zones sous-dotées. Nous facilitons aussi le cumul emploi-retraite des médecins libéraux. Surtout, j’ai lancé, au mois de février dernier, la transformation du système de santé, dont le cinquième chantier concerne les organisations territoriales entre l’hôpital, la médecine de ville, le secteur privé et le secteur public.
Monsieur le sénateur, nous faisons le nécessaire pour apporter des réponses aux usagers et aux élus. La stratégie de transformation du système de santé que nous lançons viendra, j’espère, conforter nos actions. Qualité et pertinence des soins, ainsi qu’accès aux soins équitable, doivent être la boussole de notre système de santé !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Madame la ministre, je pense qu’il faut accélérer la cadence pour prendre réellement en compte la situation particulière de l’arrondissement de Valenciennes, qui est, à bien des égards, sinistré sur le plan sanitaire.
Le temps qui m’est imparti ce matin ne me permet pas d’aborder tous les aspects du sujet, mais, puisque vous avez parlé d’un éventail de solutions, je veux souligner que se pose tout d’abord la question des préventions.
En complément de cette question orale, je me permettrai de vous adresser une question écrite portant sur deux thématiques.
D’abord, la prévention, qui, selon nous, commence à l’école. Le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, vient de publier un rapport sur le manque de moyens, criant, de la médecine scolaire, obligée de se concentrer sur l’urgence. Ainsi, notre académie de Lille dispose en tout et pour tout de quatre-vingts postes de médecin scolaire, dont quarante ne sont pas pourvus, faute de postulants…
Ensuite, la santé au travail, dans un territoire encore très industrialisé comme le Valenciennois. Je vous demanderai quelles mesures concrètes vous pouvez prendre pour revaloriser la médecine du travail, aujourd’hui peu attractive, nous dit-on, tant dans ses missions et prérogatives qu’en termes d’effectifs. Si rien n’est fait, notre pays ne comptera plus que 2 500 médecins du travail à l’horizon de 2020, c’est-à-dire demain, pour 17 millions de salariés !
risque d’une crise sanitaire sans précédent
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle, auteur de la question n° 0265, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
M. Pierre Médevielle. Je vous rejoins, madame la ministre, pour constater que vos prédécesseurs n’ont pas beaucoup anticipé les différentes crises. Mais, le Pyrénéen étant têtu, je souhaite vous alerter de nouveau sur la crise sanitaire grave que traversent nos territoires.
Pour y répondre, vous proposez quatre axes de travail : redonner du temps médical au soignant, mettre en place la révolution numérique, coordonner les professionnels de santé entre eux, mettre en place une nouvelle méthode, fondée sur la confiance et le dialogue au niveau de chaque territoire.
Ce plan permet d’espérer quelques avancées, mais il ne répond pas à l’urgence de la crise. La crise, ce n’est pas demain : c’est aujourd’hui !
Plus de trois millions de personnes peinent à trouver un médecin généraliste. Les professionnels installés dans ces zones ne peuvent pas répondre à la demande des patients, et la plupart d’entre eux sont épuisés par les cadences infernales imposées. La seule création de nouvelles maisons de santé ne résoudra pas tout – encore faudra-t-il les remplir…
Je prends l’exemple d’une sous-préfecture de Haute-Garonne, Saint-Gaudens. Malgré les chiffres erronés de l’Agence régionale de santé, la triste réalité est bien là : pour 14 000 habitants, 28 généralistes en 2000, 15 aujourd’hui et 8 en 2020. La situation qui s’annonce est très préoccupante !
L’installation équilibrée des médecins généralistes sur l’ensemble du territoire permettrait d’assurer la protection des populations les plus vulnérables, de libérer l’activité des établissements de soins, qui pourront se concentrer sur leurs missions initiales, et de garantir à l’ensemble des citoyens un égal accès aux soins.
La régulation, loin de la coercition, a prouvé sa grande efficacité dans le maillage territorial de nombreuses professions libérales. Les syndicats de généralistes, devant la gravité de la situation, sont de moins en moins hostiles à cette mesure.
Face aux légitimes inquiétudes des professionnels de santé installés sur ces zones, qui doivent faire face à un afflux trop important de patients, et des élus locaux, qui n’ont pas les moyens de répondre aux attentes de la population fatiguée par ces délais et des déplacements interminables, j’aimerais connaître, madame la ministre, les mesures d’urgence que vous entendez mettre en œuvre pour permettre l’installation des médecins libéraux dans ces zones en souffrance, qui couvriront bientôt tout le territoire national.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Médevielle, en effet, tous les territoires ne bénéficient pas du même niveau de couverture de leurs besoins. La répartition inégale des professionnels de santé explique en partie cette différence. Les disparités pratiques peuvent également expliquer une part des difficultés d’accès aux soins.
Comme je l’ai indiqué précédemment, la solution ne peut pas venir d’une mesure unique – je pense au conventionnement territorial dont on sait qu’il n’a pas fonctionné dans les pays qui l’ont mis en œuvre, notamment l’Allemagne et le Canada – mais, bien plutôt, d’un ensemble d’outils innovants, souples, totalement adaptés au niveau local, et qui tiennent compte des exigences en matière de qualité des soins et de prévention.
Je voudrais ensuite revenir sur quelques chiffres.
S’agissant de la répartition des médecins dans leur ensemble sur le territoire, le niveau des inégalités est aujourd’hui semblable à celui de 1983. Dans son rapport relatif à l’inégalité d’accès aux soins, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, précise que la répartition des médecins est aussi homogène que celle des pharmaciens, une profession que vous connaissez bien et qui constitue une référence, puisque l’installation des pharmaciens est régulée.
En réalité, nos problèmes d’accès aux soins sont avant tout le fait de territoires où l’offre de soins est présente, mais est insuffisante pour répondre à la demande.
Aujourd’hui, nous accélérons les transferts de compétences pour mieux réguler les files d’attente et faire face à la diminution annoncée de la démographie médicale jusqu’en 2025. Nous cherchons à redonner du temps médical aux médecins par une meilleure coopération avec les professionnels de santé paramédicaux et des délégations de tâches. Nous faisons également en sorte d’optimiser notre système de soins en organisant les territoires en réseaux, en filières de prise en charge.
Tous les projets de santé doivent s’adapter aux besoins des territoires. Or chaque territoire est différent : c’est la raison pour laquelle le plan mis en place s’appuie avant tout sur la capacité des professionnels de santé à coopérer sur le territoire. Les réunions de concertation sont aujourd’hui animées par les agences régionales de santé, les ARS, en lien avec les élus locaux.
Nous devons bien sûr prendre à bras-le-corps cet enjeu, car il constitue une urgence pour nos concitoyens. Simplement, il nous faut, plutôt que des mesures coercitives, adopter une vision d’ensemble stratégique.
Cette vision stratégique a notamment été mise en place dans votre région, monsieur le sénateur. Je pense en particulier à la médecine de second recours : plus de 84 postes d’assistants partagés ont été déployés sur votre territoire pour répondre aux problématiques d’accès aux soins et plus de 70 postes sont attendus à compter du mois de novembre 2018.
Nous pensons organiser les parcours de prise en charge et accroître la qualité de ces parcours, afin d’améliorer durablement notre système de santé. La transformation de celui-ci impliquera évidemment de s’attaquer à la répartition territoriale entre médecine hospitalière et médecine libérale, qu’elle soit publique ou privée.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Madame la ministre, je vous entends. Nous avons certes fait des progrès en matière de pluridisciplinarité, de coopération entre médecins hospitaliers et médecins libéraux, mais cela ne suffit pas.
L’ARS me semble avoir une vision très administrative de la situation sur mon territoire. J’ai encore pu le vérifier vendredi soir lors d’une réunion où étaient présents les médecins hospitaliers de Saint-Gaudens, des médecins généralistes, des spécialistes, ainsi que des professionnels paramédicaux comme des kinésithérapeutes ou des infirmiers.
La création de postes d’assistants partagés s’est hélas ! concentrée sur l’hôpital, ce qui est un peu dommage. (Mme la ministre hausse les épaules.) Oui, madame la ministre, on manque vraiment de postes, c’est la réalité ! Nous sommes dans un domaine qui touche au régalien : ne l’oublions pas, c’est la sécurité de nos concitoyens qui est en jeu !
Aujourd’hui, des mesures d’urgence sont nécessaires. Je sais bien que leur mise en œuvre n’est pas facile et que les médecins supportent mal les contraintes, mais le préfet dispose d’un pouvoir de réquisition, qu’il a mis en œuvre concernant la profession pharmaceutique. La réalité, c’est que les gardes ne sont plus assurées aujourd’hui !
Plus de généralistes, qu’est-ce que cela signifie ? Cela veut dire que les pharmacies disparaîtront également. Cela ira d’ailleurs beaucoup plus vite qu’on ne le pense, puisqu’elles sont totalement dépendantes des prescriptions médicales. Et qui dit plus de pharmacies signifie plus de gardes demain. En effet, la profession pharmaceutique maintient heureusement un maillage territorial complet – j’en ai encore eu confirmation il y a peu auprès des deux principaux syndicats du secteur – et permet d’assurer des gardes pour les personnes qui ne parviennent pas à trouver de médecin.
Même si les pharmaciens travaillent alors sans ordonnance et agissent ainsi selon des modalités qui ne correspondent pas tout à fait aux règles ou aux usages en vigueur, l’essentiel reste quand même d’apporter une solution à ces personnes qui parcourent la campagne pendant toute une soirée à la recherche de médicaments pour leurs enfants ou des personnes âgées. Et encore, ils n’ont pas toujours de moyen de transport !
Quand on voit l’évolution de la situation depuis trente ans, on ne peut que dresser un constat d’échec, dont vous n’êtes d’ailleurs pas responsable, madame la ministre, car beaucoup de ministres vous ont précédée !
L’urgence aujourd’hui, c’est de prendre des mesures à destination des médecins retraités. J’en connais moi-même trois qui exercent toujours leur activité et qui cotisent à la CARMF, la Caisse autonome de retraite des médecins de France. Si on veut les encourager,…
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Pierre Médevielle. … il faudrait peut-être les inciter…
M. Pierre Médevielle. Ils ont tout de même un rôle à jouer, madame la ministre : ils sont tellement désolés de la situation qu’ils travaillent de six heures du matin à dix heures du soir !
Mme la présidente. Je remercie Mme la ministre des solidarités et de la santé de sa présence et je souhaite la bienvenue à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur, ainsi qu’à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
présentation à l’examen du permis de conduire dans le val-de-marne
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 0157, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, par cette question orale, je veux attirer l’attention du ministre de l’intérieur sur les délais particulièrement longs pour se présenter à l’examen du permis de conduire dans le département du Val-de-Marne, véritable fléau pour les écoles de conduite, ainsi que pour les jeunes.
Depuis 2010, les professionnels du secteur s’inquiètent de cet allongement des délais de passage. Compte tenu de la situation, le préfet du Val-de-Marne a dû faire appel, à titre exceptionnel, à des inspecteurs d’autres départements pour débloquer la situation. Force est de constater que, depuis 2013, date à laquelle j’ai interpellé le Gouvernement, les problèmes persistent malgré les réformes de l’examen du permis de conduire.
Alors qu’en France le délai moyen entre la fin de la formation pratique et l’examen varie de quelques semaines d’attente à deux mois, il peut dépasser quatre mois dans le Val-de-Marne. Selon le site du ministère de l’intérieur, en 2016, le Val-de-Marne était en troisième position du classement des départements dans lesquels le délai d’attente est le plus long.
De surcroît, les professionnels du secteur déplorent les dysfonctionnements du site internet de l’Agence nationale des titres sécurisés et l’absence d’interlocuteurs dédiés à la téléprocédure. Cette situation pénalise les élèves, qui sont confrontés à des coûts supplémentaires imprévus dans leurs forfaits. Entre la dernière heure de formation et le passage à l’examen, de nombreux élèves doivent reprendre des leçons pour conserver leurs acquis. Comme vous le savez, ce surcoût est source de relations conflictuelles.
Outil indispensable à l’emploi, le permis de conduire est aussi important dans un département comme le Val-de-Marne, parce que les déplacements en transport en commun y sont compliqués.
Ma question est simple, madame la ministre : quelles mesures votre ministère compte-t-il prendre dès à présent pour désengorger le passage de l’examen du permis de conduire dans le Val-de-Marne ? Quelles mesures durables proposez-vous pour que les citoyens habitant des départements à forte densité de population comme le mien puissent se présenter dans des délais raisonnables à l’examen du permis de conduire ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Catherine Procaccia, en 2014, alors que les délais d’attente pour une place d’examen pratique après un échec avaient fortement augmenté, ayant atteint 93 jours en moyenne au plan national et ayant pu atteindre 159 jours en région parisienne, une réforme a été engagée pour réduire les délais d’attente.
Il a ainsi été décidé de recentrer l’activité des inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière sur des examens pratiques du permis B et d’ajouter un treizième examen sur le planning quotidien des examinateurs, de recourir à la réserve opérationnelle de la gendarmerie et de la police nationales pour assurer les épreuves théoriques, et de permettre à trente-trois agents de la Poste – on en a souvent parlé ici – d’exercer le métier d’examinateur de la catégorie B. Quatre d’entre eux ont d’ailleurs été affectés dans le département du Val-de-Marne.
À ces mesures d’urgence s’est ajoutée l’externalisation de l’organisation des examens théoriques autorisée par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Toutes ces mesures ont permis de réduire très significativement le délai moyen d’attente de 93 jours en 2014 à 63 jours en 2017, tandis que le délai médian est désormais de 39 jours contre 73 jours en 2014.
Le département du Val-de-Marne a connu la baisse la plus spectaculaire durant cette période : le délai est passé de 151 jours à 85 jours en moyenne grâce à l’ensemble des dispositions dont je viens de parler. Cependant, on constate une légère hausse de ces délais depuis le mois d’août 2017, qui s’explique par un taux de réussite à l’examen en légère baisse par rapport à la même époque en 2016, par l’absence ponctuelle d’agents chargés des évaluations, ainsi que par le départ d’agents ayant effectué un vœu de mobilité, et dont le remplacement est prévu lors du prochain cycle de mobilité.
La délégation à la sécurité routière soutient le département du Val-de-Marne en lui apportant le concours d’inspecteurs d’autres départements au travers du dispositif de la réserve nationale qui permet de répondre aux besoins.
S’agissant de la dématérialisation de la demande de permis de conduire mise en œuvre dans le cadre du plan Préfectures nouvelle génération depuis le 6 novembre dernier, s’il est vrai que les téléprocédures ont pu engendrer des anomalies au démarrage, celles-ci ont été corrigées. Dans leur immense majorité, les professionnels de l’enseignement de la conduite le reconnaissent et soutiennent la réforme.
Bien sûr, tout est toujours perfectible, madame la sénatrice, mais je pense que la situation s’est tout de même beaucoup améliorée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, vous me répondez que la situation s’est améliorée. Oui, heureusement ! Les chiffres que vous avez vous-même rappelés montrent que les délais d’attente étaient absolument incroyables. Vous nous dites aujourd’hui que la moyenne dans le Val-de-Marne est de 63 jours, tandis qu’elle s’élève à 39 jours au niveau national : on est donc presque au double ! Est-il normal de ne pas accorder des moyens supplémentaires à un département de 1,3 million d’habitants ?
Vous nous avez expliqué les raisons de ces failles : le manque d’agents, les demandes de mutation et l’insuffisance du recours à la réserve. Une nouvelle fois, je demande au ministère de faire en sorte que la préfecture ait les moyens de résorber les retards. Le Val-de-Marne est à la traîne des autres départements, ce qui ne me paraît absolument pas normal !
Vous avez évoqué les dysfonctionnements relatifs aux téléprocédures qui seraient corrigés : j’espère effectivement que les choses se sont améliorées dans ce domaine entre le moment où j’ai posé ma question et le moment où celle-ci a été inscrite à l’ordre du jour.
Madame la ministre, j’insiste pour que l’on essaie une nouvelle fois de faire en sorte que le Val-de-Marne ne soit pas le département à la traîne en matière de délai pour passer le permis de conduire. Dans certains départements, je note qu’il faut quarante jours pour passer son permis, comme dans la Marne. Pourquoi faut-il une fois et demie plus de temps pour le passer dans le Val-de-Marne ? Ce n’est pas parce qu’il est compliqué de vivre dans ce département qu’il faut compliquer encore un peu plus les choses !
situation des élus placés en arrêt maladie
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, auteur de la question n° 0224, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Françoise Gatel. Madame la ministre, je ne pensais pas devoir un jour poser une question aussi incongrue et inattendue. Celle-ci concerne la situation d’élus municipaux, et plus particulièrement d’adjoints au maire, placés en arrêt maladie dans le contexte de leur activité professionnelle.
Deux adjoints au maire d’une commune du Morbihan sont aujourd’hui sous la menace de poursuites de la caisse primaire d’assurance maladie – la CPAM – à cause du paiement d’indemnités journalières que celle-ci considère comme indu. La CPAM du Morbihan exige de ces élus le remboursement des indemnités journalières qu’ils ont perçues au titre de leur arrêt de travail : pour l’un, il s’agit de 8 000 euros, pour l’autre, de 15 000 euros.
Pendant leur arrêt de travail, ces élus ont continué à exercer leur mandat d’adjoint au maire, en aucun cas assimilable à un travail salarié, puisqu’il est interdit au salarié d’une collectivité locale d’être élu de cette même collectivité. Malgré leur état sévère et sérieux, ces élus ont donc eu le courage d’assumer leur mandat d’adjoint.
La valeur essentielle de l’engagement des élus locaux pour la démocratie et la République doit être saluée, ce que nous faisons tous ici, y compris le Gouvernement. Il me semblerait incongru que cet engagement soit ainsi pénalisé ! La décision de la CPAM constitue une atteinte à la liberté d’exercice du mandat d’élu local et un coup porté à l’envie de s’engager à un moment où les vocations politiques se font un peu plus rares et où nous réfléchissons au statut de l’élu local. Madame la ministre, il me semble qu’il y a là une situation extrêmement grave, étonnante et totalement injuste !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Françoise Gatel, on va parler de droit !
Comme vous le savez, la protection des élus face au risque maladie a été renforcée par leur affiliation, au titre de leur mandat, au régime général de la sécurité sociale par la loi de financement de la sécurité sociale de décembre 2012. Tout le monde se souvient ici de cette mesure.
Lorsque les élus locaux qui exercent une activité professionnelle sont placés en congé maladie, ils perçoivent naturellement des indemnités journalières. Celles-ci peuvent être perçues au titre de leur mandat ou au titre de leur activité professionnelle. Elles peuvent se cumuler dans le cas où l’incapacité de travail s’étend à cette activité.
Le bénéfice de ces indemnités journalières est subordonné au respect des dispositions de l’article L. 323–6 du code de la sécurité sociale : le bénéficiaire placé en congé de maladie doit observer les prescriptions du médecin, se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical, respecter les heures de sortie autorisées par le praticien et s’abstenir de toute activité non autorisée. Ainsi un salarié, par ailleurs élu local, placé en congé de maladie peut-il régulièrement exercer son mandat électif, dès lors que cet exercice aura été préalablement autorisé par le médecin.
Dans la même logique, un élu qui exercerait une activité professionnelle dont le régime social ne lui ouvre pas droit aux prestations en espèces devra cesser ces deux activités pour percevoir les indemnités journalières dues au titre de son mandat, sauf autorisation du médecin.
Si la poursuite de l’activité du mandat électoral n’a pas été autorisée expressément et préalablement par le médecin, l’élu peut effectivement se voir réclamer le remboursement des indemnités journalières. (Mme Françoise Gatel opine.) C’est probablement le cas que vous me soumettez.
Mme Françoise Gatel. Absolument !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Moi-même, dans mon département, le Loir-et-Cher, je connaissais un élu municipal de Blois à qui cette mésaventure est arrivée et à qui on réclame 30 000 euros. Croyez-moi, je connais bien la situation !
Comme je l’ai récemment souligné devant la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, madame Gatel, ce statut de l’élu – il existe, même si on peut probablement le retravailler, comme vous l’avez suggéré – souffre sans doute d’un déficit de publicité qui fait que des élus qui ont la capacité physique de le faire, et qui sont évidemment de bonne foi, se rendent à des réunions et se retrouvent coincés de ce fait.
Je crois pourtant savoir que le guide de l’élu local mis en ligne et régulièrement actualisé par l’Association des maires de France dont vous êtes, je crois, vice-présidente,…
Mme Françoise Gatel. Je l’étais !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … met en garde les élus dans ce type de situation.
Toutefois, pour bien connaître le monde des élus locaux, je sais que cette règle n’est pas vraiment connue et qu’il s’agit d’un vrai problème !
En vous écoutant, madame Gatel, je me disais qu’en définitive vous auriez peut-être dû poser votre question à la ministre qui m’a précédée au banc du Gouvernement, à savoir la ministre des solidarités et de la santé, dont dépend la sécurité sociale.
Mme Françoise Gatel. Oui, vous avez raison !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. En tout cas, je lui transmettrai votre question. Vous pouvez compter sur moi !
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. Merci, madame la ministre !
Je suis évidemment très heureuse de vous voir ce matin et de vous poser ma question, mais je tiens à dire que cette question a déjà suivi un certain cheminement. Ce fut d’abord une question écrite qui, je dois l’avouer, est apparue tellement saugrenue que tous les ministres se sont sentis un peu embarrassés d’y répondre.
Ce n’était pas votre cas ce matin et vous avez eu parfaitement raison de rappeler que la loi est aujourd’hui très claire sur le sujet. Toutefois, je voudrais m’arrêter sur deux points.
Premièrement, comme vous l’avez mentionné à raison, il existe un vrai déficit d’information : pour qu’un adjoint qui aurait uniquement exercé son mandat d’adjoint n’ait pas à verser de pénalités sur les indemnités journalières qu’il a perçues, il faut que le médecin inscrive sur son arrêt de travail que l’exercice de son mandat est autorisé. Or, non seulement les élus ne le savent pas, mais les médecins ne le savent pas non plus ! Si les associations d’élus doivent compléter et intensifier l’information qu’elles communiquent aux élus, il faudrait aussi que les CPAM informent mieux les médecins, parce que tout le monde est de bonne foi.
Deuxièmement, j’ai bien compris l’état du droit et je ne le conteste pas. Toutefois, il me semble qu’il existe un problème d’ordre juridique ! La loi précise qu’un salarié d’une collectivité locale ne peut pas être élu dans ladite collectivité locale et pourtant des cotisations sociales sont appliquées sur les indemnités des élus, c’est-à-dire que l’on assimile le mandat exercé par l’élu à un travail salarié et il y a exigence de remboursement des indemnités journalières perçues alors qu’elles ne peuvent pas avoir été perçues au titre de l’exercice d’un mandat qui n’est pas un travail salarié.
À un moment où les élus locaux exercent de plus en plus difficilement leur mandat – je pense surtout aux maires, aux adjoints et aux conseillers municipaux – et où ceux-ci ne perçoivent parfois aucune indemnité en contrepartie d’un engagement très prenant, qui pénalise parfois leur travail, il faudrait réexaminer la situation, madame la ministre.
M. Claude Kern. Très bien !
Mme Françoise Gatel. Je suis certaine que vous serez heureuse d’entendre parler à nouveau de ce sujet ! (Mme la ministre opine.)
refus de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle en charente
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, auteur de la question n° 0239, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Nicole Bonnefoy. Je voudrais attirer votre attention, madame la ministre, ainsi que l’attention de M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, sur les arrêtés interministériels des 27 septembre et 24 octobre 2017 qui ont refusé de reconnaître l’état de catastrophe naturelle à près de soixante communes du département de la Charente et laissé de nombreux sinistrés dans le désarroi. J’ai d’ailleurs déjà évoqué cette question avec vous, madame la ministre, lorsque vous vous êtes rendue en Charente il y a peu.
Les conséquences de ces arrêtés sont particulièrement préjudiciables tant pour les communes que pour leurs habitants qui ont subi des dommages liés à des mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols. En effet, cette décision les prive du bénéfice de la garantie et de l’indemnisation des dommages matériels directs portant atteinte à la structure ou à la substance des biens assurés.
L’état de catastrophe naturelle acté par arrêté interministériel doit en théorie constater l’intensité anormale d’un agent naturel. En pratique, l’administration a mis en place une procédure qui repose sur le modèle « SIM » – Safran-Isba-Modcou – développé par Météo France pour apprécier l’anormalité et l’intensité des effets sur le sol de la sécheresse constatée sur la période définie.
L’examen des demandes de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle se fonde essentiellement sur la comparaison entre les résultats de cette simulation et des critères fixés discrétionnairement et, en aucune façon, sur des observations et des analyses in situ.
Or aucune disposition réglementaire n’a été prise aux fins de mettre en œuvre les dispositions de l’article L. 125–1 du code des assurances, à savoir la méthode retenue par l’administration pour apprécier si une commune doit être regardée ou non comme se trouvant en état de catastrophe naturelle.
Cette situation était déjà dénoncée dans un rapport d’information du Sénat établi en 2009, lequel demandait au Gouvernement de rendre la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle plus transparente et de faire en sorte que les critères et les seuils retenus par la commission interministérielle fassent l’objet d’une traduction normative et d’une présentation accessible aux assurés.
Le Conseil d’État a probablement tiré les conséquences de cette inaction en annulant récemment un arrêté refusant de reconnaître l’état de catastrophe naturelle à une commune au motif que l’administration avait appliqué des critères non prévus par les textes et qui n’étaient donc pas opposables aux administrés.
Les résultats du modèle mathématique utilisé concluent à l’absence d’intensité anormale de l’événement climatique de l’été 2016 en Charente, alors même que les parties prenantes en la matière conviennent que cette période relevait d’une sécheresse exceptionnelle et historique, encore plus sévère que celles des années 2003 et 2013 qui avaient, quant à elles, donné lieu à une reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
C’est pourquoi j’invite le Gouvernement à bien vouloir réexaminer…
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Nicole Bonnefoy. … la situation de chacune de ces communes charentaises et à leur accorder le bénéfice de l’état de catastrophe naturelle au titre de 2016.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Nicole Bonnefoy, comme vous l’indiquez, pour décider de la reconnaissance d’une commune en état de catastrophe naturelle, la commission interministérielle est tenue de se prononcer sur l’intensité anormale de l’agent naturel à l’origine des dégâts et non sur l’importance des dégâts eux-mêmes.
Pour analyser l’intensité des mouvements de terrain différentiels, deux critères sont pris en compte. D’une part, il y a un critère géotechnique : la nature du sol d’assise des constructions doit être sensible au phénomène de retrait-gonflement – je m’excuse pour l’aspect extrêmement technique de ma réponse. La présence importante d’argile sensible au phénomène en Charente est de fait avérée.
Il existe un critère climatologique, d’autre part : les niveaux d’humidité des sols superficiels doivent faire état d’une sécheresse des sols particulièrement marquée. Leur appréciation repose sur une expertise réalisée chaque année par les services de Météo France, qui procèdent à une modélisation du bilan hydrique des sols en s’appuyant sur une grille composée de mailles de huit kilomètres de côté.
L’analyse de ces observations sur une longue période a permis de déterminer que l’épisode de sécheresse qui a touché la Charente durant l’année 2016, malgré les effets qu’il a pu entraîner, n’était pas d’une intensité anormale par rapport à d’autres événements qui ont frappé le département par le passé. Ainsi, la mise en œuvre de ces critères a conduit à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour plus de 970 communes françaises sur près de 2 500 demandes étudiées au titre de l’épisode de sécheresse de l’année 2016.
Vous évoquez ensuite le cadre normatif de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Il est fixé aux articles L. 125–1 et suivants du code des assurances et n’a en effet pas encore donné lieu à ce jour à l’adoption de dispositions réglementaires. Je vous confirme que des réflexions sont actuellement en cours pour déterminer si de telles dispositions réglementaires peuvent être prises, afin de décliner ce cadre législatif.
S’agissant enfin de l’accessibilité des décisions adoptées en matière de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, j’insiste sur le fait que les communes et les administrés concernés sont systématiquement informés des motivations des décisions prises et que celles-ci sont publiées au Journal officiel. Chaque personne intéressée est donc en mesure de connaître les critères et les seuils mis en œuvre par l’administration et, ainsi, de comprendre le sens des décisions adoptées. Je vous informe néanmoins qu’un travail visant à les rendre davantage lisibles et compréhensibles pour nos administrés est d’ores et déjà engagé.
Pour conclure, madame la sénatrice, je tiens à vous assurer que mes services se tiennent bien sûr à l’entière disposition des collectivités locales, en appui des préfectures, pour les accompagner au mieux dans la constitution de ces dossiers.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Je vous remercie pour votre réponse, madame la ministre. J’ai bien noté que vous souhaitiez travailler sur l’évolution du dispositif de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour le rendre plus accessible et plus transparent.
Je le rappelle, le rapport sénatorial de 2009 dont je parlais il y a quelques instants mettait déjà en évidence de nombreuses problématiques concernant ce dispositif et proposait un certain nombre d’avancées.
Je regrette évidemment la décision de ne pas revenir, si j’ai bien compris, sur les dossiers charentais, décision qui laisse dans le désarroi, comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire directement, de nombreux particuliers de mon département qui, au regard des éléments que j’ai exposés dans ma question, attendaient que leur dossier soit réexaminé à l’aune d’éléments de terrain plus concrets et plus réels que les simulations ou les données moins objectives aujourd’hui prises en compte dans le cadre du modèle de Météo France.
Vous savez que les sinistrés du département de la Charente comme d’autres départements – je pense à la Charente-Maritime, notamment – se sont rassemblés en association et qu’ils continueront de défendre leur droit à être indemnisés par les assurances comme ils voudraient l’être.
Mme la présidente. Je remercie Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur, de sa présence.
projet d’effacement des ouvrages hydroélectriques sur la sélune
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, auteur de la question n° 0214, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Jean Bizet. Je souhaite, monsieur le secrétaire d’État, attirer l’attention sur le projet d’effacement des ouvrages hydroélectriques de la Sélune.
Le 14 novembre dernier, M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, a décidé d’engager le projet de restauration de la biodiversité de la vallée de la Sélune, projet impliquant la déconstruction de deux ouvrages hydroélectriques.
Par cette annonce, M. Nicolas Hulot a mis un terme à plusieurs années d’incertitude. Il a clarifié la position de l’État sur ce dossier, au regard du respect de nos engagements européens – ce n’est pas neutre, puisque la liberté de circulation des poissons migrateurs et la qualité des eaux relèvent de deux directives européennes majeures –, mais aussi à l’égard des élus locaux et des collectivités concernées.
Monsieur le secrétaire d’État, en reprenant les conclusions de l’excellent travail mené par les experts du Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD, vous confortez la recherche publique française et renouez le lien entre l’analyse de l’administration et la décision politique, pour conduire un projet qui se veut exemplaire, d’un point de vue à la fois environnemental et scientifique, et ce à l’échelle européenne.
Vous avez également tenu à confirmer l’accompagnement financier de l’Agence de l’eau Seine-Normandie pour les travaux d’arasement et de renaturation. Je vous en remercie.
Toutefois, sur le plan local, des informations sont régulièrement répandues par la presse sur l’existence de projets alternatifs proposés, et par la société Valorem, et par l’association Écologie normande, porteuse du projet Territoire hydrogène Sélune, dit « H2 Sélune ». Ces démarches troublent nos concitoyens et participent à autant de désinformation, au travers de propositions économiques totalement irréalistes.
Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous apporter des éléments plus précis sur la réalité de tels projets, sur leur crédibilité et sur votre éventuelle caution – dont je doute ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président Bizet, la préservation de la biodiversité représente un enjeu essentiel, qui est au cœur des actions menées par le ministère de la transition écologique et solidaire, et ce dans tous les départements français, y compris dans la Manche.
Cet objectif a naturellement mené le Gouvernement à décider d’une restauration de la continuité écologique sur la vallée de la Sélune, dont le caractère – vous le savez mieux que quiconque, monsieur le sénateur – est unique en Europe.
Quel est le principal objectif ? Il s’agit d’ouvrir entièrement 90 kilomètres de cours d’eau à la reconquête de la biodiversité, notamment grâce au retour naturel d’espèces aquatiques emblématiques, comme le saumon de l’Atlantique ou l’anguille européenne. Un suivi scientifique des effets écologiques de la renaturation sera d’ailleurs assuré.
Comment y parvenir ? Il faut procéder à l’arasement des deux barrages de Vezins et la Roche-qui-Boit, dont le processus est déjà engagé. Le barrage de Vezins sera démantelé en premier, avant la fin de l’année 2019, et l’opération sera suivie par l’arasement du second barrage.
Pourquoi un tel choix ? La solution d’une remise en état écologique du cours d’eau est celle qui ouvre le plus de possibilités pour l’avenir de la vallée. En effet, les ouvrages n’offrent pas de perspective sérieuse pour une reprise d’activité de production d’électricité dans des conditions économiquement rentables.
Vous m’interrogez, monsieur le sénateur, sur l’existence de projets alternatifs.
Sachez que le projet de reprise par la société Valorem a été étudié avec attention par les services du ministère, mais il n’a pas été retenu car il nécessitait un coût de soutien public trop important au regard de l’enjeu énergétique.
Cette décision, sur un cas particulier à faible enjeu énergétique, mais à fort enjeu écologique et scientifique, ne remet pas en cause le soutien du Gouvernement à l’ensemble de la filière hydroélectrique. Elle témoigne, en revanche, de la volonté de concilier une politique ambitieuse de développement des énergies renouvelables avec une protection exigeante de la biodiversité.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Je vous remercie très sincèrement de la clarté de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Il n’y a donc aucun projet de production d’énergie économiquement viable sur cette rivière, qui, je le rappelle, est la deuxième rivière à saumons de France et se jette dans la baie du Mont - Saint-Michel, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.
La reconquête de la biodiversité l’emporte largement sur quelques projets non viables sur le plan économique !
Cela étant, je souhaiterais que vous puissiez, ainsi que M. le ministre d’État, vous rendre sur site pour examiner la problématique de la base de loisirs de la Mazure.
Jusqu’à ce jour, celle-ci est axée sur le tourisme social, mais compte tenu de l’ampleur du projet de reconquête de la biodiversité et des travaux envisagés, je souhaiterais, avec le concours de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, la DREAL, et du ministère, la transformer en base scientifique. Il s’agirait précisément d’étudier les impacts en matière de reconquête de la biodiversité d’un chantier qui, du fait de sa taille et de sa localisation, sera sans doute aucun un chantier de dimension européenne.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteur de la question n° 0161, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Catherine Dumas. Ma question est adressée à Mme Élisabeth Borne, ministre chargée des transports, qui est représentée ce matin par M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État.
L’annonce d’un nouveau report de livraison de la future station Porte de Clichy sur le chantier de la ligne 14 du métro, à Paris, suscite de vives inquiétudes.
En effet, en dépit des demandes du maire du XVIIe arrondissement, M. Geoffroy Boulard, de respecter le calendrier fixé, la RATP a unilatéralement annoncé, le 18 décembre dernier, un report de livraison à l’été 2020.
C’est une perspective calamiteuse pour les usagers de la ligne 13, déjà saturée à plus de 25 % de ses capacités, et pour les habitants, les commerçants et les salariés du quartier Clichy-Batignolles, qui subissent déjà des conditions de transport scandaleusement inconfortables.
Je m’interroge également sur la situation des 9 000 professionnels et justiciables qui fréquenteront chaque jour le nouveau palais de justice de Paris et les bureaux de la direction régionale de la police judiciaire.
Lors du dépôt de cette question en décembre dernier, j’indiquais mon souhait que l’État demande à la RATP de prendre ses responsabilités pour remédier à la saturation de la circulation vécue au quotidien par les 7 500 habitants de ce nouveau quartier.
J’aimerais désormais connaître les mesures compensatoires, viables et efficaces, qui peuvent être rapidement actées pour que ce ne soit pas les usagers et les riverains qui subissent, une nouvelle fois, les conséquences de cette mauvaise coordination des travaux.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Effectivement, madame la sénatrice Dumas, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence d’Élisabeth Borne. Voici la réponse qu’elle vous adresse s’agissant de cette problématique liée au métro parisien.
Rappelons tout d’abord que les travaux de ce projet sur la ligne 14 du métro, dont l’objectif est de désengorger la ligne 13 et de desservir un quartier en plein développement, ont commencé dans le courant de l’année 2014, pour une mise en service envisagée initialement à l’été 2019.
Toutefois, des venues d’eau au travers des parois moulées, provenant de la nappe phréatique, ont été constatées en juin et décembre 2016 sur le chantier de la future station Porte de Clichy. Cette situation a nécessité des interventions pour identifier leur origine, des opérations de colmatage et d’étanchéification, puis des actions de pompage. Les travaux de creusement du tunnel ont redémarré à la fin du mois de juin 2017.
La RATP a travaillé à la réorganisation générale du chantier et a arrêté, avec les entreprises, des mesures d’accélération. Grâce à ces efforts, les effets de cet incident ont été limités. Néanmoins, vous l’avez indiqué, la mise en service a été repoussée à l’été 2020.
Bien entendu, la RATP reste particulièrement attentive, tout comme le Gouvernement, à la bonne poursuite du chantier et au respect de l’échéance annoncée.
D’ici là, l’entreprise mettra en place des mesures d’accompagnement – vous les appelez mesures de compensation –, à la demande de l’autorité organisatrice des transports, Île-de-France Mobilités.
Des mesures ont déjà été prises. Je pense à la création de nouvelles lignes de bus, comme celle qui circule entre la gare Saint-Lazare et la porte de Clichy depuis octobre 2017. D’autres seront progressivement mises en œuvre : renfort de lignes existantes, dès le début de l’année 2018, et prolongement, à la fin de l’année 2018, du tramway T3 de porte de la Chapelle à porte d’Asnières.
Le cabinet de la ministre des transports se tient à la disposition des parlementaires parisiens pour préciser ces différentes mesures d’accompagnement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Dumas.
Mme Catherine Dumas. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de cette réponse qui offre des ouvertures sur un certain nombre de points. Je voudrais rappeler à Mme la ministre chargée des transports qu’un engagement de l’État est effectivement nécessaire, à travers des opérations d’intérêt national. Ce sera, à mon avis, le meilleur rempart contre un nouveau report de ce chantier de la ligne 14, que nous ne pouvons pas envisager.
rôle de la région dans la gestion des grands ports maritimes français
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, auteur de la question n° 0269, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quel avenir le Gouvernement français souhaite-t-il réserver à nos grands ports maritimes ?
Depuis la réforme portuaire d’octobre 2008, le statut de grand port maritime s’est substitué à celui de port autonome, qui caractérisait les onze ports de commerce maritime français les plus importants.
Ce statut, néanmoins, regroupe des ports à vocation internationale, au même titre que des ports placés sur des axes de trafic national. Pour ces derniers, le Premier ministre s’est prononcé, durant les assises de l’économie de la mer en novembre dernier, en faveur d’une plus grande implication des collectivités territoriales.
De surcroît, les grands ports maritimes restent aujourd’hui les derniers ports à conserver le statut d’établissements publics placés sous la responsabilité de l’État. En effet, comme le permet l’article 22 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, toutes les autres zones portuaires françaises ont d’ores et déjà décentralisé les ports à compétence départementale vers leur conseil régional de rattachement.
Dans un rapport publié voilà maintenant deux ans, la Cour des comptes rappelait l’urgence de trancher la question de la gestion des grands ports maritimes.
À titre d’exemple, le rapport mettait en évidence les difficultés financières du grand port maritime de Bordeaux, liées à un manque de vision stratégique territorialisée. Port d’estuaire éclaté sur 7 sites différents, pensez-vous réellement, monsieur le secrétaire d’État, que ce dernier puisse être géré comme n’importe quel autre grand port de France ?
Il apparaît que les spécificités du port de Bordeaux, en complémentarité avec les ports de la Rochelle et de Bayonne, ne peuvent être prises en compte qu’à l’échelle de la région Nouvelle-Aquitaine.
Une gestion régionale permettrait de mettre en exergue le rôle central joué par la zone portuaire au sein de sa région. Non seulement vecteur d’identité régionale, le port est aussi un outil d’aménagement territorial et de développement économique.
En transférant la compétence portuaire à la région, l’État permettrait une meilleure intégration des partenaires économiques et industriels irriguant jusqu’à l’hinterland. Il resterait néanmoins un acteur central pour l’accomplissement des missions régaliennes liées à la sécurité maritime et au contrôle des flux, ainsi que pour sa compétence en matière de dragage, tout particulièrement dans l’estuaire de la Gironde.
Monsieur le secrétaire d’État, cette question cruciale de gestion sera-t-elle enfin réglée dans le projet de loi sur les mobilités annoncé pour avril 2018 ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. À nouveau, madame la sénatrice Nathalie Delattre, veuillez pardonner l’absence d’Élisabeth Borne, ministre chargée des transports, qui m’a confié le soin de vous répondre.
Comme vous l’avez rappelé, à l’occasion du Comité interministériel de la mer – le CIMer – de novembre dernier, le Premier ministre a réaffirmé son engagement en faveur du développement de la compétitivité et de l’attractivité des ports.
Cette stratégie passe non seulement par la transformation du modèle économique des ports, mais aussi par la recherche d’une meilleure complémentarité entre eux. Cela conduit à la mise en place d’une nouvelle gouvernance, plus efficace et, nous le souhaitons, plus lisible.
Deux cas de figure se dégagent.
En métropole, trois systèmes portuaires ont clairement une dimension européenne et internationale et doivent, à ce titre, rester de la compétence de l’État. Ce sont les ports de l’axe Seine – Le Havre, Rouen et Paris – et les grands ports maritimes de Marseille et Dunkerque.
C’est en ce sens que M. François Philizot, pour les ports de l’axe Seine, M. Jean-Christophe Baudoin, pour celui de Marseille, et M. le préfet de région Michel Lalande, pour celui de Dunkerque, ont été missionnés.
Mais la stratégie souhaitée par le Premier ministre passe également par la mise en place d’une réflexion concernant la gouvernance des autres grands ports maritimes, identifiés comme ayant une vocation plutôt nationale.
En particulier, le Premier ministre a souhaité engager une concertation la plus large possible sur l’avenir de tous les ports de la façade Atlantique, que vous représentez, madame la sénatrice. Des échanges sont également en cours avec les élus de la région Nouvelle-Aquitaine pour partager la réflexion sur l’avenir du grand port maritime de Bordeaux.
Sachez que le Gouvernement est conscient du rôle essentiel des ports de la façade Atlantique dans l’économie de nos territoires et qu’il veillera tout particulièrement à leur donner les capacités de poursuivre leur développement économique, dans le meilleur cadre de gouvernance possible, qui pourront être débattues et rappelées lors de l’examen du projet de loi à venir.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Il y a urgence, monsieur le secrétaire d’État ! Comme le montre le bilan de la réforme de 2008, dressé par la Cour des comptes en 2017, les objectifs de performance et de compétitivité n’ont pas été atteints. Les trafics continuent de baisser, la France et l’Italie étant les seules économies maritimes à connaître ce déclin.
Si certains ports français que vous avez cités, comme Le Havre, Paris, Marseille et Dunkerque, sont des concurrents de grands ports européens et internationaux, il n’en va pas de même des ports de la façade Atlantique. Au-delà des débouchés nationaux ou infranationaux, la régionalisation permettrait de rendre ces derniers plus pertinents et compétitifs, à la seule condition que l’État tienne les engagements liés à ses compétences, notamment en matière d’entretien des accès et, en particulier, de dragage.
Comme l’a souligné la Cour des comptes à plusieurs reprises, l’État semble rencontrer des difficultés pour honorer cette obligation : au cours des dernières années, il a financé environ 50 % de ce qu’il aurait dû verser. Or le dragage constitue près du tiers du budget des ports de Nantes-Saint-Nazaire et Bordeaux.
Si cette question n’est pas traitée dans le projet de loi sur les mobilités, je profiterai d’une niche du groupe du RDSE pour présenter une proposition de loi, afin que ce sujet soit débattu rapidement dans l’hémicycle.
réintroduction de l’ours dans les pyrénées béarnaises
Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, auteur de la question n° 0238, transmise à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Denise Saint-Pé. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question porte sur le projet de réintroduction de plusieurs ours dans les Pyrénées béarnaises.
La cohabitation entre les grands prédateurs et le pastoralisme suscite des inquiétudes légitimes parmi les acteurs économiques du massif des Pyrénées.
Les attaques de troupeaux peuvent entraîner des pertes importantes pour l’activité pastorale, qui demeure la clef de voûte de l’organisation sociale et économique des montagnes dans le Haut-Béarn.
Je rappelle à ce titre que le nombre d’animaux qui transhument dans le département des Pyrénées-Atlantiques représente la moitié du cheptel de l’ensemble des Pyrénées et que ces élevages permettent d’entretenir les espaces, de préserver la qualité des paysages et la biodiversité.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous clarifier le projet du Gouvernement et revenir sur les motivations de ce projet ? Je souhaite également vous interroger sur un éventuel processus de concertation avec les élus et les forces vives du territoire. Enfin, quels seront les moyens mis en œuvre par l’État pour prévenir les dommages, accompagner les éleveurs et indemniser les éventuels dégâts causés ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Saint-Pé, vous rappelez, à juste titre, le contexte sensible dans lequel s’inscrit ce projet de réintroduction, les éleveurs subissant des dommages liés à l’ours, et des pertes directes et indirectes sur leurs troupeaux.
Nous souhaitons que toutes les solutions soient recherchées et mises en œuvre pour limiter au maximum ces impacts sur une activité pastorale essentielle pour l’activité économique de vos territoires.
Vous savez que l’ours est une espèce strictement protégée aux niveaux international, communautaire et français. À ce titre, les autorités françaises doivent veiller au bon état de conservation de la population ursine présente dans les Pyrénées, sur les territoires relevant tant de la France que de l’Espagne et de l’Andorre.
L’expertise collective réalisée en 2013 par le Muséum national d’histoire naturelle montre que la France doit intervenir pour assurer un état de conservation et de maintien de la population conforme à ses engagements européens. La Commission européenne, comme vous le savez, est particulièrement attentive à la politique de gestion de l’espèce qui sera adoptée.
Mais la concertation, et je vous remercie de l’avoir signalé, doit rester au cœur de l’action de l’État français et du Gouvernement.
C’est pourquoi le ministre d’État Nicolas Hulot va demander au préfet des Pyrénées-Atlantiques de mettre en place, au niveau du département, une concertation avec l’ensemble des parties prenantes, afin de déterminer les mesures d’accompagnement nécessaires à la bonne acceptation d’une potentielle réintroduction de deux ourses. Nous souhaitons associer les parlementaires à cette démarche.
Le ministre d’État demandera également à la préfète de l’Ariège de se charger d’une concertation sur les besoins du pastoralisme, en s’appuyant sur un audit conjoint du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux et du Conseil général de l’environnement et du développement durable.
Le ministère s’engage également à soutenir l’action de la Pastorale pyrénéenne, qui n’a pas pu faire face à toutes les demandes en 2017, à poursuivre une étude sur le comportement de prédation des ours en France et en Italie. Les résultats pourront servir de base pour étudier plus précisément l’efficacité des moyens de protection et leur adaptation.
Enfin, le travail d’harmonisation des barèmes d’indemnisation des dommages dus aux grands prédateurs permettra de mieux prendre en compte tous les coûts provoqués par les attaques d’ours. Il s’agit là d’une demande ancienne.
Le Gouvernement attache donc une importance particulière à l’élaboration d’une politique équilibrée entre sauvegarde des espèces protégées et développement d’un élevage de qualité en France. Nous serons preneurs, madame la sénatrice, de vos retours sur la conduite de la concertation qui sera menée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé.
Mme Denise Saint-Pé. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État. La volonté de défendre l’ours et son habitat doit s’accompagner de la volonté de donner aux hommes les garanties de la pérennité de leurs activités.
C’est la raison pour laquelle le processus de concertation est nécessaire. Il permettra de favoriser l’acceptabilité sociale du projet, mais surtout d’assurer l’information et l’accompagnement de ceux pour qui la réintroduction de l’ours constitue un facteur de risque.
J’ai bien pris note de vos engagements et je serai attentive à la mise en place des mesures que vous avez annoncées.
fin des contrôles d’identité des passagers aériens
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, auteur de la question n° 0215, transmise à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Jean-Yves Leconte. Cette question, initialement adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, a été transmise à Mme la ministre chargée des transports.
Elle porte sur l’annonce de la compagnie Air France, selon laquelle celle-ci ne procède plus, depuis le 22 janvier 2018, à la vérification en porte d’embarquement de la concordance documentaire entre l’identité indiquée sur le billet du voyageur et ses justificatifs d’identité – passeport ou carte nationale d’identité selon les vols. Cela concernerait l’ensemble du territoire français, les vols en France et à l’intérieur de l’espace Schengen, ainsi que les filiales Hop ! et Transavia.
Cette mesure inquiète, à juste titre, le Syndicat des pilotes d’Air France. Ainsi, son président déclarait sur une antenne de radio : « Avec cette mesure, vous pouvez avoir un passager dans l’avion qui vient pour essayer de commettre un acte de malveillance. Heureusement, les bagages sont filtrés mais globalement, vous pouvez très bien avoir un passager dans l’avion qui a fait acheter son billet par quelqu’un d’autre pour de mauvaises raisons. »
La compagnie Air France indique, pour sa part, qu’elle a informé les autorités compétentes des points suivantes : les mesures de vérification de la concordance d’identité entre la carte d’embarquement et la pièce d’identité du voyageur étaient uniquement liées à la période d’état d’urgence ; elles avaient été temporairement remises en place depuis 2016 ; dès lors que l’état d’urgence a été levé le 1er novembre 2017, ces procédures n’auraient plus de raison d’être.
Or la France s’est dotée de plusieurs traitements de données à caractère personnel en vue d’exploiter les données relatives aux passagers aériens - les données de réservation, ou données PNR, pour Passenger Name Record, ainsi que les données d’enregistrement, ou données API, pour Advance Passenger Information - transmises par les transporteurs et par les opérateurs de voyage ou de séjour affrétant tout ou partie d’un aéronef.
Notre pays a également été un acteur important dans la mise en place du PNR européen, un fichier recensant l’identité de tous les passagers des avions qui ont circulé dans l’espace européen, y sont entrés ou en sont sortis, et auquel peuvent accéder les services de renseignement. Nous avons aussi mis en place un PNR national.
Les articles 13 et 14 de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme autorisent le Gouvernement à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel « pour les besoins de la prévention et de la constatation de certaines infractions, du rassemblement des preuves de ces infractions ainsi que de la recherche de leurs auteurs ».
Monsieur le secrétaire d’État, quelle est l’utilité de ces traitements de données à caractère personnel, en particulier du PNR, si aucune vérification de l’identité des personnes qui embarquent à bord d’un avion n’est plus effectuée ? Tout individu peut alors faire acheter son billet par un tiers et disposer d’une carte d’embarquement sous une autre identité que la sienne…
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. La question soulevée relevant d’une compétence conjointe du ministre d’État, ministre de l’intérieur, et de la ministre des transports, je vous apporte, monsieur le sénateur Leconte, une réponse conjointe de leur part.
Le renforcement de la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme constituent évidemment une priorité absolue pour le Gouvernement, comme pour ses prédécesseurs.
Le système de sûreté de l’aviation civile repose sur une combinaison de mesures et de moyens.
Le premier pilier est, bien entendu, le contrôle d’accès et l’inspection-filtrage de l’ensemble des personnes, des véhicules et des biens accédant aux zones de sûreté à accès réglementé des aéroports. Ainsi, toute personne embarquant à bord d’un avion fait l’objet d’un contrôle de sûreté, quelle que soit son identité.
La mesure de vérification de concordance entre l’identité du passager mentionnée sur le titre de transport et le document attestant de son identité, effectuée lors de l’embarquement, avait été supprimée en 2012, puis rétablie en 2015 au lendemain des attentats, pour la durée de l’état d’urgence. L’objectif était d’accompagner le renforcement des contrôles transfrontaliers. L’état d’urgence ayant cessé le 2 novembre dernier, la mesure est tombée de fait, comme vous l’avez indiqué.
Toutefois, le Gouvernement a décidé de la pérenniser. Un projet d’arrêté relatif aux mesures de sûreté de l’aviation civile est actuellement proposé aux ministères signataires concernés.
La mesure sera donc réintroduite dans le dispositif de sûreté de l’aviation civile, dès la publication de ce texte au Journal officiel de la République française.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le secrétaire d’État. Il était indispensable de corriger cette situation. La crédibilité de la France, qui s’est engagée, pendant plusieurs années, en faveur de la mise en place du PNR, était à l’évidence entamée dès lors que nous ne disposions plus des procédures nous permettant de mettre à profit un tel dispositif. Que le contrôle ne soit pas systématique, c’est une chose, mais que la compagnie nationale affirme qu’elle n’y a plus du tout recours et que, de ce fait, le PNR ne serve à rien, c’en est une autre !
Je salue donc le futur arrêté, qui redonnera une utilité à cette base de données.
avenir du fonds d’amortissement des charges d’électrification
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 0153, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Jean-Yves Roux. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question concerne l’avenir du Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACÉ.
Depuis sa création en 1936, ce fond remplit des missions de service public et d’aménagement du territoire indispensables aux territoires ruraux.
Plus de 80 ans après son instauration – et après sa transformation, en 2011, en compte d’affectation spéciale –, les besoins d’électrification en milieu rural nécessitent des investissements importants et constants : le renforcement, la sécurisation, l’enfouissement, l’extension des lignes électriques, mais aussi la remise à niveau en cas d’intempéries constituent des défis de grande ampleur.
Or nous avons tous constaté sur ces travées une diminution de l’ordre de 4 % des aides versées aux autorités organisatrices de la distribution d’électricité pour le financement des travaux d’électrification en zone rurale pour l’année 2018.
Les besoins des collectivités locales éligibles, monsieur le secrétaire d’État, n’ont pas diminué pour autant, et ce d’autant plus que les travaux d’électrification rurale doivent également prendre en compte, et à juste titre, le défi de la transition énergétique.
Comme vous le savez, le rapport d’information du 15 février 2017 de la commission des finances du Sénat, intitulé Le FACÉ : un outil indispensable mais perfectible au service de la qualité de l’électricité dans le monde rural, a suggéré de faire évoluer la gouvernance et les missions du fonds.
Je rappelle en préalable la teneur de sa proposition 14, qui souligne, au regard de l’ampleur des besoins de travaux restant à financer, l’importance de maintenir à niveau constant le montant des aides du FACÉ. Il n’a pas été possible de le faire dans le cadre du présent exercice budgétaire.
La proposition 16, quant à elle, met en avant la nécessité d’élargir les aides du FACÉ au soutien à la transition énergétique en milieu rural, notamment pour la rénovation de l’éclairage public, le raccordement des énergies renouvelables ou l’installation de bornes électriques.
Par ailleurs, compte tenu de la réforme intercommunale et de la création de communes nouvelles, les critères d’attribution du FACÉ nous paraissent, dans certains cas, inadaptés, voire obsolètes. L’assiette des communes potentiellement éligibles pourrait être ainsi revue.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite connaître les intentions du Gouvernement quant à une réforme prochaine du FACÉ, permettant de maintenir un haut niveau d’investissement en milieu rural, plus particulièrement pour assurer la transition énergétique.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Roux, j’ai eu l’occasion de dire, lorsque j’ai porté le budget du ministère, à quel point le Gouvernement était attaché à ce dispositif du FACÉ, qui constitue effectivement un véritable outil de péréquation et d’égalité entre les territoires et qui permet d’améliorer la qualité de l’électricité distribuée dans les zones rurales.
Nous partageons largement les propositions du rapport sénatorial que vous évoquez, monsieur le sénateur. Il est évidemment nécessaire, afin d’assurer la pérennité du dispositif et de préserver sa pertinence, d’adapter ses objectifs et ses modalités d’intervention à la nouvelle donne énergétique.
À ce titre, le Gouvernement est favorable à ce que le compte d’affectation spéciale FACÉ accompagne davantage les évolutions des réseaux de distribution dans le contexte de la transition énergétique.
Que pouvons-nous déjà envisager ? Un soutien au raccordement des projets d’énergies renouvelables, en particulier les projets développés à travers des initiatives citoyennes ou mis en œuvre par les collectivités locales ; des expérimentations pour financer des projets en matière de stockage et de réseaux intelligents.
Nous sommes favorables à ce qu’un débat puisse avoir lieu, dès cette année, sur ces questions avec le conseil du FACÉ et les autorités concédantes, en même temps que nous discutons sur la PPE.
Concernant les crédits, j’ai porté le budget pour 2018 du ministère – devant vous d’ailleurs, monsieur le sénateur, en commission. Je peux donc vous dire que, depuis la création du compte d’affectation spéciale FACÉ en 2012, nous observons, chaque année, une consommation de crédits de paiement inférieure au montant des autorisations d’engagement que le Parlement a ouvertes au titre de l’année.
Ce décalage s’explique structurellement par la nature pluriannuelle des projets soutenus et par des aléas inhérents à toutes les opérations de travaux.
Néanmoins, cela conduit à une accumulation des crédits reportés d’une année sur l’autre et à l’augmentation régulière du solde comptable positif du compte d’affectation spéciale.
Vous vous en doutez, ce point est régulièrement soulevé par la Cour des comptes.
Cette situation appelle donc un effort collectif de la part de l’administration comme des autorités organisatrices bénéficiaires des aides pour améliorer la consommation de crédits et les délais de réalisation des travaux.
Concernant le budget pour 2018, la baisse de l’enveloppe du compte d’affectation spéciale à un niveau – 360 millions d’euros – qui demeure supérieur aux meilleures consommations de crédits observées en « rythme de croisière » – 350 millions d’euros en 2013, 2016 et 2017 – permettra donc de limiter le montant des reports de crédits, voire d’engager la décroissance du solde de trésorerie du compte d’affectation spéciale.
Nous aurons l’occasion d’en reparler en fin d’année, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019. Enfin, si je suis toujours là… (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, mais, vous le savez, la transition énergétique en milieu rural devrait se faire à enveloppe constante, car, et vous l’avez indiqué, nous en avons besoin pour l’entretien, mais aussi pour la sécurisation des lignes.
Il y a peut-être une réflexion à mener autour d’une table pour réfléchir à l’avenir et envisager les moyens qui pourraient être mis en œuvre et, peut-être, pour revoir certains critères.
Mme la présidente. Je remercie M. le secrétaire d’État Sébastien Lecornu de sa présence et souhaite la bienvenue à M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
téléphonie fixe et téléphonie mobile
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, auteur de la question n° 0266, adressée à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Jean-Marc Boyer. Monsieur le ministre, la qualité des réseaux de téléphone fixe, de téléphone mobile et internet est plus qu’inadmissible dans le Puy-de-Dôme.
Dans ce département, une commune entière n’a pas eu de téléphone fixe pendant deux mois en ce début d’année 2018. Imaginez la situation des personnes en téléassistance et des personnes isolées…
Dans ce département, ce sont des coupures constantes de téléphone fixe et de téléphone mobile de manière quotidienne.
Dans ce département, encore, c’est un débit internet constamment instable et peu performant, avec un ADSL de qualité souvent médiocre. Cela peut même aller jusqu’à des coupures qui durent dix jours, sans accès à internet, comme cela a été le cas en novembre dernier dans plusieurs communes.
Il s’agit du quotidien de nombreux habitants du Puy-de-Dôme, tels ceux des communes de Vernines, Saint-Sandoux, Orcival, Aydat, et plus largement de ceux de la couronne clermontoise, pour ne citer que ces cas emblématiques. C’est aussi le cas de sites touristiques importants tels que Vulcania, le Panoramique des Dômes, la chaîne des Puys, en attente d’une inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Il a été annoncé ce 14 janvier 2018 la signature d’un accord historique afin d’accélérer la couverture numérique des territoires. Il s’agirait d’un plan ambitieux d’inclusion numérique. Le Puy-de-Dôme attend avec impatience de bénéficier d’une bonne couverture, telle qu’elle est promise par cet accord.
Je souhaiterais ainsi savoir quand débutera la mise en œuvre de ce plan annoncé et comment il sera décliné pour le Puy-de-Dôme. Comment seront sélectionnés les 5 000 sites de ce plan gouvernemental ? Et pouvez-vous me confirmer que d’ici à 2020 le Puy-de-Dôme bénéficiera dans son ensemble d’une bonne couverture en 4G ?
Par ailleurs, pouvez-vous faire état des mesures qui seront mises en place afin de retrouver des réseaux de téléphonie fixe en état d’usage ? À quand le Puy-de-Dôme dans la « start-up nation » avec des réseaux de communication de qualité et un réseau internet sans coupure récurrente ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, l’accès au numérique est une priorité partout sur le territoire de la République.
Le 14 décembre dernier, à Cahors, le Premier ministre a annoncé une feuille de route pour améliorer la couverture des territoires en internet fixe. Dans ce cadre, le Gouvernement a fait le choix de conforter et de sécuriser une enveloppe de 3,3 milliards d’euros de soutien aux réseaux d’initiative publique.
Votre département, le Puy-de-Dôme, fait partie d’un projet de déploiement d’un réseau d’initiative publique à l’échelle de l’ancienne région, porté par la régie Auvergne Numérique. Ce projet est l’un des projets pionniers du Plan France Très Haut Débit.
Il fait l’objet d’un contrat de partenariat conclu avec Orange en 2013 pour une durée de 24 ans. Les déploiements ont débuté en 2014 et 41,78 millions d’euros de subvention de l’État ont déjà été décaissés, sur un total de 57,4 millions d’euros.
La commune de Saint-Sandoux que vous évoquez a d’ailleurs bénéficié de premiers déploiements de fibre optique jusqu’à l’abonné, et ce sont aujourd’hui 342 locaux – chiffres de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, au quatrième trimestre de 2017 – qui sont à ce jour raccordés en fibre optique. Les habitants d’Aydat en bénéficieront pour 2019 au plus tard.
Pour les communes de Vernines et d’Orcival, il est de notre devoir de garantir à leurs habitants des débits de qualité, a minima 8 mégabits par seconde. C’est pourquoi nous mettrons en place à la fin de l’année 2018 un guichet de cohésion numérique des territoires pour accompagner les usagers en équipements de réception hertzienne et leur offrir, comme à l’ensemble de nos concitoyens, un accès à un débit de 8 mégabits par seconde.
En attendant que les efforts engagés conjointement par les collectivités territoriales et l’État produisent leurs effets sur les territoires, il est indispensable que le réseau téléphonique support de l’Internet ADSL soit convenablement maintenu pour assurer le service universel auquel a droit chacun de nos concitoyens.
Dans ce cadre, les dégradations ou coupures persistantes du réseau cuivre, comme à Vernines, ne sont pas admissibles. Jacques Mézard a eu l’occasion de recevoir il y a quelques jours le P-DG d’Orange pour lui rappeler les obligations qui pèsent sur l’opérateur en charge du service universel.
À la fin de l’année dernière, nous avons renforcé ses obligations de qualité de service.
Il appartient à présent à l’autorité de régulation, l’ARCEP, qui est l’autorité chargée du contrôle de la qualité du service universel, d’être pleinement vigilante et d’engager, le cas échéant, les mesures nécessaires à la garantie de ce droit essentiel pour chacun de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Boyer.
M. Jean-Marc Boyer. Le Puy-de-Dôme, comme j’ai pu vous en donner de nombreux exemples, est en forte attente d’une réelle amélioration de ces réseaux fixes, mobiles et internet. Et j’espère sincèrement que ce message des territoires est bien passé. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. Les problématiques de téléphonie et d’accès à internet concernent essentiellement la ruralité et donc le monde agricole également, au premier plan le département du Puy-de-Dôme, où vous étiez en visite voilà quelques semaines avec le Président de la République.
mise en place d’une continuité de service durant les week-ends dans les abattoirs départementaux
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, auteur de la question n° 0201, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre position sur la mise en place d’une continuité de service dans les abattoirs durant les week-ends, et je vous remercie d’être personnellement présent ce matin pour répondre à cette question.
Au vu de l’expérience de divers éleveurs, il apparaît en effet qu’aucun service n’est assuré en fin de semaine dans plusieurs territoires de notre pays, ce qui contraint les agriculteurs à aller faire abattre leurs animaux dans les départements voisins, voire parfois au-delà.
Il en résulte, comme vous l’imaginez, un temps de transport plus long, se faisant au mépris du bien-être animal, qui est un sujet de plus en plus prégnant dans nos sociétés, et entraînant des conséquences financières supplémentaires pour les éleveurs : frais de transport plus importants, mais aussi parfois mort de l’animal survenue hélas ! entre-temps – et donc, pour l’éleveur, une perte sèche, si je puis m’exprimer ainsi.
Les questions, d’une part, du maintien des abattoirs de proximité et, d’autre part, de la mise en place d’une continuité de service dans ces abattoirs doivent être résolues afin d’éviter aux animaux des souffrances inutiles et pour éviter aux éleveurs une surcharge, tant en termes financiers qu’en termes de temps de travail.
Aussi, monsieur le ministre, j’aimerais connaître les mesures que vous préconisez pour pallier cette situation totalement inacceptable.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice Marie-Françoise Perol-Dumont, je vous remercie de votre question, qui va me permettre de vous exposer ce que nous souhaitons faire dans le cadre des futurs états généraux de l’alimentation sur les questions de bien-être animal, question prégnante comme vous l’avez rappelé.
Nous allons mettre en place prochainement un certain nombre de mesures destinées à renforcer les contrôles et à accompagner non seulement les éleveurs, mais aussi les vétérinaires et celles et ceux qui travaillent dans les abattoirs ou qui assurent le transport des animaux, pour permettre que le bien-être animal soit particulièrement respecté.
La question d’une continuité de service pour permettre les abattages d’urgence en dehors des heures de fonctionnement des abattoirs, sur laquelle vous m’interrogez, est, en premier lieu, du ressort des professionnels. Il est donc de leur responsabilité d’assurer cette continuité. Les services de l’État, quant à eux, assurent leurs missions d’inspection et organisent avec les professionnels concernés la réalisation des inspections nécessaires à ces abattages.
Cependant, il est vrai que les exploitants d’abattoir rencontrent parfois des difficultés pour assurer ces services, pour des raisons essentiellement économiques, avec les conséquences que vous avez indiquées.
L’État a pris pleinement conscience de ces difficultés et a déjà adopté un certain nombre de dispositions pour y remédier.
D’une part, un groupe de travail avec les professionnels réfléchit sur la transportabilité des animaux et le respect de la protection animale dans le cadre des abattages d’urgence.
D’autre part, nous allons travailler avec le Conseil national de l’alimentation dans le cadre des réunions du Comité national d’éthique des abattoirs, lequel traitera du processus de l’abattage, mais aussi du transport des animaux, notamment des animaux accidentés.
Un travail sera également mené dans le cadre du grand plan d’investissement pour aider à investir dans ces abattoirs de proximité, qui peuvent permettre à un bon nombre d’éleveurs de parcourir moins de kilomètres pour faire procéder à l’abattage de leurs animaux. Ils assurent un service public de proximité de qualité sur lequel les éleveurs pourront demain s’appuyer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse sur ce sujet qui est loin d’être subalterne. Je vous remercie également des perspectives que vous ouvrez.
Si beaucoup de nos concitoyens se détournent aujourd’hui de la consommation de viande, voire, pour certains, l’abandonnent totalement, c’est sans doute multifactoriel. Mais la question de l’éthique de l’élevage, de l’éthique de l’abattage, la question du bien-être animal n’y sont pas étrangères et ce sujet mérite d’être pris à bras-le-corps.
Par ailleurs, vous connaissez parfaitement la situation financière du monde agricole : de nombreux agriculteurs, et singulièrement des éleveurs, comme c’est le cas dans mon département, pratiquent un élevage extensif de qualité et leurs finances peuvent difficilement supporter des surcoûts de charges.
Nous sommes là au croisement de deux dialectiques, que je vous remercie de bien vouloir intégrer.
ventes sauvages de fruits et légumes
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, auteur de la question n° 0248, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Brigitte Micouleau. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Depuis plusieurs années maintenant fleurissent aux quatre coins de la grande agglomération toulousaine, mais également dans d’autres communes d’Occitanie, des ventes sauvages de fruits et légumes.
Une installation sommaire sur un parking ou un trottoir, un ou deux vendeurs qui se relaient et des prix imbattables : 1 euro le kilo de tomates ou d’oranges, 1,20 euro celui de nectarines, 1,60 euro les deux melons.
Derrière ce commerce, les questions se multiplient : quelle traçabilité pour des produits qui viennent, soi-disant, d’Espagne ? Quel respect des règles d’hygiène et de concurrence ? Quid des conditions de travail de ces vendeurs ou encore de l’acquittement des différentes taxes ?
Les consommateurs restent sans réponse et la filière fruits et légumes ne cesse de tirer la sonnette d’alarme. En vain !
Pourtant, il semble bien que ces points de vente ne respectent pas toutes les règles posées par l’article L. 310-2 du code de commerce, qui définit et organise les ventes au déballage. Ne serait-ce qu’au regard de la durée maximale d’installation, qui ne doit pas dépasser deux mois par année civile.
En 2017, seulement cinquante stands de ce type ont été contrôlés en Occitanie, pour sept procédures contentieuses et deux procès-verbaux administratifs dressés…
Aussi, monsieur le ministre, est-il envisageable, d’une part, de voir les contrôles de ce type de ventes significativement renforcés et, d’autre part, en cas de non-respect de la réglementation, de voir des sanctions dissuasives prononcées ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice Brigitte Micouleau, vous le savez, la vente au déballage est régie par le code de commerce, qui fixe les restrictions dans lesquelles ces ventes peuvent se réaliser. Une déclaration préalable devant le maire est ainsi nécessaire. Par ailleurs, cette vente ne peut excéder deux mois, que ce soit dans un même local ou sur un même emplacement, comme vous l’avez rappelé. Une fois la durée de deux mois écoulée, le vendeur ne peut pas poursuivre cette vente dans un autre local ou sur un autre emplacement situé sur le même arrondissement départemental.
Concernant le respect des règles d’hygiène, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation effectue chaque année des inspections tout au long de la chaîne alimentaire, afin de vérifier que tous les opérateurs respectent bien leurs obligations réglementaires.
S’agissant des productions végétales plus précisément, dont les fruits et légumes, ce sont environ 500 contrôles qui sont réalisés annuellement par les services régionaux de l’alimentation, afin de vérifier le respect des règles d’hygiène de production conformément à la réglementation européenne.
Alors que la nouvelle campagne d’été démarre, vous pouvez compter sur ma mobilisation et ma vigilance sur les contrôles interservices qui pourront être diligentés sur ces pratiques de vente, afin de lutter contre leurs dérives et de protéger les producteurs de fruits et légumes, ainsi que les commerçants.
J’ajoute que nous avons créé un comité mixte fruits et légumes avec l’Espagne, qui nous permet d’appréhender ces périodes de l’année où nous avons affaire à de la vente au déballage et à de la vente sauvage. Ce comité mixte franco-espagnol a pour but aussi de calibrer les importations et les flux de fruits et légumes qui peuvent provenir de nos deux pays, afin de répondre à la demande de qualité des consommateurs, mais aussi pour mieux réguler les productions qui se retrouvent sur les étals des marchands.
Ce comité mixte franco-espagnol fonctionne plutôt bien. Il a permis un certain nombre de résultats plutôt encourageants pour que l’ensemble des productions françaises et espagnoles puissent mieux s’intercaler à mesure que la saison passe.
Voilà, madame la sénatrice, les éléments que je pouvais vous indiquer ce matin, en vous rappelant tout notre intérêt et toute notre mobilisation pour faire en sorte que ces ventes sauvages diminuent, et notre volonté de protéger nos filières.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Micouleau.
Mme Brigitte Micouleau. Merci, monsieur le ministre, de votre réponse. J’insiste : les professionnels de la filière de vente de fruits et légumes restent très inquiets face à cette prolifération des ventes sauvages. À Quint-Fonsegrives, en Haute-Garonne, on compte déjà deux marchands sauvages d’oranges, alors que les primeurs locaux paient normalement leurs taxes.
Il serait peut-être opportun de faire évoluer la législation. À ce propos, la filière des fruits et légumes souhaite la constitution d’un groupe de travail sur cette question, groupe qui pourrait réunir les représentants des pouvoirs publics locaux et nationaux, les parlementaires, des responsables des services de contrôle.
J’espère que cette proposition sera entendue et reprise par le Gouvernement.
accompagnants des élèves en situation de handicap dans l’enseignement agricole public
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, auteur de la question n° 0259, transmise à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Élisabeth Doineau. Monsieur le ministre, mes chers collègues, les accompagnants des élèves en situation de handicap, les AESH, sont les garants d’une inclusion scolaire bienveillante pour l’enfant. Malheureusement, les auxiliaires de vie scolaire doivent composer avec la précarité de leur fonction – des contrats souvent en CDD ou à temps partiel –, ce qui peut nuire à la relation avec l’enfant, qui a besoin de nouer une relation de confiance avec l’accompagnant.
Cette précarité prend également la forme d’une différence de traitement entre les personnels sous statut AESH dans l’enseignement agricole public et ceux qui sont employés dans l’éducation nationale. C’est ce qui motive ma question.
Selon le Syndicat national de l’enseignement technique agricole public, le SNETAP, un différentiel de rémunération de près de 25 % existerait au détriment des premiers. Il faut y voir la conséquence du mode de calcul retenu : le salaire s’établit sur le nombre de semaines de présence réelle du jeune accompagné.
Ainsi, pour une trentaine d’heures de travail par semaine, un accompagnant peut se retrouver avec une rémunération d’à peine 800 euros, ce qui est inférieur au seuil de pauvreté.
Développer la reconnaissance du métier d’AESH participe d’une plus grande reconnaissance des personnes atteintes de handicap, notamment les enfants.
Dans une lettre ouverte à Jean-Michel Blanquer, un collectif d’AESH qui réunit plus de 9 000 auxiliaires de vie scolaire et parents d’enfant handicapé réclame une meilleure définition de leur statut, avec la création d’un « véritable corps de métier » d’accompagnant scolaire d’enfants en situation de handicap.
Mme Cluzel a déclaré, à la fin de l’année 2017, qu’elle souhaitait « basculer sur une vraie professionnalisation » avec le recrutement de 11 200 accompagnants d’élèves en situation de handicap en 2018.
Aussi, je vous demande quelles mesures vous comptez mettre en œuvre pour instaurer un véritable statut unifié de l’accompagnant dans l’enseignement agricole public et dans l’éducation nationale.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice Élisabeth Doineau, vous appelez mon attention sur la situation des accompagnants des élèves en situation de handicap dans l’enseignement agricole public.
Rendre l’école inclusive est une priorité du Gouvernement et de mon ministère, qui est chargé de l’enseignement agricole.
Nous sommes très engagés dans cette prise en charge des élèves. L’organisation spécifique de l’enseignement agricole, avec des établissements à taille humaine, l’importance des places en internat, une pédagogie différenciée qui laisse une place importante aux projets concrets autour de l’exploitation agricole et de la nature, en fait un dispositif bien adapté aux jeunes en situation de handicap et à leurs familles.
Ces éléments expliquent en partie que la part des élèves bénéficiant d’un plan personnalisé d’accompagnement a plus que doublé depuis la rentrée 2011 et que la part de ces élèves est substantiellement supérieure à celle de l’éducation nationale.
Les élèves de l’enseignement agricole qui en ont besoin bénéficient du concours des auxiliaires de vie scolaire, les AVS. Ceux-ci sont recrutés directement par les établissements, soit en contrat aidé – mais, comme vous le savez, ces contrats ont vocation à disparaître –, soit en contrat d’AESH.
La prise en charge des élèves en situation de handicap fait l’objet d’un effort sans précédent de mon ministère, assorti de la création de 175 postes d’AVS depuis la rentrée 2012.
Ainsi, 1 604 élèves en situation de handicap ont bénéficié d’une aide humaine à la rentrée 2016 dans un établissement agricole, ce qui représente 475 équivalents temps plein – 300 en contrat aidé et 175 sur un statut d’AESH.
Le décret n° 2014–724 du 27 juin 2014 relatif aux conditions de recrutement et d’emploi des AESH permet aux établissements de mieux répartir le travail des AESH sur une période d’une durée de 39 à 45 semaines. Ce décret s’applique aux AESH du ministère de l’éducation nationale et du ministère de l’agriculture et de l’alimentation.
Dans le cadre de leur autonomie, et pour faire face à des besoins en forte croissance, certains établissements peuvent déroger aux dispositions du décret. Je peux vous assurer que des instructions ont été passées aux directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, les DRAAF, pour rectifier ces situations et que je suivrai de très près l’évolution de ce dossier, qui ne peut rester en l’état.
Enfin, lors du comité interministériel du handicap qui s’est tenu le 20 septembre 2017, je me suis engagé à améliorer la qualité de l’accompagnement et de l’inclusion du jeune dans sa scolarité par une meilleure professionnalisation des personnels chargés de l’aide humaine aux élèves en situation de handicap, par une transformation des contrats aidés en contrats AESH. Je me suis engagé à transformer 20 % des contrats aidés en contrats d’AESH chaque année, pendant cinq ans.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Je vous remercie, monsieur le ministre. Je connais l’engagement de ce gouvernement vis-à-vis du handicap, mais je voulais surtout mettre l’accent sur la différence de traitement qu’il y avait entre l’enseignement scolaire agricole et l’éducation nationale.
Même si je sais bien que je n’aurai pas de réponse, j’en profite également pour vous parler d’un second sujet, qui concerne aussi l’enseignement agricole public et qui m’a été exposé en fin de semaine dernière, par courrier.
L’intersyndicale des directeurs des établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricole, qui représente plus de 80 % de la profession, s’émeut de l’absence d’avancées quant à leur statut.
Lors du précédent quinquennat, un premier projet n’avait pas pu aboutir, alors même que la profession contribue pleinement à la réussite de ces établissements. Selon l’intersyndicale, un nouveau projet est en discussion depuis plusieurs mois avec les directions ministérielles et cette nouvelle mouture fragiliserait le statut d’emploi existant, me disent-ils. Le dossier serait actuellement bloqué faute du lancement d’une expertise sur la création d’un statut de corps interministériel à gestion ministérielle calqué sur le statut de celui de l’éducation nationale.
Cette situation entre en contradiction avec la loi de 1984, qui prône l’égalité de traitement avec l’éducation nationale, d’autant plus que le statut d’emploi ne leur permet pas de candidater à certaines fonctions ou de bénéficier des mesures réservées au statut de corps.
L’intersyndicale demande ainsi que les mesures « parcours professionnels, carrières et rémunérations », ou PPCR, soient intégrées par décret dans le statut d’emploi existant, comme cela a toujours été fait pour les revalorisations salariales, en application de la loi du 9 juillet 1984, mesure intégrée à l’article L. 811-8 du code rural.
Elle demande également qu’une expertise soit engagée sur la création d’un éventuel corps de direction interministériel à gestion ministérielle.
Je vous remets donc, monsieur le ministre, copie de ce courrier parce que je sais bien que vous ne pouvez pas y répondre présentement. Je vous remercie de l’attention que vous y porterez.
suppression de classes en milieu rural
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, auteur de la question n° 0203, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Olivier Paccaud. Monsieur le ministre, « les territoires, en particulier les plus ruraux, ne peuvent plus être la variable d’ajustement d’économies. C’est pourquoi il n’y aura plus de fermeture de classes dans les écoles primaires ».
Ainsi parlait le Président de la République, ici même au Sénat, le 17 juillet dernier, dans le cadre de la Conférence nationale des territoires.
« Il n’y a aucun endroit en France où on ferme une classe quand il y a une augmentation du nombre d’élèves. »
Ainsi parlait le ministre de l’éducation nationale le 14 mars dernier sur le plateau de France 2, au journal télévisé.
Des milliers de parents d’élèves, d’enseignants et d’élus de communes rurales ont cru les paroles présidentielle et ministérielle. Aujourd’hui, ils sont en colère.
D’abord parce qu’on leur ment. Ensuite, car « en même temps » que l’on ferme des classes en zone rurale selon une logique mathématique, on ouvre dans certains quartiers sensibles des classes dédoublées de 12 élèves en cours préparatoire, selon une logique mathématique totalement inverse.
Ce qui est bon pour les écoliers des quartiers sensibles ne le serait donc pas pour ceux des zones rurales ?
Est-il cohérent, monsieur le ministre, est-il surtout républicain d’avoir, d’un côté, des classes de 12 élèves et, de l’autre, des classes de 20, 22, 25 élèves à double, triple ou quadruple niveau ?
Pis, est-il cohérent de fermer des classes là où les effectifs sont stables ou augmentent, comme dans l’Oise, mon département, à Abbecourt-Saint Sulpice, Villers-Saint-Sépulcre, Cauvigny, Saint-Félix ? Je pourrais citer d’autres noms.
La ruralité se sent oubliée, négligée, méprisée ; il faut lui envoyer un signal fort.
Aussi ai-je proposé au Président de la République, voilà un mois, via une lettre ouverte cosignée par une cinquantaine de mes collègues, l’expérimentation de classes de cours préparatoire dédoublées en zone rurale à revitaliser.
J’attends toujours sa réponse. Peut-être pourrez-vous me la donner ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, votre question sur l’école en milieu rural est essentielle. Vous parlez de ruralité méprisée, outragée ; vous pourrez bientôt en faire le panégyrique, car, selon la formule bien connue, la ruralité sera bientôt libérée, avec les actions que ce gouvernement est en train de conduire.
La préparation de la rentrée scolaire 2018 est marquée par un soutien budgétaire incontestable en faveur du premier degré. À la rentrée 2018, il y aura 32 657 élèves de moins dans le premier degré, et, dans le même temps, nous allons créer 3 880 emplois de professeurs des écoles. Si la baisse démographique avait été strictement appliquée, 1 400 postes auraient été supprimés.
Cet effort budgétaire se traduit concrètement par un meilleur taux d’encadrement sur l’ensemble du territoire dans le premier degré. Le ratio du nombre de professeurs pour 100 élèves sera de 5,55 à la rentrée 2018, alors qu’il était de 5,46 à la rentrée 2017 et de 5,20 à la rentrée 2012.
À la rentrée 2018, chaque département comptera donc plus de professeurs par élève dans le premier degré. En outre, alors que votre département de l’Oise enregistrera 618 élèves de moins dans le premier degré en raison de la démographie, 55 emplois d’enseignants seront pourtant créés. Dans le département, le ratio du nombre de professeurs pour 100 élèves sera de 5,61 à la rentrée 2018, contre 5,50 à la rentrée 2017. Ces taux sont aujourd’hui supérieurs à la moyenne nationale.
Pour combattre les difficultés scolaires, monsieur le sénateur, il faut agir à la racine, et vous le savez bien. Le choix a ainsi été fait de cibler les efforts sur l’éducation prioritaire où les besoins sont les plus importants, en desserrant les effectifs de manière significative avec le dédoublement des classes de CP et de CE1 qui sera échelonné sur les rentrées 2017 à 2019. Cette mesure ambitieuse est intégralement financée par des créations de postes, car nous nous donnons les moyens de notre ambition, qui, je le sais, est également la vôtre, celle de la réussite des élèves, notamment des plus fragiles.
Cet effort particulier et significatif en faveur de l’éducation prioritaire ne se fait pas du tout au détriment des territoires ruraux, qui restent une autre priorité.
Les services académiques de l’éducation nationale sont sensibilisés à la situation des écoles rurales et veillent à éviter les fermetures d’écoles, conformément à l’engagement pris par le Président de la République lors de la Conférence nationale des territoires.
Néanmoins, des fermetures de classes restent possibles dans le cadre de la carte scolaire, lorsque les effectifs d’élèves ne sont plus suffisants pour un enseignement de qualité. Les fermetures doivent être fondées sur des éléments qui sont totalement objectivés et partagés avec les élus, comme la constitution d’un regroupement pédagogique intercommunal – RPI –, la mise en œuvre d’un projet territorial en cours de réalisation, l’incapacité à maintenir des conditions d’enseignement minimales pour les élèves. Ces situations sont examinées au cas par cas dans les différentes instances de concertation locales.
Mme la présidente. Il va falloir conclure, monsieur le ministre !
M. Stéphane Travert, ministre. Je conclus, madame la présidente. Le sénateur Alain Durand a été chargé par le Premier ministre d’une nouvelle mission pour améliorer encore la couverture des départements ruraux, avec pour objectif la signature d’une vingtaine de nouvelles conventions. Dans votre département, une convention ruralité est même en cours de négociation. Je vous invite à venir soutenir cette démarche de contractualisation.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Merci, monsieur le ministre. J’ai bien entendu votre réponse, mais j’ai un peu l’impression que nous sommes dans un dialogue de sourds, si j’en crois les nombreux élus et parents d’élèves des communes concernées par ces fermetures de classes – j’en ai rencontré beaucoup ces dernières semaines. En effet, ils ne comprennent pas cette nouvelle logique, contraire à ce qui se passait les années précédentes, consistant à fermer des classes à certains endroits alors que les effectifs ne baissent pas – je tiens les chiffres à votre disposition ; je rencontrerai l’inspecteur d’académie la semaine prochaine – et à en ouvrir ailleurs avec de très faibles effectifs.
Monsieur le ministre, dans mon département, l’Oise, où la ruralité est très profonde, les zones d’éducation prioritaire sont exclusivement urbaines. Il y a encore quatre ans, certaines zones rurales se trouvaient en éducation prioritaire ; ce n’est plus le cas aujourd’hui, alors que la situation sociale ne s’y est guère améliorée.
Les difficultés sociales, les problèmes de discipline et d’illettrisme ne se concentrent pas dans les quartiers sensibles et existent aussi beaucoup dans les zones rurales, vous le savez très bien. Ces écoles rurales ne peuvent pas être « dépouillées » de leurs moyens pour optimiser les conditions d’apprentissage des petits urbains.
La République, monsieur le ministre, c’est l’égalité des droits et des chances partout sur le territoire. Les écoliers des champs ne valent pas moins que ceux des villes. Une logique de discrimination positive ne peut pas reposer sur une logique de discrimination négative.
En venant, vous êtes passé, dans la galerie des bustes, devant le buste de Jules Ferry, ancien sénateur, ancien ministre de l’instruction publique, ancien président du Conseil, et surtout, fondateur de l’école publique gratuite obligatoire moderne. Certes, c’était dans les années 1880, et le monde a beaucoup changé. Mais je pense sincèrement que Jules Ferry doit aujourd’hui se retourner dans sa tombe.
Mme la présidente. Je remercie M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation de sa présence, et je souhaite la bienvenue à Mme Girardin, ministre des outre-mer.
prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Nougein, auteur de la question n° 0252, transmise à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Claude Nougein. Madame la ministre, j’aimerais tout particulièrement appeler votre attention sur les modalités de mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, qui prévoit que les tiers collecteurs soient les employeurs.
Cette mesure, mise en place par le gouvernement précédent, est une épine supplémentaire, notamment pour les plus petites entreprises, en termes de temps et de coût, évalué, selon les instituts, entre 300 millions d’euros et 1,2 milliard d’euros, et va à l’encontre de la simplification voulue par le Président de la République pour les entreprises. Pourquoi un tel gage à l’intention de l’ancien gouvernement ?
Aurait-on dû aussi comprendre que la refonte des rapports entre les entreprises et l’administration, prônée par le Gouvernement, était en réalité une opération de délestage des tâches de l’administration sur le dos des entreprises ?
Lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2017, nous avions proposé au Gouvernement de retirer cette épine du pied avec une solution alternative tout à fait viable, mais la main tendue a été refusée.
Toutefois, en analysant le coût de cette réforme, on s’aperçoit qu’environ 75 % du coût total de la mesure reposera sur les très petites entreprises par l’effet de multiplication d’un coût fixe faible par un très grand nombre d’entreprises.
La moitié du coût de la mesure correspondra au paiement des experts-comptables et des éditeurs de logiciels notamment, l’autre moitié, à un accroissement des coûts salariaux.
Mais lorsque l’on regarde d’un peu plus près cette mesure, on constate que le risque juridique repose sur l’entreprise, que les salariés perdent la confidentialité de leurs revenus annexes, et que les femmes dont le conjoint perçoit une rémunération confortable seront les victimes de ce dispositif, notamment pour leurs évolutions salariales.
S’il est prévu la possibilité pour le salarié contribuable de rendre anonyme son impôt en recourant au taux forfaitaire neutre, ce choix pourrait néanmoins faire peser sur lui une sorte de suspicion. Demain, ce sont les chefs d’entreprise, les ressources humaines qui connaîtront le taux d’impôts, les revenus annexes, fonciers ou immobiliers, avec des conséquences néfastes, vous pouvez l’imaginer.
Enfin, se pose la question des particuliers employeurs, qui ne sauraient être assimilés à des entreprises, et dont la moyenne d’âge, mis à part pour les gardes d’enfants, est de soixante-cinq ans, voire beaucoup plus en zone rurale. Et je ne vous parle pas de ceux qui n’ont pas la maîtrise d’un ordinateur ou qui ne résident pas dans une zone couverte par internet, ce qui est le cas de la quasi-totalité du territoire dont je suis élu, la Corrèze.
Ma question est toute simple : avez-vous trouvé des solutions pour tenter d’anticiper les graves difficultés qui vont apparaître pour nos administrés ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur, mon collègue de l’économie et des finances vous prie de bien vouloir l’excuser pour son absence et m’a demandé de vous lire sa réponse.
En tout premier lieu, permettez-moi de préciser que les chiffres que vous avancez sont tirés d’une étude de juin 2017 qui a été produite, à la demande de la délégation sénatoriale aux entreprises, avant l’annonce du report de la réforme, et dont la méthode est « discutable », selon les services du ministère de l’économie et des finances.
Le Gouvernement a fixé au 1er janvier 2019 l’entrée en vigueur du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.
S’agissant de la question des coûts que vous évoquez pour les différentes structures, monsieur le sénateur, il convient de rappeler que cette charge restera très faible par rapport aux gains récurrents enregistrés du fait, principalement, du déploiement de la déclaration sociale nominative, la DSN. L’administration fiscale restera par ailleurs l’interlocuteur unique des usagers pour toutes leurs questions.
Les entreprises devront appliquer une retenue à la source au taux calculé et transmis par l’administration fiscale sur les revenus qu’elles versent et qui sont soumis au prélèvement à la source. En l’absence de transmission de taux par l’administration fiscale, elles devront appliquer la grille de taux non personnalisé. De plus, elles devront déclarer les montants individuels ainsi prélevés à l’administration fiscale. Elles devront enfin reverser l’ensemble des prélèvements effectués au titre d’un mois, ou d’un trimestre par exception, à l’administration fiscale.
En cas d’inaction des entreprises, des pénalités sont prévues afin d’assurer l’effectivité du dispositif, à l’image des pénalités existant actuellement en matière de contributions et cotisations sociales.
Rassurez-vous, monsieur le sénateur, les salariés ne communiqueront aucune information concernant leurs revenus annexes, et l’employeur n’en aura donc pas connaissance.
En dernier lieu, pour ce qui concerne les employeurs particuliers qui le souhaiteraient, il sera proposé l’option « tout en un » incluant également le paiement au salarié de son salaire net de prélèvement à la source, afin de faciliter, là encore, les démarches de ces employeurs.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement va déployer un plan d’accompagnement ambitieux et poursuivre une communication forte à destination des collecteurs, c’est normal, des publics concernés, bien sûr, mais aussi des éditeurs, afin de réduire au maximum les impacts négatifs et ainsi permettre à chaque acteur de comprendre cette réforme.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Nougein.
M. Claude Nougein. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je ne doute pas de la volonté du Gouvernement de simplifier les relations entre l’administration et les entreprises. Toutefois, après une première simplification, mais assortie d’un changement de logiciel pour les fiches de paie, en janvier 2018, il y en aura une nouvelle en octobre 2018, due à la modification des charges sociales, et une troisième en janvier 2019 avec la retenue à la source de l’impôt sur le revenu. Vous avouerez que, pour simplifier les choses, modifier trois fois les fiches de paye en treize mois, ce n’est pas idéal…
Je souhaiterais aussi, madame la ministre, que le Gouvernement soutienne l’amendement sénatorial concernant le droit à l’erreur. Le droit à l’erreur pour les petites entreprises est une proposition du Sénat qui a été votée ici même. Il conviendrait, alors qu’il n’était pas prévu dans le texte, que ce droit à l’erreur soit retenu au moins pour les petites entreprises.
En cas de litige, le contentieux doit-il être porté devant les tribunaux civils ou soumis au conseil des prud’hommes ? Vous avez évoqué cette question, mais pour nous ce n’est pas très clair. Qui aurait commis l’erreur ? Est-ce l’administration ou l’employeur ? Il va falloir le déterminer avant toute saisine du tribunal compétent.
Certes, les entreprises ont collecté la TVA, qui était un impôt simple. Mais elles n’ont pas pour rôle de collecter tous les impôts ; c’est le rôle de l’État. Cette collecte, avez-vous dit, allégera la tâche. Certes, la tâche de l’État et de l’administration sera allégée, mais celle de nos entreprises et de nombre de particuliers employeurs sera alourdie.
renforcement de la lutte contre la pêche illégale en guyane
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Karam, auteur de la question n° 0245, adressée à Mme la ministre des outre-mer.
M. Antoine Karam. Madame la ministre, depuis plusieurs années, la pêche illégale étrangère en provenance du Brésil, du Surinam et du Guyana perdure et s’intensifie dans les eaux guyanaises, à tel point que l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, concluait dans un rapport de juin 2012 que la ressource halieutique était davantage exploitée par les navires étrangers, les captures illégales étant ainsi 2,5 à 3 fois plus importantes que la pêche effectuée par les navires guyanais.
Vous le savez, pour contrer ce phénomène, des efforts sont réalisés et plusieurs leviers d’action existent.
Au niveau de la France, d’abord, les autorités luttent activement en mer contre ces pratiques illicites. Le plan d’urgence mis en œuvre avec l’accord de Guyane a, lui aussi, prévu un soutien important à hauteur de 3,5 millions d’euros d’aides dédiées aux pêcheurs de Guyane.
Par ailleurs, la France a signé un accord en novembre 2017 avec le Surinam sur la délimitation maritime depuis l’embouchure du Maroni, dont l’un des objectifs est justement de lutter contre le développement de la pêche illégale.
Enfin, la lutte contre les activités de pêche illicite, non déclarée et non réglementée est une priorité de la politique commune de la pêche. À ce titre, l’Union européenne soutient les efforts des autorités françaises et la coopération avec les États voisins.
Cependant, force est de constater que certaines dispositions, pourtant protectrices, ne sont pas appliquées en Guyane. En effet, le règlement européen prévoit que, dans les eaux situées à moins de 100 milles marins des lignes de base des régions ultrapériphériques, les États membres concernés sont autorisés, jusqu’au 31 décembre 2022, à limiter la pêche à leurs propres navires. Notons que, pour appliquer cette réglementation, la France n’aurait qu’à informer la Commission des limitations mises en place.
C’est pourquoi, face à une situation qui reste chaque jour insupportable pour les pêcheurs guyanais, je souhaiterais avoir davantage de précisions, madame la ministre, sur les éléments suivants.
S’agissant d’abord de l’accord signé avec le Surinam, pouvez-vous préciser de quelle manière celui-ci permettra de lutter plus efficacement contre la pêche illégale ?
Enfin, le Gouvernement est-il prêt à mobiliser tous les leviers d’action prévus par le règlement européen en matière de lutte contre la pêche illégale, à savoir, d’une part, limiter la pêche aux seuls navires guyanais dans les eaux situées à moins de 100 milles marins et, d’autre part, encourager la Commission européenne à examiner le respect par le Brésil, le Surinam et le Guyana des obligations internationales et européennes en matière de pêche, et à envisager, le cas échéant, leur inscription sur la liste des pays tiers non coopérants.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Antoine Karam, vous connaissez ma sensibilité personnelle sur ce sujet. Je vous l’affirme, le Gouvernement est particulièrement mobilisé dans la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, dite INN. Afin de lutter contre les incursions de navires de pêche non autorisés dans les eaux guyanaises, plusieurs opérations de police des pêches ont été réalisées en 2017, dont une opération d’ampleur menée en coopération avec le Brésil. Le bilan de l’année 2017 fait état de 146 contrôles réalisés ; la quasi-totalité de ces contrôles ont donné lieu à la rédaction de procès-verbaux : 31 navires ont été déroutés, 128 tonnes de poissons et 423 vessies natatoires ont été saisies ; 359 kilomètres de filets ont été relevés.
La signature récente de l’accord de délimitation avec le Surinam, vous l’avez évoqué, permettra d’œuvrer en faveur de la lutte contre la pêche illégale au travers de missions conjointes de police, à l’instar de ce qui se fait avec le Brésil ; les modalités concrètes de sa mise en œuvre sont en cours de discussion avec les autorités surinamaises. Nous vous tiendrons informés très rapidement de ces conclusions.
Le renforcement de la lutte contre la pêche INN dans la zone maritime guyanaise demeure une priorité pour l’État. Ainsi, en 2017, la zone maritime s’est vu attribuer deux nouveaux patrouilleurs, La Confiance et La Résolue, ainsi qu’une vedette des douanes DF45.
Par ailleurs, comme vous l’avez cité, dans le cadre des accords de Cayenne d’avril 2017, la direction des affaires maritimes a renforcé les moyens spécifiquement consacrés au contrôle des pêches en triplant ses effectifs dédiés et en dotant l’unité littorale des affaires maritimes, nouvellement créée, de deux moyens nautiques qui devront arriver en mars et en mai prochain.
Enfin, le règlement européen du 11 décembre 2013 relatif à la politique commune des pêches, que vous avez évoqué, permet en effet de limiter aux seuls navires guyanais le droit de pêche dans les eaux situées à moins de 100 milles des lignes de base. Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation est actuellement en train d’étudier avec ses services l’opportunité de la mise en œuvre de ce dispositif.
J’attire toutefois votre attention sur la portée de ce texte – vous connaissez mon souci de transparence –, qui aura deux limites. En premier lieu, ces dispositions ne s’appliqueront pas aux navires européens ayant des antécédents de pêche dans la zone des 100 milles. En second lieu, les navires extracommunautaires, notamment vénézuéliens, qui pêchent dans les eaux guyanaises, ne seront pas soumis à ce dispositif réglementaire, car une autorisation résulte tout simplement d’un accord international validé par la France. Ces deux limites entraîneront la non-application totale du texte européen.
Monsieur le sénateur, je reste à votre disposition pour débattre de ces sujets plus longuement.
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Permettez-moi simplement d’insister sur l’ampleur de ce phénomène. La pêche illégale représente 20 % des captures mondiales, soit entre 11 millions et 26 millions de tonnes. Elle met ainsi en péril les mesures de gestion et de conservation en place.
Vous l’avez dit, le Parlement européen a récemment demandé, et nous avons fortement soutenu cette demande, l’interdiction de la pêche électrique dans les eaux de l’Union européenne. Je tiens à saluer cette avancée.
La France doit, elle aussi, accompagner ce mouvement et lutter activement contre toutes les formes de pêche illégale. Nous ne pouvons plus rester indifférents, voire spectateurs, face au pillage de notre ressource halieutique, y compris dans les eaux guyanaises. Nous devons préserver celle-ci, comme nous l’avons toujours affirmé, en protégeant et en accompagnant nos pêcheurs dans une activité responsable.
À ce titre, j’attire votre attention, madame la ministre, sur les doléances des pêcheurs guyanais. En ce moment même, ceux-ci sont en proie à des retards de versements, datant pour certains de 2016, dans le cadre du Plan de compensation des surcoûts des filières Pêche et Aquacole de Guyane 2014/2020 – le PCS. Nous devons pourtant soutenir leur développement et leur compétitivité si nous souhaitons lutter activement contre la pêche illégale.
Enfin, sur la question des navires vénézuéliens, un vieil accord est intervenu : il est respectable et nous le respectons, car les pêcheurs vénézuéliens pour le service de la pêche guyanaise travaillent à nos côtés. C’est une bonne action, il faut le souligner quand c’est le cas.
lenteur administrative du tribunal de commerce de la réunion
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, auteur de la question n° 0260, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Jean-Louis Lagourgue. Madame la ministre, depuis plusieurs années maintenant, le département de La Réunion se trouve dans une situation de dysfonctionnement chronique. Un défaut de l’administration freine en effet l’activité des entreprises réunionnaises et fait stagner le marché de l’emploi local, la faute incombant au greffe du tribunal de commerce, aujourd’hui incapable de respecter les délais de remise du formulaire K Bis.
Vous le savez, ce formulaire K Bis sert de carte d’identité aux entreprises de leur création à leur transmission. Sans ce document, l’entreprise n’existe pas légalement et ne peut donc ni obtenir de prêts auprès d’une banque, ni être à jour de ses déclarations fiscales et sociales, ni candidater à un marché public, ni même embaucher de salariés.
Au lendemain du projet de loi sur la société de confiance, le Gouvernement ne peut tolérer cette situation de faillite de l’administration. En moyenne, les entreprises réunionnaises doivent patienter six mois pour obtenir ce document. Ces délais d’attente ne sont pas tenables et font obstruction à la reprise de l’économie réunionnaise déjà fragile.
Pour pallier cet engorgement des tribunaux de commerce, les départements métropolitains ont depuis longtemps adopté une solution : ils ont confié la délivrance de ces documents à des professionnels libéraux titulaires d’un office public. Cette privatisation du greffe du tribunal de commerce a fait ses preuves.
Mieux, la privatisation de l’octroi de ces documents s’est doublée d’une procédure numérique de demande et de remise du document K Bis. En 2018, cette dématérialisation de l’administration est incontournable et doit s’appliquer à l’ensemble des territoires métropolitain et ultramarin.
En dépit de plusieurs sollicitations des entreprises réunionnaises et d’élus locaux, le précédent gouvernement n’a pas souhaité s’engager dans la résolution de cette situation.
C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, je souhaite savoir si vous envisagez d’organiser le greffe et le registre de commerce et des sociétés de La Réunion sur le régime actuellement applicable en métropole, dans le cadre de la loi du 28 mars 2011 et de son décret d’application du 30 mars 2012.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention du ministre de l’économie et des finances sur la situation difficile des registres du commerce et des sociétés tenus à Saint-Denis de la Réunion et à Saint-Pierre de la Réunion. Cette question concerne le ministère de la justice, et Mme la garde des sceaux m’a chargée de vous répondre.
Comme vous l’avez dit, l’organisation de la justice commerciale est particulière dans nos territoires d’outre-mer, puisqu’il n’y a pas de tribunaux de commerce, mais des tribunaux mixtes de commerce.
Cette organisation particulière à nos territoires impacte, vous l’avez également souligné, les délais d’immatriculation de sociétés et d’obtention de K Bis de plusieurs mois. C’est inadmissible alors que le code de commerce retient que le délai d’inscription au registre du commerce et des sociétés est d’un jour franc ouvrable. Il ne faut absolument pas accepter ces lenteurs.
Conscient que ces délais anormaux nuisent aux entreprises ultramarines et créent des ruptures d’égalité évidentes, le législateur a proposé trois réformes successives, en 2011, 2012 et 2015, sans qu’aucune d’elles produise d’effets satisfaisants à ce jour.
Un état des lieux en 2014 avait mis en lumière un certain nombre de dysfonctionnements conduisant le ministère de la justice à mettre en place un plan d’action à leur profit. Après avoir connu une amélioration significative en 2016, je constate comme vous que le fonctionnement des registres du commerce et des sociétés de La Réunion se dégrade à nouveau.
Face à ce constat, le ministère des outre-mer et le ministère de la justice travaillent actuellement à dégager de nouvelles solutions susceptibles d’aboutir d’ici à la fin de l’année. Ma collègue et moi-même sommes sur une solution qui serait acceptable et dont nous vous informerons prochainement. Pardonnez-moi de ne pas vous en dire plus aujourd’hui.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais je me permets d’insister, car la situation est vraiment dramatique. Je me suis laissé dire que 4 000 dossiers étaient aujourd’hui en instance. Connaissant la situation du chômage, et de l’emploi en général, à La Réunion, je me permets d’insister auprès de vous pour qu’une mesure soit trouvée rapidement.
Mme la présidente. Je remercie Mme la ministre de sa présence.
Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Éric Bocquet,
Mme Annie Guillemot,
M. Michel Raison.
M. le président. La séance est reprise.
3
État au service d’une société de confiance
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d’une société de confiance (projet n° 259, texte de la commission n° 330, rapport n° 329).
Explications de vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de passer au scrutin, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.
Je rappelle que chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.
La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public, puisque c’est désormais son nom, a fait l’objet ici, au Sénat, de modifications qui ne sont pas seulement cosmétiques.
Je tiens à saluer le travail de la commission spéciale, qui a fait œuvre de simplification, de précision et d’amélioration du texte issu de l’Assemblée nationale.
Je retiendrai trois avancées majeures permises par le Sénat sur ce texte, qui illustrent, à mon sens, l’évolution du rôle de notre assemblée dans l’équilibre institutionnel de notre pays.
Le premier rôle, le rôle traditionnel du « grand conseil des communes de France », comme disait Gambetta, c’est bien sûr la défense des droits des collectivités dans la République. Notre assemblée a ainsi permis d’inscrire dans la loi l’extension du bénéfice du droit à l’erreur aux collectivités territoriales dans leurs relations avec les administrations de l’État.
Cette mesure doit encourager un climat de confiance entre les différents degrés d’administration de la République, alors qu’aujourd’hui la défiance, ou disons la distance, est souvent la règle.
La grande réforme de la fiscalité locale annoncée par le Gouvernement devra être empreinte de cet esprit, tant le respect et la confiance entre les acteurs locaux et centraux sont nécessaires à l’unité de la Nation et au bon fonctionnement de la République.
Le Sénat est également un défenseur traditionnel de la ruralité française. Au moment où il est de bon ton d’instrumentaliser l’opposition entre les villes et les campagnes, il est indispensable que notre assemblée continue de créer des ponts, des liens, et d’apporter des solutions concrètes à nos concitoyens.
Par exemple, l’amendement visant à reporter l’obligation de télédéclaration et de télépaiement pour les contribuables vivant dans les zones blanches est une mesure de justice à l’égard des territoires les plus reculés, qui ne doivent pas être des territoires oubliés.
La suppression de l’article 34 sexies, défendue par les élus de notre groupe et d’autres, avait également pour objet de soutenir les petits producteurs d’énergie renouvelable en autoconsommation, souvent établis dans les zones rurales. Je me réjouis qu’elle ait été adoptée. L’écologie ne doit pas être réservée à ceux qui en ont les moyens. Au contraire, elle doit devenir un mode de vie concret et abordable pour tous les Français, où qu’ils soient, et sans logique punitive.
Les membres de notre groupe défendent ainsi une croissance durable, inclusive et responsable, qui ne laisse personne sur le bord de la route.
Le Sénat a, enfin, développé une expertise qui est la conséquence logique de ses rôles traditionnels que je viens de rappeler. Je veux parler de la défense des intérêts des très petites entreprises, les TPE, et des petites et moyennes entreprises, les PME, qui font la richesse de notre économie et le dynamisme de nos campagnes.
Nous l’avons montré lors des discussions consacrées au dernier projet de loi de finances.
Nous l’avons montré à nouveau lors de l’examen de ce texte, en prenant par exemple en compte la spécificité des plus petites entreprises en matière de prélèvement à la source ou en limitant la durée cumulée des contrôles administratifs sur les très petites entreprises à six mois sur une période de trois ans.
Les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires sont particulièrement attentifs à la question des TPE et PME, lesquelles doivent faire l’objet de normes et de procédures adaptées à leur taille et à leurs moyens.
Notre collègue Emmanuel Capus a ainsi défendu l’extension aux entreprises de moins de vingt salariés des mesures dérogatoires prévues par le code de la sécurité sociale en matière de contrôle, pour alléger les normes pesant sur les petites entreprises.
Nous avons également souhaité assouplir le délai de remise des pièces dans le cadre d’un examen de comptabilité, à la demande du contribuable et après validation par l’administration, pour les plus petites entreprises.
Nous veillerons à ce que ces exigences soient respectées à l’avenir, notamment dans le cadre de l’examen du plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, ou projet de loi PACTE, qui a pour vocation d’alléger le fardeau normatif pesant sur les entreprises. Nous sommes convaincus qu’un redressement durable de l’économie nationale passera par des mesures ciblées en faveur des PME.
En Allemagne, ce sont les PME qui exportent, ce sont elles qui créent de l’emploi, ce sont elles qui innovent. En France aussi, mais elles subissent davantage de difficultés, car ce sont elles qui ont peur d’embaucher un salarié supplémentaire, ce sont elles qui n’ont pas les moyens de traiter la multiplicité et la complexité des normes, ce sont elles qui manquent d’accompagnement à l’export.
Le changement de culture administrative, qui est l’ambition de ce projet de loi, devra donc s’adresser aussi à ces désabusés de l’administration que sont les dirigeants de TPE et PME.
Collectivités contre État, villes contre campagnes, grandes entreprises contre petites entreprises : notre assemblée a pour vocation de réconcilier ces intérêts particuliers pour contribuer à la formation de l’intérêt général. Pourquoi opposer les uns aux autres, le Français des villes et le Français des champs, le fonctionnaire et le chef d’entreprise, le maire et le préfet ?
Les élus de notre groupe prennent acte de la volonté du Gouvernement et du Président de la République de restaurer la confiance entre l’administration et ses usagers. Nous les y aiderons en votant ce texte, avec les modifications, souvent bonnes, et parfois moins bonnes, qu’a apportées le Sénat.
Nous souhaitons que la confiance, et non la méfiance, soit au cœur de l’ensemble des politiques publiques. C’est le sens de la démarche de mon groupe, ici au Sénat, de soutenir toutes les mesures qui vont dans le sens de l’intérêt général et de s’opposer aux divisions stériles et parfois artificielles.
Enfin, en retenant, au sein de notre assemblée, les termes « relation de confiance » pour définir l’objectif de ce projet de loi, que voulions-nous dire ?
Je crois qu’en un sens nous avons voulu exprimer une aspiration que les anciens appelaient « concorde », que les Constituants de 1848 appelaient « fraternité », valeur inscrite depuis dans notre devise nationale.
Quel que soit son nom, confiance, concorde ou fraternité, cette idée d’unité a toujours présidé à la prospérité de la France.
Ce texte, modeste en vérité, ne restaurera pas à lui seul la confiance dans la société française, qui est un édifice bien plus vaste. Mais, s’il peut constituer une petite pierre de cet édifice d’intérêt général, les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires le soutiendront ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte me laisse très sceptique, à la fois pour des raisons de forme et pour des raisons de fond.
Tout d’abord, au sujet des problèmes de forme, je n’ai pas pu m’expliquer la dernière fois, faute de temps.
À mon sens, les droits du Parlement en matière d’amendements sont actuellement confrontés à un certain nombre de menaces.
M. Roger Karoutchi. Ça, c’est vrai…
M. Jean Louis Masson. Je considère donc que la pratique, adoptée par le Sénat, qui consiste à voter des pans entiers de texte en commission sans laisser aucune possibilité d’action en séance plénière, pose un vrai problème.
Pour ma part, je ne suis pas du tout d’accord avec ce que nous avons fait,…
M. Bruno Sido. Ah !
M. Jean Louis Masson. … et qui consiste à dire : « On laisse de côté tel article, tel article et tel autre : on les met dans le même sac, tout se fera en commission et rien ne se passera en séance plénière. »
À mes yeux, ce n’est pas bon.
D’une part, une telle procédure donne raison au Président de la République, qui veut réduire le droit d’amendement des parlementaires. Si nous-mêmes nous réduisons nos droits, il ne faut pas se plaindre ensuite que le chef de l’État fasse des propositions en ce sens !
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
Mme Catherine Troendlé. Ce n’est pas sur le même plan !
M. Jean Louis Masson. D’autre part, en tant que sénateur non-inscrit, je ne peux pas non plus accepter cette disposition. Tous les sénateurs, par le biais de leur président de groupe, disposent d’un droit de veto pour garantir une discussion et donc un droit d’amendement en séance, sauf les sénateurs non-inscrits !
Or nous sommes tous, dans cette assemblée, des sénateurs égaux les uns par rapport aux autres. Il n’y a pas de raison pour que les sénateurs faisant partie d’un groupe disposent, par l’intermédiaire de leur président, afin d’assurer le débat en séance, d’un droit de veto dont sont privés les sénateurs non-inscrits.
M. Bruno Sido. Et le fond ?
M. Jean Louis Masson. Nous avons le droit d’être non-inscrits ! On a tout à fait le droit de n’avoir rien à faire des partis politiques ! Il n’est pas normal que nous soyons privés de ce droit !
M. Jacques Grosperrin. Et maintenant, le fond !
M. Jean Louis Masson. Sur le fond (Ah ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) – on n’a pas beaucoup de temps, surtout nous –,…
M. Roger Karoutchi. D’ailleurs, c’est bientôt fini ! (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Louis Masson. … ce texte est un véritable catalogue de La Redoute.
Mme Éliane Assassi. Mais il n’existe plus !
M. Jean Louis Masson. On parle de mesures fiscales, on parle du téléphone portable, on parle des éoliennes, on parle de la géothermie (M. Philippe Dallier s’exclame.), on parle de dispositions relatives aux religions…
Il faut recadrer les choses : on doit avoir des textes clairs, qui évitent de tomber dans une telle confusion.
Mes chers collègues, je citerai comme exemple l’article 25 de ce projet de loi, qui modifie dans une certaine mesure les rapports entre l’État et certaines religions. À mon sens, il n’est pas acceptable de voter un tel article à la sauvette, sans qu’il y ait un véritable débat. (Marques d’impatience sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Françoise Cartron. Stop !
M. Jean Louis Masson. La moindre des choses aurait été de consacrer un texte de loi (Mme Éliane Assassi s’exclame.) …
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean Louis Masson. … aux problèmes généraux de la laïcité : tel n’a pas été le cas. On ne peut pas voter des petits morceaux à la sauvette, sans véritable débat ! (MM. Stéphane Ravier et Sébastien Meurant applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, cher Jean-François Husson – je souhaite lui décerner une mention spéciale (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) pour avoir su conduire cette expérience de façon subtile, et démontrer ainsi toute la pertinence de ce format –, madame, monsieur les rapporteurs de la commission spéciale, mes chers collègues, certains connaissent ici mon attachement particulier à Georges Clemenceau. Je ferai donc référence, aujourd’hui, à sa circulaire du 13 décembre 1917 intitulée « Réforme des méthodes de travail », tant elle est criante de modernité, face à l’exercice que nous venons de conduire pour une action publique modernisée,…
M. Philippe Dallier. Formidable !
Mme Nathalie Delattre. … simple et efficace. Dans cette circulaire, Georges Clemenceau rappelait l’importance, pour l’administration, d’adapter ses « méthodes de travail » aux « nécessités de l’heure présente ».
Aujourd’hui, effectivement, l’heure présente exige davantage d’efficacité, d’adaptabilité, notamment digitale, et de bienveillance de la part de notre administration envers l’ensemble des usagers, qu’ils soient citoyens, entreprises ou collectivités locales – usagers pluriels introduits dans le présent texte par la commission spéciale du Sénat.
Mais, dans les relations de l’administration avec son public, comment mener cette « chasse obstinée à tous les temps morts qui ralentissent encore la machine administrative » ?
Georges Clemenceau nous donne la réponse : c’est par la conversation, car « c’est affaire aux deux interlocuteurs de prendre leurs responsabilités et aussi leurs sûretés » : il ne faut recourir aux pièces écrites « qu’au moment voulu, c’est-à-dire lorsque l’affaire est […] tout au moins dégrossie par la conversation ».
La conversation ou, pour le dire de façon plus moderne, le dialogue doit se concevoir aujourd’hui comme un élément clef d’une relation entre l’administration et les administrés. C’est pourquoi les membres du groupe du RDSE approuvent l’objectif du Gouvernement d’encourager la constitution d’une administration plus à l’écoute et plus accessible pour accompagner ses usagers.
Néanmoins, il était tout aussi fondamental de maintenir les fonctions de contrôle et de prescription de l’administration. Les membres de notre groupe se félicitent donc que le Gouvernement partage leur avis quant à l’opportunité de supprimer un cadre « contractuel » à l’article 7.
L’introduction de mesures telles que la mise en place d’un référent unique, la fin des appels surtaxés et l’introduction du rescrit sont encore, pour nous, autant d’éléments propices à la « conversation » entre l’administration et ses usagers.
Dans sa circulaire, Clemenceau insistait sur le fait que chacun des acteurs devait prendre « ses responsabilités et ses sûretés ».
Les élus de notre groupe accueillent donc favorablement l’introduction d’un « droit à la régularisation » pour les usagers dans leurs démarches administratives. Nous l’appelions d’ailleurs de nos vœux. Nous aurions cependant souhaité exclure l’article 7 bis du droit à l’erreur – nous avions reçu un avis favorable du Gouvernement en ce sens –, car nous maintenons que tout travail partiellement dissimulé se fait souvent en connaissance de cause.
Pour ce qui concerne les sûretés, le projet de loi consacre un « droit au contrôle », afin de permettre au public de faire examiner par l’administration la conformité de ses démarches.
Enfin, ce texte responsabilise notre administration en dotant les usagers d’un « droit à l’opposabilité » quant aux conclusions des contrôles administratifs. (Brouhaha.)
Si ce projet de loi semble vouloir mettre en œuvre un dialogue fluidifié et bienveillant entre l’administration et son public, nous regrettons que toute la place n’ait pas été laissée au Parlement pour converser sur ce texte.
En effet, les élus du groupe du RDSE déplorent un recours excessif aux ordonnances. Avec douze demandes d’habilitation, certains sujets cruciaux, comme l’avenir des chambres d’agriculture, n’ont pas eu le débat qu’ils méritaient.
Après le recours au vote bloqué sur la proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricole, nous aurions souhaité avoir un débat conclusif quant au transfert de compétences entre les chambres d’agriculture départementales et régionales.
Enfin, comme vous l’avez remarqué, au cours de l’examen de ce texte, les élus du groupe du RDSE se sont attachés à défendre avec force leurs convictions, avec leurs amendements relatifs à la loi du 9 décembre 1905.
M. Raymond Vall. Oui !
Mme Nathalie Delattre. Oui, la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est bien modifiée à deux reprises dans ce texte, par l’article 25, via le code monétaire et financier, et par l’article 38 de ce projet de loi, qui vient modifier directement l’article 19 de la loi de 1905.
Cette loi de 1905 fait de la France un État laïque et, par sagesse, rejette toute demande d’avantages spécifiques aux associations cultuelles.
Les modifications introduites sont donc tout sauf anodines, dès lors que l’on touche au cœur des principes à valeur constitutionnelle de notre République. De surcroît, elles introduisent des inégalités de traitement entre les associations cultuelles et non cultuelles.
La première mesure permet aux associations cultuelles de tirer profit d’immeubles de rapport pour aller au-delà de leur seule subsistance, alors que des associations loi de 1901 ne bénéficient pas d’autant de largesses.
La seconde mesure permet aux associations cultuelles de ne plus être soumises aux mêmes obligations que les autres associations, pour ce qui concerne la notion de représentant d’intérêts auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP.
Monsieur le secrétaire d’État, même si vous nous avez assurés, en séance, de votre « attachement viscéral voire radical à la laïcité », (Exclamations sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.), les élus du RDSE déplorent aujourd’hui l’ouverture d’une brèche importante dans la loi de séparation des Églises et de l’État.
Pour en revenir à l’esprit de Clemenceau,…
M. Roger Karoutchi. Ah, maintenant ça suffit !
Mme Nathalie Delattre. … je citerai encore quelques passages de sa circulaire.
« Il faut traiter les affaires en hommes d’affaires : donc aller vite. »
« On ne doit pas tolérer qu’un dossier soit transmis de porte en porte “pour attributions” […] alors qu’une entente téléphonique lui eût assuré d’emblée sa légitime destination. »
« Il est inadmissible […] de voir deux bureaux entreprendre un long échange de correspondance pour un renseignement qu’aurait fourni une conversation de deux minutes. »
« Ces habitudes prises, on constatera que […] 80 % des affaires peuvent être étudiées et résolues très rapidement. »
Mes chers collègues, ce texte a cent ans, et les constats et préoccupations qu’il exprime sont encore les mêmes aujourd’hui.
Pour conclure, le groupe du RDSE comptera deux voix contre le présent texte. Les autres suffrages se partageront entre les abstentions et les votes favorables. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle chacune et chacun d’entre vous à un peu plus de silence : Mme Delattre a fait preuve d’une grande patience, et moi aussi…
La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous procéderons tout à l’heure au vote solennel du projet de loi nouvellement dénommé au Sénat « renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public ».
Je pense que chacun, dans cet hémicycle, s’accorde sur la volonté de placer la confiance au cœur des rapports entre l’administration et les Français.
M. François Pillet. Oui !
M. Jean-François Husson. Au sein du texte déposé devant le Parlement, deux mesures devaient tout particulièrement y contribuer : la généralisation d’un droit à l’erreur et la création d’un droit au contrôle.
Le droit à l’erreur, mesure centrale de ce texte de loi, au point de lui avoir donné son premier intitulé, permettra à l’administré de ne pas souffrir des conséquences d’une erreur commise de bonne foi et pour la première fois.
Ce nouveau droit, déjà mis en œuvre par l’administration fiscale, viendra s’appliquer à de nombreux domaines du quotidien des citoyens, apaisant et facilitant ainsi leurs rapports avec l’administration.
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. Jean-François Husson. Au cours des débats, nous avons discuté à plusieurs reprises de la place du conseil dans les missions des administrations. Nous sommes bien d’accord pour dire que le développement de relations de confiance, permettant d’informer, d’orienter et de conseiller le public n’exclut pas le contrôle.
L’extension du rescrit administratif, la création de certificats d’information et surtout la consécration d’un droit au contrôle découlent de cet impératif. Ces mesures servent toutes à fixer les bornes claires et nécessaires de la confiance.
Mais, dans les faits, l’essentiel de nos débats n’a pas porté sur ces nouveaux droits et sur leur application. En effet, ceux-ci ne représentent qu’un quart environ du texte qui nous a été soumis. Le reste est constitué d’un ensemble de mesures couvrant des domaines très variés. Elles visent à simplifier et à modifier le droit existant, mais aussi à accompagner la dématérialisation de l’administration, ou encore, et surtout, à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance.
C’est la raison pour laquelle ce texte a été qualifié de « fourre-tout » assemblant des mesures hétéroclites placées à la remorque de deux droits innovants.
C’est aussi la raison de nos critiques portant sur la forme et sur la méthode. Le Président de la République lui-même affirmait, lors de son discours devant le Congrès, en juillet 2017, qu’il fallait « une activité parlementaire revivifiée par un cap clair [et] des débats mieux construits. »
Le présent texte, convenons-en, n’illustre pas ces beaux principes. Était-il nécessaire d’y inclure tant de recours à la législation par ordonnance ? Alors que souffle le vent de l’antiparlementarisme, ne pouvait-on pas accorder davantage de confiance au Parlement ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Cornu. Très bien !
M. Gérard Longuet. Tout à fait !
M. Jean-François Husson. N’était-ce pas une bonne occasion de confier aux députés et aux sénateurs la mission d’enrichir ce texte ?
Pourquoi, d’ailleurs, diluer autant l’impact et la clarté de ce projet de loi ? Était-il nécessaire, pour légiférer sur la confiance, d’inclure des dispositions sur la géothermie,…
M. Martial Bourquin. Oui !
M. Jean-François Husson. … sur les modalités de recouvrement des indus des prestations sociales, ou encore sur les modes de garde de la petite enfance ? La clarté et l’intelligibilité de la norme, qui sont des objectifs à valeur constitutionnelle, en souffrent grandement !
Et pourquoi attendre le dernier moment pour déposer certains amendements sur des sujets importants,…
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Jean-François Husson. … qu’il s’agisse d’engager une nouvelle expérimentation – la dix-huitième, excusez du peu ! – ou de revenir sur la décision d’attribution d’appels d’offres pour la réalisation de champs éoliens en mer ?
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Jean-François Husson. Ce n’est manifestement pas là une marque de confiance. C’est un manque de respect et une très mauvaise manière faite au Sénat, que nous ne pouvons accepter. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mettre en œuvre la confiance, c’est savoir laisser au Parlement la possibilité et le temps de préparer autant que de discuter la loi. C’est son rôle. Le recours aux ordonnances ne doit pas être systématique : c’est essentiel à la séparation des pouvoirs. Mais, à observer les textes qui nous sont soumis, ce gouvernement me semble avoir la maladie des ordonnances.
Contourner le Parlement pour mieux le contraindre, cela ne me semble pas porter le symbole d’un monde nouveau…
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. Jean-François Husson. En voulant faire voter à la hâte des mesures aussi nombreuses qu’hétéroclites, on retire au Parlement la possibilité d’avoir un débat clair et mieux construit sur chacune d’entre elles.
Ces mesures ne méritent-elles pas leur propre texte, qu’il s’agisse de l’enseignement supérieur, des énergies renouvelables, des agences de notation ou de bien d’autres sujets encore ? Le chef de l’État n’était-il pas celui qui affirmait vouloir « une société de confiance », en précisant que, pour cela, une seule loi ne saurait suffire ?
Toutefois, mes chers collègues, malgré cette déception, la commission spéciale et le Sénat dans son ensemble ont fait preuve de leur capacité à rebondir, pour créer les conditions d’un travail législatif fructueux en enrichissant, en précisant et, là où c’était nécessaire, en élaguant le présent projet de loi.
Nous nous sommes réapproprié ce texte sur la confiance et nous avons fourni un travail considérable.
M. Jacques Grosperrin. Bien sûr !
M. Jean-François Husson. À ce titre, permettez-moi d’abord de remercier tout particulièrement les rapporteurs, Pascale Gruny et Jean-Claude Luche, et tous les membres de la commission spéciale de leur contribution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe Union Centriste. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. Antoine Lefèvre. Travail remarquable !
Mme Françoise Gatel. Tout à fait !
M. Jean-François Husson. En perfectionnant les dispositifs, en améliorant des rédactions souvent complexes et en retirant certains des éléments les moins pertinents, nous avons contribué à produire un texte de loi meilleur.
Je citerai, à cet égard, quatre apports importants du Sénat : la reconnaissance, au bénéfice des collectivités locales, dans leurs relations avec l’État, d’un droit à l’erreur ; la possibilité d’une validation expresse des points examinés lors d’un contrôle fiscal ; la limitation de la durée cumulée des contrôles administratifs sur les très petites entreprises à six mois sur une période de trois ans ; et enfin le maintien du recours à l’enquête publique plutôt qu’une simple procédure de consultation par voie électronique préalablement à l’autorisation d’un certain nombre de projets agricoles.
L’examen de ce texte a également été l’occasion de recourir pour la première fois à la procédure de législation en commission. Celle-ci nous aura permis d’accélérer significativement nos travaux en séance publique sans que le débat perde en qualité. Plusieurs d’entre vous, initialement sceptiques quant au recours à cette procédure, l’ont saluée à l’issue de nos travaux.
M. Jérôme Durain. C’est vrai !
M. Jean-François Husson. Avec cette nouvelle procédure, le Sénat est pionnier, et c’est tant mieux : pour ceux qui pensent que le bicamérisme serait d’un autre temps ou que le Sénat est la maison des conservatismes, il faudra repasser ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. François Patriat. C’est pourtant vrai ! La maison du conservatisme !
M. Jean-François Husson. Avec cette innovation, nous affirmons la capacité du Sénat à s’adapter, à légiférer sur des sujets plus techniques, avec un vrai travail de fond en commission, un travail de qualité bien sûr.
Ce travail obéit néanmoins à un préalable : le pacte de confiance et d’intelligence partagées, contrepartie du droit de veto.
Mes chers collègues, je vous invite à voter ce projet de loi qui, malgré ses défauts, contribuera à moderniser les rapports des Français avec leurs administrations, qui doit permettre de rendre ces dernières plus performantes et plus efficaces. (Marques d’impatience sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe La République En Marche.)
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-François Husson. Bien sûr, nous formons le vœu que la commission mixte paritaire soit conclusive, et nous serons attentifs à l’évaluation qui sera faite par et avec le Gouvernement ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. François Patriat. Enfin un progressiste !
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, je ne ferai pas durer le suspense, le groupe La République En Marche s’abstiendra sur le présent projet de loi. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous espérons néanmoins, en ce jour de printemps – certes un peu froid –, qu’un accord sera trouvé à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Pourquoi cette position d’abstention sur un texte qui, pour faire écho à la discussion générale, vise à faciliter la vie de nos concitoyens, de nos entreprises et de nos administrations ?
Nous avons posé un certain nombre de balises avec les dispositifs principaux du texte – le droit à l’erreur, le droit au contrôle, la médiation, la transaction –, mais il est vrai que c’est une impression un peu plus complexe qui domine à ce stade de la procédure.
J’ai suivi l’intégralité des débats, et force est de constater que ce qui en ressort peut parfois donner le tournis. Nous avons débattu longuement et précisément d’un certain nombre de sujets, si bien que le débat n’a pas du tout été occulté. Le syndrome du concours Lépine que je relevais à la tribune la semaine dernière ne nous a, hélas, pas totalement épargnés, avec une série d’amendements sectoriels adoptés parfois contre l’avis du Gouvernement – après tout, nous sommes au Sénat –…
M. Alain Joyandet. Cela arrive aussi à l’Assemblée nationale !
M. Julien Bargeton. …, mais aussi contre l’avis de la commission spéciale. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le groupe La République En Marche a fait notamment adopter un amendement particulièrement bienvenu proposé par Patricia Schillinger visant à étendre le droit à l’erreur au code de la sécurité sociale.
Il est toujours curieux d’assister à l’embolie progressive de certains textes, a fortiori d’un texte dont la raison d’être est de promouvoir et de permettre une plus grande simplicité, une plus grande sérénité des relations administratives.
La fameuse formule de Michel Crozier « on ne change pas la société par décret » s’applique aussi au législateur. (Protestations.) Dit autrement, l’excès de règles est parfois autant à craindre que l’absence de règles. Il est inutile d’empiler la norme sur la norme. C’est d’ailleurs l’un des grands mérites de ce projet de loi que de reconnaître que d’autres outils juridiques sont disponibles pour faire face à telle ou telle situation entre les administrés et l’administration.
Ce texte s’articule avec la transformation de l’action publique. C’est en effet demain aux agents publics qu’il reviendra de l’appliquer. Il reviendra notamment aux managers et aux gestionnaires des ressources humaines de permettre au droit à l’erreur de pleinement se déployer. Car derrière la législation, il y a des agents publics qui ne demandent qu’à pouvoir accomplir sereinement un service public de qualité. Ce sont les agents publics qui feront vivre au quotidien cette administration qui conseille, cette administration qui dialogue !
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement a prévu de flécher 700 millions d’euros vers la formation des agents publics, notamment aux enjeux du numérique dont la connaissance est indispensable pour pouvoir appliquer concrètement les transformations de l’administration.
Longtemps la confiance a été la grande absente des relations entre l’État et celles et ceux qui le font fonctionner. Ce texte pose un jalon, il envoie un signal. Il montre aux agents publics du terrain que leurs retours, leurs initiatives, leurs difficultés sont des leviers d’amélioration du service public.
On ne révolutionne pas cent ans en cent pages ou deux cents ans en deux cents pages, mais vous pourrez compter sur nous, monsieur le secrétaire d’État, pour appuyer et enrichir vos actions de modernisation de l’administration qui ont pour ambition de tracer des perspectives d’avenir pour la fonction publique.
Le groupe La République En Marche espère que le texte sera peut-être moins corpulent, et donc plus cohérent à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Cela étant, nous nous félicitons de la mise en œuvre de la procédure de législation en commission qui est une innovation à préserver, et qui a permis de conserver la discussion en séance publique des principaux articles du projet de loi.
Malgré les divergences d’appréciation importantes qui subsistent à ce stade, je salue la commission spéciale, les rapporteurs et leur travail.
Ce texte est un appel à une société plus confiante, plus sereine, qui offre de nouvelles respirations aux relations entre les administrations et l’usager. Puisse cette sérénité inspirer les travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Pierre-Yves Collombat, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. Selon la légende, avant la visite de Catherine II en Crimée, le Premier ministre d’alors, Grigori Potemkine, aurait donné l’ordre de cacher la misère des villages traversés par l’impératrice derrière des façades de carton-pâte.
M. Roger Karoutchi. Il n’était pas Premier ministre !
M. Pierre-Yves Collombat. Ce texte est un projet de loi Potemkine (Sourires.) : côté façade, on institue rien de moins qu’une société de confiance en mettant l’État à son service ; côté arrière-cour, on entasse un bric-à-brac de dispositions disparates, sans lien entre elles, voire sans lien avec l’objectif.
Jusqu’à présent, les sommets de l’État avaient pensé soigner la sécession civique des Français par la transparence. On expérimente donc une nouvelle médecine : la confiance.
« Rien ne sera possible sans cette relation de confiance et de responsabilité » déclinait il y a déjà quelques mois Emmanuel Macron dans son discours-fleuve du congrès de l’Association des maires de France. La transparence s’était faite sur le dos des élus ; la société de confiance sera réalisée sur celui de l’administration.
Curieux mélange de théorie du care, du soin, chère aux sociaux libéraux du New Labour, et de populisme chic : calmer la défiance des citoyens en transformant une administration jugée soupçonneuse, tatillonne, voire hostile en administration de l’accueil.
L’administration publique n’administre plus, elle donne des conseils et rend des services. Son objectif est non plus de concilier l’efficacité et l’équité de traitement des citoyens, mais de leur donner confiance dans leur administration, donc en eux-mêmes.
C’est d’abord un service social. C’est une administration qui accompagne, qui reconnaît le droit à l’erreur et qui prévient celle-ci, le tout, bien sûr, avec des moyens en voie de réduction.
Côté contenu, on est loin du compte. Le produit phare, le droit à l’erreur pour les personnes de bonne foi ayant méconnu pour la première fois une règle, se borne largement à inscrire dans la loi des pratiques existantes qu’un décret, voire quelques circulaires, aurait suffi à généraliser.
En revanche, ce texte laisse intacts les dilemmes de la vie réelle : la preuve de la mauvaise foi incombe à l’administration qui doit démontrer une volonté de méconnaître délibérément la règle. Mais comment démontrer une intention ? Être contrôlé devient un droit, mais un droit que l’administration peut refuser s’il a pour effet de « compromettre le bon fonctionnement du service ou de mettre l’administration dans l’impossibilité de mener à bien son programme de contrôle. »
Quant à la limitation expérimentale des contrôles des petites et moyennes entreprises, les PME, elle ne concerne ni les contrôles relatifs au respect des règles européennes, à la préservation de la santé, à la sécurité des personnes et des biens ou à l’environnement ni les contrôles résultant de l’exécution d’un contrat ou effectués par une autorité de régulation. Elle n’est pas non plus opposable quand existent « des indices précis et concordants de manquement à une obligation légale ou réglementaire. »
On se demande d’autant plus qui sera réellement concerné qu’actuellement l’objectif d’un vérificateur de la Direction générale des finances publiques, la DGFiP, se limite à une procédure achevée par mois. Qu’importe d’ailleurs, puisqu’il s’agit seulement de montrer à l’électorat visé qu’on prend soin de lui ?
Même perplexité quant au certificat d’information et au référent unique. Le certificat d’information engage la responsabilité de l’administration : clair et précis, il sera la source de multiples plaintes et contentieux ; se limitant à des généralités, il sera inutile. Quant au référent unique, où trouvera-t-on ces encyclopédies vivantes ? Mystère !
L’autre moitié du texte se partage entre la reprise de vieilles lunes et celle des habituelles propositions de loi portant diverses dispositions de modernisation et de simplification de ceci ou de cela.
Au chapitre des vieilles lunes, on trouve la réduction des effectifs de la fonction publique d’État par la dématérialisation, sans souci pour les treize millions de laissés-pour-compte du numérique, ce chiffre émanant du rapport du CREDOC sur la diffusion des technologies de l’information et de la communication dans la société française, et l’appel aux collectivités locales.
Autre vieille lune, la stimulation de la construction par l’innovation, sans trop se soucier des conséquences en termes de sécurité publique, de sécurité tout court et de protection de l’environnement. On fait, puis on voit ! C’est ce qu’on appelle remplacer une logique de moyens par une logique d’objectifs.
Pour les résultats et les contentieux, comme pour la revalorisation des retraites agricoles, il faudra attendre.
Pour le reste, au détour des articles, on ne révise rien de moins que la loi de 1905 sur la séparation des Églises et l’État, le code minier, le code de l’action sociale et des familles, le code de la consommation, le code monétaire et financier pour protéger les banques des recours de leurs emprunteurs, le code de l’éducation et la réglementation des cirques – j’ai dû en oublier.
Que penser d’un tel projet de loi, sinon que l’on se moque du Parlement ? La mission de ce dernier n’est ni de participer aux campagnes promotionnelles de l’exécutif, ni de se dessaisir, sauf exception, de son pouvoir de légiférer au profit de celui-ci, ni, inversement, de diriger l’administration. Sa mission est de faire des lois qu’on n’aura pas à réviser dès que votées – à l’inverse de celle-ci.
Mes chers collègues, vous aurez compris que mon groupe ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Sylvie Vermeillet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, madame, monsieur les rapporteurs, chers collègues, avant d’évoquer le texte en lui-même, permettez-moi de revenir sur la procédure qui a permis son élaboration – je veux parler de la législation en commission.
Procédure nouvelle, innovante, et finalement concluante, cette méthode, sur les sujets techniques qui nous intéressaient, a fait ses preuves. Offrant un gain de temps indéniable en séance publique, elle aura permis d’approfondir le débat sur d’autres points qui, sans être dépourvus de toute technicité, présentaient une plus grande acuité.
Hasard du calendrier, le texte pour lequel cette procédure fut inaugurée porte sur la confiance. Or cette procédure est un pacte de confiance du Parlement envers ses membres et de ses membres envers leurs commissions.
Après ce premier succès, elle a vocation à prospérer. Il s’agit là d’un utile renouveau de la procédure législative, et force est de constater que c’est du Sénat que cette innovation émane. Nous pouvons en être fiers.
Sur le présent projet de loi aussi complet que complexe, et avec l’utilisation donc d’une procédure nouvelle, nous devons saluer la sagacité de la commission spéciale, de son président et de ses deux rapporteurs, qui ont su habilement trouver un équilibre quand la complexité et la pluralité des sujets auraient pu nous perdre.
Certaines dispositions demeuraient en effet imprécises, et conséquemment délicates à mettre en œuvre. Ce n’est plus le cas.
Les douze articles examinés via la procédure de législation en commission, ainsi que les nombreux articles seulement modifiés par les amendements de la commission spéciale ont été substantiellement améliorés. Cet important travail de la commission spéciale, sur le plan tant quantitatif que qualitatif, est à souligner.
Le travail en commission fut important, le travail en séance publique le fut tout autant, et le texte – à présent renommé « projet de loi renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public » – comporte treize nouveaux articles, preuve que le Sénat est plus que jamais nécessaire à la bonne conduite des travaux législatifs et à la vitalité du débat démocratique.
M. Charles Revet. Tout à fait !
Mme Sylvie Vermeillet. Si la densification du projet de loi – il compte désormais quatre-vingt-quatre articles – peut, sinon effrayer, à tout le moins étonner, elle n’en demeure pas moins nécessaire. La taille du texte se justifie en effet par son objet même et par la transversalité qu’il implique. L’administration est au cœur du fonctionnement de notre société ; en renforcer l’efficacité impliquait nécessairement une multiplicité de sujets de débat.
Je veux à présent évoquer le fond du projet de loi.
Tout d’abord, le droit à l’erreur, qui est l’un des fondements de ce texte. Son champ d’application a été étendu aux collectivités territoriales par la commission spéciale sénatoriale. En tant que représentants des collectivités territoriales, nous devons nous réjouir de cette extension. Comme j’ai déjà pu le dire, la confiance réciproque entre l’État et les collectivités territoriales est plus que nécessaire. Avec l’extension du droit à l’erreur, cette mesure revêt une importance plus grande encore.
Mais ce droit à l’erreur a également été étendu, en séance publique, à certaines règles issues du droit européen, notamment la politique agricole commune, la PAC, et à l’environnement. Ainsi, nos agriculteurs, qui travaillent dur, mais se retrouvent parfois englués dans des démarches administratives complexes, n’auront plus à craindre d’être sanctionnés alors qu’ils étaient de bonne foi. Quant à l’environnement, cette extension procède du bon sens en cette période de prise de conscience générale.
Je profite également du temps qui m’est accordé pour saluer Hervé Maurey, grâce à qui a été accrue la traçabilité des flux financiers pour ce qui concerne la construction des lieux de cultes. La mesure adoptée par le Sénat permet en effet de soumettre à l’élaboration d’un plan de financement prévisionnel certifié par un commissaire aux comptes tout projet de construction d’un édifice du culte. La confiance devant en ce domaine passer par le contrôle et la transparence, nous nous félicitons de l’adoption de l’amendement à l’origine de cette disposition.
Enfin, je reviendrai brièvement sur la renégociation des tarifs de rachat de l’électricité produite en mer souhaitée par le Gouvernement. Ce sujet a provoqué de vifs débats au sein de la Haute Assemblée, chaque option présentant ses avantages et ses inconvénients. Au sein même de mon groupe, des désaccords existaient, mais parce que rien ne sert plus la démocratie que le débat d’idées, je me réjouis de l’existence de ces discussions. Conformément à l’avis de la commission spéciale, la sagesse du Sénat a tranché et l’amendement en cause a été rejeté.
Pour conclure, le texte dont nous débattons porte sur la confiance. La confiance se construit, elle ne se décrète pas et les propos incantatoires sont vains.
Ce projet de loi fait preuve de bon sens ; nous nous rangerons donc à la majorité en le votant. Les idées qu’il véhicule sont les bonnes. Toutefois, nous ne nous reposerons pas sur cet acquis, car si l’ambition est grande, nous ne sommes pas encore à son niveau.
Ce jalon, aussi nécessaire soit-il, n’est jamais que la première étape vers la restauration du lien de confiance qui doit exister entre l’administration et ses interlocuteurs. Aussi veillerons-nous à ce que les décrets d’application soient bien pris et à ce que les expérimentations fassent l’objet des évaluations prévues, afin que notre engagement ne soit pas vain. L’amélioration générale de notre administration doit être effective. Ce sera le sens de notre vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jérôme Durain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, le présent projet de loi, que le Gouvernement avait baptisé « pour un État au service d’une société de confiance », partait d’un bon sentiment, même si son intitulé était un peu pompeux. Je me félicite d’ailleurs que le Sénat donne à ce texte un nom plus conforme à la modestie qui est la sienne en l’intitulant projet de loi « renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public ».
Ce projet de loi, le groupe socialiste et républicain l’a abordé avec enthousiasme. C’était pour nous l’occasion d’aller plus loin dans le travail de simplification législative et de modernisation de l’État amorcé par MM. Warsmann et Mandon, pour ne citer qu’eux. Mais c’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses, comme vous le savez.
À l’heure du bilan, je constate que des mesures intéressantes nous sont effectivement soumises aujourd’hui. Je pense bien évidemment à l’article 2, qui instaure un droit à l’erreur qui devra permettre à nos concitoyens, sous réserve qu’ils soient de bonne foi, d’éviter des sanctions de l’administration au premier manquement. Nous nous félicitons que le travail sénatorial ait permis l’élargissement de ce droit aux collectivités locales.
Au travers de l’adoption d’amendements présentés par des sénateurs socialistes, nous avons également obtenu le report de la fin des déclarations d’impôt sur papier à 2025, afin que nos concitoyens éloignés du numérique ne soient pas pénalisés.
Le Sénat a apporté de nombreuses contributions à ce texte, ce qui constitue une belle illustration des vertus du bicamérisme.
Ma collègue Michelle Meunier et la rapporteur ont ainsi dénoncé l’habilitation à prendre par ordonnance toute mesure facilitant l’implantation, le développement et le maintien de modes d’accueil de la petite enfance. La vie quotidienne de près de 900 000 enfants accueillis, de leurs parents et des professionnels qui travaillent dans ces structures mérite mieux que le recours aux ordonnances, et la commission spéciale a eu raison de supprimer l’article 26 bis.
Mon groupe se félicite également du renforcement des modalités de consultation du public lors de la création d’installations classées pour la protection de l’environnement.
La navette parlementaire n’a cependant pas réussi à gommer certains aspects plus gênants de ce texte qui tiennent pour beaucoup à sa conception. Comme d’autres avant moi, je qualifierai ce projet de loi de fourre-tout. Ce texte comporte de trop nombreuses habilitations, procédure dont le Gouvernement abuse par un goût excessif pour le contournement du Parlement.
Concernant le numérique, l’article relatif à la dématérialisation permet aux administrés de faire des démarches depuis leur domicile, ce qui leur fera gagner beaucoup de temps. Cependant, en refusant notre amendement qui visait à un accompagnement numérique des personnes les plus vulnérables, vous niez, monsieur le secrétaire d’État, la fracture numérique qui peut exister. En ne reversant pas les économies réalisées par la dématérialisation au profit d’un accompagnement des plus vulnérables, vous passez à côté d’une amélioration qui aurait rassemblé largement.
Par ailleurs, comment passer sous silence l’incontournable question des moyens ? Ce texte, ce n’est pas le conseil à la place du contrôle, c’est le conseil et le contrôle. L’un ne remplace pas l’autre. C’est donc davantage de travail pour les services de l’État, dans un contexte de réduction drastique des effectifs de fonctionnaires.
Bien qu’il y soit peu fait mention des agents de l’État, ce projet de loi va profondément changer leurs conditions de travail. La numérisation du travail ne fera pas disparaître le travail par miracle, et vous allez par conséquent leur demander de faire toujours plus. Après le rétablissement du jour de carence, la hausse de la contribution sociale généralisée, la CSG, et le gel du point d’indice pour 2018, nos fonctionnaires témoigneront d’ailleurs de leur perte de confiance dans la rue dès jeudi, soutenus massivement par la gauche dans toutes ses composantes.
Enfin, le groupe socialiste et républicain signifie son opposition à l’exclusion des associations cultuelles des registres de la Haute Autorité pour la transparence de la vie politique. Cette décision n’a aucun sens quand on se rappelle le poids des cultes lors du débat sur le mariage pour tous ou quand on observe la préparation des débats sur la bioéthique. Nous respectons les religions, mais nous attendons qu’elles participent au débat public dans la plus grande transparence.
Je tiens en dernier lieu à saluer l’excellent climat dans lequel se sont déroulés les travaux de notre commission spéciale. J’en remercie son président et ses rapporteurs.
Je veux aussi redire tout l’intérêt que nous avons trouvé à la procédure de législation en commission, sous réserve, et c’était le cas, d’un travail précis de définition de son périmètre. Cette PLEC démontre la capacité d’adaptation du Sénat, qui n’attend pas le Gouvernement pour réinventer le travail parlementaire.
Partis enthousiastes, mais rapidement devenus timorés, les sénateurs socialistes s’abstiendront donc lors du vote final sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Ouverture du scrutin public solennel
M. le président. Je remercie à mon tour les deux rapporteurs, Pascale Gruny et Jean-Claude Luche, ainsi que le président de la commission spéciale, Jean-François Husson, d’avoir appliqué cette procédure de législation en commission, ou LEC, qui n’est désormais plus expérimentale.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi, dans le texte de la commission, modifié.
Ce scrutin de droit, en application de l’article 59 du règlement, sera ouvert dans quelques instants. Il aura lieu en salle des conférences.
Je remercie nos collègues Éric Bocquet, Annie Guillemot et Michel Raison, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.
Je rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur.
Je déclare le scrutin ouvert pour une demi-heure et vais suspendre la séance jusqu’à seize heures vingt-cinq, heure à laquelle je proclamerai le résultat.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 72 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 226 |
Pour l’adoption | 207 |
Contre | 19 |
Le Sénat a adopté le projet de loi renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je remercie l’ensemble des sénatrices et sénateurs qui ont participé à l’élaboration de ce texte, avec une mention particulière pour M. le président de la commission spéciale et pour Mme et M. les rapporteurs. Je les remercie de la qualité de nos échanges, mais également de leur franchise. Je crois que nous partagions la volonté d’avancer sur un certain nombre de dispositions.
Je forme le vœu que les débats lors de la réunion de la commission mixte paritaire nous permettent de trouver les voies d’un consensus et de l’adoption du texte le plus ambitieux possible.
Il reste du travail pour y arriver. Certaines dispositions auxquelles le Gouvernement est particulièrement attaché, soit qu’il les ait introduites dans le projet de loi présenté au Parlement, soit qu’il en ait soutenu l’adoption à l’Assemblée nationale ou dans cette enceinte, ont pu être revues, parfois même supprimées ; d’autres ont été intégrées dans le texte avec des divergences d’appréciation, mais c’est le jeu parlementaire qui veut cela et ce sont nos fonctions respectives qui nous amènent à ces positions.
En tout cas, je forme le vœu que les travaux de la commission mixte paritaire soient les plus fructueux possible, et que nous puissions bientôt nous retrouver. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons suspendre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot,
M. Michel Raison.
M. le président. La séance est reprise.
4
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
La séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
J’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat, le respect des uns et des autres, ainsi que le temps qui lui est attribué.
J’espère que chacun veillera, en cette Journée internationale de la francophonie, à choisir lors de cette séance les meilleurs mots de la langue française ! (Rires et applaudissements.)
laïcité et totalitarisme islamiste
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Françoise Laborde. Monsieur le Premier ministre, cette question du groupe du RDSE porte sur les offensives conduites par ceux qui tentent de diviser les Français en propageant une vision du monde communautariste, accusant de tous les maux les valeurs fondamentales de notre République : la liberté, l’égalité, la fraternité, sans oublier la laïcité.
Mon groupe tient à faire une mise au point après la publication, aujourd’hui, de l’appel de 100 personnalités contre la volonté séparatiste de certains mouvements islamistes.
La liberté d’expression subit des attaques incessantes et croissantes, en particulier sur les réseaux sociaux. Ces derniers jours, des associations laïques sont la cible d’activistes sur des médias comme Wikipédia, Twitter ou Facebook. La gouvernance de ces supports est dépassée par ces attaques d’un nouveau genre face auxquelles nous sommes démunis.
Ne nous y trompons pas, ce sont des tentatives pour déstabiliser notre modèle républicain et diviser nos concitoyens en jouant sur les difficultés qu’ils traversent au quotidien.
C’est pourquoi le groupe du RDSE veut rappeler combien il est attaché aux valeurs de notre République.
Oui, la liberté est la même pour chacun dans notre pays.
Oui, l’égalité entre tous, femmes ou hommes, est la loi.
Oui, la fraternité est un pilier de notre République, faite d’humanisme et d’universalisme.
Oui, la laïcité est le ciment de ces principes républicains, tout comme la loi de 1905, qui instaure la neutralité de l’État et sépare son organisation de celle des cultes.
Bien que les intégristes de tous bords tentent de discréditer la laïcité, nous rappelons qu’elle ne stigmatise aucune religion, aucun croyant, aucun non-croyant, et qu’elle garantit l’égalité de traitement de tous nos concitoyens. Face aux offensives qui se multiplient, nous devons rester vigilants et déterminés.
C’est pourquoi je vous demande, monsieur le Premier ministre, comment vous comptez repousser ces nouvelles formes d’activisme communautariste et préserver notre démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, avant de me poser votre question, vous avez formulé toute une série d’affirmations, presque une litanie (Exclamations amusées sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.), qui prennent plutôt la forme d’un credo (Sourires et applaudissements.), que je partage.
Je crois, comme vous, que la laïcité est désormais intimement imbriquée dans les valeurs de la République. Je pense que nous devons la défendre, l’expliquer.
Nous devons expliquer à ceux qui doutent encore de son sens ou souhaitent le remettre en cause, et à ceux qui font mine de l’ignorer qu’elle est un principe de liberté – la liberté de tout citoyen de croire ou de ne pas croire et d’exercer librement son culte – et de neutralité – la neutralité absolue de toute personne dépositaire de l’autorité publique.
Vous l’avez dit, madame la sénatrice, nous sommes extrêmement attachés à la laïcité et nous devons la défendre.
Le Gouvernement a présenté, à l’occasion d’un comité interministériel qui se déroulait à Lille, un ensemble de mesures pour prévenir la radicalisation et lutter contre celle-ci.
Dans votre question, vous avez insisté sur les réseaux sociaux. Je veux y revenir de façon spécifique.
Il y a quelque chose de profondément choquant à accepter le dispositif juridique qui prévaut en France à l’heure où nous parlons. Hérité des années 2000, il fait une différence fondamentale entre les éditeurs et les hébergeurs.
Si quelqu’un ici – non, par nature pas quelqu’un ici ! –, si donc quelqu’un rédigeait sur le site d’un journal un commentaire qui viendrait enfreindre des lois proscrivant l’expression d’opinions antisémites ou racistes, le directeur de la publication verrait immédiatement sa responsabilité pénale engagée. Sur un réseau social, le même commentaire passera parce que la responsabilité de l’hébergeur n’est pas celle de l’éditeur.
Il est profondément choquant que les réseaux sociaux soient en mesure d’empêcher la diffusion en direct d’un match de football, comme Facebook sait très bien le faire quand il veut éviter de créer des problèmes avec les ligues de football.
En revanche, nous ne sommes pas suffisamment en mesure de garantir le retrait rapide de contenus racistes et antisémites. Nous voulons y travailler et changer les choses. Le Président de la République s’y est engagé. Nous voulons faire en sorte que ces écrits – ces délits – puissent être constatés, sanctionnés et retirés sans délai des réseaux sociaux.
Nous avons indiqué que nous étions prêts à étudier avec nos partenaires européens le moyen de créer, entre le statut d’éditeur et celui d’hébergeur, un troisième statut qui responsabiliserait davantage les réseaux sociaux, afin d’éviter cette impunité délétère, cette sensation d’anonymat qui laisse croire que tout peut être écrit sur ces réseaux. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
renforcement du contrôle et des sanctions des chômeurs
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pascal Savoldelli. Madame la ministre du travail, ce matin, j’ai eu le plaisir d’apprendre que le gouvernement auquel vous appartenez va encore prendre une mesure très courageuse et engagée vers le progrès social, une mesure qui va enfin mettre un terme à la précarité de l’emploi et à la situation terrible de celles et ceux qui en sont privés.
J’ai en effet appris ce matin que vous alliez renforcer les contrôles et les sanctions à l’égard des chômeurs. Quelle audace ! Il faut en avoir du courage politique pour s’attaquer ainsi aux catégories les plus fragiles de la population. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Les cas de fraude qui requièrent, selon vous, que l’on triple les effectifs chargés du contrôle concernent près de 5 % des prestations versées et 0,4 % des demandeurs d’emploi. Un véritable fléau, assurément ! Surtout en comparaison des 60 à 80 milliards d’euros de fraude fiscale, sans compter toutes les techniques d’optimisation que les grandes entreprises et autres fortunes de ce pays mettent en œuvre grâce à leurs avocats spécialisés.
Avec vous, madame la ministre, toute personne n’acceptant pas n’importe quel travail, même précaire, sous-payé, situé à une heure de chez elle, devra être radiée, alors que les employeurs ont, quant à eux, un droit à l’erreur, une fiscalité avantageuse et un pouvoir renforcé dans l’entreprise.
Pour appuyer votre mesure, le patronat nous dit que certains secteurs manquent de main-d’œuvre, mais sans jamais remettre en question les conditions de travail et les salaires proposés. Évidemment, pas de mépris de classe, pas de culpabilisation des « privés d’emploi »…, mais ce simple qualificatif est déjà en lui-même stigmatisant ! Or, rappelons-le, une personne qui perçoit des indemnités de chômage a cotisé pour avoir ce droit. Car c’est un droit, madame la ministre !
M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !
M. Pascal Savoldelli. Les grandes fortunes de France et les résultats du CAC 40 n’ont jamais été aussi opulents, mais on demande toujours aux mêmes de faire des efforts. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous avez déclaré ce matin, madame la ministre : « L’intelligence n’est pas interdite. » Aussi, je vous le dis, ce sont non pas les chômeurs qu’il faut battre, mais le chômage. C’est simple et basique ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le sénateur Savoldelli, comme nous y a invités M. le président du Sénat, je souhaite commencer mon intervention par une approche littéraire et philosophique, avant de répondre très directement à votre question.
« Nos devoirs - ce sont les droits que les autres ont sur nous ».
Mme Éliane Assassi. Cela dépend dans quel sens !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Ce n’est pas un Français qui a dit cela, mais Friedrich Nietzsche. Toute l’Europe enrichit la langue et la philosophie françaises…
Ce que vous dites est faux, monsieur le sénateur : ce qui stigmatise les chômeurs, ce n’est pas ce dont vous parlez.
Ce qui les stigmatise d’abord, c’est qu’ils ne parviennent pas suffisamment, faute d’accompagnement précoce, à trouver un emploi, même lorsque la croissance repart.
C’est pour cela que nous allons investir 15 milliards d’euros dans la formation des demandeurs d’emploi.
C’est pour cela que Pôle Emploi va mettre en place à titre expérimental un journal de bord qui permettra à ses conseillers de passer moins de temps à vérifier les actes positifs de recherche d’emploi, et davantage à conseiller les demandeurs d’emploi de façon personnalisée.
Ce qui stigmatise les demandeurs d’emploi, c’est l’actuelle règle bureaucratique de l’offre raisonnable d’emploi : on l’applique en effet de la même façon à toutes les personnes, quelle que soit leur situation, qu’il s’agisse d’une femme élevant seule ses trois enfants qui doit emmener l’un d’eux à la crèche le matin, ou d’un demandeur d’emploi dans une zone rurale dépourvue de transports en commun et qui n’a pas le permis de conduire. De toutes ces personnes, on exige les mêmes choses ; or cela ne marche pas.
Nous allons aussi, demain, lutter contre une autre stigmatisation, que vous connaissez très bien, car les entreprises et les demandeurs d’emploi en parlent. Elle est due à la toute petite minorité de demandeurs d’emploi qui non seulement ne font pas d’actes positifs de recherche d’emploi, mais également refusent les emplois qualifiés et bien payés. Ce sont eux qui nuisent à l’image des chômeurs, qui font qu’on les stigmatise, qui découragent les employeurs et les autres salariés ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Nous allons mener une politique équilibrée, avec davantage d’accompagnement et de contrôles, une politique plus juste et plus efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
manifestations - climat social
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Rachid Temal. Monsieur le Premier ministre, le 22 mars prochain, date ô combien symbolique pour un président de la République qui souhaitait célébrer Mai 68, sera une journée de mobilisation pour le service public, pour un service public de qualité. J’y participerai avec mes collègues, aux côtés des usagers, des personnels, notamment ceux des entreprises de transport, et des élus.
Cette mobilisation exprime des crispations et des inquiétudes ressenties par nos concitoyens. Les mesures annoncées par votre gouvernement y contribuent largement, qu’elles concernent le pouvoir d’achat, la baisse de l’aide personnalisée au logement, l’APL, la hausse de la CSG pour les retraités et les fonctionnaires, la baisse drastique des contrats aidés… sans oublier celles qui sont relatives à l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, et à la flat tax grâce auxquelles le pouvoir d’achat de certains foyers fiscaux augmentera de plus de 5 milliards d’euros par an.
Votre gouvernement est celui qui fait de la solidarité inversée, des classes populaires vers les plus aisées, sa marque de fabrique.
Je n’oublie pas non plus la question des services publics. Le symbole en est la SNCF, sur laquelle pèse la menace de la privatisation et de l’abandon des lignes dites secondaires. Citons encore l’hôpital public, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, ou encore les fermetures de classes, notamment en milieu rural, en dépit des réponses lénifiantes faites semaine après semaine par le ministre de l’éducation.
Monsieur le Premier ministre, alors que l’économie française crée de plus en plus de richesses, ce dont chacun peut se réjouir, les Français ne peuvent ni entendre ni comprendre votre refus de mieux les répartir. Quelles mesures comptez-vous prendre en faveur du pouvoir d’achat de nos concitoyens – je ne parle pas des propriétaires de yachts ! – et des services publics ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de votre question pleine de nuances (Sourires sur les travées du groupe La République En Marche.), et parfaitement légitime…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est ce que vivent les gens !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous évoquez une série de sujets d’inquiétude et de préoccupation, liés notamment au fonctionnement de grands services publics, comme l’hôpital. Toutes ces questions sont apparues, je l’imagine, de façon quasi spontanée depuis le mois de mai dernier…
Vous prenez ces sujets au sérieux, et je fais de même. Je sais ainsi que si l’hôpital va mal aujourd’hui, ce n’est pas parce que nous avons pris des décisions depuis mai dernier. C’est probablement plutôt parce que depuis trop longtemps – je vous le dis comme je le pense –, des décisions n’ont pas été prises ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Martial Bourquin. Qui était au pouvoir ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Et si la SNCF ne va pas bien aujourd’hui, ce n’est pas parce que nous avons pris des décisions contestables depuis mai dernier, mais probablement parce que des décisions importantes n’ont pas été prises lors des années précédentes. Je vous le dis et je l’assume, monsieur le sénateur ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
L’un des points contre lequel un certain nombre d’organisations syndicales appellent à manifester jeudi prochain est l’ouverture à la concurrence de la SNCF et les conditions dans lesquelles elle doit se faire. Je me permets de vous faire observer, tranquillement et en toute transparence, que cette ouverture à la concurrence a été décidée non pas en mai dernier, mais lors du précédent quinquennat. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) C’est un fait !
M. Pierre Laurent. Vous l’avez votée !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Oui, monsieur le sénateur, et j’assume parfaitement le fait que ce soit une bonne décision. Je suis simplement un peu surpris que des députés et des sénateurs qui ont porté cette réforme la critiquent aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.) Vous êtes cohérent, moi aussi ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Pour ce qui concerne les mesures relatives au pouvoir d’achat – un certain nombre ont été annoncées, et je l’ai encore rappelé ce matin –, quand on ne veut pas les voir, on ne les voit pas !
La revalorisation du minimum vieillesse sera effective à partir du 1er avril prochain. Celle de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, le sera dès cette année, ce qui représente une hausse très importante de cette allocation. La diminution à hauteur d’un tiers de la taxe d’habitation, ce qui est considérable, concernera 80 % des Français. Vous pouvez ne pas vouloir la regarder, mais elle existe !
Toutes ces mesures, y compris la baisse, puis la disparition des cotisations salariales, qui vont augmenter le pouvoir d’achat des actifs, sont donc destinées à améliorer le pouvoir d’achat. Elles sont justifiées par une philosophie simple, que nous assumons : le travail doit payer. C’est cette ligne que nous suivons aujourd’hui et que nous suivrons demain, avec cohérence.
Je vous invite tous à faire preuve de la même cohérence. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour la réplique.
M. Rachid Temal. Monsieur le Premier ministre, vous êtes en effet tout en nuances : je n’ai pas entendu votre réponse ni sur l’ISF ni sur la flat tax.
Vous avez mené une campagne sur le thème du budget insincère ; or vous voyez bien que les rentrées fiscales, désormais, sont là.
Les Français contestent votre politique relative aux retraités, à l’ISF. Vous pouvez leur expliquer que vous agissez en faveur du pouvoir d’achat ; manifestement, ils ne vous croient pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
responsabilité des acteurs privés dans la lutte contre la précarité énergétique
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Jean-Pierre Decool. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, représenté par M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Plus de 12 millions de Français, c’est-à-dire un Français sur cinq, souffrent de précarité énergétique. Jeunes et étudiants, retraités ou familles monoparentales, ils vivent dans de véritables passoires thermiques et consacrent 10 % de leurs revenus aux dépenses énergétiques.
Face à cette situation alarmante, les gouvernements successifs se sont mobilisés. Depuis le 1er janvier, un chèque énergie est proposé aux ménages dans le besoin pour les aider à payer leurs factures, remplaçant ainsi les tarifs sociaux de l’énergie. Le montant de ce chèque s’élève en moyenne à 150 euros par an. Or certains locataires payent jusqu’à 320 euros par mois pour maintenir la température de leur logement à 18 degrés.
Le plan quinquennal de rénovation thermique de 500 000 logements par an à compter de 2017 vise à améliorer la situation économique et sanitaire de ces foyers. Mais quand bien même ces engagements seraient tenus, ils s’appuient, pour le parc privé, sur des mécanismes volontaristes de crédits d’impôt, de prêts et de certificats d’économies d’énergie. Une question reste ouverte : les citoyens les plus vulnérables, les jeunes, les retraités, les familles monoparentales mobiliseront-ils volontairement ces aides ?
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur la responsabilité sociétale des acteurs privés du secteur de l’énergie dans la détection et l’accompagnement des foyers énergétiquement précaires.
En effet, les opérateurs privés de distribution d’énergie ont effectué plus de 300 000 interruptions ou résiliations de fourniture d’électricité ou de gaz en 2016. Ces mêmes opérateurs déploient des compteurs communicants dits intelligents sur l’ensemble du territoire et sont détenteurs d’une manne de données de consommation qu’ils pourraient valoriser dans le cadre de la lutte contre la précarité énergétique. Qu’en est-il de l’implication de ces entreprises assurant une mission de service public dans la prévention, la détection et l’accompagnement de ces foyers en difficulté ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Decool, chacun connaît sur ces travées l’importance du sujet qui vient d’être évoqué. Tous les gouvernements, depuis de longues années, se sont mobilisés, étape par étape, pour lutter contre ce fléau.
La précarité énergétique est en effet un fléau social : les plus fragiles doivent parfois mobiliser jusqu’à 30 % de leurs revenus pour pouvoir se chauffer et, du coup, renoncent à le faire. Aujourd’hui, près de 5 millions de foyers et 12 millions de Français souffrent de cette situation et ne sont plus en mesure de se chauffer correctement. On voit combien l’effort qu’il convient d’accomplir est important !
La précarité énergétique est aussi un sujet environnemental. Il est donc essentiel que nous puissions agir sur les deux niveaux. Nous savons que 19 % des émissions de gaz à effet de serre proviennent des bâtiments.
C’est parce qu’il s’agit de deux enjeux fondamentaux qu’il nous faut nous mobiliser.
Dans l’urgence, le premier niveau d’action est le chèque énergie, qui bénéficiera – cet élément vient compléter la précédente réponse du Premier ministre – à 4 millions de Français, lesquels recevront dans quelques jours un chèque d’un montant moyen de 150 euros pour régler leurs factures d’énergie. L’expérience avait été tentée dans quatre départements. Nous avons décidé qu’elle serait généralisée à l’ensemble du territoire.
Le deuxième niveau d’action, vous l’avez dit, concerne les travaux d’isolation. Il nous faut révolutionner notre façon d’agir et mobiliser l’ensemble des acteurs, y compris les opérateurs producteurs d’énergie, en vue de mieux cibler, mieux sensibiliser, mieux orienter et mieux financer.
Vous avez raison : nous devons tous ensemble, avec les collectivités locales qui jouent un rôle majeur via le guichet unique que nous voulons mettre en place, et grâce aux sources d’information dont disposent les opérateurs, apporter des réponses au cas par cas, adaptées à la situation de chacun. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
situation des kurdes
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
La ville kurde d’Afrin, au nord de la Syrie, est tombée dimanche aux mains des forces turques et de leurs alliés.
Afrin était encerclée depuis mardi, 250 habitants ont fui et, une fois de plus, c’est à une véritable catastrophe humanitaire que nous avons assisté.
Le résultat, in fine, de cette opération militaire turque est double : d’une part, la zone a fait l’objet du nettoyage ethnique que l’on craignait ; d’autre part, le combat mené par les Kurdes contre Daech s’en trouvera, bien entendu, ralenti.
Pis, le président Erdogan a annoncé hier qu’il ne comptait pas en rester là. Son objectif assumé et affiché est de reconquérir la région frontalière pour y remplacer les populations kurdes.
La France, jusqu’à présent, soutenait les Kurdes syriens dans leur combat contre Daech. Le président Hollande, en son temps, avait décidé d’intervenir à Kobané, entraînant avec lui les Américains et les forces de la coalition.
La France était alors sans ambiguïté aux côtés des Kurdes, combattants bien seuls, au départ, contre le terrorisme islamique ; on l’a oublié.
La discrétion du président Macron, tout au long de cette peu banale opération militaire turque, correspond-elle à un renversement de stratégie ? (M. Martial Bourquin opine.)
Les Kurdes seraient-ils soudain devenus aux yeux de la France des terroristes, alors qu’ils étaient hier nos alliés ? Et quel message la France envoie-t-elle au monde en se révélant incapable de venir en aide à ses alliés, alors même que ceux-ci ont besoin de nous ?
Pour l’avenir, et c’est ma dernière question, que compte faire la France si l’armée turque, au lieu de se retirer des territoires occupés, comme nous l’a encore annoncé l’ambassadeur de Turquie en commission des affaires européennes la semaine dernière, étend ses opérations à d’autres régions kurdes ? (Vifs applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des affaires européennes.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur André Reichardt, la chute d’Afrin dimanche, après deux mois d’offensive turque, marque une nouvelle escalade dans la tragédie que connaît la Syrie.
Vous l’avez dit, c’est un nouveau coup porté à une situation humanitaire déjà catastrophique : des dizaines de milliers de personnes sont déplacées ; celles qui restent se trouvent dans une situation critique, privées d’eau, d’électricité et de secours.
C’est aussi un coup porté – vous l’avez dit, monsieur le sénateur – à la campagne contre Daech, à laquelle les forces démocratiques syriennes ont apporté une contribution décisive. La France en a pleinement conscience, la France ne l’oublie pas.
Mme Éliane Assassi. Cela ne suffit pas, il faut agir !
M. Simon Sutour. Des larmes de crocodile !
Mme Nathalie Loiseau, ministre. Leurs capacités doivent être préservées. Daech n’est toujours pas vaincu en Syrie.
C’est enfin un coup porté à la trêve humanitaire décidée par la résolution 2401 du Conseil de sécurité des Nations unies qui exige une cessation des hostilités sur l’ensemble du territoire syrien.
La position de la France est constante. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Les préoccupations de la Turquie concernant la sécurité de sa frontière ne doivent pas la conduire à une implantation militaire dans la profondeur du territoire syrien.
Nous ne ménageons pas nos efforts pour une désescalade des tensions dans le nord de la Syrie.
Mme Éliane Assassi. La preuve !
Mme Nathalie Loiseau, ministre. Dans l’immédiat, la Turquie doit aussi assumer ses responsabilités, faire cesser les pillages et les violences,…
Mme Éliane Assassi. Et alors ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. … empêcher l’implantation des groupes radicaux et assurer le libre retour dans des conditions de sécurité de la population civile déplacée.
Mme Éliane Assassi. Blabla…
Mme Nathalie Loiseau, ministre. Il faut aussi qu’une gouvernance représentative de l’ensemble des composantes de la société locale et de leurs aspirations soit mise en place.
Je le répète, seule une solution politique inclusive, c’est-à-dire incluant aussi les Kurdes (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.),…
M. Simon Sutour. Quelle honte !
Mme Nathalie Loiseau, ministre. … est à même d’assurer la stabilité de la Syrie et la sécurité de ses voisins, dont la Turquie.
avenir de l’usine ford de blanquefort
M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, pour le groupe Union Centriste.
M. Alain Cazabonne. Ma question s’adresse à M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances.
Il le sait, la Ford Motor Company a annoncé le 27 février dernier qu’elle renonçait à confier à Ford Aquitaine Industries la fabrication d’une nouvelle transmission automatique à huit vitesses, ce qui aurait donné du travail aux salariés pendant plusieurs années. Ce bassin d’activité, vital pour la Gironde et la métropole bordelaise, est donc menacé de fermeture dès 2019.
Cette fermeture concerne près de 1 000 emplois directs et 4 000 emplois indirects.
Le groupe Ford a perçu des millions d’euros d’aides publiques, notamment 14 millions lors de la signature de la dernière convention.
J’ai bien noté que M. le ministre de l’économie et des finances avait alors immédiatement réagi à cette désastreuse annonce et qu’il avait reçu différents responsables politiques, ainsi que les représentants des syndicats. À la suite de ces rencontres, il avait annoncé qu’il allait recevoir le directeur de Ford Europe et mettre en place un « groupe de travail restreint », dans le but de « maintenir l’activité ».
Toute la Gironde et la région Nouvelle-Aquitaine sont fortement mobilisées pour que Ford Blanquefort perdure. Une grande manifestation est d’ailleurs prévue dans les prochains jours. Aussi, mes questions sont les suivantes. Où en est ce groupe de travail restreint ? Quelles propositions compte faire M. le ministre de l’économie et des finances pour que Ford tienne ses engagements signés lors de la dernière convention, à savoir maintenir l’activité du site ou respecter l’obligation de trouver un repreneur ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Alain Cazabonne, je répondrai à la place de Bruno Le Maire, qui participe actuellement au G20 en Argentine, mais s’est bien sûr personnellement occupé du sujet que vous évoquez.
Ce sujet est douloureux. En effet, le groupe Ford a annoncé le 27 février dernier sa décision de ne pas investir pour assurer l’avenir du site de Blanquefort, qui compte près de 1 000 salariés. Il s’agit d’une mauvaise nouvelle, que nous déplorons. Bruno Le Maire a eu l’occasion de le dire au président de Ford Europe, et il a tenu une réunion de crise avec les représentants des salariés et les élus concernés dès le 2 mars dernier. Il a obtenu que Ford maintienne le niveau des charges de l’usine jusqu’à la fin de 2019.
Il faut mettre à profit ce délai pour chercher des solutions durables pour le site. Pour l’État comme pour les salariés, le premier responsable de la pérennité du site de Blanquefort est le groupe Ford lui-même, qui, à ce jour, est bénéficiaire. C’est à Ford de proposer des solutions permettant d’assurer la pérennité de ce site industriel et de garantir que d’éventuelles restructurations qu’il pourrait décider soient menées de manière parfaitement responsable.
Il ne faut pas réitérer la mauvaise expérience de 2011, lorsque Ford avait tenté de céder le site à un industriel trop peu solide, puis avait été obligé de le reprendre quelques mois plus tard. Un groupe de travail de haut niveau a été constitué avec la direction de Ford et le délégué interministériel aux restructurations, M. Jean-Pierre Floris. Des comités trimestriels vont se tenir avec les salariés et les élus, à l’invitation du préfet.
Le 5 avril prochain, M. Floris se rendra chez Ford Europe, afin de discuter de façon très détaillée des mesures qui seront prises pour assurer la tenue de l’engagement de charges jusqu’à la fin de 2019, et ce dans les détails les plus techniques et opérationnels. Il pourra également évoquer les voies de pérennisation du site au-delà de cette date. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, pour la réplique.
M. Alain Cazabonne. Madame la secrétaire d’État, j’ai bien noté ces engagements. Je crois qu’il est important de faire un geste fort, sans jeu de mots, à l’égard de ces entreprises qui viennent s’installer ici et créer des emplois, ce qui est une bonne chose. On peut même comprendre qu’elles demandent des aides en cas de difficultés, mais il est inadmissible qu’elles n’intègrent jamais dans leurs décisions la casse sociale qui vient derrière. Nous devons tous être unis pour leur faire comprendre qu’elles sont certes les bienvenues, mais qu’elles doivent être responsables jusqu’au bout. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
système de santé des travailleurs transfrontaliers
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe La République En Marche.
Mme Patricia Schillinger. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Jeudi dernier, la Cour de cassation a tranché le conflit qui opposait un travailleur frontalier exerçant en Suisse à la CPAM, la Caisse primaire d’assurance maladie, de Haute-Savoie.
Comme ce travailleur, des milliers de frontaliers de mon département ont été, contre leur gré, rattachés au système français d’assurance maladie et connaissent depuis des situations de double affiliation.
Alors qu’ils sont contraints de cotiser deux fois, beaucoup ne bénéficient d’aucune couverture maladie et se voient, dans le même temps, réclamer des sommes importantes par les services des URSSAF.
L’arrêt de la Cour de cassation suscite l’espoir de ces travailleurs puisqu’il dispose qu’un frontalier affilié en Suisse ne peut être affilié au régime français et doit en être radié s’il en fait la demande, peu importe l’antériorité de son affiliation au régime français.
Cet arrêt règle potentiellement les milliers de situations similaires encore pendantes ; aussi ma question est simple. Madame la ministre, alors que vous avez hérité de cette situation complexe (Marques de désapprobation sur les travées du groupe socialiste et républicain.), vous avez l’occasion aujourd’hui de donner l’exemple de la société de confiance dont nous débattions encore la semaine dernière dans notre assemblée en adoptant le droit à l’erreur.
Pour ce faire, entendez-vous tirer, dès aujourd’hui, toutes les conséquences de l’arrêt de la Cour de cassation, en demandant l’abandon immédiat des procédures en cours à l’encontre des travailleurs frontaliers concernés, leur radiation de l’assurance maladie française et le remboursement des cotisations versées indûment au titre de celle-ci ? (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.)
M. Loïc Hervé. Très bonne question !
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Schillinger, je vous remercie de votre question. Le 15 mars dernier en effet, la Cour de cassation a rendu cet arrêt concernant la situation de double affiliation de certains frontaliers travaillant en Suisse.
La Cour a rejeté le pourvoi formé par la CPAM de Haute-Savoie, considérant notamment « que la personne résidant en France qui est affiliée à l’assurance maladie obligatoire en Suisse au titre de l’activité qu’elle exerce dans cet État, ne peut être affiliée au régime français de sécurité sociale ou, en tout cas, doit en être radiée dès qu’elle le demande, peu important l’antériorité de son affiliation au régime français ».
L’accord franco-suisse du 7 juillet 2016 ne prévoyait pas de dispositions relatives à la rétroactivité. Ainsi, une majorité des frontaliers qui se sont affiliés antérieurement à cette date ont saisi les tribunaux des affaires sociales, souhaitant voir leur radiation effective à la date de leur affiliation en Suisse.
La Cour de cassation a tranché ces contentieux en leur faveur. À ce jour, 9 789 recours sont en instance auprès des tribunaux des affaires de sécurité sociale, les TASS, dont 9 708 au TASS de Mulhouse et 75 devant les cours d’appel.
Afin de solder cette situation et souhaitant rassurer l’ensemble des frontaliers, les autorités compétentes françaises vont demander à la Caisse nationale d’assurance maladie et à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale de prendre en compte la décision de la Cour de cassation en reconnaissant la radiation à la date d’affiliation en Suisse, en restituant les cotisations sociales perçues sur la période considérée…
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Agnès Buzyn, ministre. … et en abandonnant les mises en demeure auprès des frontaliers qui ne s’étaient pas acquittés de leurs cotisations.
Comme vous le constatez, madame la sénatrice, l’État s’engage et l’État assume ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Loïc Hervé. Très bonne réponse !
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour la réplique.
Mme Patricia Schillinger. C’est une très bonne nouvelle, madame la ministre. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) Je tiens vraiment à saluer votre pragmatisme. Enfin, les frontaliers verront la fin de ce calvaire qui durait depuis plusieurs mois. Bravo ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Michelle Meunier. Monsieur le Premier ministre, la France peut s’honorer de la protection dont dispose chaque mineur sur son territoire, au nom de l’intérêt de l’enfant.
Depuis quelques années, la mission de l’aide sociale à l’enfance assurée par les conseils départementaux évolue. Une part croissante des situations concerne les mineurs non accompagnés.
En Loire-Atlantique, leur nombre est passé de 50 en 2012 à près de 500 en 2017 ; il a décuplé en cinq ans, doublé en un an, comme au plan national.
Cette situation entraîne un fort surcroît d’activité au niveau des services de premier accueil, d’évaluation de l’âge et de l’isolement des jeunes mineurs, du parquet, qui statue sur leur situation.
Lorsque la minorité et l’isolement sont reconnus, les jeunes issus de parcours migratoires pénibles, faits d’épreuves, d’errances et de souffrances, sont accueillis en vertu de la protection que nous leur devons.
À l’automne, votre gouvernement semblait avoir entendu les demandes de soutien exprimées par l’Assemblée des départements de France, l’ADF. Le budget pour 2018 accordait un financement exceptionnel.
En janvier dernier, le Conseil national de la protection de l’enfance invitait l’État à prendre la responsabilité de la mise à l’abri et de l’évaluation, au titre de ses politiques régaliennes et pour permettre aux départements d’assurer correctement la protection de ces mineurs, au nom du droit commun.
Lundi dernier, votre négociation avec l’ADF a écarté cette idée de reprise, ce qui est très regrettable. Pis, elle n’a pas abouti sur la question financière.
Les collectivités locales assurent ne plus pouvoir affronter seules cette situation.
Monsieur le Premier ministre, comment l’État répondra-t-il pour assumer enfin pleinement les conséquences financières tant pour la prise en charge de la phase d’accueil que pour la protection des jeunes reconnus mineurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Michelle Meunier, vous attirez l’attention sur la situation des mineurs non accompagnés dans votre département, comme dans tous les autres départements de France. Vous avez raison de le faire, puisque le nombre de personnes reconnues comme étant des mineurs non accompagnés est passé de 5 000 en 2014 à plus de 8 000 en 2016. Cette tendance à la hausse se poursuit, puisque près de 13 000 personnes devraient être déclarées mineures dans le cadre de ce dispositif en 2017.
À cela s’ajoute une proportion significative de personnes qui sont reconnues majeures à l’issue de la phase d’évaluation de la minorité : c’est une vraie question à laquelle il faut également apporter une réponse.
Face à cette situation, l’État a engagé une action déterminée pour garantir la protection des mineurs, qui – vous l’avez rappelé – relèvent d’engagements internationaux que nous respectons bien sûr fidèlement.
Le Premier ministre a annoncé à l’automne dernier que l’État s’impliquerait davantage dans le financement de l’évaluation et de l’hébergement d’urgence des personnes se déclarant mineures jusqu’à ce que leur minorité soit confirmée. Nous travaillons à rendre plus efficace la phase d’évaluation de la minorité, notamment les vérifications qui relèvent clairement de la responsabilité de l’État. J’ai assisté moi-même à une réunion chez le Premier ministre, avec les représentants de l’Assemblée des départements de France la semaine dernière. Le dialogue est en cours. Nous avons fait des propositions aussi bien techniques que financières.
Vous avez rappelé l’existence de l’enveloppe d’urgence. Je crois qu’il faut aussi essayer de trouver, et c’est l’objectif du Premier ministre, un accord qui soit pérenne. (MM. François Patriat et Loïc Hervé applaudissent.)
médecine
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche. Madame la ministre des solidarités et de la santé, vous avez suspendu le volet financier du règlement arbitral pour les chirurgiens-dentistes décidé par Marisol Touraine. Devant le front de protestations des praticiens libéraux, vous avez demandé l’ouverture de nouvelles négociations conventionnelles.
Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons approuvé ces décisions et les avons soutenues. Or il semblerait que les négociations tardent et qu’elles prennent du retard. Pouvez-vous nous dire si elles aboutiront, dans des délais raisonnables, à une convention qui traduise un consensus pour que les Français accèdent à une médecine bucco-dentaire de qualité, dans un cadre de régulation associant prévention et innovation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Catherine Deroche, à la suite de l’arrêt des négociations sur la convention nationale des chirurgiens-dentistes, une procédure d’arbitrage avait été mise en œuvre en 2017. Ce règlement arbitral cristallisait les tensions des différents syndicats libéraux. Aussi, j’ai souhaité le suspendre lorsque je suis arrivée au ministère.
Notre impératif est avant tout de répondre aux besoins légitimes des Français en matière de santé, de prévention et d’accès aux soins.
En matière de santé et de prévention, les maladies bucco-dentaires peuvent favoriser l’apparition, la progression ou l’aggravation de certaines maladies générales. Il est donc important que les chirurgiens-dentistes s’intègrent mieux dans les parcours de soins et de santé, en lien avec les autres professionnels de santé, et que les soins conservateurs soient revalorisés.
En matière d’accès aux soins, nous nous devons de mettre en œuvre la promesse du Président de la République : le reste à charge zéro concernant les prothèses dentaires. Des négociations sont donc en cours avec la profession des chirurgiens-dentistes dans le cadre de la négociation conventionnelle.
Cela ne pourra pas se faire sans un dialogue constructif : celui-ci prend un certain temps, mais il avance. En concertation avec les trois syndicats représentatifs, ces négociations conventionnelles ont été rouvertes cette année avec trois objectifs principaux : l’accès financier aux soins, le développement de la prévention et une attention particulière aux besoins des publics les plus fragiles.
Il est primordial de responsabiliser l’ensemble des acteurs, afin de parvenir à diminuer le reste à charge sur les prothèses dentaires, tout en valorisant le travail de prévention primaire et secondaire des chirurgiens-dentistes. Les évolutions à venir modifieront durablement – nous le souhaitons – la pratique des soins dentaires en France, dans l’intérêt des patients et des professionnels. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.
Mme Catherine Deroche. Je vous remercie, madame la ministre. J’entends votre engagement concernant la prévention et l’innovation, mais le reste à charge zéro sur les prothèses dentaires, qui est une promesse du président Macron pour 2022, est inscrit dès 2018 dans la négociation conventionnelle.
Certes, les prothèses sont une question importante, mais elles ne sont souvent que l’aboutissement d’un parcours préventif inefficace. Comme le soulignent les professionnels de santé en chirurgie dentaire, l’association optique-audioprothèses-prothèses dentaires est très réductrice pour des chirurgiens-dentistes qui sont garants de la santé buccale et plus largement, comme vous l’avez dit, de la santé générale des patients.
Nous voulons insister sur deux points.
Nous ne souhaitons pas que s’instaure un système ou un marché low cost – mes collègues m’ont rapporté que cette crainte existe dans tous les départements –, comme c’est le cas en Espagne, et que le reste à charge soit une usine à gaz dont l’administration a parfois le secret.
Nous souhaitons que les professionnels de santé, qu’ils soient libéraux ou hospitaliers et quelle que soit leur spécialité, soient vraiment entendus et que vous les écoutiez, car ce sont eux qui exercent cette profession. Il y va aussi d’un maillage territorial équilibré sur le territoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
contrôle des imams étrangers à l’occasion du prochain ramadan
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Nathalie Goulet. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Le Président de la République a récemment annoncé qu’il comptait reprendre le dossier de l’organisation de l’islam en France. Le 14 mai prochain débuteront les célébrations du ramadan. À cette occasion plusieurs centaines d’imams, psalmodieurs, récitatrices arriveront du monde entier en France, certains avec des conventions, d’autres uniquement avec des visas de tourisme.
Ma question est assez simple : quelles sont les dispositions que le Gouvernement a prises pour s’assurer que les 300, 350 ou 400 personnes qui arriveront sur le territoire pour renforcer les dispositifs ont une bonne connaissance, à la fois, de la langue française et des principes fondamentaux de notre République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Nathalie Goulet, je sais combien vous êtes attentive à ces questions. Je me souviens que, dès 2015, vous aviez demandé la création ici, au Sénat, d’une mission d’information sur l’organisation, la place et le financement de l’islam dans notre pays.
Effectivement, la France accueille tous les ans des imams qui sont souvent formés dans les pays du Maghreb. L’accueil de ces personnes est bien sûr plus important pendant la période du ramadan. Je puis vous assurer que le ministère de l’intérieur est très attentif à ces arrivées. Des listes lui sont fournies avec les noms de personnes qui entrent soit en qualité d’imam, soit avec des visas touristiques. Comment le dire simplement ? Un criblage est effectué par nos services de police au niveau national. Ce dispositif permet de s’assurer que les imams ont un certain niveau de formation et qu’ils parlent français.
Cela dit, comme vous l’avez indiqué, le Président de la République a lancé un chantier sur l’islam de France. Nous disposerons, dans quelques semaines ou quelques mois, d’un bilan de la réflexion qui aura été menée notamment auprès d’intellectuels et de religieux, qui permettra – c’est aussi le but – de former les imams en France.
D’ailleurs, des universitaires réfléchissent à la question, et ma collègue Frédérique Vidal s’occupe aussi de ce dossier. Pour consolider la religion musulmane dans notre pays, dans l’esprit de laïcité et d’un islam de France dans la République qui sous-tendait la première question posée cet après-midi, il faut s’impliquer davantage encore dans la formation des imams. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, d’abord, tous les spécialistes savent que la radicalisation ne se fait pas dans les mosquées. Ensuite, nous tardons à réaliser cette formation. Nous sommes plus de cinquante ici à avoir signé la proposition de loi déposée par André Reichardt relative à la formation de l’ensemble des ministres de l’ensemble des cultes présents sur le territoire. Car l’égalité devant la loi concerne absolument tout le monde. Nous n’avons absolument pas avancé sur ces sujets depuis Bernard Cazeneuve et l’instance de dialogue.
Il faut vraiment, je le crois, travailler sur ces questions pour le respect et la sécurité de tous, et notamment de nos concitoyens de confession musulmane, de façon qu’ils puissent exercer leur culte dans les meilleures conditions.
Il faut également pouvoir croiser les informations que vous avez avec celles des services de sécurité de nos alliés des pays voisins et de l’ensemble des pays européens. Sur ces questions, nous ne pouvons pas travailler seuls, sans – j’insiste – croiser les données. Tout le monde est concerné.
Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. J’espère que nous pourrons avancer sur ces points, qui sont absolument fondamentaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
point d’étape sur la politique de la ville
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Frédéric Marchand. Ma question s’adresse à M. le ministre de la cohésion des territoires.
La politique de la ville, ce sont quarante années de combat et de mobilisation.
La politique de la ville, ce sont des moyens spécifiques de l’État dans les quartiers dits prioritaires, pour réduire les inégalités sociales entre les territoires.
Développement économique, éducation, emploi, rénovation urbaine, cadre de vie sont autant de domaines d’action engagés pour améliorer les conditions de vie de ces habitants.
En quarante ans, beaucoup a été réalisé par les gouvernements qui se sont succédé : zones d’éducation prioritaire, missions locales, Agence nationale pour la rénovation urbaine, entre autres.
Pourtant, le chômage dans ces quartiers reste deux fois supérieur à la moyenne nationale et le sentiment de relégation est vif. Il est plus qu’évident que la politique de la ville a encore de nombreux défis à relever.
Le Gouvernement s’est donné comme objectif de réduire de 50 % l’écart de taux de chômage entre les quartiers et la moyenne nationale sur cinq ans et d’améliorer d’une manière générale le cadre de vie de ces habitants. Des mesures spécifiques ont d’ores et déjà été décidées : la création des emplois francs ; le doublement du nouveau programme national de rénovation urbaine ; le développement des conseils citoyens pour associer la population ; le dédoublement des classes de CP en REP+.
Malgré l’engagement des acteurs sur le terrain et les progrès réalisés en matière de cohésion sociale et d’emploi, le regard porté sur les quartiers populaires reste encore trop souvent négatif et stéréotypé.
Dans mes fonctions mayorales antérieures, j’ai pu mesurer la persistance de ces préjugés. Si ma commune a bénéficié positivement de la politique de la ville, j’ai pu aussi constater les carences des différentes politiques qui se sont succédé.
En effet, s’il y a eu de formidables succès, tels que les plans de rénovation urbaine, si des territoires se sont transformés, il y a eu aussi des échecs, des coups d’arrêt.
Le défi de la politique de la ville est toujours et encore immense. C’est celui de territoires qui ont concentré toutes les difficultés, avec un chômage de masse qui s’y est installé depuis parfois plusieurs décennies.
Dans ce cadre, rien n’est plus important que de reconnaître et de valoriser les contributions de la société civile, et d’engager une nouvelle étape reposant sur une politique de droit commun de l’État et des collectivités.
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !
M. Frédéric Marchand. Depuis plusieurs semaines, les élus, les associatifs et les habitants des quartiers enchaînent les groupes de travail.
Un important travail de concertation a aussi été effectué. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Votre question, mon cher collègue !
M. Frédéric Marchand. Monsieur le ministre, à quelques semaines de la remise du rapport Borloo, très attendu, pouvez-vous nous livrer un point d’étape sur la feuille de route du Gouvernement et rassurer ainsi les acteurs d’un dossier essentiel pour garantir la promesse républicaine ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Frédéric Marchand, votre question dresse un bilan objectif et réaliste de la situation dans ces quartiers. Ce que je veux dire de manière liminaire, c’est qu’il ne faut en aucun cas opposer les différents territoires.
Dans notre pays, un certain nombre de territoires ont des difficultés particulières, que ce soient les quartiers prioritaires de la politique de la ville, certains territoires ruraux ou certaines villes moyennes.
Il ne s’agit pas de faire jouer la concurrence des uns contre les autres s’agissant des mesures que nous devons mettre en place pour lutter contre ce décrochage, lequel ne remonte pas à quelques mois, mais est le résultat de plusieurs décennies d’évolutions sociétales et économiques.
Par rapport à cette situation, le Gouvernement a pris un certain nombre de décisions dès la fin de 2017. Vous les avez rappelées, je ne les reprendrai donc pas. Pour ce qui concerne les quartiers prioritaires de la politique de la ville, nous avons demandé à Jean-Louis Borloo de se mettre au travail pour réunir les propositions et les avis qui remontent des élus, des entreprises, des associations, afin de finaliser un certain nombre de propositions.
De la même manière, nous avons saisi dix groupes de travail au niveau national pour faire des propositions.
Aujourd’hui, nous en sommes à une phase d’étape, durant laquelle nous n’avons pas de décisions à prendre. Nous sommes à l’écoute. D’ici à un mois, un rapport sera soumis, et nous devrons alors prendre un certain nombre de décisions.
Vous avez parlé, à juste titre, de la question de l’image. Je rencontrais hier la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, pour travailler avec elle sur la définition de nouveaux moyens destinés à revaloriser l’image de ces territoires, dans lesquels il y a aussi beaucoup de belles choses. Nous avons l’impérieuse nécessité de travailler ensemble pour les mettre en valeur – c’est aussi ce que fait le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
calendrier du plan très haut débit
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour le groupe Les Républicains.
M. Patrick Chaize. L’État, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, et les opérateurs ont su, avec l’appui des collectivités et de leurs associations, sortir par le haut de la problématique de la couverture mobile. Vous le remarquerez, monsieur le ministre de la cohésion des territoires, je le dis quand de bonnes choses sont faites !
Mais s’agissant de la desserte fixe, c’est le chemin inverse que le Gouvernement semble prendre petit à petit. Vous aviez pourtant annoncé, à la fin du mois de juillet dernier, que le besoin financier nécessaire à la poursuite du déploiement du FTTH, le réseau fiber to the home, par les réseaux d’initiative publique serait de l’ordre de 1,5 milliard d’euros. Il y avait matière à poursuivre le plan France Très haut débit qui est jusqu’alors une réussite unanimement reconnue.
Or depuis cette annonce, je dois le dire, ces engagements budgétaires tardent à se concrétiser. Plus inquiétant même, les signaux concrets envoyés vont à l’encontre de cette annonce. Je citerai le rapport de l’Inspection générale des finances, l’IGF, qui paraît très en retrait ; la fermeture en catimini du guichet France Très haut débit, sans discussion ni information préalables ; l’absence de réponse au courrier pourtant adressé à votre ministère ; le lancement de l’appel à manifestation d’engagements locaux, l’AMEL, sans autre alternative possible ; l’absence de soutien à la proposition de loi visant à sécuriser les déploiements FTTH, publics et privés, malgré un vote unanime du Sénat ; et la refonte annoncée de l’offre de montée en débit.
Loin de la cohésion des territoires, on s’oriente vers une France à deux vitesses : celle qui aura accès au plan France Très haut débit et celle qui n’aura que le plan France PRM-MeD, les points de raccordement mutualisés et la montée en débit.
Aussi, je souhaite savoir, monsieur le ministre, dans quels délais, dans quelles conditions financières et avec quelles limitations de montages juridiques et technologiques vous allez rouvrir le plan en vue d’assurer la réalisation des objectifs de déploiement auquel le Gouvernement a déclaré pleinement souscrire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé du numérique. Monsieur le sénateur Patrick Chaize, le Président de la République l’a rappelé dès les premiers jours de son mandat, la couverture nationale numérique est un enjeu essentiel. Elle est aujourd’hui le premier accès aux services économiques, aux services publics, aux services d’information, aux services de formation, aux services de communication et bientôt de santé. Face à cette révolution, aucun territoire ne peut être exclu.
C’était l’engagement du Président de la République, cela a été celui de notre gouvernement, décliné en une méthode qui a été rappelée par le Premier ministre et que Jacques Mézard, Julien Denormandie et moi-même portons.
S’agissant de la couverture mobile, vous l’avez rappelé, il y a eu un changement de paradigme, je n’y reviens pas. Nous avions l’occasion, au moment de l’attribution de ces nouvelles licences, soit de penser simplement au budget de l’État, soit de penser à la fois au budget de l’État et à l’accélération du déploiement. Vous l’avez dit, cet accord va permettre un surinvestissement de plus de 3 milliards d’euros des opérateurs dans les prochaines années, ce qui nous permettra de tenir ces objectifs.
Concernant la couverture fixe, la méthode était celle du changement de braquet, de l’accélération. Nous avons consolidé l’intégralité de l’engagement des 3,3 milliards d’euros du plan France Très haut débit. Nous avons mobilisé près de 300 millions d’euros, et nous avons conforté, sans jamais trembler, la signature de l’intégralité des réseaux d’initiative publique qui étaient en cours.
À l’époque, vous aviez posé une question, vous inquiétant pour ces réseaux d’initiative publique. Ils sont maintenant tous sécurisés et en cours de déploiement.
Pour les territoires ruraux, le très haut débit par la fibre optique sera tiré jusqu’à 9 millions de foyers ; 1 million de lignes seront tirées jusqu’au centre des villages. Grâce au mix technologique, grâce à la diversité des choix technologiques, 100 % des Français seront couverts en très haut débit d’ici à 2022, et pour beaucoup ce sera bien avant.
La volonté de mobiliser intelligemment les ressources publiques autour des nouveaux dispositifs de l’AMEL va nous permettre de penser l’après-2022. C’est tout le dialogue qui a lieu aujourd’hui.
Ce n’est pas une fermeture, c’est un engagement à penser le futur ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.
M. Patrick Chaize. Monsieur le secrétaire d’État, je suis tout à fait d’accord avec le bilan, que vous avez très bien dressé.
Mon inquiétude porte sur l’avenir. En effet, vous venez de reconnaître qu’il n’a pas été prévu que l’ensemble des habitants de nos territoires, notamment ruraux, bénéficieraient d’une desserte de qualité grâce à la fibre optique.
C’était pourtant un engagement du Président de la République, qui a annoncé l’avènement, d’ici à 2025,…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Patrick Chaize. … de la société du gigabit. Force est de constater que cet engagement ne sera pas tenu ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
francophonie
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour le groupe Les Républicains. (M. Gérard Dériot applaudit.)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Président de la République a choisi la Journée internationale de la francophonie pour dévoiler son plan en faveur de la langue française.
Il était urgent de passer du discours aux actes. Comment peut-on en effet se faire le chantre de la francophonie tout en coupant de 33 millions d’euros les budgets consacrés à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et en supprimant des postes de professeurs ? N’est-il pas contradictoire de vanter le français comme langue d’avenir et de parler anglais dans les grandes enceintes internationales, où l’on trouve pourtant d’excellents interprètes ?
Alors qu’un grand plan est en train d’être dévoilé, je veux mettre en garde contre une approche trop jacobine. La francophonie ne peut plus être un instrument piloté par le Quai d’Orsay… ou par l’Élysée. Tant que nous la concevrons comme une stratégie impulsée par Paris, nous nous couperons des pays francophones. La francophonie se construirait alors sans nous, alors que la francophonie du XXIe siècle se doit d’être agile, pragmatique, en perpétuelle adaptation aux attentes locales.
Il ne s’agit pas de considérations théoriques. L’indépendance du réseau de nos 834 alliances françaises est aujourd’hui menacée. Un placement sous tutelle du Quai d’Orsay ou des instituts français serait une erreur stratégique et un très mauvais signal envoyé aux francophones et aux autorités des pays où sont implantées les alliances.
Le français doit sortir des sphères académiques pour redevenir la langue des secteurs d’avenir, créateurs d’emplois.
Pour mobiliser l’énergie des jeunes et leur offrir de nouvelles opportunités à l’international, j’avais suggéré la création – très nécessaire – d’un volontariat international d’enseignement en français. Le grand plan pour le français du Gouvernement concrétisera-t-il enfin cette demande ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des affaires européennes.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam, vous l’avez dit, le Président de la République est en ce moment même à l’Académie française (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) pour présenter la nouvelle stratégie de la France pour la promotion du français et du plurilinguisme dans le monde. Je crois que ce qu’il annonce répondra à vos attentes.
En cette Journée internationale de la francophonie, je veux vous confirmer l’engagement du Gouvernement pour faire de la promotion de la langue française l’un des grands enjeux de ce quinquennat.
Le français est parlé aujourd’hui par près de 300 millions de locuteurs dans le monde ; il pourrait l’être par plus de 700 millions en 2050. Il faut en tirer toutes les conséquences.
Le français est un atout majeur de la France dans la mondialisation. C’est aussi un bien commun, au-delà des frontières hexagonales. Cela doit nous conduire à décentrer notre regard sur le français, qui est autant une langue d’Afrique et d’ailleurs que de France. Il nous faut aussi prendre la pleine mesure du défi éducatif sur le continent africain, et il nous revient de conforter notre capacité de rayonnement, notamment grâce à ces magnifiques outils, que vous avez cités, que sont les lycées, les alliances et les instituts français.
S’agissant des alliances françaises, le Président de la République a émis le souhait que dix alliances françaises soient ouvertes chaque année et que les crédits alloués à ces institutions soient sanctuarisés.
Pour ce qui est des lycées français, le chef de l’État a annoncé qu’il comptait doubler le nombre d’élèves dans ces établissements à travers le monde.
Nous devons relever deux défis : renouveler notre capacité à atteindre de nouveaux publics, d’une part ; accélérer la prise de conscience francophone en France même, d’autre part.
En cette Journée internationale de la francophonie, vous me permettrez, madame la sénatrice, de rendre hommage à votre mobilisation sur ce sujet et de saluer vos idées, notamment celle de la création d’une cité de la francophonie à Villers-Cotterêts et celle d’un volontariat international d’enseignement en français, que vous venez de rappeler.
Ces deux idées viennent d’être reprises par le Président de la République ; il vient d’en faire l’annonce il y a quelques instants. (MM. François Patriat et Jean-Claude Requier applaudissent.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mardi 27 mars, à seize heures quarante-cinq ; elles seront retransmises sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat, ainsi que sur Facebook.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de M. Philippe Dallier.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Protection des données personnelles
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la protection des données personnelles (projet n° 296, texte de la commission n° 351, rapport n° 350, rapport d’information n° 344).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur de la commission des lois, monsieur le rapporteur de la commission des affaires européennes, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de retrouver votre hémicycle pour présenter, au nom du Gouvernement, ce projet de loi relatif à la protection des données personnelles, dont l’objet est d’adapter au droit de l’Union européenne la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Le nouveau cadre juridique européen doit, en effet, entrer en vigueur en mai prochain.
Les textes communautaires visés, qui sont l’aboutissement d’une longue phase de négociations, traduisent l’ambition très forte de notre continent dans le domaine de la protection des données à caractère personnel.
Pionnière avec la loi du 6 janvier 1978, dont nous venons de fêter les quarante ans, la France a pris une part très active dans les négociations européennes, afin de maintenir et de promouvoir son modèle de contrôle et de protection qui constitue encore aujourd’hui une référence en Europe et dans le monde.
Fruit d’un compromis, le paquet européen « protection des données » a été adopté par le Parlement européen et le Conseil le 27 avril 2016. Il se compose de deux textes : d’une part, un règlement, qui constitue le cadre général de la protection des données, et, d’autre part, une directive, qui vise les données à caractère personnel en matière pénale.
Je souhaite évoquer devant vous ces deux textes, avant d’aborder la méthode retenue par le Gouvernement pour les traduire dans notre droit et, enfin, deux problèmes politiques qui me semblent importants.
Le règlement crée un cadre unifié et protecteur pour les données personnelles des Européens. Il est applicable à l’ensemble des entreprises et de leurs sous-traitants, quelle que soit leur implantation, dès lors que ceux-ci offrent des biens et services à des personnes résidant sur le territoire de l’Union européenne. C’est un point très important : le droit européen s’appliquera chaque fois qu’un résident européen, quelle que soit sa nationalité, sera directement visé par un traitement de données, y compris donc par internet ou par le biais d’objets connectés, et ce quelle que soit la localisation du stockage et du traitement.
Le règlement crée, dès lors, une procédure de coopération intégrée entre les autorités de protection des données des États membres, dont, pour la France, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL. C’est le gage d’une application uniforme des nouvelles obligations, sous l’égide du Comité européen de la protection des données. C’est aussi l’affirmation d’une conception européenne de la protection des données personnelles qui diffère de celle qui est promue aux États-Unis ou dans d’autres États, comme en Chine.
L’Europe entend, en effet, concilier les valeurs du progrès et de la garantie des droits et des libertés fondamentales, en renforçant la confiance des citoyens dans l’utilisation qui est faite de leurs données personnelles, tout en offrant aux opérateurs économiques un environnement attractif.
Le règlement instaure donc de nouveaux droits pour les citoyens, comme le droit à la portabilité des données personnelles. Il crée également un environnement attractif pour des opérateurs économiques plus responsables, comme je le disais à l’instant. Nous inaugurons, dès lors, une nouvelle ère dans la régulation, avec un changement de paradigme assez profond : il s’agit désormais, en effet, d’alléger considérablement les formalités préalables, au bénéfice d’une démarche de responsabilité des acteurs et d’accroissement des droits des individus.
Ainsi, le règlement européen remplace le système de contrôle a priori, basé sur des déclarations et des autorisations préalables, par un système de contrôle a posteriori, plus adapté aux évolutions technologiques, fondé sur l’appréciation par le responsable du traitement des risques que présente ce dernier.
Cette nouvelle approche impose aux responsables de traitement d’intégrer les exigences de la protection des données personnelles très en amont de la conception de leur produit ou de leur service et d’offrir au consommateur, par défaut, le niveau de protection le plus élevé.
La désignation d’un délégué à la protection des données sera obligatoire dans le secteur public, mais des mutualisations seront possibles. Elle sera aussi obligatoire lorsque l’activité principale d’une entreprise en matière de traitement des données sensibles le justifiera.
Les responsables de traitement devront également notifier les violations de données personnelles à l’autorité de contrôle, ainsi qu’aux personnes concernées en cas de risque élevé pour leurs droits et libertés.
En responsabilisant les acteurs, qui devront être accompagnés par la CNIL, le projet de loi consacre également de nouvelles modalités de régulation, à travers des outils de droit souple.
En contrepartie, les pouvoirs de la CNIL sont renforcés et les sanctions encourues sont considérablement augmentées, jusqu’à 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial consolidé.
La directive fixe, quant à elle, les règles applicables à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel en matière pénale. C’est la première fois que l’Union européenne se dote d’un cadre normatif pour réglementer le traitement de ces données dans un cadre national.
La directive s’applique aux traitements mis en œuvre par une autorité compétente à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre les menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces.
Sont ainsi concernés, en France, les fichiers tels que le fichier national des empreintes génétiques, le fichier national des interdits de stade, ou encore le traitement d’antécédents judiciaires, ou fichier TAJ.
La directive n’est en revanche pas applicable dès lors que le traitement est mis en œuvre pour des finalités qui ne sont pas pénales ou par une autorité qui n’est pas compétente. Elle n’est pas non plus applicable aux traitements intéressant la sûreté de l’État et la défense qui ne relèvent pas du droit de l’Union européenne.
Les principales innovations de la directive consistent en la création, en matière pénale, d’un droit à l’information de la personne concernée par les données personnelles traitées et en la consécration d’un droit d’accès, de rectification et d’effacement. Ces droits s’exercent par principe de manière directe par la personne concernée auprès du responsable de traitement, alors que la loi actuelle prévoit un exercice indirect de ces droits pour les traitements intéressant la sécurité publique et la police judiciaire.
Avec son règlement et sa directive, ce paquet européen constitue donc un progrès considérable, et je ne peux que souscrire aux propos de M. le président de la commission des lois, Philippe Bas, soulignant que « ce projet de loi d’apparence technique recèle des enjeux politiques considérables ». Le Gouvernement ainsi que le Sénat et l’Assemblée nationale en ont, me semble-t-il, saisi toute la portée.
Cependant, ce texte demeure technique, car il se situe au croisement de deux textes communautaires de portée juridique distincte, dans un domaine complexe. Cette caractéristique nous a contraints à faire des choix de méthode pour traduire le droit européen en droit français.
Je veux m’arrêter un instant sur cette question de la méthode de transposition, car je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que c’est l’une de vos préoccupations, comme c’est une préoccupation des acteurs concernés. Je peux vous assurer que c’est également la nôtre.
Je rappelle d’abord que, si la directive doit faire l’objet d’une transposition, le règlement est, lui, directement applicable en droit interne et que, au regard des règles européennes, le projet de loi ne saurait recopier ses dispositions. Ce point est important, et c’est la raison pour laquelle les dispositions directement applicables et se suffisant à elles-mêmes ne figurent pas dans le texte qui vous est proposé aujourd’hui. Il en est ainsi des dispositions relatives au délégué à la protection des données ou de celles qui sont attachées aux droits des personnes concernées, sur lesquelles nous reviendrons lors de l’examen des amendements : elles ne se retrouvent pas dans le projet de loi, mais elles pourront être invoquées directement à compter du 25 mai 2018.
Il faudra donc, en tout état de cause, lire cette nouvelle loi de 1978 avec le règlement européen à portée de main. On peut le regretter, au regard de la complexité que cet exercice suppose, mais il en est ainsi. De ce point de vue, le droit européen ne nous offre pas vraiment le choix. Pour pallier cette difficulté, nous devrons, bien sûr, offrir, sur les sites officiels, en collaboration avec la CNIL, des versions aisément maniables, avec des liens hypertextes, pour que tout le monde puisse s’y retrouver.
Mais le projet de loi qui vous est soumis ne constitue pas seulement un exercice de transposition de la réglementation européenne. Il offre également des choix politiques, pour lesquels vous avez fait des propositions.
D’une part, ces choix sont liés à l’existence de marges de manœuvre. En effet, le règlement européen prévoit plus d’une cinquantaine de marges de manœuvre qui autorisent les États membres à préciser certaines dispositions.
Conformément à la démarche de simplification des normes souhaitée par le Président de la République et à sa volonté d’éviter la surtransposition de textes européens, le Gouvernement a fait le choix d’épouser la nouvelle philosophie du règlement et de supprimer la plupart des formalités préalables à la mise en œuvre des traitements. Ce choix a notamment été salué par la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Il l’a également été par votre commission des affaires européennes et par son rapporteur, M. Simon Sutour, qui souligne une exploitation « mesurée » des marges de manœuvre.
Cependant, afin de ne pas affaiblir la protection des données à caractère personnel et bien que cela ne soit pas exigé par le règlement ni par la directive, le Gouvernement a fait le choix de maintenir certaines formalités préalables pour les traitements des données les plus sensibles, par exemple pour les données biométriques, les données génétiques, ou encore pour les traitements utilisant le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques.
Les traitements utilisant des données de santé font aussi l’objet d’un régime protecteur et unifié. Ces dispositions s’inscrivent dans la logique du maintien d’un haut niveau national de protection en la matière, conformément à ce qu’a souhaité le Sénat lors de l’examen des résolutions européennes qu’il a adoptées en 2012 et 2013, sans faire peser de charges supplémentaires sur les petites et moyennes entreprises.
Enfin, dans le champ d’application de la directive, sont également maintenues les formalités préalables à la création de tout traitement mis en œuvre pour le compte de l’État.
Par ailleurs, un point important, qui retient naturellement votre attention, doit être précisé. Le règlement fixe à seize ans l’âge à partir duquel un mineur peut consentir à une offre directe de services de la société de l’information, c’est-à-dire accéder aux réseaux sociaux.
Le Gouvernement avait fait le choix de ne pas utiliser la marge de manœuvre prévue à l’article 8 du règlement qui permet aux États membres d’abaisser ce seuil jusqu’à treize ans. L’Assemblée nationale a souhaité fixer cet âge à quinze ans. Votre commission des lois a décidé de supprimer cette disposition pour revenir à l’âge de seize ans.
Notre préoccupation commune est de mieux protéger les mineurs. La fixation d’un seuil est toujours un exercice délicat : on tente de saisir par une norme générale des cas éminemment singuliers, surtout lorsqu’il s’agit d’identifier ce qui constitue en réalité le seuil de maturité d’un enfant.
La France avait défendu le seuil de seize ans en deçà duquel l’autorisation parentale serait nécessaire pour autoriser le traitement de données d’un mineur. Les autres pays de l’Union ont fait des choix très divers. Comme il l’avait fait lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, le Gouvernement adoptera une position de sagesse sur cette question et s’en remettra à la décision de la représentation nationale.
En tout état de cause, la mise en place d’une autorisation parentale, sans lourdeur procédurale excessive, doit surtout être l’occasion de réinstaurer un dialogue au sein de la famille sur ces questions.
Je parlais voilà quelques instants de choix politiques. Ces choix résultent également des travaux de votre commission des lois qui a apporté un certain nombre de modifications par rapport au texte voté par l’Assemblée nationale : âge du consentement – je viens de l’évoquer –, encadrement de l’usage des algorithmes par l’administration, renforcement des conditions de traitement des données d’infraction avec la réintroduction d’une autorisation préalable par la CNIL, ou encore introduction d’un motif de nullité contractuelle pour les fournisseurs de terminaux électroniques en cas d’installation d’applications ne respectant pas les conditions du consentement de l’utilisateur final. Nous aurons l’occasion d’en débattre dans le cadre de l’examen des amendements que le Gouvernement a déposés.
Je souhaite cependant aborder deux questions : l’une est relative aux collectivités territoriales, l’autre concerne l’habilitation demandée par le Gouvernement.
Votre commission des lois a manifesté son attention légitime vis-à-vis des collectivités territoriales, en particulier des plus petites d’entre elles, dans la mise en œuvre de leurs nouvelles obligations. Elle a adopté plusieurs amendements à leur égard : création d’une dotation communale et intercommunale pour la protection des données personnelles, mutualisation des services, suppression de la faculté pour la CNIL de leur imposer des amendes administratives, report de deux ans de l’entrée en vigueur de l’action de groupe en réparation en matière de données personnelles, encouragement de la diffusion d’informations et édiction de normes de droit souple par la CNIL adaptées aux besoins et aux moyens des collectivités…
Le Gouvernement entend parfaitement votre préoccupation – je dirais même qu’il la porte avec vous. Toutefois, il ne me semble pas juste de considérer que le Gouvernement ferait preuve d’un « mépris abyssal », comme j’ai pu le lire, à l’égard des collectivités.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Non, en effet, « abyssal » serait excessif… (Sourires.)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Notre responsabilité est bien d’accompagner les collectivités pour leur permettre d’entrer dans cette nouvelle ère dans les meilleures conditions possible. Je crois que, en la matière, il faut répondre aux inquiétudes et non pas les exacerber. Je suis certaine que telle est notre préoccupation commune.
Avant même que votre commission des lois n’examine ce texte, le Gouvernement a pris la mesure de cette nécessité. Voilà quelques jours, j’ai ainsi rappelé devant les préfets, réunis place Beauvau, la nécessité d’accompagner dans cet exercice toutes les communes, notamment les plus petites d’entre elles.
De même, je me suis assurée auprès de la CNIL que cette préoccupation serait effectivement prise en considération.
Je tiens aussi à rappeler que les collectivités territoriales sont actuellement soumises, en tant que responsables de traitement de données, à certaines obligations, que ce soit pour assurer la gestion administrative de leur structure – je pense, par exemple, aux fichiers de ressources humaines –, la sécurisation de leurs locaux – contrôles d’accès par badge ou vidéosurveillance – ou la gestion des différents services publics et activités dont elles ont la charge.
J’y insiste, car certains pourraient avoir le sentiment que nous introduisons de nouvelles obligations, alors que la philosophie du règlement européen, et donc du projet de loi, est justement fondée sur un allégement substantiel des formalités préalables, y compris pour les collectivités territoriales.
S’agissant de l’obligation, nouvelle pour les collectivités territoriales comme pour les organismes publics en général, de désigner un délégué à la protection des données, j’ai rappelé au début de mon intervention que le règlement général européen sur la protection des données personnelles – le RGPD – prévoit la possibilité de mutualiser cette nouvelle fonction.
Plusieurs collectivités territoriales, dont certaines avaient déjà désigné un correspondant Informatique et libertés, se sont d’ores et déjà engagées dans cette démarche de mutualisation. Cette possibilité sera expressément rappelée dans le décret d’application sur lequel les services de la Chancellerie travaillent actuellement. Le Gouvernement s’y est engagé auprès du Conseil national d’évaluation des normes et de son président, Alain Lambert.
Je veux également souligner que la CNIL mène de nombreuses actions pour aider les collectivités territoriales à respecter leurs obligations en matière de protection des données et pour les accompagner dans leur mise en conformité avec le RGPD. Elle a, par exemple, conclu avec l’Assemblée des départements de France une convention de partenariat et souhaite faire de même avec l’Assemblée des maires de France, l’AMF.
De plus, la CNIL va remettre à jour le guide très complet à destination des collectivités.
Je suis également parfaitement consciente des appréhensions pouvant exister quant à l’échéance du 25 mai prochain. La CNIL a donné des assurances en ce domaine et saura se montrer pragmatique, comme elle l’a été jusqu’à présent, avec les collectivités.
Le Gouvernement encourage cette démarche compréhensive à l’égard des collectivités tout en insistant sur la nécessité de maintenir un haut niveau de protection des données personnelles.
Comme vous le constaterez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement ne propose pas de revenir sur certaines avancées adoptées par votre commission des lois. Je pense, en particulier, à l’exonération des sanctions à l’égal de l’État.
Le débat parlementaire – et c’est très heureux – a vocation à mettre en lumière les enjeux. De ce point de vue, le Sénat a marqué une nouvelle fois son attention aux collectivités territoriales. Il est naturel que le Gouvernement y réponde, et c’est bien tout l’intérêt de nos échanges.
Je terminerai sur un désaccord : votre commission des lois a fait le choix de supprimer l’habilitation que le Gouvernement sollicitait. Son rapporteur a estimé qu’il s’agissait de la conséquence d’une impréparation. Là encore, je crois nécessaire de rappeler quelques faits pour mieux expliquer notre démarche, laquelle n’est ni improvisée ni irrespectueuse des prérogatives du Parlement.
Le Gouvernement souhaite effectivement que nous soyons prêts en mai prochain, et nous le serons. C’est pourquoi il a engagé, dès l’été dernier, le travail de transposition qui n’avait pas été mené auparavant en raison, notamment, des échéances électorales du premier semestre 2017.
Après réflexion, le Gouvernement a fait le choix d’un texte resserré qui ne remette pas sur la table l’ensemble de la loi de 1978, ce que le droit européen n’exige nullement.
Il s’agit de répondre à une problématique légistique nouvelle et complexe : tirer les conséquences d’un règlement d’application directe et d’une directive, dont les dispositions doivent être transposées dans la loi, alors que ces deux instruments européens portent sur des questions souvent similaires et, dans tous les cas, intrinsèquement liées. Vous reconnaissez vous-même dans votre rapport, madame Joissains, cette complexité inévitable.
Le Gouvernement a donc déposé un amendement visant à rétablir l’habilitation initialement demandée. Il s’agit, je le répète, de permettre une codification des modifications apportées à notre droit par le projet de loi qui vous est soumis, lequel sera intégré dans la loi fondatrice de 1978, afin d’offrir un cadre juridique lisible, stable, à chaque citoyen et à chaque acteur économique.
Il ne s’agit aucunement de modifier ou de remettre en cause les apports du travail parlementaire. Il s’agit, encore une fois, d’une simple codification de nature légistique : plus qu’un engagement, c’est une responsabilité que porte le Gouvernement au nom de la stabilité de notre droit.
Vous l’avez tous compris en lisant ce texte, l’accessibilité et l’intelligibilité du droit requièrent une réécriture intégrale de la loi de 1978 pour lui faire retrouver son ambition originelle, celle d’être un véritable code de la protection des données personnelles des Français.
C’est le sens de cette habilitation, qui permettra d’adopter un plan clair, le texte comportant un premier titre rappelant les principes fondamentaux et les pouvoirs étendus de la CNIL, un deuxième titre consacré au champ du RGPD, un troisième titre relatif à la directive et un quatrième titre visant les dispositifs hors du champ de l’Union européenne.
Mes services se tiennent à votre disposition pour vous informer régulièrement de l’avancement du projet d’ordonnance, laquelle sera prise cet automne au plus tard, et de son contenu.
Entre le mois de mai 2018 et la sortie de l’ordonnance, soyez assurés que tous les outils pédagogiques et de communication seront mis en place par la CNIL et par les professionnels au service des citoyens, des entreprises, mais également à l’attention des collectivités territoriales.
Je suis d’ailleurs persuadée que nos débats auront aussi cette vertu pédagogique et qu’ils permettront d’écarter les inquiétudes les plus vives qu’il est normal de ressentir à l’occasion d’un tel changement de paradigme.
Pour conclure, je souhaite que chacun puisse mesurer la portée de cette réforme à l’aune non seulement du projet de loi qui vous est proposé, mais plus largement des textes mis en œuvre par l’Union européenne.
L’exercice de transcription du droit européen présente toujours un caractère un peu contraint. Mais le nouveau cadre adopté par l’Union pour la protection des données personnelles est une magnifique réussite pour l’Europe et pour les citoyens de l’Union européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sophie Joissains, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la loi Informatique et libertés a franchi le cap des quarante années d’existence.
C’est une grande loi, une loi visionnaire, et si ses dispositions ont dû être adaptées au fil de l’évolution rapide des technologies numériques et du développement de nouveaux modes de traitement des données personnelles, ses principes cardinaux sont restés d’airain : consentement éclairé, loyauté de la collecte des données personnelles, adéquation aux finalités de traitement.
Les traitements de données ont changé d’échelle et se sont mondialisés avec l’apparition de véritables géants numériques américains et, désormais, chinois.
Dans cette course constante que se livrent le droit et la technique, le législateur européen, après de longues et âpres négociations, a adopté un règlement général sur la protection des données largement inspiré de la loi de 1978 et des travaux de la commission des affaires européennes du Sénat, et de son rapporteur, Simon Sutour, notamment sur l’extraterritorialité, l’un des points phares du projet de loi.
Ce règlement entrera en vigueur le 25 mai 2018. Assorti d’une directive relative au traitement de données personnelles en matière policière et pénale, il entend promouvoir l’émergence d’un modèle européen harmonisé et ambitieux de la protection des données à caractère personnel tout en favorisant la compétitivité des entreprises européennes sur la scène internationale.
Nous ne pouvons évidemment que souscrire à cet objectif. Et l’actualité récente nous montre combien il était urgent d’agir.
Laissant un grand nombre de marges de manœuvre aux États membres pour adapter certaines de ses dispositions, voire pour y déroger, le règlement poursuit trois objectifs principaux.
Premièrement, il vise à renforcer les droits des personnes physiques en créant notamment un droit à l’oubli et un droit à la portabilité des données personnelles et en facilitant l’exercice de ces droits – actions par mandataire, actions collectives, droit à réparation du préjudice…
Deuxièmement, il responsabilise tous les acteurs traitant des données en graduant leurs obligations en fonction des risques pour la vie privée, en privilégiant le recours à des outils de droit souple et en mettant fin à l’essentiel des formalités administratives préalables au bénéfice d’une obligation de conformité du traitement dès sa conception, ce qui est un véritable progrès.
Troisièmement, enfin, il s’agit de crédibiliser la régulation à la mesure des enjeux de souveraineté numérique : l’extraterritorialité est consacrée, les autorités européennes sont appelées à coopérer pour contrôler et sanctionner en cas de traitement de données transfrontalier. Ces sanctions sont enfin réellement dissuasives : 10 millions d’euros ou 2 % du chiffre d’affaires annuel mondial, chiffres pouvant même doubler dans certains cas…
Je ne m’attarderai pas sur la directive, qui reprend l’essentiel des principes du règlement et qui est applicable à tout traitement de données à caractère personnel aux fins de prévention, de détection des infractions pénales, d’enquêtes, de poursuites ou d’exécution des sanctions pénales. Elle doit être transposée avant le 6 mai 2018.
Le projet de loi qu’il nous revient d’examiner a donc pour but d’adapter la loi de 1978 – choix très symbolique – au règlement général, de tirer parti des marges de manœuvre nationales qu’il autorise et de transposer la directive sectorielle.
À cette fin, les missions de la CNIL sont élargies et ses pouvoirs renforcés.
Le traitement des données dites sensibles reste très encadré et des régimes spécifiques plus protecteurs conservant des formalités préalables restent prévus pour certains traitements, notamment ceux qui visent le numéro de sécurité sociale, des données biométriques ou génétiques, des condamnations pénales, des archives ou des données de santé.
L’Assemblée nationale a étendu l’objet de l’action de groupe en matière de données personnelles à la réparation des dommages en vue d’obtenir la réparation des préjudices matériels.
Concernant la protection spécifique des données des enfants, les députés ont abaissé de seize à quinze ans l’âge à partir duquel un mineur peut consentir seul au traitement de ses données personnelles.
Certaines décisions administratives individuelles fondées sur des algorithmes sont autorisées.
Les règles applicables au traitement de données à caractère personnel prévues par la directive sont transposées.
Enfin, le fichier de traitement d’antécédents judiciaires, le TAJ, est sécurisé en réponse à une décision QPC du Conseil constitutionnel.
La commission des lois du Sénat, tout en approuvant les grandes orientations du projet de loi, a voulu réparer – je dois le dire, madame la garde des sceaux – de nombreuses lacunes et rééquilibrer certains éléments du dispositif.
La Commission nationale de l’informatique et des libertés et le Conseil d’État s’accordent à constater l’illisibilité du projet de loi, alors que le contenu du règlement et de la directive était connu depuis avril 2016.
En premier lieu, notre commission a tenu à répondre aux attentes et aux vives inquiétudes des collectivités territoriales. Ce sont les grandes absentes du projet de loi. Elles sont pourtant, de la plus petite à la plus grande d’entre elles, toutes – absolument toutes – concernées par les dispositions du règlement : fichier d’état civil, fichier des cantines scolaires, fichiers d’aide sociale, listes électorales, fiscalité locale, cadastre… Elles sont responsables de nombreux traitements sur lesquels elles n’ont souvent pas prise, car découlant d’obligations légales.
Sous la menace de sanctions pécuniaires de la CNIL et de recours en justice, elles devront assumer seules des coûts importants : nomination d’un délégué à la protection des données, adaptation de certains fichiers existants, renforcement de la sécurité en cas de données sensibles, réponse à l’exercice des nouveaux droits des particuliers…
Les discussions à l’Assemblée nationale n’ont – hélas ! – pas permis de corriger les lacunes initiales du texte, car si nos collègues députés sont restés attentifs, à juste titre, au sort des TPE et des PME, les collectivités territoriales ont été totalement absentes des débats.
Face à cette situation inédite, le Sénat, chambre des libertés et des collectivités territoriales, s’est ému. Sa commission des lois s’est attachée à prévoir que la CNIL adapte les normes qu’elle édicte et les informations qu’elle diffuse aux besoins et aux moyens des collectivités, notamment des plus petites d’entre elles, à dégager de nouveaux moyens pour aider celles-ci à se conformer à leurs nouvelles obligations et à faciliter la mutualisation des services numériques entre collectivités, à réduire l’aléa financier qui pèse sur elles, en supprimant la faculté offerte à la CNIL de leur imposer des amendes administratives.
Elle a également voulu rééquilibrer la procédure d’action de groupe en réparation des dommages. Sans la remettre en cause, car elle est importante pour les droits des citoyens, il nous faut entendre l’inquiétude des petits opérateurs : chacun s’accorde à dire qu’ils ne seront pas prêts pour appliquer le règlement européen dès le 25 mai 2018 – en sont responsables l’impréparation et le manque d’information imputable aux gouvernements successifs…
Ces opérateurs risqueraient aujourd’hui d’être mis à terre par une condamnation trop lourde, sans compter les risques d’abus de droit, de quérulence ou d’extorsion.
L’Association des départements de France a été la première à nous alerter, relayée par l’AMF. Seulement 10 % des collectivités sont prêtes aujourd’hui, alors que le règlement est d’application immédiate le 25 mai prochain. Près de 85 % d’entre elles ne sont pas même au courant de son existence.
Dans le but d’apporter des solutions concrètes à ces problèmes spécifiques, la commission des lois a proposé de différer de deux ans l’entrée en vigueur de l’action de groupe en réparation des dommages et d’imposer, de même qu’en droit de la consommation ou de l’environnement, un agrément préalable des associations de protection de la vie privée pour introduire une action de groupe.
Concernant l’âge minimal à partir duquel un mineur peut consentir lui-même au traitement de ses données personnelles, sujet éminemment délicat, comme vous l’avez souligné, madame la garde des sceaux, la commission des lois a décidé de le maintenir à seize ans, conformément au droit commun européen et dans l’attente de travaux plus approfondis de nature à dégager de véritables critères d’évaluation, ainsi qu’un régime d’accompagnement adapté. La présidente de la commission de la culture, Catherine Morin-Desailly, y travaille assidûment.
La commission a également veillé à encadrer strictement l’usage des algorithmes par l’administration dans la prise de décisions individuelles. Elle a tenu à renforcer les garanties de transparence en la matière, notamment pour les inscriptions à l’université qui ne doivent pas constituer une exception au droit à l’information dû à tout un chacun.
La commission a rétabli l’autorisation préalable des traitements de données portant sur les infractions, condamnations et mesures de sûreté. Elle a précisé les conditions d’extension de la liste des personnes autorisées à mettre en œuvre ces fichiers, ainsi que le cadre juridique de la mise à disposition des décisions de justice en open data, et ce afin de prévenir tout risque d’atteinte à la vie privée des personnes, mais aussi de préserver l’indépendance et la liberté d’appréciation de la justice.
Souhaitant porter le débat en séance et innover en la matière, elle a adopté un amendement visant à s’assurer que les utilisateurs de terminaux électroniques ne soient pas victimes d’un choix par défaut et qu’ils aient la possibilité d’installer sur leur terminal d’autres moteurs de recherche que celui qui est imposé par le fabriquant, et notamment des moteurs de recherche respectueux de la vie privée.
Enfin, la commission des lois a supprimé l’habilitation demandée par le Gouvernement pour procéder par ordonnance aux corrections des très nombreuses incohérences subsistant entre le droit français et le droit européen.
Regrettant le manque d’anticipation du Gouvernement, qui a témoigné, je dois le dire, d’une grande désinvolture vis-à-vis du Parlement et d’une ignorance difficilement compréhensible des collectivités, la commission a souhaité qu’il explique au Sénat les raisons de cette impréparation majeure – vous avez commencé cette explication, madame la garde des sceaux –, qu’il précise les contours du futur texte résultant de cette ordonnance et qu’il garantisse au Parlement que ses apports seront intégralement conservés.
Si nous partageons pleinement l’esprit et les objectifs des textes européens et la volonté de maintien de la loi de 1978 dans le projet de loi, je ne saurais conclure sans insister sur l’importance des nouvelles missions attribuées à la CNIL. C’est sur cette dernière que reposent tout le nouvel édifice de protection des droits et la responsabilité d’accompagner les acteurs économiques et les élus locaux.
Je souhaite vous interroger solennellement, madame la garde des sceaux, sur le grave problème que va poser l’insuffisance des moyens à sa disposition. L’autorité, déjà très sollicitée, n’a pas, en l’état, les capacités matérielles et humaines de faire face à sa nouvelle charge de travail. Les quelques mesures que nous avons proposées pour faciliter son organisation interne n’y suffiront pas.
Que pouvez-vous nous dire, à ce stade, des engagements budgétaires et humains qui devront nécessairement être pris par le Gouvernement ? Il y va de la réussite même de cette ambitieuse réforme de la protection des données. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen – Mme Sylvie Robert applaudit également)
M. le président. La parole est à M. Simon Sutour, au nom de la commission des affaires européennes.
M. Simon Sutour, au nom de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le 21 février dernier, la conférence des présidents a décidé de confier à la commission des affaires européennes, à titre expérimental, une mission de veille sur l’intégration des normes européennes en droit interne.
C’est dans cette optique que la commission des affaires européennes a examiné le présent projet de loi et formulé un ensemble d’observations.
Le règlement européen sur la protection des données personnelles s’appliquera de plein droit à compter du 25 mai prochain. Or les entreprises françaises n’ont pas finalisé leur mise en conformité. Les collectivités territoriales, quant à elles, comme vient de le souligner Mme la rapporteur, surtout celles dont les moyens techniques et financiers sont limités, c’est-à-dire les plus petites d’entre elles, ne seront de toute évidence pas en mesure d’y procéder à bonne date.
Cette situation illustre, si besoin est, la nécessité d’une participation active du Parlement, et singulièrement du Sénat, représentant constitutionnel des collectivités locales, à l’élaboration des textes européens. Il nous faut, en particulier, pouvoir anticiper et attirer l’attention du Gouvernement sur les conséquences concrètes de ceux-ci.
La discussion du règlement général sur la protection des données personnelles a fait l’objet d’un suivi attentif de la commission des affaires européennes. J’ai notamment déposé et rapporté, en son nom et au nom de la commission des lois, deux propositions de résolution européenne et produit un avis motivé.
Les résolutions du Sénat demandaient que des dispositions nationales plus protectrices puissent être conservées et que toute personne résidant en France soit en droit de saisir la CNIL, même si le siège de l’entreprise traitant ses données est situé dans un autre État membre.
Première observation : le règlement général sur la protection des données reprend les deux éléments que le Sénat avait mis en avant. L’autorité de contrôle compétente est bien celle de la résidence du demandeur.
Par ailleurs, et bien qu’il s’agisse d’un règlement, une cinquantaine de marges de manœuvre – vous les avez évoquées, madame la garde des sceaux – sont ouvertes aux États membres pour leur permettre, notamment, de conserver des dispositions nationales plus protectrices pour les données sensibles et de limiter les droits des personnes pour des motifs stricts de sécurité publique.
Le projet de loi exploite certaines de ces marges de manœuvre, en particulier pour maintenir, tout en les révisant, des régimes spéciaux et des règles renforcées de protection des données les plus sensibles.
Deuxième observation : la directive fixe à seize ans l’âge du consentement des enfants, tout en permettant de l’abaisser à treize. La commission des affaires européennes estime que cette question doit faire l’objet d’une approche mesurée. Le texte adopté par la commission des lois va tout à fait dans ce sens.
Troisième observation : l’extension de l’action de groupe à la réparation pécuniaire, introduite par l’Assemblée nationale, n’est pas prévue par le règlement général, mais il s’agit d’une faculté ouverte par le droit européen pour d’autres actions de groupe, raison pour laquelle la commission des affaires européennes recommande qu’elle soit envisagée à l’échelon européen et assortie de règles renforcées d’enregistrement des associations. Il s’agit, là encore, d’une approche partagée par la commission des lois.
Quatrième observation : la nécessité de s’assurer de la protection effective des données et des droits des personnes en cas de transfert vers des pays tiers. Dans son premier rapport d’application de l’accord sur le bouclier de protection conclu entre l’Union européenne et les États-Unis, la Commission européenne estime que la mise en œuvre de cet accord doit être améliorée, en particulier la vérification de la conformité des entreprises qui se sont autocertifiées. Il conviendra donc de suivre attentivement cette question.
Je veux enfin revenir à mon observation initiale relative à la charge que représente l’obligation de mise en conformité, à très brève échéance, pour les collectivités territoriales.
Madame la ministre, vous avez évoqué l’appui qu’apporteront les préfets et l’administration, ce qui me semble tout à fait normal. Pour autant, la mise en cause de leur responsabilité peut entraîner des conséquences très importantes pour les collectivités locales, notamment pour les petites communes.
Le règlement ne comporte pas de délai en la matière. Il est donc à tout le moins indispensable d’organiser un accompagnement adapté, voire très adapté, comme le prévoit la commission des lois, et d’y associer pleinement la CNIL, dont les moyens, notamment techniques, doivent être rapidement renforcés.
Le Sénat et sa commission des affaires européennes entendent être vigilants quant au suivi de l’élaboration et de la mise en œuvre des textes européens. Souhaitons qu’ils soient écoutés, et entendus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain – Mme le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs décennies, l’insécurité numérique s’est développée à une vitesse folle, faute de contre-pouvoir souverain et protecteur.
Nous assistons, impuissants, au pillage de nos données personnelles par les géants américains de l’Internet, les Vador du numérique, les fameux GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon, publicité non rémunérée… (Sourires.)
Pillage des données personnelles des individus, mais aussi de nos entreprises et même de nos États. Ces grandes firmes se les approprient, les stockent, les utilisent gratuitement et les monétisent. Toute notre vie est observée puis orientée.
Le Big Brother du roman 1984 de George Orwell est devenu réalité : souriez, vous êtes scannés. Détendez-vous, on pense pour vous. Vos goûts, vos désirs, vos opinions sont épiés, disséqués, analysés pour être influencés. L’œil du cyclone ne vous laissera pas faire un pas seul. Et son immense puissance, c’est de vous faire croire que vous êtes libre.
Quels que soient nos choix, nos achats, notre géolocalisation, le croisement des données réalisé par l’intelligence artificielle permet aux grosses firmes de nous connaître intimement et d’utiliser nos données, sans notre accord, pour générer des milliards et encore des milliards de profits. Dans cette guerre du numérique, ces utilisations à des fins commerciales portent atteinte à la liberté des individus, mais c’est encore plus grave quand il s’agit des données de nos entreprises stratégiques ou de nos administrations, livrées à ces multinationales.
Au-delà du texte que nous examinons, je relaie une réflexion déjà formulée par notre collègue députée Marine Le Pen : dans cette guerre du numérique, alors même qu’il est question d’une atteinte à notre souveraineté numérique, pourquoi n’existe-t-il pas un Google français ou européen ? Pourquoi sommes-nous contraints d’être dépendants de logiciels américains et bientôt chinois, qui espionnent ainsi nos activités économiques et personnelles ?
Il est grand temps de nous saisir de ce dossier, en prenant immédiatement les mesures qui s’imposent : mieux informer les utilisateurs français sur la récupération de leurs données personnelles, dès lors qu’ils valident les conditions générales d’utilisation ; harmoniser au niveau national le droit numérique par la création d’un code incluant à la fois la législation européenne, la législation nationale et les normes existantes ; instaurer l’obligation de stocker les données personnelles dans des serveurs en France, avec interdiction de les transférer ; développer les solutions de logiciels libres, notamment dans les administrations, les universités et les écoles, tout en encourageant leur utilisation par le grand public ; ouvrir, à l’échelon européen, avec tous les pays qui le souhaitent, un projet de coopération en matière de numérique visant à préserver la sécurité et la souveraineté de nos États et la liberté de nos citoyens.
Nous avons besoin d’une agence européenne, qui développerait, comme Airbus pour l’aéronautique, des champions français et européens du numérique, de la robotique et de l’intelligence artificielle.
Je salue l’avancée permise par ce texte, qui permettra une meilleure protection des Français. Il est un levier pour la mise en place de bonnes pratiques dans les entreprises, notamment sur les questions de sécurité.
La commission des lois a porté un regard attentif aux petites entreprises et aux collectivités territoriales, ce qui est louable.
Ne l’oublions pas, dans le domaine numérique comme dans tous les autres, ce qui prévaut, c’est avant tout notre souveraineté.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, si le texte que nous examinons aujourd’hui a pour principal objet d’assurer la conformité de notre droit national avec le droit européen, il soulève toutefois plusieurs questions qui méritent d’être plus longuement discutées au sein de notre assemblée.
L’adoption en 2016 du règlement relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel, le RGPD, constitue un progrès indéniable sur le plan européen. Il s’agit également d’une victoire diplomatique française, ce règlement visant à faire converger les droits des États membres vers des standards plus protecteurs des données personnelles, proches des standards français. Il est vrai que, depuis la loi du 6 janvier 1978, notre pays a joué un rôle précurseur en la matière.
Ce règlement européen est également réaliste. Il prend acte du formidable développement des données personnelles en circulation qui constituent aujourd’hui la matière première de nombreuses entreprises, en transformant la logique d’autorisation en logique de responsabilisation des acteurs du marché. Il revient désormais à ces derniers de s’assurer que leurs traitements des données sont effectués en conformité avec les règles applicables en matière de collecte.
Ces impératifs du RGPD concernant la licéité de la collecte, le consentement des individus dont les données sont collectées, ou encore la finalité du traitement des données s’imposent donc à tous, acteurs privés, mais également acteurs publics… Je pense évidemment à nos collectivités territoriales !
Au sein de toutes ces structures, en particulier les plus petites et les moins bien informées, l’application du RGPD est un défi, un « changement de paradigme », comme l’ont évoqué certains, qui mériterait un meilleur accompagnement par l’État.
La plupart des collectivités ont anticipé l’échéance du 25 mai 2018 et l’adoption de ce projet de loi. Par exemple, au sein du conseil départemental des Hautes-Pyrénées, la mise en conformité, avec la nomination d’un délégué à la protection des données et la mise en place d’un meilleur ciblage du traitement concernant les données sensibles et les mineurs, a bouleversé les habitudes. Elle a également nécessité un ciblage des hébergements des données personnelles sous-traitées à l’extérieur du réseau du département, la mise en œuvre d’un registre des traitements priorisé sur les données sensibles, et, enfin, une communication à destination des usagers, notamment au vu des obligations en termes de consentement.
Ainsi, c’est toute une organisation, avec des processus et des mesures dont je vous épargnerai le nom, qui a dû être mise en place pour assurer la conformité avec ce règlement et une réelle protection des données de nos concitoyens. Il s’agit enfin d’un énorme travail à destination des agents, notamment en termes de formation sur le traitement des données sensibles et, surtout, sur la conservation des données de manière générale.
D’une part, le coût global de ces transformations est largement sous-estimé. D’autre part, l’absence de prise en compte des difficultés que rencontrent de nombreuses collectivités territoriales donne lieu à une protection inégale des données personnelles de nos concitoyens, selon qu’ils sont domiciliés dans une collectivité respectueuse ou non du RGPD.
C’est pourquoi je tiens à saluer le travail important effectué par notre collègue Sophie Joissains, qui a procédé à un grand nombre de modifications en faveur des collectivités territoriales, mais également des petites entreprises.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je m’y associe.
Mme Maryse Carrère. Malgré les difficultés matérielles de mise en œuvre, je souhaite insister sur plusieurs dispositions importantes du projet de loi qui permettront une amélioration de la protection de nos données personnelles. Je pense, par exemple, à la facilitation des actions en justice, notamment à la création d’une action de groupe. Je pense aussi à la possibilité donnée à la CNIL de saisir le Conseil d’État pour qu’il puisse ordonner la suspension du transfert des données en cause, dans l’attente d’une décision définitive de la Cour de justice de l’Union européenne. Ces dispositions contribueront effectivement à la protection des données personnelles des Français.
La question de la fixation d’un âge légal de consentement au partage de données personnelles devrait également donner lieu à de nombreux débats. Sur ce point, deux visions se dégagent, certains considérant que cet âge devrait être le même que celui de l’émancipation, d’autres souhaitant responsabiliser progressivement les adolescents. À nos yeux, cette question devrait être abordée dans le cadre d’une approche globale de l’accès à la majorité.
Après la phase de découverte des possibilités offertes par les nouvelles technologies de l’information et de la communication, nous entrons dans une phase de prudence et de prise de conscience de l’impact potentiel de l’utilisation de ces technologies sur nos libertés publiques et individuelles. Nous regrettons donc que ce projet de loi ne réponde pas à l’ensemble des préoccupations des Français.
La question du consentement à l’utilisation des données personnelles est légitime, et reviendra sûrement au cours de nos prochains débats. Il convient de réfléchir au financement des services proposés par des sites internet, lesquels font valoir que l’exploitation des données personnelles à des fins de publicité est la contrepartie de la gratuité de leurs services. La création de droits sur les données personnelles remettrait en cause ce modèle de financement. Un tel sujet mérite d’être débattu, dès lors que les Français attendent une plus grande traçabilité des informations les concernant.
Il en va de même s’agissant des algorithmes utilisés par l’administration, à la suite des vives critiques qui se sont élevées contre le traitement automatisé du système admission post-bac. La solution proposée par Mme la rapporteur est plus satisfaisante que la version issue des travaux de l’Assemblée nationale, mais nous considérons que le dispositif pourrait encore être amélioré.
L’introduction d’un droit de rectification des archives fera probablement l’objet de nombreuses discussions. Il est à craindre que cette disposition, qui soulève d’importantes questions déontologiques, n’engorge nos services d’archives.
Enfin, l’existence de marges de manœuvre autorisées par le règlement européen nous inquiète, dès lors que celles-ci pourraient encourager la localisation de sous-traitants des responsables de données personnelles dans les États membres les moins protecteurs. C’est pourquoi nous avons proposé plusieurs amendements destinés à alerter le Gouvernement sur les risques que cela pourrait comporter pour nos concitoyens et sur la situation difficile dans laquelle se trouveront nos entreprises de traitement de données personnelles, très protectrices en la matière, face à leurs concurrents localisés dans les États offrant moins de garanties.
Si nous avons souhaité enrichir le débat en déposant des amendements, nous restons cependant conscients de l’obligation de mise en conformité avec le droit européen, et abordons donc ce texte de façon favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la rapporteur, mes chers collègues, alors que le règlement européen relatif aux données personnelles doit entrer en vigueur à compter du 6 mai 2018, l’adoption du présent projet de loi revêt un caractère incontournable.
Toutefois, indépendamment de cette obligation liée à nos engagements européens, l’adaptation de notre législation au formidable défi soulevé par les questions liées aux big data n’en était pas moins urgente. En effet, pas plus que les géants de l’Internet, les pirates ou profiteurs de tout poil n’attendront pas l’adaptation de notre législation pour exploiter sans vergogne les données personnelles de nos concitoyens.
Pour organiser un dispositif de sécurité efficace, l’Union européenne est une chance pour la France, car elle constitue l’échelon le plus pertinent. Comme l’ont souligné Mme la rapporteur et M. Sutour, le RGPD permet aux États membres d’harmoniser leurs pratiques, en prenant exemple sur ce qui fonctionne chez leurs voisins, ce qui leur laisse une marge très appréciable pour mener leurs propres politiques d’adaptation.
Ils pourront d’ailleurs s’inspirer de la France, précurseur en matière de protection des données, puisque nous fêtons cette année les quarante années d’existence de la CNIL, d’ailleurs présidée en son temps par notre ancien collègue Alex Türk.
Les données personnelles touchent donc à la vie privée, à la santé, à nos comportements, par le biais de photos ou d’informations… bref, à l’intime. Il me semble que c’est déjà se faire une certaine idée de l’homme et de l’État de droit que de considérer que le citoyen ne peut être dépossédé de cette intimité. En affirmant son refus de laisser à des tiers une emprise sur nos existences, le Sénat remplit pleinement sa vocation de défenseur des libertés individuelles.
Au travers de ce projet de loi, c’est aussi l’occasion d’affirmer une certaine conception de la démocratie, d’autant que les révélations faites par deux journaux américains nous dessinent un horizon particulièrement sombre en la matière.
En effet, si elle était confirmée, la captation par l’entreprise Cambridge Analytica, pour des motifs prétendument académiques, de données recueillies sur Facebook émanant de 30 à 50 millions de comptes à des fins de profilage politique pour influencer le vote lors de la dernière élection présidentielle américaine montre l’acuité de la menace.
Il s’agit donc d’une question tout à fait cruciale pour la vie démocratique de nos sociétés. De la même manière, d’autres attaques impliquant des intérêts puissants, notamment d’États étrangers, soulèvent la question de la souveraineté nationale.
Mais l’existence de ces données personnelles peut aussi être, à condition de voir leur utilisation très solidement encadrée, une opportunité économique, et même une formidable chance pour la recherche médicale.
Sur le projet de loi tel qu’il nous a été transmis par l’Assemblée nationale, le travail effectué par nos rapporteurs a été remarquable. Je tiens notamment à saluer les nombreux apports que Sophie Joissains a fait intégrer dans le texte adopté par la commission des lois.
Je ne reviendrai pas sur les nombreuses dispositions que comporte le texte du Gouvernement et qui viennent d’être amplement détaillées, mais je souhaite m’arrêter sur un point sur lequel vous avez, madame la rapporteur, apporté une avancée décisive : il concerne les collectivités locales.
En effet, il s’agissait là du parent pauvre du texte : rien sur l’état civil, les cadastres, les fichiers des centres communaux d’action sociale ou les listes électorales.
Parce qu’elles sont au centre de la vie quotidienne de nos concitoyens, les collectivités sont les premières concernées par l’utilisation de leurs données personnelles. Mais en imposant à la CNIL d’adapter les normes à leurs besoins, vous avez rendu possible ce qui, avec les moyens matériels et humains actuels, ne l’aurait sans doute pas été.
Parmi les avancées déterminantes intégrées par la commission des lois, je veux citer aussi : la mutualisation des services supports offerts par les syndicats mixtes au bénéfice des communes et des intercommunalités ; la création des dotations communales et intercommunales pour la protection des données personnelles qui seront prélevées – point essentiel à l’heure de la baisse des dotations – sur les recettes de l’État ; l’exonération des collectivités des amendes et astreintes administratives en cas de sanction.
En comblant ces lacunes, vous avez rappelé, madame la rapporteur, que le Sénat est plus que jamais l’assemblée des collectivités territoriales et celle des solutions pratiques. Voilà qui devrait faire réfléchir avant d’affaiblir le bicamérisme, lequel fait la richesse de nos institutions.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Mathieu Darnaud. Il convient également de le saluer, vous avez proposé une entrée en vigueur différée de deux ans concernant la possibilité de lancer une action de groupe en responsabilité.
Ce nouveau délai est effectivement indispensable pour permettre non seulement à nos collectivités, mais aussi aux TPE-PME de s’organiser pour se conformer à leurs nouvelles obligations. Ne pas laisser aux responsables de traitement ce laps de temps aurait été parfaitement déloyal au regard de leurs moyens, et aurait eu pour conséquence de les exposer directement à des actions de groupe.
En effet, les nouvelles règles dont nous débattons aujourd’hui sont certes salutaires, mais aussi particulièrement lourdes à mettre en place. Peu nombreuses sont les PME qui disposent dans l’immédiat de l’ingénierie nécessaire.
Alors que nous venons d’adopter cet après-midi le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance qui admet le droit à l’erreur, il serait profondément inéquitable et choquant que l’administration soit plus prompte à sanctionner des PME que les GAFA, dont on connaît les ressources juridiques pour faire durer des procédures-fleuves.
Certes, on ne peut que déplorer que les précédents gouvernements n’aient pas pris la mesure du travail législatif à accomplir. Mais nous sommes nombreux à regretter, sur les travées de la Haute Assemblée, que le Gouvernement n’ait pas réalisé en amont le travail qui devait être mené auprès des PME et des collectivités locales. Il s’appuie à présent sur ses propres manquements pour justifier le recours aux ordonnances initialement inscrit à l’article 20 du texte transmis par l’Assemblée nationale, ce qui constitue une nouvelle illustration de la mise à distance d’un parlement amputé de ses prérogatives.
Pour recodifier la loi Informatique et libertés de 1978, le Gouvernement souhaite aujourd’hui légiférer dans l’urgence par ordonnances, alors que la publication, en avril 2016, du règlement et de la directive lui laissait amplement le temps d’agir. Permettez-moi donc de souscrire au signal que vous avez envoyé, madame la rapporteur, à l’heure où d’aucuns souhaitent réformer le Parlement pour pallier son supposé manque d’efficacité.
Je conclurai en formulant le vœu que ce texte soit interprété par le Gouvernement et par la CNIL comme un outil salutaire visant à protéger les citoyens, grâce à l’adoption d’armes efficaces contre les mastodontes de l’internet, et non comme un nouveau monstre juridique assommant nos collectivités locales et nos PME. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Très bien ! L’Ardèche est à la hauteur !
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour le groupe La République En Marche.
M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les orateurs qui m’ont précédé ont rappelé les enjeux du texte qui s’inscrivent dans l’actualité. Je pense bien évidemment à l’affaire Facebook-Cambridge Analytica.
S’agissant du règlement, Simon Sutour qualifie dans son rapport le processus d’adoption de « malaisé ». La grande disparité des régimes de protection au sein de l’Union, l’attention aiguisée de certains États, particulièrement la France, sur les données dites sensibles, les enjeux de souveraineté et les demandes de simplification des entreprises illustrent la difficulté.
Élaboré par le Gouvernement dès le mois d’août 2017, le présent projet de loi, complexe à établir, a été envoyé ensuite à la CNIL, puis au Conseil d’État et, enfin, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale dès le mois de décembre dernier. La Chancellerie a donc déployé des efforts considérables pour mener à bien cette transposition extrêmement ardue dans des délais très courts. Seuls quelques experts en légistique, dont je ne fais pas partie, …
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Cela viendra !
M. Arnaud de Belenet. … peuvent mesurer toute l’ampleur de la tâche.
Mme Esther Benbassa. Non !
M. Arnaud de Belenet. Sur le fond, j’aborderai trois points.
Le premier concerne les collectivités territoriales, qui sont visées par ce texte, même si elles ne sont pas explicitement mentionnées. La commission des lois, consciente de l’inquiétude que peut susciter un nouveau cadre législatif, a proposé une série d’amendements. En effet, seuls 2 % de nos communes ont pris conscience du problème et commencé à engager un certain nombre de procédures, la campagne de sensibilisation de la CNIL n’ayant pas été entendue.
Ces amendements tendent à dégager de nouveaux moyens financiers pour aider les collectivités à se conformer à leurs nouvelles obligations, à prendre en compte, grâce à l’action de la CNIL, leurs besoins spécifiques, à les exonérer, au même titre que l’État, en raison de leurs prérogatives de puissance publique, de l’amende administrative et de l’astreinte, à faciliter la mutualisation des services numériques entre collectivités, ou encore à sécuriser le cadre juridique des prestations de services, notamment pour ce qui concerne les syndicats.
Le groupe La République En Marche souscrit aux objets de ces amendements et se saisit de cette opportunité pour souligner les difficultés rencontrées par nos territoires, notamment l’absence de prise en compte de ce sujet par les collectivités, principalement les communes.
Nous ne pouvons que nous féliciter que le Gouvernement ait entendu le Sénat, qui est pleinement dans son rôle dans le cadre de ce processus rapide et technique, en retenant, par exemple, la suppression pour les collectivités locales de l’amende administrative et de l’astreinte prévue à l’article 6 du texte.
Je veux également évoquer l’action de groupe, introduite en France très tardivement, en 2014. Notre collègue députée Paula Forteza a souhaité en étendre le champ en constatation d’un manquement du responsable de traitement ou de son sous-traitant. Quant à notre commission des lois, elle espère durcir ses conditions d’exercice. Or, en fait et en droit, très peu d’actions de groupe ont été engagées depuis l’introduction du dispositif en France. Cette procédure constitue un droit supplémentaire pour nos concitoyens et pour les consommateurs. En matière de données personnelles, elle était la seule pour laquelle l’action en réparation n’était pas ouverte. Aussi, sur ce point, le caractère précautionneux de la version du projet de loi examinée ce jour semble peut-être excessif.
Néanmoins, le texte issu des travaux de la commission reporte à deux ans l’entrée en vigueur de ce recours, ce qui permet aux acteurs concernés, particulièrement aux collectivités locales, de s’adapter.
Enfin, comme cela a pu être mentionné, la France avait été pionnière en se dotant d’une législation globale de protection des données à caractère personnel, avec la loi du 6 janvier 1978, mais également d’une autorité de contrôle, la CNIL. Le Gouvernement a fait le choix de maintenir la loi de 1978, car, au-delà de sa portée symbolique, elle n’était pas visée dans sa totalité par les nouvelles normes européennes, ce qui permet au Parlement de procéder à l’examen d’un texte ne contenant que les dispositions affectées par le droit européen, plutôt qu’à une remise en question des dispositions existantes et satisfaisantes de la loi de 1978, telle que modifiée. Les délais l’exigeaient sans doute également.
Le Gouvernement a donc sollicité du Parlement une habilitation pour codifier par la suite les modifications apportées à notre droit par le projet de loi que nous examinons, afin d’offrir un cadre juridique lisible aux citoyens et aux acteurs économiques.
La commission des lois a relevé une certaine illisibilité du texte. Il serait en conséquence paradoxal que le Sénat s’oppose à l’habilitation par voie d’amendement. Le Gouvernement s’est engagé à respecter le texte voté par les assemblées, l’habilitation proposée dans le texte initial fixant clairement un cadre. Les dispositions de fond ont été débattues à l’Assemblée nationale, elles le sont aujourd’hui au Sénat. Le temps parlementaire est précieux, cela est souvent relevé dans cette enceinte. Finalement, l’habilitation à légiférer par ordonnance permet de le respecter. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui a pour objet de mettre la loi de 1978 en conformité avec le droit de l’Union européenne. Il transpose le règlement 2016/679 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et la directive 2016/680 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales.
Avant de traiter du fond, permettez-moi, mes chers collègues, quelques remarques liminaires sur la forme.
Ces deux instruments juridiques européens ont été adoptés en 2016, leur entrée en vigueur étant fixée au mois de mai 2018. Cette date était connue de tous, tout comme les modifications de notre droit qu’ils rendaient nécessaires.
Aussi regrettons-nous que, sur un sujet d’une telle importance, le Gouvernement ait tant tardé à déposer ce projet de loi et qu’il ait, une fois de plus, déclenché la procédure accélérée. Il propose en outre, par le biais de l’article 20, prétendument pour respecter les délais, de réformer la loi de 1978 par voie d’ordonnance. Ce qui tend à devenir une habitude ne semble pas très sérieux et ne permet pas un travail parlementaire approfondi.
Au regard des annonces faites dans le cadre de la réforme des institutions, ne s’agit-il pas plutôt d’une illustration supplémentaire du profond mépris du Gouvernement à l’endroit du Parlement ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Exactement !
Mme Esther Benbassa. Cela dit, venons-en, mes chers collègues, au fond du texte qui nous réunit aujourd’hui. Il contient des avancées fondamentales pour la protection des données personnelles de nos concitoyens.
Le temps qui m’est imparti ne me permettant pas de commenter chacune des dispositions de ce projet de loi dense et technique, je ne prendrai que deux exemples.
Premièrement, j’évoquerai l’aménagement et le renforcement des pouvoirs et des compétences de la CNIL, qui se voit désigner autorité nationale de contrôle chargée de veiller à l’application du règlement et de la directive. Le projet de loi prévoit la réduction des formalités préalables pour la mise en œuvre des traitements comportant le moins de risques et le passage d’un système de contrôle a priori à un système de contrôle a posteriori, plus adapté aux évolutions technologiques. En contrepartie, la CNIL voit ses pouvoirs de contrôle et de sanction renforcés, avec la possibilité d’infliger des amendes pouvant aller jusqu’à 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires mondial de l’organisme concerné.
Nous nous félicitons, bien sûr, de ces évolutions, mais nous partageons l’inquiétude de la CNIL, qui alerte, depuis plusieurs mois, sur un défaut de moyens matériels et humains qui ne lui permettra pas d’exercer efficacement ses nouvelles missions.
M. Loïc Hervé. Exactement !
Mme Esther Benbassa. C’est bien d’être approuvée ! Cela ne m’arrive pas souvent ! (Sourires.)
Deuxièmement, je rappellerai le renforcement, en matière pénale, des droits des personnes, puisque le texte crée un droit à l’information et prévoit l’exercice direct de droits tels que les droits d’accès, de rectification et d’effacement des données, donc le droit à l’oubli.
Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste se réjouit de l’adoption de ces mesures plus protectrices.
Finalement, ce n’est pas tant ce que le présent projet de loi contient qui appelle, de la part du groupe CRCE, des commentaires, que ce qu’il ne contient pas.
Nous considérons en effet que les prérogatives accordées aux services de renseignement français par la loi Renseignement de 2015 devraient également être mises en conformité avec les dispositions de la directive, et donc introduites dans le texte dont nous débattons aujourd’hui. Tel n’est toutefois pas le cas. Ce projet de loi, porté par un gouvernement qui ne souhaite en aucun cas rouvrir le débat sur ce sujet, ne contient aucune disposition de nature à mettre le droit français en conformité avec le droit de l’Union européenne en la matière et à respecter, enfin, les droits fondamentaux de nos concitoyens, bafoués sur nombre de points par la loi Renseignement, votée sous le gouvernement précédent, je le précise.
Rappelons que cette même loi Renseignement a déjà été censurée trois fois par le Conseil constitutionnel, et que d’autres recours et questions prioritaires de constitutionnalité sont en cours d’examen.
C’est donc avec le sentiment d’une occasion manquée que le groupe CRCE s’abstiendra sur ce texte qui, s’il constitue, sans aucun doute, un pas de plus dans la construction du droit commun européen, aurait pu être plus ambitieux et garantir à l’ensemble de nos concitoyens le respect effectif de leurs libertés individuelles. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme le rapporteur et M. Loïc Hervé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (M. Daniel Chasseing applaudit.)
M. Alain Marc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’objet du projet de loi relatif à la protection des données personnelles est d’adapter notre droit au « paquet européen de protection des données personnelles », qui se compose d’un règlement général sur cette protection et d’une directive spécifique aux traitements mis en œuvre en matière policière et judiciaire. Les délais sont très limités : nous devons avoir transposé la directive avant le 6 mai prochain, et le règlement doit être directement applicable à partir du 25 mai !
Concernant en premier lieu le règlement européen, celui-ci doit constituer le nouveau cadre de la protection des données personnelles des Européens tout en protégeant la compétitivité des entreprises européennes. L’uniformité de son application est atténuée par l’existence de 56 marges de manœuvre, qui sont autant d’options facultatives ou de dérogations que les États peuvent introduire dans leur droit national.
Les rédacteurs de ce règlement poursuivent principalement trois objectifs.
Il s’agit, premier objectif, de renforcer les droits des personnes dont les données sont utilisées : le règlement réaffirme les droits des personnes, introduit de nouveaux droits mieux adaptés à l’évolution des technologies numériques et facilite l’exercice de ces droits par des actions par mandataire, voire par des actions collectives, tout en promouvant le droit à réparation du préjudice subi.
Le deuxième objectif du règlement est de mieux graduer les obligations des acteurs en fonction des risques pour la vie privée.
Le troisième objectif est de doter les régulateurs de pouvoirs à la mesure des enjeux de souveraineté numérique. Le champ d’application territorial et matériel du droit européen est considérablement élargi : le règlement doit non seulement être appliqué lorsque le responsable de traitement est établi sur le territoire de l’Union européenne, mais il a également vocation à s’appliquer hors de l’Union, dès lors qu’un résident européen est visé par un traitement de données. Les règles de transfert des données personnelles hors de l’Union européenne sont précisées et la coopération entre régulateurs en cas de transferts transfrontaliers est considérablement renforcée.
Le règlement instaure, en cas de manquement, des amendes désormais dissuasives, jusqu’à 10 millions d’euros ou 2 % du chiffre d’affaires annuel mondial.
En second lieu, concernant la directive, celle-ci reprend l’essentiel des principes du règlement et est applicable à tout traitement de données à caractère personnel aux fins de prévention, de détection des infractions pénales, d’enquêtes, de poursuites ou d’exécution de sanctions pénales.
Lors de l’examen du texte en commission des lois, un certain nombre d’améliorations ont été apportées.
Ainsi, dans le domaine de la justice, la commission a rétabli l’autorisation préalable des traitements de données portant sur les infractions, condamnations et mesures de sûreté, précisé les conditions d’extension de la liste des personnes autorisées à mettre en œuvre ces fichiers, ainsi que le cadre juridique de la mise à disposition des décisions de justice, afin de prévenir tout risque d’atteinte tant à la vie privée des personnes qu’à l’indépendance de la justice.
La commission des lois a aussi strictement encadré l’usage des algorithmes par l’administration lorsque cette dernière prend des décisions individuelles. Elle a en outre renforcé les garanties de transparence en la matière, par exemple pour les inscriptions à l’université.
Je voudrais saluer ici le travail accompli par la rapporteur de la commission des lois, qui a répondu aux attentes et aux vives inquiétudes des collectivités territoriales.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Alain Marc. En effet, sous la menace de sanctions pécuniaires, les collectivités devront assumer seules des coûts importants relatifs, entre autres, au renforcement de la sécurité en cas de données sensibles, à la nomination d’un délégué à la protection des données ou encore à l’adaptation de certains fichiers existants.
Face à cette situation, la commission des lois s’est attachée à dégager de nouveaux moyens financiers pour les aider à se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions, en fléchant le produit des amendes et astreintes prononcées par la CNIL à leur intention et en créant une dotation communale et intercommunale pour la protection des données personnelles.
La commission des lois a également facilité la mutualisation des services numériques entre collectivités territoriales.
Afin de réduire l’aléa financier pesant sur ces dernières, elle a supprimé la faculté pour la CNIL de leur imposer des amendes administratives et a reporté de deux ans l’entrée en vigueur de l’action de groupe en réparation de préjudices en matière de données personnelles.
Enfin, la commission des lois a encouragé la diffusion d’informations et l’édiction de normes de droit souple par la CNIL, adaptées aux besoins et aux moyens des collectivités territoriales comme des TPE et PME.
Madame la ministre, mes chers collègues, le sort réservé aux collectivités territoriales nous inquiète tout particulièrement, car le règlement s’imposera à elles aussi dès le mois de mai.
M. Michel Savin. C’est vrai !
M. Alain Marc. Je me réjouis donc que la commission des lois, par l’entremise de son rapporteur, dont je salue ici le travail très efficace, ait dégagé deux pistes très importantes : exonérer les collectivités de certaines sanctions et les aider à financer et à gérer les outils devenus nécessaires.
Aussi, la commission des lois ayant été attentive aux fortes préoccupations des collectivités territoriales et ayant renforcé par ailleurs les garanties en faveur des libertés individuelles, voterai-je, et mon groupe avec moi, pour l’adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste.
M. Loïc Hervé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, contrairement aux apparences, le texte que le Sénat est amené à examiner aujourd’hui n’est pas qu’un texte technique, qui n’intéresserait par définition que ceux d’entre nous qui attachent de l’importance aux questions numériques.
Non ! Si complexe soit-il, ce texte est éminemment politique…
M. Joël Guerriau. Tout à fait !
M. Loïc Hervé. … et je tiens à remercier Mme le rapporteur pour les auditions tous azimuts qu’elle a conduites et surtout pour son travail de pédagogie, particulièrement indispensable là où droit de l’Union européenne et droit français s’entremêlent.
Quarante ans après l’adoption de la loi Informatique et libertés, en 1978, notre pays défend son modèle et réinvente, dans un cadre européen affirmé, la protection des données personnelles en l’adaptant aux temps nouveaux.
Bien que la loi Informatique et libertés ait été maintes fois modifiée, au gré des évolutions techniques et sociétales, ses grands principes sont confortés. Je m’en félicite d’autant plus que j’ai la chance de pouvoir siéger au sein de la CNIL, où je représente le Sénat avec notre collègue Sylvie Robert.
Mes chers collègues, les données personnelles sont le prolongement de notre vie, de notre corps, de nos habitudes, de nos mœurs. En un mot, elles sont le reflet de ce que nous sommes, y compris notre part la plus intime.
Parce qu’elles « appartiennent » à chaque citoyen, parce qu’elles nous caractérisent, parce que, massifiées, reliées, moulinées par un algorithme, elles peuvent avoir un intérêt majeur pour tout un tas d’acteurs, économiques ou autres, ces données méritent une protection législative tout à fait spécifique et la mise en place de garde-fous intangibles.
Quel meilleur exemple pouvions-nous trouver dans l’actualité que celui du scandale autour de la société Cambridge Analytica, qui prend, aux États-Unis d’Amérique, les accents d’une affaire d’État. (Mme le rapporteur applaudit.)
On estime que cette société aurait « aspiré », puis conservé, les données personnelles de dizaines de millions d’électeurs américains dans le but de les cibler au profit de la campagne de Donald Trump. Cette collecte s’est faite, dans la majorité des cas, sans le consentement des utilisateurs du réseau social Facebook.
N’en déplaise, alors, aux Cassandre, aux chantres de la dérégulation à tous crins ou à ceux que notre ancien collègue sénateur et ancien président de la CNIL, Alex Türk, qualifiait de tenants du « rien à cacher, rien à me reprocher », notre législation constitue un véritable bouclier protecteur, que ce texte ne vient que renforcer.
Qu’il s’agisse des libertés publiques, de la sécurité et de la souveraineté, la question des données personnelles constitue bien la nouvelle frontière du monde nouveau.
Le changement de paradigme que vous avez évoqué, madame la ministre, réside dans la responsabilisation des acteurs eux-mêmes, qu’ils soient publics ou privés. La CNIL, comme ses homologues européens, se voit chargée d’un rôle d’accompagnement et, le cas échéant, d’un rôle de sanction largement renforcé.
S’agissant de cette dernière capacité, une question subséquente se pose néanmoins – je remercie notre collègue Esther Benbassa de l’avoir dit aussi clairement – : celle des moyens de cette autorité administrative indépendante.
Tout le monde conviendra que, si le rôle de la CNIL change de nature, celle-ci devra recevoir du budget de l’État les moyens d’accomplir ses missions, au même niveau au moins que dans les grandes nations européennes qui nous entourent.
Le monde qui vient n’est pas un monde anxiogène, pas plus que ne l’était le monde de 1978.
Et c’est dans cet esprit positif que le groupe Union Centriste aborde ce texte, en soutenant les améliorations sur le fond apportées par la commission des lois sur les propositions de Mme le rapporteur et de certains de nos collègues.
À ce titre, je souhaiterais tout particulièrement insister sur la question des entreprises, des collectivités et des associations de petite taille ; l’enjeu est que les annonces que vous avez faites au cours de la discussion générale, madame la ministre, se traduisent concrètement, sur le terrain, par un véritable accompagnement.
Vous avez évoqué tout à l’heure la question de l’accompagnement par les préfets, que vous avez sensibilisés sur cette question lors d’une réunion organisée place Beauvau, chez eux, la semaine dernière. Il faut vraiment veiller concrètement à ce que cet accompagnement des collectivités puisse être mené par des personnels compétents de l’administration de l’État, qui auront reçu à cette fin une formation tout à fait particulière, adaptée, technique.
Il ne s’agit pas de sensibilisation générale – pour cela, en un sens, c’est trop tard. Il s’agit bien, de mon point de vue, d’accompagner les collectivités dans cette mutation très importante qu’elles vont connaître. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Sylvie Robert applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jérôme Durain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quand le législateur s’intéresse aux questions d’innovation et aux questions numériques, il est confronté à une difficulté majeure : l’évolution de la société qu’il essaie de réguler est-elle achevée ?
Rappelez-vous des premières réactions apparues lorsque certains ont voulu porter le fer contre Airbnb : ils ont été accusés d’aller contre la disruption technologique, le progrès, l’ordre numérique des choses. Puis le berceau même d’Airbnb, la ville de San Francisco, a engagé un mouvement de régulation du site. Aujourd’hui, le mouvement est quasi global : à Londres, à Barcelone, à San Francisco ou à Paris, les pouvoirs publics cherchent à contrôler la plateforme, avec le soutien d’une opinion qui ne percevait pas encore, il y a quelques années, les effets pervers d’Airbnb sur l’environnement urbain et sur l’hôtellerie.
Qu’en est-il des mesures qui nous sont proposées aujourd’hui ? Bien sûr, la vision des enjeux relatifs à la protection des données personnelles contenue dans le projet de loi que nous étudions a déjà quelques années. Elle est directement issue de débats européens que l’on peut situer entre 2014 et 2016. Évidemment, le concept de données personnelles n’a pas énormément évolué depuis cette période. Mais peut-être en va-t-il différemment de notre perception ?
En 2014, je pouvais imaginer que mes données personnelles échappent à mon contrôle total. Le principal enjeu était sans doute le déréférencement de données personnelles traînant sur internet. Les GAFA, à cette époque, étaient perçus comme des champions enviables, qui pouvaient chercher, de temps à autre, à frauder le fisc. Mark Zuckerberg a été élu homme de l’année, en 2010, par le magazine Time.
Aujourd’hui, nous savons que des soldats français voient leur position confidentielle divulguée à cause de leur utilisation d’objets connectés ; nous savons que Donald Trump a utilisé les services d’une société qui a volé les données personnelles de millions d’Américains ; nous savons que des puissances étrangères n’hésitent pas à profiler des millions d’utilisateurs et à créer de faux profils pour influencer des élections dans d’autres pays. Nous savons aussi que le pays de naissance des GAFA commence à envisager de contrôler de manière beaucoup plus forte ses propres licornes numériques, de peur qu’elles ne deviennent incontrôlables.
À l’aune de ces quelques constats, je crois pouvoir affirmer que ce texte va dans le bon sens, même s’il ne règle pas l’ensemble des problématiques fluctuantes liées aux données personnelles.
Le débat, déjà riche à l’Assemblée nationale, a également été très intéressant, ici, en commission des lois, grâce au travail de notre rapporteur Sophie Joissains. Je pense d’abord aux aménagements proposés pour permettre aux collectivités locales – c’est le rôle du Sénat – de se mettre en accord avec les nouvelles dispositions relatives à la protection des données personnelles. Ces dérogations déplairont sans doute aux bons élèves qui ont déjà œuvré pour se mettre en conformité avec leurs obligations en amont des échéances légales. Mais elles permettront au peloton des nombreuses collectivités et des entreprises concernées dans notre pays de suivre le mouvement.
Ces dérogations permettront aussi que se déploie l’offre de services en direction des collectivités locales. Je pense plus particulièrement, ici, aux nécessaires mutualisations proposées aux 90 % de petites collectivités qui sont souvent encore ignorantes de leurs obligations en la matière. Ce rôle pourrait être confié, par exemple, aux centres de gestion de la fonction publique territoriale, dont certains se sont déjà positionnés sur ces services.
Le groupe socialiste et républicain a déposé une vingtaine d’amendements sur ce texte. Leur examen nous permettra, aujourd’hui et demain, de nous attarder sur le secret médical, de réfléchir à la sécurité des données intéressant la sûreté de l’État, d’envisager la suppression de l’agrément de l’autorité administrative auquel est aujourd’hui soumise toute action de groupe en matière de données personnelles, ou encore de limiter plus étroitement le recours aux algorithmes.
Je tiens par ailleurs à exprimer mon soutien aux initiatives visant à garantir que des contrats ne s’opposent plus à ce que les utilisateurs puissent bénéficier de choix de services protégeant mieux les données. Autrement dit, vive le moteur de recherche made in France ! Tel est le sens d’un amendement déposé par notre collègue Claude Raynal, adopté par la commission des lois avec la bienveillance de son président et de sa rapporteur.
Sur ces sujets éminemment modernes, le Sénat discute et le Sénat amende ; le Sénat prouve ainsi son utilité au Gouvernement, comme toujours sur la question très importante des libertés publiques. Vous serez d’accord avec moi, madame la ministre, pour constater qu’un tel travail est utile à l’exécutif. J’espère que le Président de la République en sera lui aussi convaincu, au moment où nous nous apprêtons à entrer en période de révision constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste. – Mme Catherine Di Folco et M. Jean-Paul Émorine applaudissent également.)
M. Loïc Hervé. Nous l’espérons tous !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les révélations d’Edward Snowden sur la surveillance de masse en ligne ont précipité la fin du mythe originel de l’Internet, lequel s’est révélé un instrument de puissance échappant à l’Europe, support d’un monde d’hypersurveillance et de vulnérabilité.
Au centre des enjeux de cette nouvelle économie dominée par le cartel monopolistique des GAFAM - Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft - figurent les données, or noir du numérique, qu’elles soient relatives aux personnes physiques, aux administrations ou aux entreprises. L’homme est devenu un algorithme produisant des milliards d’informations qui disent tout de sa vie privée. Des enjeux de sécurité se posent aussi, pour nos infrastructures les plus stratégiques et pour nos administrations. Pour nos entreprises, ce sont des questions d’intelligence économique qui sont soulevées.
Réjouissons-nous donc de voir enfin aboutir l’adoption du RGPD et sa transposition.
Mais notons qu’il aura fallu six ans, le sujet ayant fait l’objet d’un intense lobbying transatlantique. Certes, la vision de la privacy diffère entre l’Amérique et l’Europe, mais il y va avant tout d’enjeux de pouvoir et de domination économique. Des lobbyistes contestent les mesures prises par la Commission européenne pour lutter contre les abus de position dominante et les pratiques déloyales des plateformes horizontales dont l’intermédiation est quasi incontournable. Mais les traitements des masses de données et les progrès de l’intelligence artificielle exigent une transparence absolue des plateformes et des algorithmes utilisés, seule condition de la neutralité. De même faut-il garantir une liberté de choix des fournisseurs de logiciels ou de services nécessaires au fonctionnement de ces derniers.
S’agissant des marchés publics portant sur le traitement des données de nos administrations, nous exigeons un surcroît de rigueur du Gouvernement dans le choix des prestataires, notamment lorsqu’il s’agit des données publiques dites sensibles. Est-il raisonnable, de la part de l’éducation nationale, d’avoir traité – sans appel d’offres, d’ailleurs – avec Google et Microsoft ?
M. Loïc Hervé. Quelle honte !
Mme Catherine Morin-Desailly. Il y a deux ans, avant que le lièvre ne soit levé, la direction générale des finances publiques a bien failli confier l’administration de nos données fiscales à un acteur privé dont les liens avec des agences de renseignement étrangères sont de notoriété publique.
M. Michel Savin. Eh oui !
Mme Catherine Morin-Desailly. L’Europe doit donc se doter d’un régime très exigeant de protection des données, incluant les conditions de traitement de ces données, mais aussi, demain, les technologies de protection de la confidentialité, qui représentent les nouveaux instruments de la souveraineté pour l’Europe.
Or, madame la ministre, je ne vois pas de stratégie pour l’internet des objets. Pourtant, les objets connectés envahissent déjà notre quotidien, se développent dans des domaines aussi sensibles que la santé, les transports, l’environnement, l’énergie ; avec eux grandissent les inquiétudes quant aux usages qui peuvent être faits des données recueillies et quant à la sécurité des dispositifs.
Il faut donc une régulation pour renforcer cette sécurité et en même temps promouvoir une politique industrielle dynamique dans ce domaine, assortie, d’ailleurs, d’un droit au « silence des puces », c’est-à-dire à la désactivation. La protection et la sécurité des données personnelles devront aussi s’accompagner d’une obligation de localisation et de traitement des données sur le territoire de l’Union.
Un tout dernier mot : préparant aujourd’hui un rapport sur la formation au numérique, je confirme ce qui a été exprimé, plus tôt, à cette tribune, à savoir l’inquiétude des entreprises et des collectivités, qui se retrouvent du jour au lendemain responsables, en première ligne, de l’application du RGPD, ce qui leur impose un changement de culture, alors qu’elles sont souvent déjà très en retard en termes de digitalisation. Il y a là, madame la ministre, un enjeu extrêmement fort de formation et d’accompagnement et je ne suis pas sûre, en définitive, que le Gouvernement en ait pris toute la mesure. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ce projet de loi ne doit pas seulement être considéré comme la conséquence du règlement européen relatif à la protection et à la libre circulation des données.
C’est un texte très important, pas simplement technique, mais – mon collègue Loïc Hervé l’a dit – très politique. Il recèle en effet de nombreux enjeux contemporains ayant trait au numérique : enjeux juridiques, avec la protection des données personnelles ; enjeux économiques, avec la stimulation et la diffusion de l’innovation ; enjeux scientifiques, avec la profusion de données rendues accessibles, ce qui ouvre de nouveaux champs d’exploration, notamment pour la recherche publique ; enjeux sécuritaires et géopolitiques, avec l’échange de données entre les États pour des motifs de maintien de l’ordre public ; enjeux philosophiques et culturels, enfin, car cette situation nous conduit nécessairement à interroger notre rapport au numérique, aux données, dans un contexte où bon nombre de nos concitoyens ont, à juste titre, des inquiétudes, et parfois l’impression, en la matière, de n’avoir aucune prise.
Ce projet de loi tendant à modifier en profondeur la loi fondatrice de 1978, il est en premier lieu légitime de veiller à ce que les droits et libertés inscrits à l’article 1er de cette grande loi soient toujours effectifs. Car le renversement de paradigme qui est opéré, avec le passage d’une logique de déclaration ou d’autorisation préalable à une logique de responsabilisation, mais aussi de contrôle des acteurs mettant en œuvre des traitements, ne doit bien sûr pas se traduire par un affaiblissement des libertés individuelles et publiques.
Le Sénat, on le sait, a toujours porté une vigilance aiguë au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, droit fondamental désormais inscrit à part entière dans l’ordre juridique européen. Ce fut en particulier le cas lors du débat que nous avons eu sur le projet de loi pour une République numérique.
Le groupe socialiste et républicain s’est bien sûr inscrit naturellement dans cette tradition ; c’est pourquoi nous proposons un certain nombre d’amendements sur les algorithmes ou les données sensibles – nous y reviendrons dans la soirée.
Indépendamment du développement des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle, qui irriguent désormais notre société, il ne faut jamais perdre de vue que la loi de 1978 est intrinsèquement et premièrement une loi protectrice des libertés individuelles et publiques. C’est une « loi socle », équilibrée, riche, reconnue et rassurante, aussi bien pour les acteurs concernés que pour les citoyens. En tant que parlementaires, nous devons nous assurer qu’elle ne soit pas affadie ni dépréciée.
C’est une institution reconnue et rassurante, également, que la CNIL, fortement impactée, elle aussi, par le règlement européen. Son rôle sera amené à évoluer dans deux directions, je l’ai dit : l’accompagnement des opérateurs, des entreprises, mais aussi des collectivités territoriales, en amont, et la consolidation du volet répressif, en aval : plaintes, contrôles et sanctions. Cette mutation substantielle est directement induite par le changement de paradigme que j’ai précédemment mentionné.
D’ailleurs, la CNIL a d’ores et déjà anticipé ces évolutions, en produisant des instruments de droit souple : les « packs de conformité », la valorisation des démarches, les codes de bonne conduite. Néanmoins, il est évident que l’application du RGPD, combinée à la démultiplication de ses missions, représente vraiment un changement d’échelle pour cette autorité administrative indépendante.
Par conséquent, afin que la CNIL puisse mener à bien son action et que, par son intermédiaire, nous continuions à maintenir un haut niveau de protection des données personnelles, conformément aux dispositions européennes, il se révèle essentiel de renforcer les moyens dont elle dispose.
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Sylvie Robert. Car ce texte est d’une très grande importance. Nous avons tous à cœur, en effet, de préserver la spécificité de la protection des données en France, la CNIL incarnant, en quelque sorte, ce modèle français et européen.
Pour être à la hauteur de cet enjeu, la CNIL a et aura besoin d’être renforcée ; c’est affaire de crédibilité aux yeux de nos concitoyens et des acteurs du secteur, mais c’est aussi affaire de légitimité, si nous voulons porter haut et fort ce modèle auquel nous tenons en dehors des frontières de l’Hexagone. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Christine Prunaud applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord remercier Mme la sénatrice Joissains, rapporteur de ce texte, pour ses propos en général, et en particulier pour son évocation du rôle qui doit être tenu par la CNIL à l’égard des collectivités territoriales – ce point a été repris par nombre de vos collègues, madame la sénatrice.
Vous évoquez également l’importance des nouvelles missions de la CNIL. J’avais, je crois, répondu par anticipation à vos observations sur les collectivités territoriales. Quant aux moyens de la CNIL, nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de la discussion des amendements. J’en dirai peut-être un mot tout à l’heure, mais sachez que je comprends évidemment vos préoccupations ; je puis vous dire qu’elles sont également les nôtres.
Je répète, en revanche, que je ne partage pas vos propos sur la « grande désinvolture » du Gouvernement…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Tant mieux !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Vous le savez, tel n’est pas du tout l’état d’esprit dans lequel nous sommes. Au contraire, le souci avec lequel ce texte a été préparé – j’y reviendrai – témoigne du profond respect que nous avons pour le Parlement – je tiens ici à le redire.
Monsieur le sénateur Sutour, j’ai apprécié votre connaissance très fine de l’adaptation des textes européens en droit interne, et l’ensemble de vos propos me semblent tout à fait pertinents. Vous mesurez les singularités et les difficultés qui s’attachent aux transpositions de la directive et à l’application du règlement dans un même texte. Évidemment, tout ceci donne des choses assez complexes, et vous soulignez l’intérêt d’utiliser les marges de manœuvre, pour traiter notamment la question de l’âge du consentement – là encore, j’avais, me semble-t-il, répondu par anticipation, et nous aurons évidemment l’occasion d’y revenir.
Vous faites également mention de la charge nouvelle qui pèse sur les collectivités territoriales ; vous souhaitez – je vous cite – un « accompagnement adapté » et préconisez que la CNIL y soit associée. Je rappelle, en la matière, tous les éléments dont j’ai eu l’occasion de vous faire part tout à l’heure, qu’il s’agisse du guide de la CNIL ou du lien nécessaire avec les associations d’élus, l’ADF, l’Assemblée des départements de France, mais aussi l’AMF, l’Association des maires de France. Je souligne en outre que nous partageons évidemment la volonté, exprimée par le Sénat, qu’aucune sanction ne soit prononcée et qu’un certain nombre de dispositions voient leur entrée en vigueur reportée à 2020.
Monsieur le sénateur Ravier, je ne partage pas tout à fait les propos que vous avez prononcés. Vous avez bien entendu fait allusion à Big Brother, aux GAFA, tous termes destinés à susciter l’effroi. Vous avez, par leur entremise, souligné l’atteinte à notre souveraineté numérique.
Au contraire, en ce domaine complètement immatériel, face aux atteintes potentielles à nos libertés et à nos intérêts, je pense que l’Europe est la seule vraie réponse que nous pouvons apporter.
Au-delà de cette nécessaire prise en compte du problème au niveau européen, notre ambition, dans le cadre de ce texte, est bien de faire respecter nos valeurs telles qu’elles transparaissent dans la loi de 1978. Le rôle que la France a mené dans les négociations européennes a bel et bien consisté à faire partager ces valeurs et cette ambition. Nos préoccupations expriment bien le refus du repli national et du fantasme de l’isolationnisme numérique.
Madame la sénatrice Carrère, vous avez souligné, autour des notions de défi et de changement de paradigme, l’importance d’un meilleur accompagnement par l’État des collectivités territoriales et – je ne me souviens plus si vous les avez mentionnées – des entreprises.
En tout cas, vous avez souligné les coûts de mise en conformité pour les collectivités territoriales. Nous avons déjà répondu, me semble-t-il, par l’exonération des sanctions financières et la mobilisation des préfets, à laquelle j’ai fait allusion. Certes, M. Hervé a souligné qu’il était sans doute insuffisant d’en rester à un tel stade de généralité. Mais je crois que ces mesures sont tout de même importantes.
Nous partageons vos préoccupations sur l’action de groupe. Il s’agit d’une avancée importante. C’est pourquoi nous ne sommes pas revenus sur l’extension faite par l’Assemblée nationale aux actions en réparation, et nous ne souhaitons pas soumettre l’action des associations à un agrément préalable.
Nous avons déjà introduit une garantie en matière d’encadrement du recours aux algorithmes : la maîtrise par le responsable du traitement de l’algorithme et de ses évolutions. Nous reviendrons plus en détail sur le dispositif, par exemple à propos de Parcoursup, lors de l’examen de l’article 14.
Nous ne sommes pas favorables à la création de droits de propriété de l’individu sur ses données ; nous ne voulons pas d’une patrimonialisation de celles-ci. Mais le RGPD renforce évidemment les droits des individus sur leurs données.
Monsieur le sénateur Darnaud, je partage totalement votre point de vue lorsque vous indiquez que l’Union européenne est une chance pour la France, à la fois par l’harmonisation que proposent les textes européens, mais également par les marges de manœuvre ! Ces éléments se rejoignent. Vous avez même souligné que cela répondait à une conception de la démocratie très propre à l’Europe ; je suis en plein accord avec vous sur ce point.
Vous avez insisté sur l’attention que nous devons porter aux collectivités territoriales – je n’en dis pas plus, car nous aurons l’occasion d’en reparler –, en mentionnant les cadastres et les fichiers d’état civil.
En revanche, je suis en désaccord avec vous lorsque vous évoquez la « mise à distance » d’un Parlement qui serait « amputé » de ses prérogatives. Vous évoquiez les ordonnances, mais vous avez lié cette mise à distance au fait que nous n’aurions pas suffisamment répondu aux TPE et aux collectivités territoriales. L’ordonnance que nous proposons n’a rien à voir avec la non-réponse que vous pensez pouvoir relever. Encore une fois, l’ordonnance pour laquelle nous sollicitons l’habilitation du Parlement est exclusivement liée à un problème légistique de réécriture de la loi de 1978, sur la base exclusive du texte que le Parlement votera à l’issue de nos débats.
Monsieur le sénateur de Belenet, vous avez raison de souligner le travail qu’ont accompli les services de la Chancellerie dès le mois d’août. Nous ne sommes pas dans l’impréparation que d’aucuns ont bien voulu relever. Dès l’adoption de la loi sur le rétablissement de la confiance, que j’avais eu l’honneur de vous présenter, nous nous sommes immédiatement mis, avec l’ensemble des services de la Chancellerie, à la transposition du texte dont nous débattons.
Je dois vous remercier de votre soutien. Comme d’autres, vous avez évoqué l’affaire Cambridge Analytica. J’y vois précisément l’illustration de l’intérêt d’un cadre européen. Le projet de loi de transposition prévoit justement des mécanismes permettant à la CNIL de prêter son concours aux autres autorités de protection de données qui vont enquêter sur les violations des règles de protection des données ; ce concours entre autorités de protection me paraît très important.
Je suis en accord avec l’ensemble de vos propos, notamment lorsque vous soulignez la nécessité de maintenir le cadre de la loi de 1978. C’est le choix que nous avons expressément fait. Nous considérons la loi de 1978 à la fois comme un symbole de la représentation des valeurs portées par la France, mais aussi comme un cadre lisible qui nous semble essentiel.
Madame la sénatrice Benbassa, vous avez exprimé vos préoccupations sur la procédure accélérée et sur l’habilitation à légiférer par ordonnance. Je ne reprends pas ce que j’ai déjà répondu à vos collègues.
J’aimerais évoquer brièvement les moyens de la CNIL, au risque de fâcher Mme Robert et M. Hervé…
M. Loïc Hervé. Mais non !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Un rapport de la Cour des comptes rendu, je crois, en 2016 a montré que la CNIL avait déjà obtenu des moyens importants permettant de mettre en œuvre le RGPD. La Cour relevait notamment que le plafond d’emplois était passé de 140 à 198 entre 2010 et 2017, ce qui correspond tout de même à un nombre relativement important de créations d’emplois.
S’il y a des difficultés au sein de la CNIL, nous aurons l’occasion de les évoquer lors de l’examen du projet de loi de finances.
Enfin, vous avez fait à plusieurs reprises référence à la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Vous avez indiqué que le Conseil constitutionnel avait procédé à quelques annulations, ce qui est vrai, mais je vous rappelle que, dans le cadre de son contrôle exercé a priori, il a validé l’essentiel du texte, même s’il a annulé quelques dispositions par la suite. Le RGPD ne s’appliquant pas aux fichiers de renseignement, nous n’avons pas souhaité revoir l’équilibre apporté par la loi de 2015.
Monsieur le sénateur Marc, à l’instar de vos collègues, vous avez rappelé les dispositions adoptées par la commission des lois pour les collectivités territoriales. Je le redis : notre gouvernement est d’accord avec la suppression des sanctions et la nécessité que la CNIL porte un regard particulier – nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir – sur ces collectivités territoriales.
Monsieur le sénateur Hervé, vous avez déclaré que ce texte était non pas technique, mais éminemment politique. Nous sommes évidemment en plein accord. En effet, ce que la France a essayé de promouvoir, au travers tant de ces dispositions techniques que des négociations menées en amont à l’échelon européen, ce sont des valeurs qui la distinguent de ce qui peut exister dans d’autres États.
Vous avez évidemment eu raison d’insister sur le rôle fondamental que la CNIL, organisme que vous connaissez bien, doit jouer dans la défense de ces valeurs et l’accompagnement d’une telle évolution.
Vous avez souligné que les données personnelles nous caractérisent et qu’elles exigent, à ce titre, une protection législative spécifique et des « garde-fous intangibles » ; je crois que cette expression est absolument justifiée. À cet égard, l’accompagnement que vous sollicitez au bénéfice des TPE, des PME et des collectivités territoriales me semble pertinent. À mon sens, nous devons effectivement disposer de compétences sur le terrain allant au-delà de ce que j’ai pu faire par le rappel au préfet. L’idée est de créer de vrais centres de ressources. De ce point de vue, le travail qui pourrait être effectué avec l’AMF me paraît tout à fait important.
Monsieur le sénateur Durain, vous avez bien montré l’importance du travail qui a été accompli et de celui qui reste encore à faire. Vous avez souligné que notre réflexion, commencée voilà déjà quelques années, doit constamment s’adapter. Vous avez mentionné Airbnb ou l’exemple du jour. Voilà qui montre bien, à mes yeux, que la réflexion ne peut jamais être stabilisée sur un tel sujet ; il me semble important de le souligner.
Vous avez terminé votre propos en indiquant que le Sénat prouvait son utilité au Gouvernement dans la défense des libertés publiques. Vous espériez, je pense, que le Président de la République pourrait s’en souvenir. Je vous rassure : la révision constitutionnelle sera totalement conforme aux ambitions de la Ve République pour le bicamérisme tel qu’il a été installé ; il me semble effectivement devoir être respecté. (Exclamations.)
M. Éric Bocquet. On verra bien ! Wait and see…
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je parle du bicamérisme tel qu’il a été installé par la Ve République, en 1958, évidemment dans une version un peu modernisée…
Madame la sénatrice Morin-Desailly, vous avez insisté sur la formation et l’accompagnement. Vous avez développé le problème de l’absence de stratégie pour l’Internet des objets, en soulignant l’importance à la fois d’une régulation pour renforcer la sécurité et d’une stratégie pour promouvoir les entreprises innovantes. C’est un spectre très large que vous avez couvert.
La question de la formation et de l’accompagnement est bien une question culturelle. De ce point de vue, je rappelle que le ministère de l’éducation nationale a engagé un processus assez fort d’accompagnement des élèves aux nouvelles stratégies du numérique et que toute la démarche de responsabilisation des acteurs que nous souhaitons par ailleurs promouvoir doit évidemment être articulée avec la lucidité et la vigilance des citoyens ; c’est un point qui mérite d’être travaillé.
Madame la sénatrice Robert, vous avez vous aussi souligné les enjeux politiques, philosophiques, culturels, en appelant à une vigilance aiguë quant à la protection de la vie privée des citoyens. C’est, là encore, un point que nous partageons. Je ne sais pas si nous aurons des désaccords au fur et à mesure de l’examen du texte, mais nous nous rejoignons sur ce point, et c’est essentiel.
La loi de 1978 a quarante ans. Elle méritait donc nécessairement, même si nous sommes peut-être toujours un peu en retard par rapport aux événements, d’être revue, réadaptée. Dans L’Angoisse du roi Salomon, Romain Gary écrivait : « Ce qu’il y a de bête avec la maturité, c’est qu’elle vient toujours trop tard. » (Sourires.) Je voudrais faire le pari qu’avec vous, la maturité des quarante ans ne viendra pas trop tard et que nous saurons ensemble travailler pour aller vers plus de progrès et de protection des citoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Après des échanges dont nous avons tous pu saluer la grande élévation d’esprit et la hauteur de vues, mon rôle est maintenant d’intervenir comme mécanicien du travail législatif ; il en faut, madame la ministre… (Sourires.)
Monsieur le président, il faudrait intervertir le débat sur l’article 6 et celui sur l’article 5, en utilisant l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, afin de prononcer la réserve de l’article 5, pour qu’il soit examiné après l’article 6. Pourquoi ? Parce que l’article 6 introduit un paragraphe III, et que l’article 5 fait référence à ce paragraphe. Imaginez un seul instant que vous adoptiez l’article 5 et que vous rejetiez l’article 6 : qu’adviendrait-il de cette référence à un paragraphe III de l’article 6 qui n’aurait pas été adopté ?
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande instamment de soutenir la demande que je forme en direction de notre président de séance pour que la réserve soit acceptée, à condition, bien entendu, que Mme la ministre ne s’y oppose pas.
M. le président. Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est donc l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve formulée par la commission ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Face à une telle puissance de démonstration, je ne puis qu’émettre un avis favorable. (Nouveaux sourires.)
M. le président. La réserve est ordonnée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la protection des données personnelles.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons donc à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à la protection des données personnelles
TITRE IER
DISPOSITIONS D’ADAPTATION COMMUNES AU RÈGLEMENT (UE) 2016/679 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL DU 27 AVRIL 2016 ET À LA DIRECTIVE (UE) 2016/680 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL DU 27 AVRIL 2016
Chapitre Ier
Dispositions relatives à la Commission nationale de l’informatique et des libertés
Article 1er
L’article 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Après la première phrase du même premier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle est l’autorité de contrôle nationale au sens et pour l’application du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité » ;
2° bis Le 1° est complété par les mots : « et peut, à cette fin, apporter une information adaptée aux collectivités territoriales, à leurs groupements et aux petites et moyennes entreprises » ;
3° Le 2° est ainsi modifié :
aa) Le premier alinéa est complété par les mots : « et aux dispositions relatives à la protection des données personnelles prévues par les textes législatifs et réglementaires, le droit de l’Union européenne et les engagements internationaux de la France » ;
a) Au a, les mots : « autorise les traitements mentionnés à l’article 25, » et les mots : « et reçoit les déclarations relatives aux autres traitements » sont supprimés ;
b) Après le même a, il est inséré un a bis ainsi rédigé :
« a bis) Elle établit et publie des lignes directrices, recommandations ou référentiels destinés à faciliter la mise en conformité des traitements de données à caractère personnel avec les textes relatifs à la protection des données à caractère personnel et à procéder à l’évaluation préalable des risques par les responsables de traitement et leurs sous-traitants. Elle encourage l’élaboration de codes de conduite définissant les obligations qui incombent aux responsables de traitement et à leurs sous-traitants, compte tenu du risque inhérent aux traitements de données à caractère personnel pour les droits et libertés des personnes physiques, notamment des mineurs, et des besoins spécifiques des collectivités territoriales, de leurs groupements et des micro-entreprises, petites entreprises et moyennes entreprises ; elle homologue et publie les méthodologies de référence destinées à favoriser la conformité des traitements de données de santé à caractère personnel ; »
c) Le b est ainsi rédigé :
« b) En concertation avec les organismes publics et privés représentatifs des acteurs concernés, elle établit et publie des règlements types en vue d’assurer la sécurité des systèmes de traitement de données à caractère personnel et de régir les traitements de données biométriques, génétiques et de santé. À ce titre, sauf pour les traitements mis en œuvre pour le compte de l’État agissant dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, elle peut prescrire des mesures, notamment techniques et organisationnelles, supplémentaires pour le traitement des données biométriques, génétiques et de santé en application du 4 de l’article 9 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité et des garanties complémentaires en matière de traitement de données à caractère personnel relatives aux condamnations pénales et aux infractions conformément à l’article 10 du même règlement ; »
d) Après le f, il est inséré un f bis ainsi rédigé :
« f bis) Elle peut décider de certifier des personnes, des produits, des systèmes de données ou des procédures aux fins de reconnaître qu’ils se conforment au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité et à la présente loi. Elle prend en considération, à cette fin, les besoins spécifiques des collectivités territoriales, de leurs groupements et des micro-entreprises, petites entreprises et moyennes entreprises. Elle agrée, aux mêmes fins, des organismes certificateurs, sur la base, le cas échéant, de leur accréditation par l’organisme national d’accréditation, mentionné au b du 1 de l’article 43 du même règlement, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. La commission élabore ou approuve les critères des référentiels de certification et d’agrément. Elle peut établir des exigences supplémentaires en matière de normes d’accréditation ; »
e) Au g, après le mot : « certification », sont insérés les mots : « , par des tiers agréés ou accrédités selon les modalités mentionnées au f bis du présent 2°, » ;
f) À la fin du h, les mots : « d’accès concernant les traitements mentionnés aux articles 41 et 42 » sont remplacés par les mots : « ou saisines prévues aux articles 41, 42 et 70-22 » ;
g) Sont ajoutés des i et j ainsi rédigés :
« i) Elle peut établir une liste des traitements susceptibles de créer un risque élevé devant faire l’objet d’une consultation préalable conformément à l’article 70-4 ;
« j) Elle mène des actions de sensibilisation auprès des médiateurs de la consommation et des médiateurs publics, au sens de l’article L. 611-1 du code de la consommation, en vue de la bonne application des dispositions de la présente loi ; »
4° Après la première phrase du a du 4°, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle peut également être consultée par le Président de l’Assemblée nationale ou par le Président du Sénat sur toute proposition de loi ou sur toute disposition d’une proposition de loi relative à la protection ou au traitement des données à caractère personnel. » ;
5° Après le même 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Elle peut présenter des observations devant toute juridiction à l’occasion d’un litige relatif à l’application de la présente loi et des dispositions relatives à la protection des données personnelles prévues par les textes législatifs et règlementaires, le droit de l’Union européenne, y compris le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité, et les engagements internationaux de la France. » ;
6° Au début du vingt-sixième alinéa, est ajoutée la mention : « II. – » ;
7° (nouveau) L’avant-dernier alinéa est supprimé.
M. le président. L’amendement n° 119, présenté par MM. Durain et Sutour, Mme S. Robert, MM. Sueur, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
II. - Après l’alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le b du 4° est complété par les mots : « et peut à cette fin, soumettre les mesures adaptées aux collectivités territoriales, à leurs groupements et aux petites et moyennes entreprises » ;
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. La commission des lois a proposé de façon opportune de prendre en compte la situation des collectivités territoriales afin de mieux les accompagner dans la mise en œuvre de leurs nouvelles obligations. Il est bien normal que l’on propose aux collectivités les mêmes dispositifs qu’aux entreprises.
À destination des PME et des PMI qui forment le « maillon faible » – même si certaines d’entre elles sont en avance – en termes de population d’entreprises, car elles ne disposent pas nécessairement des conseils juridiques dont bénéficient les grands groupes, la présidente de la CNIL a annoncé la publication prochaine d’une interface « clé en main », coproduite avec Bpifrance sous forme d’un « pack de conformité » au RGPD, destinée à ces acteurs.
De manière générale, la mission d’information de la CNIL ne fait pas défaut, son trente-septième rapport annuel en témoigne.
Il semble inapproprié aux sénateurs du groupe socialiste et républicain de commencer à compartimenter la mission générale d’information de la CNIL à ce stade. Il s’agit de la première mission de la CNIL et elle intéresse toutes les personnes concernées, qu’elles soient physiques ou morales, publiques ou privées.
Il serait plus utile pour le Sénat, qui exerce une responsabilité particulière de représentation des collectivités territoriales, de mettre à profit la force de proposition de la CNIL pour suggérer au Gouvernement les mesures législatives et réglementaires d’adaptation de la protection des libertés à l’évolution des procédés et techniques informatiques, en prévoyant que cette mission particulière doive prendre en compte la situation des collectivités territoriales et celle des petites et moyennes entreprises.
C’est la raison pour laquelle le présent amendement vise à modifier le 4° b de l’article 11 de la loi du 6 janvier 1978.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Le présent amendement vise à supprimer la mission qui incombe à la CNIL de fournir une information adaptée aux collectivités territoriales et aux TPE-PME.
En échange, les auteurs du présent amendement prévoient seulement que le rôle de veille législative de la CNIL pourrait lui permettre d’alerter le Gouvernement sur des mesures à prendre concernant les collectivités. Ce n’est pas du tout la même chose !
Nous sommes très attachés au rôle d’accompagnement de la CNIL auprès des petites collectivités et des petites structures. Je vous appelle donc à en rester au texte proposé par la commission.
Avis défavorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi ?
M. le président. L’amendement n° 29, présenté par Mme M. Carrère, est ainsi libellé :
Alinéa 9, seconde phrase
Après le mot :
mineurs
insérer les mots :
et des personnes dépourvues de compétences numériques
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Cet amendement vise à souligner la difficulté que rencontrent, à l’heure du « tout-numérique », certains administrés qui devraient faire l’objet d’une protection spécifique.
Selon une étude de la Délégation aux usages de l’internet, l’illettrisme numérique concernerait 15 % de la population, une problématique également soulignée dans le rapport de la Cour des comptes de 2016 consacré à la « généralisation des services publics numériques ».
Selon la Cour des comptes, les difficultés que rencontrent certains de nos concitoyens à manier les nouveaux outils numériques se doublent de difficultés liées à l’illettrisme classique. Or 90 % des contenus publiés sur internet prennent actuellement la forme de textes.
Nous considérons qu’au même titre que d’autres publics vulnérables, tels que les mineurs, ces personnes devraient bénéficier d’une protection spécifique dans l’exercice de leur droit à la protection de leurs données personnelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Cet amendement vise à mieux prendre en considération les publics dépourvus de compétences numériques dans l’élaboration des codes de conduite sectoriels.
En droit, l’objectif est déjà directement pris en compte par le RGPD qui encadre les conditions de recueil du consentement ; il oblige à une information adaptée au public et prévoit des garanties spécifiques pour certaines personnes vulnérables, dont les mineurs.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Les auteurs de cet amendement abordent un vrai sujet, à savoir l’exclusion d’un certain nombre de nos compatriotes du numérique. À peu près 5 millions de personnes adultes sont concernées, soit une partie non négligeable de la population française. Je suis donc tenté, à titre personnel, de voter cet amendement, car il a le mérite d’appeler l’attention du Gouvernement et du législateur sur ces questions essentielles.
Certes, dans notre pays, certaines personnes ne souhaitent pas entrer dans la sphère numérique, et c’est un choix éclairé. Mais d’autres personnes, parce qu’elles ne maîtrisent pas le français, parce qu’elles sont touchées par le handicap, par l’âge ou par l’illettrisme « numérique », voire par l’illettrisme tout court, ne peuvent pas avoir accès aux outils numériques. Par humanisme, eu égard à ces populations, je serai donc tenté de voter cet amendement, même si, comme je l’ai souligné dans la discussion générale, il n’est pas possible non plus d’élargir à l’envi les missions de la CNIL. Les uns et les autres ont rappelé que la CNIL disposait de moyens limités, soit d’un peu moins de 200 personnes, comme l’a souligné Mme la ministre.
M. Alain Marc. Elle n’a pas de moyens !
M. Loïc Hervé. N’en rajoutons pas trop, d’autant qu’elle mène des actions d’éducation au numérique auprès des enfants. Soyons donc prudents !
Néanmoins, nous devons tous bien avoir présent à l’esprit, ce soir, la problématique des personnes exclues du numérique.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne comprends pas pourquoi, tout à l’heure, l’amendement de Jérôme Durain a été rejeté. Mon collègue a pourtant très bien expliqué que les collectivités locales, que le Sénat est chargé de représenter, doivent être particulièrement aidées par rapport à la réalité du numérique. Comment peut-on considérer qu’il ne s’agit pas là du rôle de la CNIL ?
Par ailleurs, l’amendement de Mme Carrère me paraît très important. On fait comme si le numérique était une évidence, mais nombre de nos concitoyens sont concernés par l’illettrisme numérique dont nous avons beaucoup parlé lors de la loi pour une République numérique. Certains d’entre eux sont même très loin du numérique.
M. Loïc Hervé. Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur. Pourtant, ils devront faire face. J’ai entendu, madame la ministre, qu’on ne pourra bientôt plus déclarer ses revenus que par voie numérique. Or certaines personnes ne peuvent ou ne savent pas le faire. Nous sommes tous attachés à ce que la citoyenneté soit prise en compte dans toutes ses acceptions. Le numérique n’est pas un acquis pour tout le monde. Je sais que la CNIL connaît un problème de moyens, mais il est essentiel aussi qu’elle s’occupe de la situation de ces personnes. À mon sens, Mme Carrère a très bien fait de présenter cet amendement, que je soutiendrai.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Mon intervention est fondée sur l’expérience que je suis en train de vivre à travers la préparation d’un rapport, dont j’ai parlé dans la discussion générale, sur la formation initiale et continue au numérique, par le numérique et avec le numérique, qui intègre toutes les générations, à commencer bien sûr par les enfants.
Au cours des très nombreuses auditions que j’ai réalisées, j’ai surtout été frappée par le retard de notre pays. Alors que nous sommes avant-gardistes sur la question de la protection des données – ce dont nous pouvons nous réjouir –, nous sommes paradoxalement très en retard en ce qui concerne la digitalisation des entreprises. La France se situe en effet dans un classement moyennement bas par rapport à d’autres pays.
Quant aux populations fragilisées, notre pays enregistre également une forme de retard. Certaines personnes rencontrent des difficultés pour appréhender ces questions éminemment techniques, je pense notamment à toutes les personnes isolées et d’un certain âge, qui se trouvent précipitées dans cette mutation numérique sans accompagnement. Elles doivent remplir des formulaires et accomplir désormais leurs démarches de manière dématérialisée.
C’est une difficulté qui nous est souvent signalée dans le monde rural, d’où mon insistance tout à l’heure sur les besoins en termes de formation et d’accompagnement. Le gouvernement précédent n’avait pas du tout anticipé cette difficulté alors que nous savions qu’il faudrait bientôt transposer le règlement.
« L’illectronisme » est un nouveau mot, qui correspond à une nouvelle réalité. Tout autant que pour l’illettrisme, un immense travail nous attend, mais pas seulement à l’école. Il faudra également mettre l’accent sur la formation continue et partout ailleurs. Je suis donc également tentée d’envoyer un signal fort dans cette direction et de voter cet amendement, en cohérence avec ce que je constate sur tous les territoires où je me rends pour collecter des informations afin d’établir mon rapport qui, je l’espère, sera utile à notre assemblée.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Je saisis cette occasion pour m’associer aux propos de plusieurs intervenants.
De façon générale, nous devons être extrêmement vigilants dans toutes nos prises de décision, car nous sommes en train de basculer d’une société du papier et de la présence physique à une société du numérique et de la communication à distance. Nous sommes donc dans une période de transition. Or, si les jeunes n’ont aucun problème pour s’adapter, ce n’est pas le cas des personnes, parfois âgées, mais pas toujours, qui ne sont pas nées avec le numérique et n’ont pas l’agilité requise pour accomplir l’ensemble des démarches numériques.
Dans cette période de transition – le phénomène se « tassera » au fil de l’arrivée des nouvelles générations –, nous devons faire très attention de ne pas laisser au bord du chemin certains de nos concitoyens. Je m’associe donc à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. L’ensemble de ces interventions s’inscrivent dans le droit fil des débats que nous avons eus la semaine dernière lors de l’examen du projet de loi Darmanin pour un État au service d’une société de confiance, où les risques liés à la société dématérialisée et à des services publics dématérialisés ont été soulignés à de très nombreuses reprises.
Par cohérence avec tout ce que nous avons dit la semaine dernière et également cet après-midi, nous soutiendrons cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Il est vrai que nous pouvons rencontrer de l’illettrisme numérique sur nos territoires, mais cela n’explique pas tout. Personnellement, je reste attaché aux documents papier. (Sourires.)
Un de nos collègues a abordé la question des déclarations de revenus. Certes, de moins en moins de nos concitoyens utilisent le papier pour faire leur déclaration, mais beaucoup de personnes autour de nous préfèrent encore utiliser des documents papier, d’autant que la fracture numérique, souvent évoquée dans cet hémicycle, est une réalité. Il reste d’ailleurs beaucoup à faire pour lutter contre les zones blanches ou grises.
Certes, cet amendement porte sur la CNIL et sur ses principales missions. Néanmoins, il convient de rester extrêmement prudent et de ne pas imposer complètement la dématérialisation. Il est important de conserver un peu de proximité, dans le souci de chacun. Voilà pourquoi je soutiendrai cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement s’inscrit effectivement dans le droit fil de précisions déjà formulées et qui permettent d’édicter des codes de conduite prenant en compte, notamment, les besoins des mineurs et d’autres besoins spécifiques. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement s’en est remis à la sagesse du Sénat, mais il s’agissait en réalité d’une sagesse très positive. (M. Loïc Hervé applaudit.)
Mme Sylvie Robert. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Comme vient de l’indiquer Mme la ministre, seuls les codes de conduite sont concernés. Accepteriez-vous, madame la sénatrice, de rectifier cet amendement et de préciser dans l’alinéa 9 que la CNIL « prend en compte la situation des personnes dépourvues de compétences numériques » ? Il s’agirait ainsi d’une mesure beaucoup plus générale, car l’amendement initial ne présentait pas vraiment de sens.
M. le président. Madame Carrère, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par Mme le rapporteur ?
Mme Maryse Carrère. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 29 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, et ainsi libellé :
Alinéa 9, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Elle prend en compte la situation des personnes dépourvues de compétences numériques.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié bis, présenté par M. A. Marc, Mme Deromedi, M. Bonhomme et les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 11, première phrase
1° Après le mot :
types
insérer le mot :
notamment
2° Après le mot :
assurer
insérer les mots :
la protection des données, à savoir par exemple le respect des droits en matière d’accessibilité, de finalité et de minimisation des données,
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Cet amendement vise à élargir le cadre des règlements types à la protection des données, par exemple au respect des droits en matière d’accessibilité, de finalité et de minimisation de la donnée.
Cette rédaction permettra à la CNIL d’édicter des règlements de fond en matière de protection de la donnée et de respect de la vie privée. En novembre 2017, dans un avis sur la transposition de la directive européenne, elle avait fait la demande d’un élargissement du cadre des règlements types pour pouvoir élargir son champ d’action au-delà du seul sujet de la sécurité des systèmes. Ces nouvelles responsabilités consacrent son rôle de protecteur de la vie privée. Et Dieu sait si nous y sommes attachés au Sénat !
Outre l’accessibilité et la finalité des données, cet amendement vise à inscrire également dans le cadre des règlements types la question de la minimisation des données collectées.
Il semble en effet opportun que la CNIL s’exprime et mette en œuvre une règle de fond pour que la collecte et le traitement des données ne concernent que les données essentielles. Il s’agit d’une avancée importante pour le respect de la vie privée et des données personnelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Cet amendement, qui élargirait le pouvoir réglementaire de la CNIL à tout type de traitement, se heurte à un double obstacle.
Tout d’abord, il se heurte au RGPD qui ne permet aux États membres de fixer des règles plus protectrices que celles qu’il énonce que dans certaines matières.
Il se heurte ensuite à un obstacle constitutionnel, car la délégation d’un pouvoir réglementaire aussi large à une autorité administrative risquerait d’être censurée au regard de l’article 21 de la Constitution.
J’ajoute que la CNIL elle-même est satisfaite de la rédaction issue de l’Assemblée nationale et n’est pas demandeuse d’un nouvel élargissement de ses compétences sur ce point, ce qui est à mettre en rapport avec les arguments développés par Loïc Hervé tout à l’heure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marc. Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 62, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 11, seconde phrase
Supprimer les mots :
sauf pour les traitements mis en œuvre pour le compte de l’État, agissant dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique,
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’alinéa 11 de l’article 1er prévoit que la CNIL établisse et publie des règlements types en vue d’assurer la sécurité des systèmes de traitement de données à caractère personnel, et de régir les traitements de données biométriques, génétiques et de santé.
Dans ce cadre, elle peut prescrire des mesures techniques et organisationnelles supplémentaires pour le traitement des données biométriques, génétiques et de santé, conformément à l’article 9 du règlement européen, et des données relatives aux infractions pénales, conformément à l’article 10 du même règlement.
L’alinéa 11 exclut ces mesures supplémentaires pour les traitements mis en œuvre pour le compte de l’État agissant dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique.
Nous ne partageons pas la philosophie de cette exception et considérons au contraire que, compte tenu de la nécessité d’encadrer strictement le traitement des données sensibles, il convient de la supprimer.
La CNIL s’est d’ailleurs exprimée en ce sens dans sa délibération du 30 novembre 2017, regrettant notamment que les mesures techniques et organisationnelles supplémentaires qu’elle prescrirait pour le traitement de ces données « ne puissent concerner les traitements mis en œuvre pour le compte de l’État, agissant dans l’exercice même des prérogatives de puissance publique, alors que le besoin de cadrage du traitement de certaines données n’y est pas moins important ».
M. le président. L’amendement n° 30, présenté par Mme M. Carrère, est ainsi libellé :
Alinéa 11, seconde phrase
Après les mots :
de l’État
insérer les mots :
et des collectivités territoriales
et remplacer le mot :
ses
par le mot :
leurs
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Cet amendement vise à rétablir une exigence égale en matière de protection des données biométriques, génétiques et de santé.
En effet, le présent article prévoit la possibilité de contraindre les collectivités territoriales, et non l’État, à prendre des mesures techniques et organisationnelles supplémentaires.
Si la finalité de cette disposition est légitime, puisqu’elle vise à mieux protéger des données sensibles, en revanche il est incompréhensible que les exigences varient d’une personne publique à une autre selon qu’il s’agit d’un service de l’État ou d’une collectivité territoriale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. L’amendement n° 62 vise à étendre le champ d’application des garanties offertes par les règlements types de la CNIL aux traitements mis en œuvre pour le compte de l’État en matière de génétique, de biométrique et de santé aux traitements de données.
L’intention est louable, mais elle semble satisfaite par l’état du droit.
En effet, si ces traitements sont hors du champ des règlements types de la CNIL, c’est qu’ils ne peuvent être créés que par un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL. Ils restent ainsi soumis à un régime plus strict d’autorisation préalable, en raison de leur caractère particulièrement sensible.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Quant à l’amendement n° 30, il vise à exempter les collectivités territoriales des garanties spécifiques que la CNIL peut imposer aux responsables de traitements de données biométriques, génétiques ou de santé.
Cet amendement va beaucoup trop loin. Il s’agit de données particulièrement sensibles de nos concitoyens et, dans ce domaine, l’action de la CNIL est singulièrement la bienvenue.
N’oublions pas que les règles de sécurité exigées par la CNIL concernant les données biométriques, génétiques et de santé sont aussi là pour protéger les élus locaux : en cas de problème, ils exposent leur responsabilité pénale.
La commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Mme Benbassa souhaite que la CNIL puisse imposer des règlements types à l’État pour les traitements de données biométriques, génétiques et de santé. Comme Mme la rapporteur vient de l’indiquer, cela me semble difficile puisque les traitements de l’État sont soumis à une autorisation préalable, après avis de la CNIL. Le garde-fou que vous proposez est, en cette occurrence, inutile.
J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 62.
Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 30 présenté par Mme Carrère.
Si le projet de loi exclut effectivement l’État agissant dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, c’est au motif qu’un régime contraignant existe à l’encontre de l’État. L’article 9 du projet de loi prévoit une formalité préalable particulière. Ces traitements, je le rappelle, sont autorisés par décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la CNIL. Un tel régime n’est pas prévu pour les collectivités territoriales. Il ne serait d’ailleurs pas pertinent : chaque fois qu’une commune souhaiterait mettre en œuvre un tel traitement, il faudrait adopter un décret en Conseil d’État, ce qui est une procédure relativement lourde et difficile !
Mme Maryse Carrère. Je retire mon amendement !
M. le président. L’amendement n° 30 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 62.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 82, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 13
1° Troisième phrase
Après les mots :
l’article 43 du même règlement
insérer les mots :
ou décide, conjointement avec cet organisme, que ce dernier procède à leur agrément
2° Dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le RGPD encourage la mise en place de mécanismes de certification pour faciliter la transparence et le respect du règlement, et permettre aux personnes concernées d’évaluer rapidement le niveau de protection des données offert par les produits et services proposés. Il s’agit donc d’une marge de manœuvre pour la délivrance de l’agrément des organismes certificateurs.
L’article 43 du RGPD prévoit en effet que cet agrément peut être délivré soit par l’autorité de contrôle – en France, il s’agit de la CNIL –, soit par l’organisme national d’accréditation – en France, le Comité français d’accréditation, le COFRAC –, soit par les deux.
L’objectif du Gouvernement est de mettre en œuvre cette marge de manœuvre pour qu’au 25 mai 2018 la CNIL et le COFRAC soient en mesure de répondre à une forte demande prévisible d’agréments ou de certifications de manière directe. Or la rédaction actuelle du projet de loi, qui crée un f bis à l’article 11 de la loi de 1978, ne répond pas totalement à cet objectif, car elle ne prévoit pas que le COFRAC puisse également agréer les certificateurs.
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, qui vise à introduire cette possibilité, étant précisé que la CNIL restera à l’initiative du choix de l’autorité chargée de cet agrément – soit elle-même ou le COFRAC.
Le Gouvernement propose par la même occasion de supprimer la dernière phrase de l’alinéa 13 selon laquelle la CNIL « peut établir des exigences supplémentaires en matière de normes d’accréditation ». Cette mention, qui est déjà prévue à l’article 43 du règlement de 2016, ne nous semble en effet pas nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Favorable.
M. le président. L’amendement n° 79 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly, MM. Henno, Kern et Laugier, Mme Doineau, M. Bonnecarrère, Mmes de la Provôté, Goy-Chavent et Vullien, M. Détraigne, Mme Gatel, MM. Maurey, Mizzon, Canevet, Cigolotti, Delcros, L. Hervé et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …) Elle peut décider de certifier, dans des conditions définies par décret pris après avis de l’autorité nationale en matière de sécurité et de défense des systèmes d’information, les objets connectés commercialisés à destination des consommateurs, aux fins de reconnaître qu’ils se conforment au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité et à la présente loi, qu’ils garantissent la possibilité de désactiver la collecte des données de l’utilisateur et qu’ils répondent à des exigences élevées en matière de sécurité ; »
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Le groupe Union Centriste s’inquiète de l’absence de stratégie de l’Internet des objets au niveau de notre pays, mais surtout au niveau européen.
L’Internet des objets concerne tous les objets connectés et autres capteurs qui se déploient à une vitesse toujours plus accélérée, au fur et à mesure que les innovations se succèdent, et qui captent toujours plus de données. Ces données transiteront de plus en plus par les objets connectés qui nous entourent.
On nous propose déjà aujourd’hui de porter des vêtements connectés et des tas de petits accessoires ou prothèses. On nous offre même des implants corporels ! C’est dire si les objets connectés sont notre avenir dans un monde numérique.
Or il convient, je crois, que ces objets disposent de certifications nous garantissant un très haut degré de confidentialité et de sécurité, et surtout le droit au « silence des puces », c’est-à-dire la possibilité de se déconnecter.
Bien entendu, c’est au niveau européen qu’il importe d’avoir aussi une stratégie ambitieuse en matière industrielle, d’autant que nous sommes très en retard par rapport aux autres continents sur ce sujet. Cela garantirait une forme de souveraineté numérique et permettrait également d’appuyer le développement de notre industrie, une industrie en accord avec les principes et les valeurs des citoyens européens.
Je pense que, d’ores et déjà, nous devons pouvoir nous dire que certains objets peuvent être certifiés. Sans doute est-ce anticiper un dispositif à venir plus ambitieux, mais au moins aurons-nous signalé cette problématique, qui est vraiment celle de demain tout en se posant dès aujourd’hui.
Mes chers collègues, il est indispensable de mettre en œuvre cette stratégie, à laquelle les plus grands spécialistes réfléchissent déjà, d’autant que les données transitant par ces objets concernent tous nos secteurs hypersensibles : la santé, demain les transports autonomes, l’énergie, l’environnement – bref, notre environnement du quotidien.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Votre amendement, madame la sénatrice, vise à conférer à la CNIL la possibilité de certifier des objets connectés. Il nous semble qu’il est satisfait par l’alinéa 13 de l’article 1er, aux termes duquel la CNIL « peut décider de certifier des personnes, des produits, des systèmes de données ou des procédures ». Nous considérons que les objets connectés dont vous parlez sont bien évidemment inclus dans la catégorie des « produits ».
La précision que vous proposez n’est donc, de mon point de vue, pas nécessaire. Peut-être même serait-elle de nature à créer de la confusion sur l’étendue du pouvoir de certification de la CNIL.
Par ailleurs, je tiens à souligner que les perspectives offertes par le règlement « ePrivacy » en cours d’élaboration au niveau de l’Union européenne viseront très précisément les objets connectés.
Ainsi donc, compte tenu à la fois de ce qui est prévu aujourd’hui et de ce qui est à venir, il ne me semble pas nécessaire de compléter la rédaction du texte. J’émets un avis défavorable sur l’amendement.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. On pourrait imaginer, madame la ministre, que l’expression « objets connectés » soit ajoutée à l’alinéa que vous avez cité. En tout cas, le mot « produits » est beaucoup trop vague, alors que les objets connectés répondent à une définition extrêmement précise.
Le travail mené au niveau de l’Union européenne en ce qui concerne le règlement ePrivacy est tout à fait nécessaire, mais il est loin d’être achevé ; on connaît aussi la lenteur des procédures.
Il me semble que, pour tout mettre en cohérence par anticipation, nous pourrions parfaitement ajouter parmi les missions de la CNIL la possibilité – car il s’agirait, j’y insiste, d’une possibilité – de certifier des objets connectés, en lien, bien sûr, avec les instances de régulation nationale comme l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, qui a un rôle important à jouer.
Je crois sincèrement, madame la ministre, qu’il est important, sur ces sujets éminemment stratégiques, d’envoyer des signaux très forts, notamment en matière d’internet des objets, et de montrer que nous avons compris quel sera le monde dans lequel nous évoluerons demain.
Un monde un peu inquiétant, du reste, car on parle aujourd’hui, au vu des nouvelles tendances et des usages émergents de l’Internet, d’une interface zéro, qui supprimerait presque les objets : ceux-ci seraient intégrés corporellement à l’être humain, devenu lui-même une interface… Mes chers collègues, ce n’est pas de la science-fiction : c’est ce que sera notre vie demain – on parle également de lieux connectés.
Ce n’est pas pour vous contrarier, madame la ministre, mais, je le répète, le terme « produits » est beaucoup trop vague : il y a des lieux connectés, des objets connectés. Mes chers collègues, montrons que le Sénat est très soucieux des libertés individuelles et du respect des valeurs européennes pour un internet raisonné et raisonnable !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Pour aller dans le même sens que Mme Morin-Desailly, je crois qu’on ne peut pas à la fois constater la massification de la présence des objets connectés dans notre vie courante, dire que ce sujet va devenir majeur, et s’accommoder d’un « peut décider » qui nous paraît beaucoup trop hypothétique par rapport aux risques que courent les consommateurs et les utilisateurs de ce type d’objets. Nous voterons l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Le sujet que soulève Mme Morin-Desailly est crucial et mérite beaucoup plus que ce simple amendement, même s’il est important. Nous parlons de la certification d’objets connectés, pas de l’utilisation de ces objets, qui me semble tout aussi importante. L’enjeu est si grand qu’il faudra aller beaucoup plus loin que cet amendement, peut-être sous la forme d’une mission d’information. Les objets connectés vont complètement imprégner les années qui viennent !
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Quand on vise les objets connectés, on ne vise pas seulement l’objet lui-même tel qu’on le trouve dans un commerce, avec le logo de la CNIL : on vise l’usager.
Dans un ouvrage publié en 2011, notre ancien collègue Alex Türk, qui fut aussi président de la CNIL, évoque les usagers en ces termes : « Parmi ceux que nous avons appelés les “naïfs” se trouvent d’abord les usagers, qui sont parfaitement conscients des capacités des acteurs du réseau à identifier, capter, manipuler leurs données et donc à analyser leur comportement, cerner leurs goûts et ainsi établir leur profil. » Car tel est bien l’objectif de l’objet connecté ! « Mais, disent-ils, cela ne leur pose aucun problème, car “ils n’ont rien à cacher ni rien à se reprocher”. Précisons que ce syndrome du “rien-à-cacher-rien-à-me-reprocher” peut concerner aussi bien des familiers des moteurs de recherche et des réseaux sociaux que des personnes susceptibles de faire l’objet d’une prise de vue ou d’une géolocalisation, à leur insu ou non. » Sept ans après la parution de cet ouvrage, c’est exactement cette question qui se pose !
La CNIL travaille déjà, et de longue date, sur la question des objets connectés, comme sur celle des véhicules connectés – demain, les véhicules échangeront des données entre eux.
Mme Catherine Morin-Desailly. En effet !
M. Loïc Hervé. Nous sommes à la préhistoire d’un bouleversement total !
Avec l’ensemble du groupe Union Centriste, je soutiens l’amendement de Mme Morin-Desailly, qui vise à nommer les choses et, par l’objet, à entrer en discussion avec l’usager, auquel nous avons à proposer une démarche éthiquement responsable en ce qui concerne la collecte des données.
Sans doute aurons-nous de nouveau à débattre, dans la suite de l’examen de ce projet de loi, de la collecte des données, partout où elle est possible, notamment sur les moteurs de recherche et les plateformes. Il faut garantir à l’usager que les données collectées servent à des fins absolument claires et transparentes. En nommant les objets connectés, qui ont envahi notre quotidien, nous ferons un pas de plus dans cette discussion !
M. Claude Kern. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 121, présenté par Mme S. Robert, MM. Durain, Sutour, Sueur, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer les mots :
peut établir
par le mot :
établit
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Mme Morin-Desailly a insisté il y a quelques instants sur le fait que son amendement visait une possibilité : « peut certifier ». Celui-ci vise à remplacer les mots « peut établir » par le mot « établit », mais, contrairement à ce qu’on pourrait penser, il est plus que rédactionnel.
Il a pour objet de rendre effectif et non facultatif l’établissement de la liste des traitements susceptibles de créer un risque élevé devant faire l’objet d’une consultation préalable de la CNIL.
Parfois, dans l’écriture des textes, on emploie des verbes qui peuvent prêter à interprétation. Je propose que l’alinéa 17 soit rédigé au présent de l’indicatif, comme nombre de dispositions de la loi de 1978. Ainsi l’action sera-t-elle vraiment effective dans ce domaine. Soyons vigilants, car, sur ce type de textes, comme nous le verrons dans la suite de la discussion, le vocabulaire utilisé peut modifier les interprétations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’article 28 de la directive impose que la CNIL soit consultée préalablement à la création de tout traitement susceptible, au regard de ses conclusions quant à l’analyse d’impact ou en raison de l’utilisation de nouvelles technologies, de présenter des risques élevés pour les droits et libertés des personnes concernées. Cet article prévoit que la CNIL peut établir une liste de ces traitements devant faire l’objet d’une consultation préalable.
En prévoyant une simple faculté pour la CNIL d’établir cette liste de traitements non mis en œuvre pour le compte de l’État, le projet de loi transpose strictement la directive.
Au demeurant, l’établissement d’une telle liste n’aura de sens que si vous adoptez l’amendement présenté par le Gouvernement à l’article 19 pour supprimer l’obligation, ajoutée par la commission des lois, d’une autorisation préalable de la CNIL pour tout traitement non mis en œuvre par l’État dans le champ de la directive. En effet, si une autorisation de la CNIL est nécessaire pour créer tout traitement non mis en œuvre par l’État dans le champ de la directive, il devient inutile de fixer une obligation de consultation préalable dans certains cas…
J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 120, présenté par MM. Durain et Sutour, Mme S. Robert, MM. Sueur, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Remplacer les mots :
ou par le Président du Sénat
par les mots :
par le Président du Sénat, par les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu’à la demande d’un président de groupe parlementaire
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Le présent amendement vise à étendre la possibilité de consulter la CNIL sur une proposition de loi ou sur toute disposition d’une proposition de loi relative à la protection des données personnelles, déjà prévue pour les présidents des assemblées parlementaires, aux présidents de commission permanente ou de groupe parlementaire. Cette avancée sur le plan de la démocratie parlementaire apporterait de la souplesse dans l’organisation de nos assemblées.
Certes, la CNIL, comme toute autorité administrative indépendante, peut déjà répondre aux sollicitations ou solliciter directement le Parlement. Reste que, au moment où des propositions destinées à limiter les droits des parlementaires, à rendre le temps législatif expéditif ou à réduire l’influence du Parlement et de ses membres sont défendues par les plus hautes autorités de l’État, il semble utile, impérieux même, de formaliser cette procédure de consultation dans la loi.
À des fins de coordination, nous avons déposé un amendement n° 124 visant à la traduire dans l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et dans le règlement de nos assemblées.
M. le président. L’amendement n° 63, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Après le mot :
Sénat
insérer les mots :
, ainsi qu’à la demande d’un président de groupe parlementaire,
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Dans le même esprit que l’amendement de nos collègues socialistes, celui-ci a pour objet de permettre aux présidents de groupe parlementaire de l’Assemblée nationale et du Sénat de saisir la CNIL sur toute proposition de loi ou sur toute disposition d’une proposition de loi relative à la protection ou au traitement des données à caractère personnel.
Je vous rappelle que cette disposition a été adoptée à l’Assemblée nationale, avec le soutien de la rapporteur comme de vous-même, madame la ministre.
L’opposition n’est pas à la mode ; on le constate à chaque annonce relative à la réforme des institutions, et la restriction du droit d’amendement en est un exemple flagrant. Mais l’opposition existe et doit pouvoir jouer son rôle. C’est un enjeu démocratique majeur.
Mes chers collègues, permettre aux présidents de groupe parlementaire de saisir la CNIL des propositions de loi relatives aux données personnelles serait une bien petite concession !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. La CNIL peut être consultée par toutes les autorités, dont les présidents de groupe, comme par tous les sénateurs et tous les députés, s’ils le souhaitent. Établir un formalisme de ce type pourrait exclure ce qui fonctionne aujourd’hui très bien dans un cadre informel.
L’avis est donc défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je suis convaincue par les arguments de Mme la rapporteur… (Sourires.)
Avis défavorable !
M. le président. L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par M. A. Marc, Mme Deromedi et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Après le mot :
Sénat
insérer les mots :
, par soixante députés ou soixante sénateurs
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. La discussion féconde de ce matin en commission des lois m’a convaincu de retirer cet amendement, dont l’adoption reviendrait à restreindre la possibilité de saisine de la CNIL, ouverte à tout député et tout sénateur.
M. le président. L’amendement n° 15 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 17 rectifié bis, présenté par M. A. Marc, Mme Deromedi et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Rédiger ainsi cet alinéa :
7° L’avant-dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle peut saisir pour avis toute autre autorité ou institution intéressée par l’accomplissement de ses missions. »
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Cet amendement vise à modifier le 7° de l’article 11 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés pour permettre à la CNIL de saisir toute autre autorité ou institution intéressée par l’accomplissement de ses missions. Il s’agit de favoriser le dialogue entre les différentes autorités ou institutions compétentes sur les problèmes numériques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. La faculté de saisine d’une autorité indépendante par une autre est consacrée et généralisée par leur statut général, voté sur l’initiative de notre assemblée.
L’amendement étant sans objet, j’en demande le retrait.
M. Alain Marc. Je le retire !
M. le président. L’amendement n° 17 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 122 rectifié, présenté par Mme S. Robert, MM. Durain, Sutour, Sueur, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 34 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. … - Le délégué à la protection des données institué par l’article 37 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE peut signaler à la Commission nationale de l’informatique et des libertés les difficultés qu’il rencontre dans l’exercice de ses missions.
« Lorsque le délégué à la protection des données révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, une violation grave, manifeste et répétée des droits et libertés mentionnés à l’article 1er de la présente loi, les dispositions du chapitre II du titre Ier de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique s’appliquent. »
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement ouvre un débat et soulève un enjeu démocratique relatif au statut et au rôle que pourraient être amenés à jouer les futurs délégués à la protection des données.
En un sens, le délégué à la protection des données – ou DPO, pour Data Protection Officer – sera la clé de voûte de l’application du règlement : à la fois conseiller du responsable, mais aussi du sous-traitant mettant en œuvre le traitement, garant du respect des obligations leur incombant et point de contact de l’autorité de contrôle ainsi que des citoyens s’enquérant d’une information, il occupera une position stratégique et aura une vision synoptique.
Il sera donc en mesure de déceler d’éventuels manquements ou violations liés à la protection des données personnelles, sous réserve que lui soient garanties des conditions idoines à l’exercice de ses missions, notamment, bien sûr, en termes d’indépendance.
Dans les cas les plus graves – songeons aux faits qui ont fait l’actualité du week-end dernier et qui nous ont un peu interloqués –, où les atteintes aux droits sont à la fois massives par leur ampleur et considérables par leur nature, il s’avère essentiel de permettre au délégué de jouer pleinement son rôle de vigie, voire de révélateur de pratiques contraires aux droits fondamentaux.
C’est pourquoi les auteurs de cet amendement proposent que, lorsque le délégué à la protection des données signale, de manière désintéressée et de bonne foi, des violations graves, manifestes et répétées des droits et libertés mentionnés à l’article 1er de la loi du 6 janvier 1978, il puisse bénéficier du statut de lanceur d’alerte créé par la loi Sapin II.
D’autres scandales, dysfonctionnements ou entorses à la réglementation seront peut-être révélés un jour ; nous verrons bien. Nous devons en tout cas nous en prémunir, autant que possible. Octroyer ce statut au délégué à la protection des données dans des cas bien précis pourrait être une manière très pertinente d’y parvenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Cet amendement pose problème, car, si le délégué à la protection des données a, d’une certaine manière, une fonction de vigie, il a aussi une fonction de confiance vis-à-vis du responsable de traitement. Or le statut de lanceur d’alerte n’est pas compatible avec celui d’avocat.
Le DPO étant responsable, il veillera à remplir sa mission au mieux ; mais lui donner un statut de lanceur d’alerte me paraît difficile, compte tenu de la relation de confiance partagée qu’il doit entretenir avec le responsable de traitement.
Je demande donc le retrait de l’amendement, et j’y serai défavorable s’il est maintenu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je sollicite également le retrait de l’amendement ; s’il est maintenu, j’y serai défavorable.
Les auteurs de l’amendement proposent, d’une part, que le délégué à la protection des données puisse « signaler à la Commission nationale de l’informatique et des libertés les difficultés qu’il rencontre dans l’exercice de ses missions ». L’article 39.1 du RGPD prévoyant déjà la coopération du délégué avec la CNIL, le délégué pourra remplir, madame la sénatrice, la mission que vous souhaitez lui assigner.
D’autre part, l’amendement vise à octroyer au délégué à la protection des données le statut de lanceur d’alerte, en application de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Or le RGPD établit déjà un régime complet en faveur de ce délégué.
En particulier, s’agissant de l’indépendance du délégué, il prévoit que « le responsable du traitement et le sous-traitant veillent à ce que le délégué à la protection des données ne reçoive aucune instruction en ce qui concerne l’exercice de ses missions ». Le délégué ne peut être relevé de ses fonctions ni pénalisé par le responsable du traitement ou le sous-traitant pour l’exercice de ses missions.
Ce statut instauré par le règlement européen est déjà très protecteur pour le délégué à la protection des données.
M. le président. Madame Robert, l’amendement n° 122 rectifié est-il maintenu ?
Mme Sylvie Robert. Cet amendement était aussi destiné à souligner que, dans certains cas, le rôle du délégué à la protection des données ne sera pas facile. En cas de signalement d’un certain nombre de manquements, surtout lorsque ceux-ci constituent des violations graves et massives des droits fondamentaux, il faudra que le délégué soit protégé. Nous voulions attirer l’attention sur cet enjeu, pour que tout se passe dans les prochaines années de la meilleure façon possible.
Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 123 rectifié, présenté par MM. Durain et Sutour, Mme S. Robert, MM. Sueur, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article 4 bis de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le président d’une assemblée parlementaire peut également saisir la Commission nationale de l’informatique et des libertés d’une proposition de loi ou d’une ou plusieurs dispositions d’une proposition de loi dans les mêmes conditions. » ;
2° Au deuxième alinéa, après les mots : « Conseil d’État », sont insérés les mots : « ou à la Commission nationale de l’informatique et des libertés » ;
3° Au troisième alinéa, après les mots : « Conseil d’État », sont insérés les mots : « ou de la Commission nationale de l’informatique et des libertés » ;
4° Au dernier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Le présent amendement vise à inscrire dans l’ordonnance du 17 novembre 1958, par coordination avec les dispositions prévues à l’article 1er, la possibilité pour le président d’une assemblée parlementaire de saisir la CNIL sur toute proposition de loi ou toute disposition d’une proposition de loi relative à la protection ou au traitement des données à caractère personnel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Cet amendement vise, en fin de compte, à aligner la position de la CNIL sur celle du Conseil d’État. Pour les raisons que j’ai expliquées précédemment, relatives au formalisme, j’en sollicite le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement reprend un amendement de la commission des lois de l’Assemblée nationale visant à créer l’article 1er bis. Il s’agit de modifier l’ordonnance du 17 novembre 1958 pour permettre au président d’une assemblée parlementaire de saisir la CNIL. Par ailleurs, l’amendement ajoute la possibilité de saisine sur une ou plusieurs dispositions d’une proposition de loi, ce qui permettrait une saisine plus ciblée. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 123 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
M. le président. En conséquence, l’article 1er bis demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 1er bis
M. le président. L’amendement n° 124, présenté par MM. Durain et Sutour, Mme S. Robert, MM. Sueur, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 5 … ainsi rédigé :
« Art. 5 … – Les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi que les présidents des groupes politiques peuvent saisir la Commission nationale de l’informatique et des libertés sur toute proposition de loi ou sur toute disposition d’une proposition de loi relative à la protection des données à caractère personnel ou au traitement de telles données.
« Les règlements des assemblées fixent les conditions dans lesquelles cette saisine s’exerce. »
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Cet amendement a le même objet que l’amendement n° 120, précédemment examiné.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Je demande le retrait de l’amendement, pour les raisons déjà exposées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Durain, l’amendement n° 124 est-il maintenu ?
M. Jérôme Durain. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 124 est retiré.
Article 2
Au 7° du I de l’article 13 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, après le mot : « numérique », sont insérés les mots : « ou des questions touchant aux libertés individuelles ». – (Adopté.)
Article 2 bis
L’article 15 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« – aux a et h du 3 de l’article 58 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les conditions et limites dans lesquelles le président de la commission et le vice-président délégué peuvent déléguer leur signature. »
M. le président. L’amendement n° 155, présenté par Mme Joissains, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - au 4 de l’article 34 du même règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016, pour les décisions donnant acte du respect des conditions mentionnées au 3 du même article 34.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Le présent amendement vise à introduire plus de souplesse dans l’organisation interne des travaux de la CNIL. Son adoption permettrait à la formation plénière de la commission de déléguer au président ou au vice-président délégué certaines décisions touchant aux nouvelles obligations de notification des violations de données.
Conformément à l’article 34 du RGPD, la CNIL devra recevoir ces notifications et examiner si la violation est susceptible d’engendrer un risque élevé, afin soit d’exiger du responsable de traitement de communiquer cette violation aux personnes concernées, soit de décider que cette communication n’est pas nécessaire.
Les services de la CNIL ont mis en avant auprès de votre rapporteur les chiffres des Pays-Bas, où cette obligation de notification existe déjà en droit positif : 6 500 notifications par an, dans un pays bien plus petit que la France. Il convient d’aider la CNIL à ménager ses moyens en lui offrant cette agilité organisationnelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Avis favorable. L’exemple des Pays-Bas est particulièrement convaincant.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis, modifié.
(L’article 2 bis est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa de l’article 17, après le mot : « restreinte », sont insérés les mots : « prend les mesures et », après le mot : « traitements », sont insérés les mots : « ou des sous-traitants » et, après le mot : « découlant », sont insérés les mots : « du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité et » ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ses membres délibèrent hors de la présence des agents de la commission, à l’exception de ceux chargés de la tenue de la séance. » ;
3° Les deux derniers alinéas de l’article 18 sont ainsi rédigés :
« Le commissaire du Gouvernement assiste à toutes les délibérations de la commission réunie en formation plénière ainsi qu’à celles des réunions de son bureau qui ont pour objet l’exercice des attributions déléguées en application de l’article 16. Il peut assister aux séances de la formation restreinte, sans être présent au délibéré. Il est rendu destinataire de l’ensemble des avis et décisions de la commission et de la formation restreinte.
« Sauf en matière de mesures ou de sanctions relevant du chapitre VII, il peut provoquer une seconde délibération de la commission, qui doit intervenir dans les dix jours suivant la délibération initiale. »
M. le président. L’amendement n° 31, présenté par Mme M. Carrère, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Remplacer les mots :
commissaire du Gouvernement
par les mots :
rapporteur public
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Vous connaissez, madame la ministre, mes chers collègues, les travaux antérieurs du groupe du RDSE sur les autorités administratives indépendantes et leur fonctionnement.
Le projet de loi introduit de nouvelles dispositions visant à encadrer le rôle du commissaire du Gouvernement siégeant auprès de la CNIL et désigné par le Premier ministre.
Dans la même logique, nous considérons que, pour respecter la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et la théorie des apparences, il serait utile de le renommer, comme on l’a fait au sein de la juridiction administrative. Les personnes visées par les sanctions prononcées par la CNIL doivent avoir la certitude que ces sanctions ont été prononcées en toute indépendance, sans que le commissaire du Gouvernement donne l’impression d’avoir pesé dans la décision de sanction.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. La commission estime que cette mesure ne porterait pas au fond. Si la CNIL tient à se réorganiser – elle engagera peut-être une réflexion en ce sens dans quelque temps, parce qu’elle aura une surcharge de travail importante –, elle proposera d’elle-même ce changement de nom, si elle le juge souhaitable.
Je demande donc le retrait de l’amendement, dont je ne vois pas l’intérêt de fond.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je demande également le retrait de cet amendement, qui me paraît source de confusion notamment par rapport à ce qui s’est passé pour les juridictions administratives. À défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Madame Carrère, l’amendement n° 31 est-il maintenu ?
Mme Maryse Carrère. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 31 est retiré.
Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
L’article 44 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du I, les mots : « et qui sont à usage professionnel » sont supprimés ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « de locaux professionnels privés » sont remplacés par les mots : « de ces lieux, locaux, enceintes, installations ou établissements » ;
b) La dernière phrase du dernier alinéa est complétée par les mots : « dont la finalité est l’exercice effectif des missions prévues au III » ;
3° Les trois premiers alinéas du III sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour l’exercice des missions relevant de la Commission nationale de l’informatique et des libertés en application du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité et de la présente loi, les membres et agents mentionnés au premier alinéa du I du présent article peuvent demander communication de tous documents nécessaires à l’accomplissement de leur mission, quel qu’en soit le support, et en prendre copie. Ils peuvent recueillir, notamment sur place ou sur convocation, tout renseignement et toute justification utiles et nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Ils peuvent accéder, dans des conditions préservant la confidentialité à l’égard des tiers, aux programmes informatiques et aux données ainsi qu’en demander la transcription par tout traitement approprié dans des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle. Le secret ne peut leur être opposé sauf concernant les informations couvertes par le secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client, par le secret des sources des traitements journalistiques ou, sous réserve du deuxième alinéa du présent III, par le secret médical.
« Le secret médical est opposable s’agissant des informations qui figurent dans un traitement nécessaire aux fins de la médecine préventive, de la recherche médicale, des diagnostics médicaux, de l’administration de soins ou de traitements, ou de la gestion de service de santé. La communication des données médicales individuelles incluses dans cette catégorie de traitement ne peut alors se faire que sous l’autorité et en présence d’un médecin. » ;
4° Avant le dernier alinéa du même III, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le contrôle de services de communication au public en ligne, les membres et agents mentionnés au premier alinéa du I peuvent réaliser toute opération en ligne nécessaire à leur mission sous une identité d’emprunt. À peine de nullité, leurs actes ne peuvent constituer une incitation à commettre une infraction. L’utilisation d’une identité d’emprunt est sans incidence sur la régularité des constatations effectuées conformément au troisième alinéa du présent III. Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, précise les conditions dans lesquelles ces membres et agents procèdent dans ces cas à leurs constatations. » ;
5° Il est ajouté un V ainsi rédigé :
« V. – Dans l’exercice de son pouvoir de contrôle portant sur les traitements relevant du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité et de la présente loi, la Commission nationale de l’informatique et des libertés n’est pas compétente pour contrôler les opérations de traitement effectuées, dans l’exercice de leur fonction juridictionnelle, par les juridictions. »
M. le président. L’amendement n° 126 rectifié, présenté par MM. Durain et Sutour, Mme S. Robert, MM. Sueur, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
y compris lorsque ces informations sont stockées et gérées par une entreprise sous-traitante
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Le présent amendement a pour objet de se saisir de la faculté offerte aux États membres en matière de secret professionnel par l’article 90 du RGPD.
Cet article autorise l’adoption de règles spécifiques, afin de définir les pouvoirs des autorités de contrôle à l’égard des responsables du traitement ou des sous-traitants, qui sont soumis à une obligation de secret professionnel ou à d’autres obligations de secret équivalentes, lorsque cela est nécessaire et proportionné, et ce pour concilier le droit à la protection des données à caractère personnel et l’obligation de secret.
Notre amendement vise à prendre en compte le cas des données couvertes par le secret professionnel, lorsque ces dernières sont stockées et traitées par un fournisseur de service dans le cadre d’un contrat de cloud computing, le problème étant que les données ne sont pas stockées dans les serveurs eux-mêmes objets du contrôle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Je demande le retrait de cet amendement relatif aux pouvoirs de contrôle de la CNIL.
En effet, il vise à étendre de manière plus explicite l’applicabilité du régime des secrets protégés aux données stockées et gérées par un sous-traitant du responsable de traitement. Or il me semble entièrement satisfait par l’état du droit qui, d’une part, prévoit l’opposabilité de trois types de secrets protégés, le secret professionnel des avocats, les sources journalistiques et le secret médical et, d’autre part, ne module pas l’exercice des pouvoirs des agents de la CNIL en fonction du type de stockage choisi par le responsable de traitement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Durain, l’amendement n° 126 rectifié est-il maintenu ?
M. Jérôme Durain. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 126 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 125, présenté par MM. Durain et Sutour, Mme S. Robert, MM. Sueur, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Seul un médecin peut requérir la communication de données médicales individuelles incluses dans cette catégorie de traitement.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. L’article 4 du projet de loi qui concerne les moyens de contrôle des agents de la CNIL reprend les règles spécifiques qui encadrent actuellement la communication des données médicales relevant de la médecine préventive, de la recherche médicale, des diagnostics médicaux, de l’administration de soins ou de traitements, ou de la gestion de service de santé, réalisée dans le cadre de ce contrôle.
Toutefois, il prévoit que la communication de ces données médicales ne pourra plus être requise obligatoirement par un médecin, comme le prévoit le droit en vigueur, mais sous son autorité et en sa présence.
Cet assouplissement de la procédure de requête représente un recul par rapport au droit existant. Compte tenu de la nature même des données médicales qui leur confère une sensibilité particulière, il convient de laisser le médecin jouer le premier rôle et de s’assurer de son autonomie de jugement.
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié bis, présenté par M. A. Marc, Mme Deromedi, M. Bonhomme et les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 8, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
après information préalable du patient
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Cet amendement a pour objet de préciser que la communication de données médicales individuelles traitées dans le cadre de la médecine préventive, de la recherche médicale, des diagnostics médicaux, de l’administration de soins ou de traitements, ou de la gestion de service de santé ne peut se faire qu’après information préalable du patient.
Il vise ainsi à respecter le principe de transparence à l’égard des personnes concernées, lequel régit l’ensemble du règlement 2016/679.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. L’amendement n° 125 tend à prévoir que seul un médecin peut requérir la communication de données médicales individuelles lors d’un contrôle de la CNIL.
Le texte du projet de loi est légèrement moins strict : il prévoit dans un tel cas que la communication des données ne pourra désormais se faire que « sous l’autorité et en présence d’un médecin ». Comme le précise l’avis du Conseil d’État, qui est à l’origine de la rédaction retenue, « l’agent menant le contrôle sera placé sous la responsabilité fonctionnelle du médecin, qui ne réalisera pas nécessairement lui-même les opérations informatiques, mais adressera toutes les instructions nécessaires à l’agent pour que ne soit pas violé le secret médical ».
Les garanties déjà prévues dans le texte de la commission me semblent importantes, car elles concilient à la fois l’exigence de préservation du secret médical et la nécessaire efficacité opérationnelle des contrôles de la CNIL.
C’est pourquoi je demande le retrait de l’amendement.
L’amendement n° 19 rectifié bis, quant à lui, vise à soumettre la levée du secret médical lors de contrôles de la CNIL portant sur des données médicales individuelles à l’information préalable obligatoire de chaque patient. La commission demande le retrait de cet amendement, mais je dois avouer qu’à titre personnel, je préférerais m’en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement demande également le retrait de l’amendement n° 125, faute de quoi il y sera défavorable.
Je ne reprendrai pas l’objet de l’amendement, puisqu’il vient d’être exposé. Il me semble que cet amendement, loin d’être davantage protecteur pour la personne concernée, laquelle peut d’ailleurs être à l’origine du contrôle, maintiendrait les difficultés procédurales relevées par la CNIL, alors même que l’accroissement de ses missions nécessite – nous l’avons dit à plusieurs reprises – d’en optimiser les ressources.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité modifier le régime procédural en prévoyant désormais que la communication des données médicales individuelles ne pourra se faire que sous l’autorité et en présence d’un médecin. Cette rédaction issue de l’examen du projet de loi au Conseil d’État signifie que l’agent menant le contrôle sera placé sous la responsabilité fonctionnelle du médecin, qui ne réalisera pas nécessairement lui-même les opérations informatiques, mais qui adressera toutes les instructions nécessaires à l’agent pour que le secret médical ne soit pas violé.
Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 19 rectifié bis présenté par le sénateur Alain Marc. Sa proposition conditionnerait les pouvoirs de contrôle de la CNIL à la capacité d’informer la personne concernée, ce qui peut se révéler trop lourd, voire impossible à mettre en œuvre dans le cadre du déroulement des contrôles, à la fois dans le temps et dans la forme, ou bien dans certains cas comme, par exemple, lorsque la personne est dans l’incapacité au regard de son état de santé de recevoir l’information.
En pratique, cet amendement permettrait de surcroît aux personnes concernées de se voir communiquer une information sur les contrôles menés par la CNIL, alors même que de nombreuses organisations et entreprises souhaitent que la confidentialité des contrôles soit préservée avant qu’une sanction ne soit prise.
M. le président. L’amendement n° 83, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les membres et agents mentionnés au premier alinéa du I du présent article peuvent, à la demande du président de la commission, être assistés par des experts. » ;
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement vise à réintroduire la possibilité pour les membres et les agents de la CNIL de faire appel à des experts dans le cadre de leurs opérations de contrôle. Il s’agit de rétablir une possibilité déjà prévue par les dispositions de l’article 44 de la loi de 1978 qui ont été supprimées par erreur. Cette faculté est utilisée par la CNIL, par exemple, lorsque celle-ci s’associe avec l’Autorité de régulation des jeux en ligne pour contrôler les opérateurs de jeux en ligne.
L’adoption du présent amendement offrirait l’occasion d’élargir le recours aux experts en supprimant la condition imposant leur désignation préalable par une autorité. Cela permettra ainsi à la CNIL de faire appel à des experts ne relevant pas nécessairement d’une autorité, tels que ceux qui sont inscrits sur une liste d’experts judiciaires. Un tel assouplissement existe déjà pour d’autres autorités administratives indépendantes : c’est notamment le cas pour l’Autorité des marchés financiers, l’Autorité de la concurrence ou encore l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
L’article 55 du règlement intérieur de la CNIL précise d’ores et déjà les modalités de recours aux experts. Conformément à l’article 13 de la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, celui-ci déterminera également les règles déontologiques applicables à ces experts.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. L’amendement n° 127 rectifié, présenté par M. Durain, Mme S. Robert, MM. Sutour, Sueur, Kanner, Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le IV est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les traitements mentionnés au premier alinéa du présent IV ne sont pas soumis aux dispositions du présent article, la conformité de ces traitements est contrôlée, en coopération avec la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, par un ou plusieurs membres de la Commission nationale de l’informatique et des libertés désignés par le président parmi les membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d’État, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes. Le contrôle est effectué dans des conditions permettant d’en assurer la confidentialité. Les conclusions du contrôle sont remises au seul ministre compétent. Les conditions de mise en œuvre de cette procédure sont précisées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. » ;
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Il s’agit de l’un des premiers amendements qui traitent de la question du renseignement.
Dans une démocratie avancée et responsable, le contrôle de l’activité des services de renseignement et notamment des fichiers qu’ils produisent, qu’il s’agisse de l’usage des techniques de renseignement ou de leur résultat en termes de données collectées et traitées, répond à une exigence légitime pour tous ceux qui sont attachés au respect des droits de l’homme.
Bien que ces fichiers ne soient soumis ni au RGPD ni à la directive que le présent projet de loi entend transposer, les modalités de leur contrôle présentent un lien direct avec le texte que nous examinons, dès lors que l’article 4 du projet de loi modifie l’article 44 de la loi de 1978 dont le IV prévoit, en l’état actuel du droit, que les pouvoirs de contrôle général des fichiers reconnus à la CNIL ne s’appliquent pas à certains traitements intéressant la sûreté de l’État.
En conséquence, pour un certain nombre de fichiers considérés comme stratégiques, la possibilité pour la CNIL d’opérer un contrôle a posteriori sur pièce et sur place, plein et entier, est exclue à ce jour.
Certes, il s’agit de données sensibles au sens où elles intéressent directement la sûreté de l’État, la défense et la sécurité publique. D’ailleurs, elles bénéficient déjà à ce titre d’un régime largement dérogatoire et tout à fait justifié.
Par ailleurs, des garde-fous ont été institués par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR, autorité administrative indépendante, est appelée à émettre un avis préalablement à la mise en œuvre d’une technique de renseignement susceptible d’alimenter ces fichiers. Celle-ci procède également à des contrôles a posteriori.
Toutefois, la CNCTR ne s’occupe que des techniques par le biais desquelles les fichiers sont alimentés et n’exerce son contrôle qu’au regard du cadre juridique rigoureux élaboré par le législateur dans le cadre de la loi du 24 juillet 2015. Telle est sa mission et c’est déjà beaucoup ! En revanche, la CNCTR n’est pas compétente pour juger du respect de la protection des données personnelles dans le champ de la loi du 6 janvier 1978.
Actuellement, il existe bien un vide juridique, dans la mesure où aucun contrôle a posteriori de ces fichiers, qui permettrait de garantir leur mise en œuvre dans le respect de la protection des données personnelles et des textes applicables en la matière, auxquels ils sont pourtant soumis, n’est prévu.
L’adoption de cet amendement contribuera à accroître la confiance des citoyens dans l’action des services de renseignement, à diffuser et conforter la culture du renseignement que nous souhaitons promouvoir avec force et, in fine, à renforcer la sécurité de tous dans le respect des libertés publiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable, même si je comprends très bien l’intention de mes collègues sur le sujet.
L’amendement vise à renforcer des contrôles de la CNIL et de la CNCTR sur les fichiers de renseignement des services spécialisés. Néanmoins, au regard de leur sensibilité, ces fichiers ne peuvent justement pas faire l’objet d’un tel contrôle de la part de la CNIL. En outre, ce contrôle ne ferait qu’affaiblir nos services de renseignement et risquerait de dissuader nos partenaires de nous transmettre des informations.
J’ajoute qu’un amendement similaire avait déjà été déposé lors de l’examen en 2015 du projet de loi relatif au renseignement et que l’Assemblée nationale, dont la majorité était socialiste à l’époque, l’avait rejeté sans difficulté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement émettra également un avis défavorable sur cet amendement.
Je crois en effet que son adoption romprait un certain équilibre et vais tenter de vous en expliquer les raisons. Je serai peut-être un peu longue à ce propos, et à ce propos seul, parce qu’il s’agit d’un point important.
Comme vous le savez, les fichiers de renseignement constituent un sous-ensemble des fichiers dits « de souveraineté », qui intéressent la sûreté de l’État, la défense et la sécurité publique, et qui sont mentionnés à l’article 26 de la loi Informatique et libertés.
De par la nature même de ces fichiers et les finalités qu’ils servent, certains droits ne sont pas reconnus aux personnes concernées. Le droit d’accès aux données contenues dans ces traitements est ainsi exclu. Néanmoins, toute personne qui s’interroge sur la présence dans ces fichiers de données la concernant peut s’adresser à la CNIL, qui procédera aux vérifications en son lieu et place. C’est ce que l’on appelle le « droit d’accès indirect ».
Les principales caractéristiques de ces fichiers de renseignement – je veux parler des finalités du fichier, du type de données collectées, des destinataires des informations ou de l’absence d’interconnexion – sont définies dans un texte réglementaire, en l’occurrence un décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL.
Cependant, pour des raisons évidentes de confidentialité, et afin de ne pas mettre en cause leur finalité même, la plupart de ces décrets sont dispensés de publication, comme l’autorise l’article 26 de la loi Informatique et libertés.
Le décret du 15 mai 2007 liste les quatorze fichiers concernés par ces dispositions. La possibilité pour la CNIL d’opérer un contrôle a posteriori sur pièce et sur place, plein et entier, n’est exclue que pour huit de ces quatorze fichiers : il ne s’agit donc que des fichiers de renseignement les plus sensibles et pour lesquels la possibilité d’obtenir copie de tout document ou information et d’examiner l’architecture des outils techniques est exclue, au risque de mettre gravement en cause les modalités d’action des services de renseignement.
Au demeurant, l’accès à ces fichiers au sein des services de renseignement est étroitement encadré par des habilitations précises et le besoin d’en connaître.
Comme je le disais, le dispositif de l’amendement pourrait mettre en cause les modalités d’action des services de renseignement, mais aussi le lien de confiance entre nos services et les services étrangers partenaires. Ce n’est qu’avec l’accord exprès d’un partenaire que l’on peut mettre des informations qu’il a partagées à la disposition d’un tiers.
Les huit fichiers dont je viens de parler relèvent de la DGSE, pour deux d’entre eux, de la DGSI et de la Direction du renseignement militaire, pour deux autres d’entre eux, de la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense, ainsi que du service de renseignement de la préfecture de police et de celui des douanes. Si, les concernant, la CNIL ne peut pas effectuer un contrôle plein et entier de droit commun, il n’en demeure pas moins que ces fichiers font déjà l’objet d’une pluralité de contrôles.
Les informations qu’ils contiennent sont bien souvent issues de l’utilisation de techniques de renseignement qui sont très strictement encadrées. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, la mise en œuvre d’une technique de renseignement suppose l’autorisation préalable du Premier ministre, prise après avis d’une autorité administrative indépendante, la CNCTR.
Cette commission procède par ailleurs à un second contrôle une fois la technique de renseignement mise en œuvre, afin de s’assurer du respect des conditions posées par l’autorisation. Ce contrôle a posteriori est réalisé pour chaque service deux à trois fois par mois de manière très approfondie. Il se double d’ailleurs d’un dialogue très exigeant entre la CNCTR et les services de renseignement sur tout point d’interprétation du cadre juridique rigoureux adopté par le législateur en 2015.
Les renseignements collectés peuvent ensuite être transcrits dans le fichier d’un service de renseignement. Néanmoins, il ne faut pas l’oublier, la création de ce fichier est subordonnée en amont à un examen préalable de la CNIL, puis à celui du Conseil d’État qui, pour autoriser la création par décret de ce traitement, s’assure de la légalité de ses principales caractéristiques, à savoir le type de données recueillies, leurs modalités de conservation et les possibilités de croisement.
Une fois ce fichier créé, et dans le cadre du droit d’accès indirect que j’ai précédemment évoqué, la CNIL se rend trois à quatre fois par an dans chacun des services de renseignement afin de vérifier, au bénéfice des personnes qui la saisissent, que les données détenues le cas échéant par ces services sont nécessaires et respectent les caractéristiques initialement définies dans le texte réglementaire sur lequel la CNIL a donné son avis.
Ce contrôle fait par la suite l’objet de nombreux échanges entre le service de renseignement concerné et la CNIL afin, le cas échéant, de procéder à la rectification ou à l’effacement des données qui ne seraient pas pertinentes.
Enfin, une personne qui pense être connue d’un service de renseignement peut, sans autre condition préalable que le soupçon qui l’habite, saisir une formation spécialisée du Conseil d’État habilitée au secret de la défense nationale, afin d’obtenir l’effacement des données la concernant si celles-ci sont irrégulièrement détenues par les services de renseignement. À l’occasion de ce recours, la CNIL intervient systématiquement et produit les éléments qu’elle a recueillis lors de l’exercice du droit d’accès indirect.
Il me semble que cette pluralité de contrôles répond à une logique propre, qui a été définie à l’occasion de l’adoption de la loi de 2015 relative au renseignement. À ce titre, la CNCTR est compétente pour contrôler le recueil des données brutes de renseignement, c’est-à-dire celles qui seront saisies à l’occasion de l’utilisation d’une technique de renseignement.
La CNIL, quant à elle, est compétente pour contrôler les conditions dans lesquelles les données recueillies sont conservées et, surtout, les conditions dans lesquelles celles-ci sont exploitées dans un fichier.
Cette ligne de partage voulue par le législateur est essentielle, puisque les activités des services de renseignement ne sont pas les mêmes. Si les membres et les agents de la CNCTR, comme ceux de la CNIL, sont habilités au secret de la défense nationale, le principe du cloisonnement en matière de renseignement, qui s’applique au fonctionnement quotidien des services comme aux relations avec nos partenaires étrangers, explique l’équilibre qui a été trouvé, un équilibre qui concilie à la fois la protection des libertés, notamment le droit au respect de la vie privée, et les exigences liées à la préservation des intérêts fondamentaux de la Nation.
C’est parce qu’il me semble que la proposition que vous faites, monsieur le sénateur, modifie cet équilibre que j’émets un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Devant l’exhaustivité de la réponse de Mme la ministre, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 127 rectifié est retiré.
L’amendement n° 35, présenté par Mme M. Carrère, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’accès aux données utilisées lors d’opérations de traitement sans lien avec l’exercice de la fonction juridictionnelle ne peut alors se faire que sous l’autorité et en présence d’un magistrat.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. L’article 4 du projet de loi précise les conditions dans lesquelles les agents de la CNIL sont autorisés à contrôler les traitements de données réalisés par les juridictions, sans lien avec leur fonction juridictionnelle.
S’agissant des contrôles des traitements de données médicales stockées par les médecins, qui sont mentionnés au même article du projet de loi, le texte introduit une garantie supplémentaire, à savoir la présence d’un médecin lors des contrôles ainsi conduits par la CNIL, afin de préserver le secret médical.
Nous considérons que le secret de l’instruction devrait également être protégé dans des conditions comparables. C’est pourquoi nous proposons, par mimétisme avec le dispositif que je viens d’évoquer, que les contrôles des agents de la CNIL se fassent en présence et sous l’autorité d’un magistrat. Cela permettrait de s’assurer que ces contrôles ne concernent que le traitement des données, sans lien avec la fonction juridictionnelle. Il importe d’anticiper tous les détournements du pouvoir de contrôle qui pourraient survenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. La commission demande le retrait de l’amendement. Son auteur prévoit que les contrôles effectués par la CNIL au sein des juridictions se fassent désormais sous l’autorité et en présence d’un magistrat.
La rédaction du dispositif de l’amendement est un peu ambiguë. Il n’est pas précisé si le magistrat ainsi chargé du contrôle sera membre de la CNIL ou bien de la juridiction concernée par le contrôle. Dans le premier cas, cela pourrait occasionner des difficultés opérationnelles, car la CNIL devrait alors spécialement recruter des magistrats à cette fin ; dans le second cas, on voit mal la CNIL conduire un contrôle sous l’autorité d’une personne appartenant à l’organisme contrôlé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Je souhaite apporter une précision, monsieur le président.
Vous vous êtes sans doute aperçus, mes chers collègues, que les amendements du groupe du RDSE sont tous présentés par notre collègue Maryse Carrère. Notre groupe, dans sa diversité, sa variété et sa liberté, avait pourtant unanimement décidé de les soutenir. Simplement, nous avons connu un bug informatique qui nous a empêchés de les cosigner ! Seule notre collègue est donc en mesure de les défendre en séance publique.
Les membres de mon groupe sont bien sûr attachés à la protection des données personnelles et des libertés. C’est pourquoi ils tiennent tant à afficher leurs opinions et leurs convictions en séance publique et, évidemment, à s’exprimer au travers de leurs votes ! (M. Joël Labbé applaudit.)
M. le président. Madame Carrère, l’amendement n° 35 est-il maintenu ?
Mme Maryse Carrère. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 35 est retiré.
Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article 5 (réservé)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que l’examen de l’article 5 est réservé jusqu’à la fin de l’examen de l’article 6, pour des raisons de coordination.
Article 6
I. – La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi modifiée :
1° L’intitulé du chapitre VII est ainsi rédigé : « Mesures et sanctions prises par la formation restreinte de la Commission nationale de l’informatique et des libertés » ;
2° L’article 45 est ainsi rédigé :
« Art. 45. – I. – Le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés peut avertir un responsable de traitement ou son sous-traitant du fait que les opérations de traitement envisagées sont susceptibles de violer les dispositions du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité ou de la présente loi.
« II. – Lorsque le responsable de traitement ou son sous-traitant ne respecte pas les obligations résultant du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité ou de la présente loi, le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés peut, après lui avoir adressé un avertissement ou une mise en demeure si le manquement constaté est susceptible de faire l’objet d’une mise en conformité, saisir la formation restreinte de la commission en vue du prononcé, après procédure contradictoire, de l’une ou de plusieurs des mesures suivantes :
« 1° Un rappel à l’ordre ;
« 2° Une injonction de mettre en conformité le traitement avec les obligations résultant de la présente loi ou du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité ou de satisfaire aux demandes présentées par la personne concernée en vue d’exercer ses droits, qui peut être assortie, sauf dans des cas où le traitement est mis en œuvre par l’État, par une collectivité territoriale ou par un groupement de collectivités territoriales, d’une astreinte dont le montant ne peut excéder 100 000 € par jour de retard à compter de la date qu’elle a fixée ;
« 3° À l’exception des traitements qui intéressent la sûreté de l’État ou la défense ou de ceux relevant du chapitre XIII de la présente loi lorsqu’ils sont mis en œuvre pour le compte de l’État, la limitation temporaire ou définitive du traitement, son interdiction ou le retrait d’une autorisation accordée en application du même règlement ou de la présente loi ;
« 4° Le retrait d’une certification ou l’injonction, à l’organisme certificateur concerné, de refuser une certification ou de retirer la certification accordée ;
« 5° La suspension des flux de données adressées à un destinataire situé dans un pays tiers ou à une organisation internationale ;
« 6° La suspension partielle ou totale de la décision d’approbation des règles d’entreprise contraignantes ;
« 7° À l’exception des cas où le traitement est mis en œuvre par l’État, par une collectivité territoriale ou par un groupement de collectivités territoriales, une amende administrative ne pouvant excéder 10 millions d’euros ou, s’agissant d’une entreprise, 2 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu. Dans les hypothèses mentionnées aux 5 et 6 de l’article 83 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité, ces plafonds sont portés, respectivement, à 20 millions d’euros et 4 % du chiffre d’affaires. La formation restreinte prend en compte, dans la détermination du montant de l’amende, les critères précisés au même article 83.
« Le projet de mesure est, le cas échéant, soumis aux autres autorités de contrôle concernées selon les modalités définies à l’article 60 du même règlement.
« III. – Lorsque le responsable de traitement ou son sous-traitant ne respecte pas les obligations découlant du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité ou de la présente loi, le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés peut prononcer à son égard une mise en demeure, dans le délai qu’il fixe :
« 1° De satisfaire aux demandes présentées par la personne concernée en vue d’exercer ses droits ;
« 2° De mettre les opérations de traitement en conformité avec les dispositions applicables ;
« 3° À l’exception des traitements qui intéressent la sûreté de l’État ou la défense, de communiquer à la personne concernée une violation de données à caractère personnel ;
« 4° De rectifier ou d’effacer des données à caractère personnel, ou de limiter le traitement de ces données.
« Dans le cas prévu au 4° du présent III, le président peut, dans les mêmes conditions, mettre en demeure le responsable de traitement ou son sous-traitant de notifier aux destinataires des données les mesures qu’il a prises.
« Le délai de mise en conformité peut être fixé à vingt-quatre heures en cas d’extrême urgence.
« Le président prononce, le cas échéant, la clôture de la procédure de mise en demeure.
« Le président peut demander au bureau de rendre publique la mise en demeure. Dans ce cas, la décision de clôture de la procédure de mise en demeure fait l’objet de la même publicité. » ;
3° L’article 46 est ainsi rédigé :
« Art. 46. – I. – Lorsque le non-respect des dispositions du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité ou de la présente loi entraîne une violation des droits et libertés mentionnés à l’article 1er de la présente loi et que le président de la commission considère qu’il est urgent d’intervenir, il saisit la formation restreinte, qui peut, dans le cadre d’une procédure d’urgence contradictoire définie par décret en Conseil d’État, adopter l’une des mesures suivantes :
« 1° L’interruption provisoire de la mise en œuvre du traitement, y compris d’un transfert de données hors de l’Union européenne, pour une durée maximale de trois mois, si le traitement n’est pas au nombre de ceux qui intéressent la sûreté de l’État ou la défense ou de ceux relevant du chapitre XIII lorsqu’ils sont mis en œuvre pour le compte de l’État ;
« 2° La limitation du traitement de certaines des données à caractère personnel traitées, pour une durée maximale de trois mois, si le traitement n’est pas au nombre de ceux qui intéressent la sûreté de l’État ou la défense ou de ceux relevant du même chapitre XIII lorsqu’ils sont mis en œuvre pour le compte de l’État ;
« 3° La suspension provisoire de la certification délivrée au responsable de traitement ou à son sous-traitant ;
« 4° La suspension provisoire de l’agrément délivré à un organisme de certification ou un organisme chargé du respect d’un code de conduite ;
« 5° La suspension provisoire de l’autorisation délivrée sur le fondement du III de l’article 54 de la présente loi ;
« 6° L’injonction de mettre en conformité le traitement avec les obligations résultant du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité ou de la présente loi ou de satisfaire aux demandes présentées par la personne concernée en vue d’exercer ses droits, qui peut être assortie, sauf dans le cas où le traitement est mis en œuvre par l’État, par une collectivité territoriale ou par un groupement de collectivités territoriales, d’une astreinte dont le montant ne peut excéder 100 000 € par jour de retard à compter de la date qu’elle a fixée ;
« 7° Un rappel à l’ordre ;
« 8° L’information du Premier ministre pour qu’il prenne, le cas échéant, les mesures permettant de faire cesser la violation constatée, si le traitement en cause est au nombre de ceux qui intéressent la sûreté de l’État ou la défense ou de ceux relevant du chapitre XIII de la présente loi lorsqu’ils sont mis en œuvre pour le compte de l’État. Le Premier ministre fait alors connaître à la formation restreinte les suites qu’il a données à cette information au plus tard quinze jours après l’avoir reçue.
« II. – En cas de circonstances exceptionnelles prévues au 1 de l’article 66 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité, lorsque la formation restreinte adopte les mesures provisoires prévues aux 1° à 4° du I du présent article, elle informe sans délai de la teneur des mesures prises et de leurs motifs les autres autorités de contrôle concernées, le comité européen de la protection des données et la Commission européenne.
« Lorsque la formation restreinte a pris de telles mesures et qu’elle estime que des mesures définitives doivent être prises, elle met en œuvre les dispositions du 2 de l’article 66 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité.
« III. – Pour les traitements relevant du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité, lorsqu’une autorité de contrôle compétente en application du même règlement n’a pas pris de mesure appropriée dans une situation où il est urgent d’intervenir afin de protéger les droits et libertés des personnes concernées, la formation restreinte, saisie par le président de la commission, peut demander au comité européen de la protection des données un avis d’urgence ou une décision contraignante d’urgence dans les conditions et selon les modalités prévues aux 3 et 4 de l’article 66 dudit règlement.
« IV. – En cas d’atteinte grave et immédiate aux droits et libertés mentionnés à l’article 1er de la présente loi, le président de la commission peut en outre demander, par la voie du référé, à la juridiction compétente d’ordonner, le cas échéant sous astreinte, toute mesure nécessaire à la sauvegarde de ces droits et libertés. » ;
4° L’article 47 est ainsi rédigé :
« Art. 47. – Les mesures prévues au II de l’article 45 et aux 1° à 7° du I de l’article 46 sont prononcées sur la base d’un rapport établi par l’un des membres de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, désigné par le président de celle-ci parmi les membres n’appartenant pas à la formation restreinte. Ce rapport est notifié au responsable de traitement ou à son sous-traitant, qui peut déposer des observations et se faire représenter ou assister. Le rapporteur peut présenter des observations orales à la formation restreinte mais ne prend pas part à ses délibérations. La formation restreinte peut entendre toute personne dont l’audition lui paraît susceptible de contribuer utilement à son information, y compris, à la demande du secrétaire général de la commission, les agents des services de celle-ci.
« La formation restreinte peut rendre publiques les mesures qu’elle prend. Elle peut également ordonner leur insertion dans des publications, journaux et supports qu’elle désigne, aux frais des personnes sanctionnées.
« Sans préjudice des obligations d’information qui incombent au responsable de traitement ou à son sous-traitant en application de l’article 34 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité, la formation restreinte peut ordonner que ce responsable ou ce sous-traitant informe individuellement, à ses frais, chacune des personnes concernées de la violation relevée des dispositions de la présente loi ou du règlement précité ainsi que, le cas échéant, de la mesure prononcée.
« Lorsque la formation restreinte a prononcé une sanction pécuniaire devenue définitive avant que le juge pénal ait statué définitivement sur les mêmes faits ou des faits connexes, celui-ci peut ordonner que l’amende administrative s’impute sur l’amende pénale qu’il prononce.
« L’astreinte est liquidée par la formation restreinte qui en fixe le montant définitif.
« Les sanctions pécuniaires et les astreintes sont recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.
« Leur produit est destiné à financer l’assistance apportée par l’État aux responsables de traitement et à leurs sous-traitants, afin qu’ils se conforment aux obligations qui leur incombent en application du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité et de la présente loi. » ;
5° L’article 48 est ainsi rédigé :
« Art. 48. – Lorsqu’un organisme de certification ou un organisme chargé du respect d’un code de conduite a manqué à ses obligations ou n’a pas respecté les dispositions du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité ou celles de la présente loi, le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés peut, le cas échéant après mise en demeure, saisir la formation restreinte de la commission, qui peut prononcer, dans les mêmes conditions que celles prévues aux articles 45 à 47, le retrait de l’agrément qui a été délivré à cet organisme. »
II (nouveau). – Au deuxième alinéa de l’article 226-16 du code pénal, la référence : « I » est remplacée par la référence : « II ». Cet alinéa demeure applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, aux faits commis avant la date d’entrée en vigueur du présent article pour lesquels l’action publique avait été valablement exercée avant cette même date.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 151, présenté par Mme Joissains, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 5 à 22
Rédiger ainsi ces alinéas :
« II. - Lorsque le responsable de traitement ou son sous-traitant ne respecte pas les obligations découlant du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité ou de la présente loi, le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés peut, si le manquement constaté est susceptible de faire l’objet d’une mise en conformité, prononcer à son égard une mise en demeure, dans le délai qu’il fixe :
« 1° De satisfaire aux demandes présentées par la personne concernée en vue d’exercer ses droits ;
« 2° De mettre les opérations de traitement en conformité avec les dispositions applicables ;
« 3° À l’exception des traitements qui intéressent la sûreté de l’État ou la défense, de communiquer à la personne concernée une violation de données à caractère personnel ;
« 4° De rectifier ou d’effacer des données à caractère personnel, ou de limiter le traitement de ces données.
« Dans le cas prévu au 4° du présent II, le président peut, dans les mêmes conditions, mettre en demeure le responsable de traitement ou son sous-traitant de notifier aux destinataires des données les mesures qu’il a prises.
« Le délai de mise en conformité peut être fixé à vingt-quatre heures en cas d’extrême urgence.
« Le président prononce, le cas échéant, la clôture de la procédure de mise en demeure.
« Le président peut demander au bureau de rendre publique la mise en demeure. Dans ce cas, la décision de clôture de la procédure de mise en demeure fait l’objet de la même publicité.
« III. – Lorsque le responsable de traitement ou son sous-traitant ne respecte pas les obligations résultant du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité ou de la présente loi, le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés peut également, le cas échéant après lui avoir adressé l’avertissement prévu au I ou le cas échéant en complément d’une mise en demeure prévue au II, saisir la formation restreinte de la commission en vue du prononcé, après procédure contradictoire, de l’une ou de plusieurs des mesures suivantes :
« 1° Un rappel à l’ordre ;
« 2° Une injonction de mettre en conformité le traitement avec les obligations résultant de la présente loi ou du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité ou de satisfaire aux demandes présentées par la personne concernée en vue d’exercer ses droits, qui peut être assortie, sauf dans des cas où le traitement est mis en œuvre par l’État, par une collectivité territoriale ou par un groupement de collectivités territoriales, d’une astreinte dont le montant ne peut excéder 100 000 € par jour de retard à compter de la date qu’elle a fixée ;
« 3° À l’exception des traitements qui intéressent la sûreté de l’État ou la défense ou de ceux relevant du chapitre XIII de la présente loi lorsqu’ils sont mis en œuvre pour le compte de l’État, la limitation temporaire ou définitive du traitement, son interdiction ou le retrait d’une autorisation accordée en application du même règlement ou de la présente loi ;
« 4° Le retrait d’une certification ou l’injonction, à l’organisme certificateur concerné, de refuser une certification ou de retirer la certification accordée ;
« 5° La suspension des flux de données adressées à un destinataire situé dans un pays tiers ou à une organisation internationale ;
« 6° La suspension partielle ou totale de la décision d’approbation des règles d’entreprise contraignantes ;
« 7° À l’exception des cas où le traitement est mis en œuvre par l’État, par une collectivité territoriale ou par un groupement de collectivités territoriales, une amende administrative ne pouvant excéder 10 millions d’euros ou, s’agissant d’une entreprise, 2 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu. Dans les hypothèses mentionnées aux 5 et 6 de l’article 83 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité, ces plafonds sont portés, respectivement, à 20 millions d’euros et 4 % dudit chiffre d’affaires. La formation restreinte prend en compte, dans la détermination du montant de l’amende, les critères précisés au même article 83.
« Le projet de mesure est, le cas échéant, soumis aux autres autorités de contrôle concernées selon les modalités définies à l’article 60 du même règlement. » ;
II. – Alinéa 38, première phrase
Remplacer la référence :
II
par la référence :
III
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Le présent amendement vise à rendre l’enchaînement des mesures correctrices dont dispose la CNIL plus lisible en rétablissant un ordre logique dans le fil du texte : tout d’abord, un avertissement en cas de simple risque de manquement, puis une mise en demeure en cas de manquement encore susceptible de faire l’objet d’une mise en conformité et, enfin, une procédure de sanction.
Après avoir consulté la CNIL, qui souhaitait conserver une marge d’appréciation et préserver les dispositifs de coopération avec ses homologues, nous sommes parvenus, avec cet amendement de compromis, à une rédaction respectueuse de la liberté d’action de l’autorité, mais plus pédagogique que celle du texte initial.
M. le président. L’amendement n° 52, présenté par M. L. Hervé, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
1° Remplacer la mention :
II. –
par la mention :
III. –
2° Remplacer les mots :
, après lui avoir adressé un avertissement ou une mise en demeure si le manquement constaté est susceptible de faire l’objet d’une mise en conformité,
par les mots :
également, le cas échéant en complément de la mise en demeure prévue au II du présent article
II. – Alinéa 14
1° Remplacer la mention :
III. –
par la mention :
II. –
2° Après le mot :
peut
insérer les mots :
, si le manquement constaté est susceptible de faire l’objet d’une mise en conformité,
III. – Alinéa 38, première phrase
Remplacer la référence :
II
par la référence :
III
La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Mon amendement est satisfait par l’amendement n° 151 que vient de présenter Mme le rapporteur.
Je tiens d’ailleurs à remercier Sophie Joissains de la compréhension dont elle a fait preuve. Elle avait déjà proposé une première amélioration rédactionnelle lors de l’examen du projet de loi en commission la semaine dernière. Aujourd’hui, elle nous soumet une version encore améliorée, qui va permettre de rendre la gradation des sanctions, de la mise en demeure à la sanction en tant que telle, beaucoup plus compréhensible.
Mme la ministre a évoqué tout à l’heure le fait que la loi devait faire œuvre de pédagogie et de clarté. C’est très important, mais encore faut-il que l’autorité administrative indépendante qu’est la CNIL garde une capacité d’appréciation de la sanction qu’elle souhaite prononcer eu égard à la gravité de ce qu’elle découvre. Or, parfois, la mise en demeure n’est pas la solution la plus adaptée, notamment lorsque les faits sont avérés et relèvent du passé.
Je retire mon amendement n° 52 au profit de l’amendement de la commission, qui me paraît plus satisfaisant.
M. le président. L’amendement n° 52 est retiré.
L’amendement n° 84, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Supprimer les mots :
, après lui avoir adressé un avertissement ou une mise en demeure si le manquement constaté est susceptible de faire l’objet d’une mise en conformité,
II. – Alinéa 14
Après le mot :
peut
insérer le mot :
également
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je vais procéder comme vient de le faire le sénateur Loïc Hervé en retirant mon amendement n° 84 au profit de celui de la commission. L’objet de ce dernier rejoint en effet le but que le Gouvernement cherche à atteindre.
Cela étant, la mise en demeure prononcée par la CNIL doit demeurer une faculté, me semble-t-il, et ne pas se transformer en une formalité préalable obligatoire. Bien que je garde une préférence pour la rédaction proposée par le Gouvernement, je suis néanmoins prête à me rallier au dispositif de l’amendement n° 151.
Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 84 est retiré.
L’amendement n° 34, présenté par Mme M. Carrère, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Compte tenu des contraintes spécifiques des micro-entreprises et des petites et moyennes entreprises, une amende ne peut être prononcée que lorsque le caractère délibéré de la violation est démontré.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Lors de la discussion générale, nous avons évoqué le coût financier que représente, pour les entreprises, en particulier les petites entreprises, la mise en conformité au RGPD. Contrairement aux grands groupes, l’adaptation à ces nouvelles normes dans les petites structures dépourvues de service juridique interne sera probablement plus laborieuse, sans pour autant que cette phase transitoire représente un risque d’utilisation illicite des données personnelles supérieur au risque actuel.
Par ailleurs, le b du 2 de l’article 83 du RGPD prévoit spécifiquement de tenir compte, pour le prononcé de l’amende, du fait que la violation a été commise délibérément ou par négligence. De ce point de vue, l’introduction d’une présomption de négligence en faveur des petites et moyennes entreprises est conforme à l’esprit de l’article que je viens de citer.
La disposition que nous vous proposons d’adopter représente certes une atténuation du principe d’égalité, mais nous paraît justifiée au regard de la situation particulière dans laquelle se trouvent les petites entreprises dépourvues de services informatique ou juridique suffisants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 34 ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. La rupture d’égalité que créerait cet amendement s’il était adopté est manifeste. En conséquence, je demande à son auteur de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je demande également le retrait de l’amendement, car celui-ci me semble contraire au RGPD.
M. le président. Madame Carrère, l’amendement n° 34 est-il maintenu ?
Mme Maryse Carrère. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 34 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 151.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 85, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 44
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Avec cet amendement, le Gouvernement demande la suppression d’une disposition introduite en commission, qui prévoit que le produit des amendes et des astreintes prononcées par la CNIL est destiné à financer l’assistance apportée par l’État aux responsables de traitement et à leurs sous-traitants, afin que ceux-ci se conforment aux obligations en vigueur en matière de protection des données.
Ces sanctions et astreintes seront liquidées par le comptable public et constitueront des créances de l’État. Or, d’une manière générale, je rappelle que la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, en vertu du principe d’universalité budgétaire, n’autorise l’affectation de recettes au sein du budget général de l’État que dans le cadre des procédures prévues en son article 16.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Selon cet article, certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses, et ces affectations prennent la forme de budgets annexes. Or, en l’espèce, ces modalités d’affectation ne semblent pas avoir été respectées.
De plus, dans la rédaction établie par la commission, ces produits sont affectés au financement de l’assistance apportée par l’État aux responsables de traitement dans la mise en œuvre de leurs obligations en matière de protection des données. Or une telle mission relève en premier lieu de la CNIL.
L’article 57 du RGPD donne en effet à l’autorité de contrôle, en l’occurrence la CNIL, la mission d’encourager « la sensibilisation des responsables du traitement et des sous-traitants en ce qui concerne les obligations qui leur incombent en vertu du présent règlement ».
Cette mission de pédagogie auprès des responsables de traitement me semble donc relever directement du champ de compétences de l’autorité de contrôle. Elle pourra prendre la forme d’une publication de lignes directrices, recommandations, méthodologies de référence ou encore de référentiels destinés à faciliter la mise en conformité.
La proposition reviendrait donc, de manière indirecte, et en vertu de cette mission de la CNIL, à affecter les produits issus des sanctions et astreintes à son budget. Comme je l’indiquais, le principe d’universalité budgétaire s’oppose à une telle affectation ciblée de ressources à la CNIL.
En tant qu’autorité administrative indépendante, cette dernière ne dispose que d’une autonomie de gestion budgétaire. Ses recettes proviennent uniquement des crédits budgétaires qui lui sont affectés par les services du Premier ministre. N’ayant pas la personnalité morale, elle ne peut se voir affecter un prélèvement fiscal.
Rappelons que, selon l’article 36 de la LOLF, l’affectation à un tiers d’une ressource établie au profit de l’État doit résulter d’une disposition de loi de finances. À l’heure actuelle, le produit de l’ensemble des amendes prononcées par les autorités administratives indépendantes est inscrit dans la loi de finances, à la ligne 2503 des recettes du budget de l’État, dont l’intitulé est : « Produits des amendes prononcées par les autres autorités administratives indépendantes ».
Pour l’ensemble de ces raisons, je demande la suppression de l’alinéa 44 de l’article 6.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Il est évidemment défavorable.
Nous entendons les arguments juridiques qui sont les vôtres, madame la garde des sceaux, mais ce sont encore des obligations supplémentaires que l’État fait peser sur les collectivités territoriales, à l’heure où, totalement étranglées, celles-ci ont besoin d’aide et d’assistance.
En ce moment même, elles sont sollicitées par des cabinets d’avocats, qui leur présentent des devis s’élevant à 50 000 euros par an pour une prestation de délégué à la protection des données. Elles ne peuvent pas assumer ce type de dépenses !
Au-delà des arguments juridiques, que nous entendons, et en dépit de cet avis défavorable sur l’amendement, nous vous posons la question : qu’allez-vous faire ? Comment le Gouvernement compte-t-il aider les collectivités à faire face à cette situation ? Quel accompagnement, en particulier, sera proposé par les services des préfectures ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. J’ai bien entendu l’argumentation de Mme la ministre. Je me permets néanmoins de rappeler que le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, figure parmi les autorités administratives indépendantes, qu’il dispose d’une autonomie de gestion et qu’il est susceptible de recevoir des ressources propres.
Cet amendement ne va peut-être pas jusqu’au bout de l’évolution de statut qu’il serait judicieux d’envisager pour la CNIL. Si celle-ci était en mesure de se voir affecter des ressources propres, au même titre que le CSA, la proposition formulée serait envisageable.
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. On ne peut que partager l’analyse de Mme la rapporteur : il faut tenir compte des problématiques des collectivités, notamment des petites communes, s’agissant de leurs moyens financiers, de leurs ressources humaines ou de leurs capacités techniques, et ce même s’il est prévu plus loin que celles-ci puissent bénéficier d’un accompagnement au travers d’une mutualisation ou de l’intervention de syndicats.
Pour autant, il faut aussi entendre l’argumentaire juridique quant au mécanisme de financement proposé. En commission, la semaine dernière, nous avons évoqué le fait que nous n’avions pas encore trouvé une solution, sécurisée sur le plan juridique, permettant aux collectivités de financer la dépense. Il semble que nous ne l’avons toujours pas trouvée !
Même si l’on souscrit à l’objectif, on ne peut pas approuver l’alinéa 44. Par conséquent, il faut voter l’amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. L’accompagnement des collectivités locales a été évoqué en discussion générale – j’en ai moi-même parlé et Mme la ministre m’a répondu. Sur cette question, il faut dorénavant aller beaucoup plus loin et beaucoup plus vite !
Il convient d’abord de rappeler un point, puisque nous sommes les représentants des collectivités territoriales, notamment des communes et des maires. Voilà quarante ans que les collectivités locales ont des obligations et que, dans bien des cas – je pense à la situation des communes les plus petites –, ces obligations ne sont pas tout à fait respectées.
Dans le même temps, alors que la période est au bouleversement, que l’on allège la contrainte réglementaire pesant sur les collectivités, en leur demandant de se responsabiliser, au même titre que les entreprises, les associations et tous les autres gestionnaires de données, il faut leur proposer un accompagnement solide sur le terrain.
Comment ? On ne peut ignorer l’argument budgétaire… Dans la fenêtre du RGPD – nous avons évoqué les uns et les autres une prise de conscience – se sont engouffrés tout un tas d’opérateurs privés, prestataires de services, juristes en tous genres, qui proposent des services à un coût très élevé, comme Mme Joissains l’a rappelé.
Mais je vois une autre solution. Si nous voulons être opérationnels, les associations départementales de maires, les syndicats d’électricité, ceux qui interviennent dans le déploiement de la fibre optique, les conseils départementaux, les centres de gestion de la fonction publique territoriale peuvent déjà servir de structure collective apportant un appui aux collectivités locales sur le terrain. S’y ajoutera le bénéfice du concours et de l’expertise des préfets qui, maintenant que leur attention a été attirée sur ce point par Mme la ministre, ont vraiment en tête leurs obligations en matière de sensibilisation des collectivités locales à leur mise en conformité au regard du RGPD.
Alors, affectons des moyens à ces structures, dans le cadre de cette prise de responsabilité collective mutualisée, département par département. En définitive, c’est une bonne idée d’aller chercher l’argent où il est !
Il faut aller plus loin, sans s’arrêter à la seule LOLF ! Je ne peux qu’être en accord avec l’argument juridique avancé par Mme la ministre, mais peut-être la question doit-elle être travaillée, de sorte que des recettes, des sources de financement pérennes puissent être accordées aux collectivités locales. Car, vous en conviendrez, elles auront tout de même du mal à digérer cette dépense nouvelle dans le contexte actuel. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 56 rectifié, présenté par Mmes Lavarde et Garriaud-Maylam, M. Lefèvre, Mme Estrosi Sassone, MM. Brisson, Bazin et Babary, Mme Lassarade, MM. Chaize, Paccaud, Dallier et Bonhomme, Mme Lamure, MM. Perrin, Raison, Milon et Rapin, Mmes Deroche et Imbert et MM. Bouchet, Mandelli, Bonne, Laménie et Savin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 46
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le premier alinéa de l’article 51 est ainsi rédigé :
« Art. 51 - À l’exception des cas où le traitement est mis en œuvre par l’État, par une collectivité territoriale ou par un groupement de collectivités territoriales, est puni d’un an d’emprisonnement et d’une amende ne pouvant excéder 20 millions d’euros ou, s’agissant d’une entreprise, 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, le fait d’entraver l’action de la Commission nationale de l’informatique et des libertés : ».
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Cet amendement vise uniquement à harmoniser le niveau des amendes.
L’article 83 du RGPD punit d’une amende pouvant s’élever jusqu’à 20 millions d’euros, ou 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial, le non-respect des pouvoirs d’enquête de l’autorité de contrôle, c’est-à-dire de la CNIL. L’article 6 que nous examinons tend à harmoniser les sanctions financières prévues à l’article 45 de la loi Informatique et libertés, en fixant leur montant maximal aux mêmes seuils, à savoir 20 millions d’euros et 4 % du chiffre d’affaires.
Or il apparaît qu’une autre amende est prévue à l’article 51 de la loi de 1978, en cas d’entrave à l’action de la CNIL, et que son montant n’a pas été actualisé.
Il s’agit donc, ici, de faire en sorte que les mêmes maxima soient fixés pour l’ensemble des amendes, en cohérence avec les dispositions de l’article 83 du RGPD.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. La commission demande le retrait du présent amendement, qui tend à punir le fait d’entraver l’action de la CNIL d’un an d’emprisonnement et d’une amende ne pouvant excéder 20 millions d’euros ou, s’agissant d’une entreprise, de 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial. La rédaction choisie crée une sorte de confusion entre les amendes pénales et les sanctions administratives.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Pour les mêmes motifs, c’est-à-dire du fait de la confusion engendrée entre sanctions administratives et amendes pénales, l’avis est défavorable.
M. le président. L’amendement n° 57 rectifié bis, présenté par Mmes Lavarde et Garriaud-Maylam, M. Lefèvre, Mme Estrosi Sassone, MM. Brisson, Bazin et Babary, Mme Lassarade, MM. Chaize, Paccaud, Dallier et Bonhomme, Mme Lamure, MM. Perrin, Raison, Milon et Rapin, Mmes Deroche et Imbert et MM. Bouchet, Mandelli, Bonne, Laménie et Savin, est ainsi libellé :
Alinéa 47
Remplacer cet alinéa par dix-neuf alinéas ainsi rédigés :
II. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° Aux articles 226-16, 226-17 et 226-17-1, les mots : « 300 000 euros d’amende » sont remplacés par les mots : « 10 000 000 euros d’amende ou, dans le cas d’une entreprise, jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu » ;
2° Aux articles 226-16-1, 226-18, 226-18-1, 226-19, 226-19-1, 226-20, 226-21, 226-22 et 226-22-1, les mots : « 300 000 euros d’amende » sont remplacés par les mots : « 20 000 000 euros d’amende ou, dans le cas d’une entreprise, jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu » ;
3° Au deuxième alinéa de l’article 226-22, les mots : « 100 000 euros d’amende » sont remplacés par les mots : « 5 000 000 euros d’amende ou, dans le cas d’une entreprise, jusqu’à 1 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu » ;
4° L’article 226-16 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « loi », sont insérés les mots : « , ou, dans les cas où la loi l’exige, sans qu’un délégué à la protection des données ait été désigné, » ;
b) Au deuxième alinéa, la référence : « au 3° du I de l’article 45 » est remplacée par les références : « aux 3° , 4° , 5° ou 6° du II de l’article 45 ou aux 1° , 2° , 3° , 4° ou 5° du I de l’article 46 » ;
5° À l’article 226-17-1, les mots : « fournisseur de services de communications électroniques » sont remplacés par les mots : « responsable de traitement » et la référence : « du II » est supprimée ;
6° L’article 226-19 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « loi », sont insérés les mots : « de traiter de manière informatisée, » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions sont applicables aux traitements non automatisés de données à caractère personnel dont la mise en œuvre ne se limite pas à l’exercice d’activités exclusivement personnelles. » ;
7° À l’article 226-20, les mots : « ou par la déclaration préalable » sont remplacés par les mots : «, par la déclaration préalable ou au-delà de la durée indiquée lors de l’inscription du traitement au registre du responsable du traitement » ;
8° À l’article 226-21, après les mots : « de ce traitement », sont insérés les mots : « ou définie lors de l’inscription du traitement au registre du responsable de traitement » ;
9° À l’article 226-22-1, les mots : « la Communauté européenne en violation des mesures prises par la Commission des Communautés européennes » sont remplacés par les mots : « l’Union européenne en violation des mesures prises par la Commission européenne » ;
10° L’article 226-23 est ainsi rédigé :
« Art. 226-23. – Hors les cas prévus par la loi, le fait pour un responsable de traitement de données à caractère personnel de ne pas répondre aux demandes d’information ou de droit d’accès des personnes concernées, conformément aux articles 12 à 15 du règlement n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, est puni de de cinq ans d’emprisonnement et de 20 000 000 euros d’amende ou, dans le cas d’une entreprise, jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu. » ;
11° Après l’article 226-23, il est inséré un article 226-23-… ainsi rédigé :
« Art. 226-23-… – Hors les cas prévus par la loi, le fait pour un responsable de traitement de données à caractère personnel de ne pas répondre aux demandes de rectification, d’effacement, de limitation ou de portabilité des personnes concernées, conformément aux articles 16 à 20 du règlement n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, est puni de de cinq ans d’emprisonnement et de 20 000 000 euros d’amende ou, dans le cas d’une entreprise, jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu. »
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Cet amendement, dans le même esprit que le précédent, vise à harmoniser un certain nombre de dispositions.
La section 5 du chapitre VI du titre II du livre II de la partie législative du code pénal traite des atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques. Or, dans la rédaction actuelle, elle n’est plus en parfaite cohérence avec la rédaction de la loi Informatique et libertés, telle qu’elle découlera de l’adoption du présent projet de loi.
Par ailleurs, les contraventions prévues dans les articles réglementaires du code pénal aux articles R. 625-10 à R. 625-13, et qui relèvent d’un décret en Conseil d’État, visent des faits classés par le RGPD parmi les manquements les plus graves. Ces faits devraient donc être requalifiés en délits, et placés au même niveau que les autres infractions.
Enfin, il n’est pas prévu, dans le projet de loi actuel, de sanctionner le non-respect de l’ensemble des nouveaux droits et obligations introduits par le RGPD.
Le présent amendement a donc un double objet.
D’une part, il vise à harmoniser le montant des sanctions prévues dans la section du code pénal précédemment mentionnée et celles qui figureront dans la loi Informatique et libertés une fois que le texte que nous examinons aura été adopté.
D’autre part, il procède à certaines mises à jour du contenu d’autres articles du code pénal, afin de tenir compte des nouveautés introduites par l’entrée en vigueur du RGPD.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Nous demandons également le retrait de cet amendement, car la même confusion est créée entre sanctions administratives et pénales.
Les sanctions administratives que la CNIL pourra imposer doivent être bien distinguées des sanctions prononcées par les juridictions pénales. Le RGPD renvoie au droit des États membres sur ce point et, à ce titre, le code pénal réprime déjà plusieurs infractions sanctionnant la méconnaissance de la loi Informatique et libertés.
L’échelle des peines et l’architecture globale des sanctions pénales mériteraient sûrement d’être actualisées, mais la rédaction choisie n’est pas la bonne.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il est également défavorable.
Le Gouvernement n’est pas opposé au principe d’un durcissement de la répression des infractions pénales applicables en cas de non-respect des règles relatives à la protection des données personnelles. Il nous semble néanmoins difficile de souscrire aux qualifications et peines proposées, qui apparaissent manifestement excessives.
Contrairement à l’amende administrative, l’amende pénale applicable aux personnes morales est déjà cinq fois supérieure à celle qui est encourue par les personnes physiques. Ainsi, en cas de violation des règles applicables au traitement de données personnelles, c’est une amende de 300 000 euros qui est actuellement encourue par les personnes physiques et de 1,5 million d’euros par les personnes morales !
Fixer l’amende à 5 millions, 10 millions ou 20 millions d’euros et, dans le cas d’une entreprise, jusqu’à 1 %, 2 % ou 4 % de son chiffre d’affaires, revient à infliger aux personnes morales autres que des entreprises – les fondations, les associations ou les communes, par exemple – des amendes pouvant atteindre 100 millions d’euros. Cela nous paraît un peu disproportionné.
M. Simon Sutour. C’est le Monopoly !
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Afin de gagner du temps, je vais retirer cet amendement, mais en formulant les deux propositions que je viens de faire, j’avais tout de même la volonté d’attirer l’attention sur l’extrême hétérogénéité des sanctions. Ces amendements ont été discutés, notamment, avec des professionnels du secteur, qui se disent eux-mêmes perdus.
Vous l’avez remarqué, madame le rapporteur, madame la ministre, il y a superposition de différents cadres réglementaires et confusion entre sanctions pénales et sanctions administratives. De ce fait, il sera certainement nécessaire de prévoir des documents de communication, des fascicules explicatifs afin que chacun comprenne bien dans quelle situation il se trouve.
Je pense que le message est passé !
Je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 57 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
M. le président. Nous en revenons à l’article 5, précédemment réservé.
Article 5 (précédemment réservé)
La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi modifiée :
1° A Après l’article 48, il est inséré un chapitre VII bis, intitulé : « De la coopération » et comprenant les articles 49 à 49-5 tels qu’ils résultent des 1° à 3° du présent article ;
1° L’article 49 est ainsi rédigé :
« Art. 49. – Dans les conditions prévues aux articles 60 à 67 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité, la Commission nationale de l’informatique et des libertés met en œuvre des procédures de coopération et d’assistance mutuelle avec les autorités de contrôle des autres États membres de l’Union européenne et réalise avec ces autorités des opérations conjointes.
« La commission, le président, le bureau, la formation restreinte et les agents de la commission mettent en œuvre, chacun pour ce qui le concerne, les procédures mentionnées au premier alinéa du présent article.
« La commission peut charger le bureau :
« – d’exercer ses prérogatives en tant qu’autorité concernée, au sens du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité, et en particulier d’émettre une objection pertinente et motivée au projet de décision d’une autre autorité de contrôle ;
« – lorsque la commission adopte un projet de décision en tant qu’autorité chef de file ou autorité compétente, de mettre en œuvre les procédures de coopération, de contrôle de la cohérence et de règlement des litiges prévues par ledit règlement et d’arrêter la décision au nom de la commission. » ;
2° Après le même article 49, sont insérés des articles 49-1 à 49-4 ainsi rédigés :
« Art. 49-1. – I. – Pour l’application de l’article 62 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité, la Commission nationale de l’informatique et des libertés coopère avec les autorités de contrôle des autres États membres de l’Union européenne, dans les conditions prévues au présent article.
« II. – Qu’elle agisse en tant qu’autorité de contrôle chef de file ou en tant qu’autorité concernée au sens des articles 4 et 56 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité, la Commission nationale de l’informatique et des libertés est compétente pour traiter une réclamation ou une éventuelle violation des dispositions du même règlement affectant par ailleurs d’autres États membres. Le président de la commission invite les autres autorités de contrôle concernées à participer aux opérations de contrôle conjointes qu’il décide de conduire.
« III. – Lorsqu’une opération de contrôle conjointe se déroule sur le territoire français, des membres ou agents habilités de la commission, agissant en tant qu’autorité de contrôle d’accueil, sont présents aux côtés des membres et agents des autres autorités de contrôle participant, le cas échéant, à l’opération. À la demande de l’autorité de contrôle d’un État membre, le président de la commission peut habiliter, par décision particulière, ceux des membres ou agents de l’autorité de contrôle concernée qui présentent des garanties comparables à celles requises des agents de la commission, en application de l’article 19 de la présente loi, à exercer, sous son autorité, tout ou partie des pouvoirs de vérification et d’enquête dont disposent les membres et les agents de la commission.
« IV. – Lorsque la commission est invitée à contribuer à une opération de contrôle conjointe décidée par l’autorité de contrôle d’un autre État membre, le président de la commission se prononce sur le principe et les conditions de la participation, désigne les membres et agents habilités et en informe l’autorité requérante dans les conditions prévues à l’article 62 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité.
« Art. 49-2. – I. – Les traitements mentionnés à l’article 70-1 font l’objet d’une coopération entre la Commission nationale de l’informatique et des libertés et les autorités de contrôle des autres États membres de l’Union européenne dans les conditions prévues au présent article.
« II. – La commission communique aux autorités de contrôle des autres États membres les informations utiles et leur prête assistance en mettant notamment en œuvre, à leur demande, des mesures de contrôle telles que des mesures de consultation, d’inspection et d’enquête.
« La commission répond à une demande d’assistance mutuelle formulée par une autre autorité de contrôle dans les meilleurs délais et au plus tard un mois après réception de la demande contenant toutes les informations nécessaires, notamment sa finalité et ses motifs. Elle ne peut refuser de satisfaire à cette demande que si elle n’est pas compétente pour traiter l’objet de la demande ou les mesures qu’elle est invitée à exécuter, ou si une disposition du droit de l’Union européenne ou du droit français y fait obstacle.
« La commission informe l’autorité de contrôle requérante des résultats obtenus ou, selon le cas, de l’avancement du dossier ou des mesures prises pour donner suite à la demande.
« La commission peut, pour l’exercice de ses missions, solliciter l’assistance d’une autorité de contrôle d’un autre État membre de l’Union européenne.
« La commission donne les motifs de tout refus de satisfaire à une demande lorsqu’elle estime ne pas être compétente ou lorsqu’elle considère que satisfaire à la demande constituerait une violation du droit de l’Union européenne ou du droit français.
« Art. 49-3. – Lorsque la commission agit en tant qu’autorité de contrôle chef de file s’agissant d’un traitement transfrontalier au sein de l’Union européenne, elle communique sans tarder aux autres autorités de contrôle concernées le rapport du rapporteur mentionné au premier alinéa de l’article 47 ainsi que l’ensemble des informations utiles de la procédure ayant permis d’établir le rapport, avant l’éventuelle audition du responsable de traitement ou de son sous-traitant. Les autorités concernées sont mises en mesure d’assister, par tout moyen de retransmission approprié, à l’audition par la formation restreinte du responsable de traitement ou de son sous-traitant, ou de prendre connaissance d’un procès-verbal dressé à la suite de l’audition.
« Après en avoir délibéré, la formation restreinte soumet son projet de décision aux autres autorités de contrôle concernées conformément à la procédure définie à l’article 60 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité. À ce titre, elle se prononce sur la prise en compte des objections pertinentes et motivées émises par ces autorités et saisit, si elle décide d’écarter l’une des objections, le comité européen de la protection des données conformément à l’article 65 du même règlement.
« Les conditions d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
« Art. 49-4. – Lorsque la commission agit en tant qu’autorité de contrôle concernée, au sens du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité, le président de la commission est saisi des projets de mesures correctrices soumis à la commission par une autorité de contrôle chef de file.
« Lorsque ces mesures sont d’objet équivalent à celles définies aux I et III de l’article 45 de la présente loi, le président décide, le cas échéant, d’émettre une objection pertinente et motivée selon les modalités prévues à l’article 60 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité.
« Lorsque ces mesures sont d’objet équivalent à celles définies au II de l’article 45 de la présente loi, le président saisit la formation restreinte. Le président de la formation restreinte ou le membre de la formation restreinte qu’il désigne peut, le cas échéant, émettre une objection pertinente et motivée selon les mêmes modalités. » ;
3° L’article 49 bis devient l’article 49-5.
M. le président. L’amendement n° 33, présenté par Mme M. Carrère, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 4, 10 et 14
Après les mots :
des autres États membres de l’Union européenne
insérer les mots :
, sous réserve de leur application dudit règlement,
II. – Alinéa 23
Après le mot :
précité
insérer les mots :
, sous réserve de l’application dudit règlement par l’État membre de l’autorité de contrôle chef de file
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Avec cet amendement, nous souhaitons insister sur la nécessité d’exiger de nos partenaires européens qu’ils appliquent le règlement RGPD avec la même rigueur que celle que nous nous imposerons.
La création d’une coopération entre autorités de contrôle n’aura pas d’effet positif sur la protection des données personnelles des citoyens européens si certains États membres adoptent des stratégies non coopératives.
Il est à prévoir que la mise en œuvre de cette coopération puisse, dans les premiers temps de l’application, donner lieu à certains flottements, tant le mécanisme est innovant.
Cette réciprocité est d’autant plus nécessaire que, jusqu’à présent, le législateur français s’est appliqué à assurer un niveau très élevé de protection des données personnelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement, contraire au règlement général européen.
Celui-ci, d’application directe, détermine de façon complète les obligations de coopération et d’assistance mutuelle que se doivent les différentes autorités européennes.
Les cas dérogatoires sont limitativement fixés à l’article 61, dont le b) du 4 satisfait partiellement les auteurs de cet amendement. En effet, il est précisé qu’une autorité de contrôle requise ne peut refuser de satisfaire à une demande d’assistance, sauf si « satisfaire à la demande constituerait une violation du présent règlement ou du droit de l’Union ou du droit de l’État membre auquel l’autorité de contrôle qui a reçu la demande est soumise ».
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Maryse Carrère. Je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 33 est retiré.
L’amendement n° 128, présenté par MM. Durain et Sutour, Mme S. Robert, MM. Sueur, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 12, seconde phrase
Après les mots :
sous son autorité
insérer les mots :
et son contrôle
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Le RGPD renforce la coopération européenne en matière de protection des données personnelles. Il instaure un système d’action cohérente et d’assistance mutuelle entre les différentes autorités compétentes. Dans ce cadre, la CNIL pourra être amenée à réaliser des opérations conjointes avec les autorités de contrôle des autres États membres.
Lorsqu’une opération de contrôle conjointe se déroule sur le territoire français, les membres et agents de la CNIL sont présents aux côtés des membres et agents des autres autorités de contrôle participant à l’opération. Le droit national s’impose. Il ressort en effet de la négociation du RGPD le souci des États membres de veiller au respect de la souveraineté nationale.
À cet égard, le règlement prévoit une marge de manœuvre laissée aux États membres concernant les pouvoirs d’enquête confiés aux membres et agents associés aux opérations conjointes.
En conséquence, lorsque le président de la CNIL habilite les membres et agents de ces autorités à participer à des opérations se déroulant sur le territoire national, il convient de préciser que ces derniers exercent sous son autorité, mais également sous son contrôle, tout ou partie des pouvoirs de vérification et d’enquête dont disposent les agents de la CNIL.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il est défavorable.
Comme cela vient d’être exposé, l’amendement tend à préciser que, lorsque le président de la CNIL habilite des agents d’une autorité de protection des données étrangère, les opérations de contrôle concernées sont menées, non seulement sous son autorité – ce que prévoit déjà le projet de loi –, mais également sous son contrôle.
La formulation utilisée ne nous semble pas cohérente avec celle du 3 de l’article 62 du RGPD, prévoyant que les pouvoirs d’enquête de l’autorité de contrôle étrangère sont exercés « sous l’autorité et en présence de membres ou d’agents de l’autorité de contrôle d’accueil ».
La CNIL exerce donc son autorité lors des opérations conjointes par la présence de ses membres ou agents – aux termes de cet article 62 –, sans qu’il faille préciser que ces opérations ont lieu sous son contrôle.
L’article 5 du projet de loi, dans sa rédaction actuelle, est conforme au règlement de l’Union européenne et il n’est pas nécessaire, de mon point de vue, d’effectuer l’ajout proposé, dès lors que les autres États membres n’adopteraient pas une rédaction similaire.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 150 est présenté par M. L. Hervé.
L’amendement n° 154 est présenté par Mme Joissains, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 24
Remplacer la référence :
III
par la référence :
II
II. – Alinéa 25, première phrase
Remplacer la référence :
II
par la référence :
III
La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 150.
M. Loïc Hervé. Cet amendement, identique à l’amendement suivant de Mme le rapporteur, justifie pleinement que l’examen de l’article 5 ait été réservé, nous permettant ainsi d’examiner l’article 6 au préalable. Il s’agit, en effet, d’un amendement de coordination.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 154.
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Il s’agit bien d’un amendement de coordination avec le chaînage précédemment évoqué.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 150 et 154.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Article additionnel après l’article 6
M. le président. L’amendement n° 48 rectifié bis, présenté par M. A. Marc, Mme Deromedi, M. Bonhomme et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés établit, après avis de ses membres, une charte de déontologie énonçant les principes déontologiques et les bonnes pratiques propres à l’exercice des fonctions de délégué à la protection des données dans les administrations publiques.
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Le délégué à la protection des données est chargé de mettre en œuvre la conformité au règlement général sur la protection des données au sein de l’organisme qui l’a désigné, et ce pour l’ensemble des traitements auxquels cet organisme a recours.
La désignation d’un délégué est obligatoire pour les autorités ou les organismes publics. Elle s’effectue sur la base de ses qualités professionnelles et, en particulier, de ses connaissances spécialisées du droit et des pratiques en matière de protection des données, et de sa capacité à accomplir ses missions.
Du fait de ces attributions sensibles, il semble cohérent que le mouvement déontologique à l’œuvre dans l’ensemble de la sphère publique s’applique également à la fonction de DPO.
La particularité de son office plaide également pour des dispositions déontologiques spécifiques, que la CNIL serait le plus à même d’identifier. Un tel document, associé aux chartes existant déjà dans le secteur privé, pourrait en outre contribuer à mieux définir les bonnes pratiques pour l’ensemble des DPO.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Cet amendement introduit une notion de déontologie, au moment même où les DPO vont être désignés. S’agissant d’une fonction nouvelle, la commission était assez dubitative sur cette proposition. Pour ma part, je voterai l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il est défavorable.
Cet amendement vise à prévoir que le président de la CNIL établit une charte de déontologie propre aux délégués à la protection des données dans les administrations publiques. Pour le Gouvernement, il n’est pas indispensable de confier cette nouvelle mission à la CNIL.
Dès lors que le G29, le groupe de travail des autorités de contrôle européennes, établit des lignes directrices pour la fonction de délégué à la protection des données, il n’y a pas lieu, en tout cas, de l’inscrire dans la loi. L’énonciation de tels principes déontologiques et des bonnes pratiques propres à l’exercice de cette mission peut effectivement s’effectuer par le biais de circulaires.
M. le président. Dois-je considérer que la commission s’en remet à la sagesse du Sénat, madame le rapporteur ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Tout à fait, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 6.
Chapitre II
Dispositions relatives à certaines catégories de données
Article 7
L’article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi rédigé :
« I. – Il est interdit de traiter des données à caractère personnel qui révèlent la prétendue origine raciale ou l’origine ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale d’une personne physique ou de traiter des données génétiques, des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé ou des données concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne physique. » ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) À la fin du 7°, les mots : « et dans les conditions prévues à l’article 25 de la présente loi » sont supprimés ;
b) Le 8° est ainsi rédigé :
« 8° Les traitements comportant des données concernant la santé justifiés par l’intérêt public et conformes aux dispositions du chapitre IX de la présente loi. » ;
c) Sont ajoutés des 9° et 10° ainsi rédigés :
« 9° Les traitements conformes aux règlements types mentionnés au b du 2° du I de l’article 11 mis en œuvre par les employeurs ou les administrations qui portent sur des données biométriques strictement nécessaires au contrôle de l’accès aux lieux de travail ainsi qu’aux appareils et aux applications utilisés dans le cadre des missions confiées aux salariés, aux agents, aux stagiaires ou aux prestataires ;
« 10° Les traitements portant sur la réutilisation des informations publiques figurant dans les jugements et décisions mentionnés, respectivement, à l’article L. 10 du code de justice administrative et à l’article L. 111-13 du code de l’organisation judiciaire, sous réserve que ces traitements n’aient ni pour objet ni pour effet de permettre la réidentification des personnes concernées. » ;
3° Le III est ainsi rédigé :
« III. – N’entrent pas dans le champ de l’interdiction prévue au I les données à caractère personnel mentionnées au même I qui sont appelées à faire l’objet, à bref délai, d’un procédé d’anonymisation préalablement reconnu conforme aux dispositions de la présente loi par la Commission nationale de l’informatique et des libertés. » ;
4° Le IV est ainsi rédigé :
« IV. – De même, ne sont pas soumis à l’interdiction prévue au I les traitements, automatisés ou non, justifiés par l’intérêt public et autorisés dans les conditions prévues au II de l’article 26. »
M. le président. L’amendement n° 137, présenté par Mme S. Robert, MM. Durain, Sutour, Sueur, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
révèlent
Insérer les mots :
directement ou indirectement
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement tend à reprendre, à l’alinéa 3 de cet article, la formulation du premier alinéa de l’article 8 de la loi de 1978, dans sa version actuelle. Il peut apparaître purement rédactionnel, mais il a toute son importance. Ou alors il faudra m’expliquer pour quelle raison les termes « directement ou indirectement » ont été supprimés du texte…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Nous demandons le retrait de cet amendement, car la nuance proposée par ses auteurs pour les données dites sensibles ne figure pas dans l’article 9 du RGPD. Or l’objet même du présent article est d’harmoniser la loi Informatique et libertés avec le règlement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Même s’il s’agit ici de transposer, on a tout de même le droit de respecter la loi de 1978 et son esprit !
Nous évoquons des données à caractère personnel révélant la prétendue origine raciale ou l’origine ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale, ainsi que les données génétiques et biométriques. La matière est donc très sensible et il n’est pas du tout négligeable que la révélation soit directe ou indirecte. Vous savez très bien, mes chers collègues, que certains indices peuvent être tout à fait indirects. Il y a là une question absolument cruciale pour la protection des personnes.
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié bis, présenté par M. A. Marc, Mme Deromedi, M. Bonhomme et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il est interdit de traiter des données à caractère personnel collectées dans le cadre de l’utilisation de services numériques au sein de l’éducation nationale. » ;
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Cet amendement tend à protéger les jeunes élèves en instituant une interdiction de traitement des données à caractère personnel collectées dans le cadre de l’utilisation de services numériques au sein de l’éducation nationale.
Il vise à inscrire dans le droit une obligation souvent présente dans les conditions générales d’utilisation des services numériques de l’éducation nationale. La protection de la vie privée et des données personnelles des élèves du premier et du second cycles est essentielle et ne peut être négligée.
Il faut donc instituer une véritable protection pour ces publics fragiles, souvent imprudents, sur les supports numériques, avec leurs données personnelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Cet amendement aborde un point important. Néanmoins, sa rédaction est beaucoup trop large et l’interdiction proposée risque de paralyser l’activité des établissements, où la gestion des élèves et des notes est, aujourd’hui, souvent très dématérialisée.
La commission formule donc une demande de retrait.
Toutefois, et plusieurs personnes reçues en audition nous en ont fait part, nous abordons ici, indirectement, un problème important : l’insuffisance de la protection des traitements de données scolaires et l’impréparation de l’éducation nationale face à la mise en conformité au règlement général de protection des données.
Il serait souhaitable que le Gouvernement nous éclaire et nous rassure sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement partage évidemment l’objectif des auteurs de l’amendement, à savoir garantir aux élèves et à leurs familles la protection des données personnelles collectées dans le cadre scolaire. Il s’agit d’ailleurs d’une priorité de la politique conduite par le ministère de l’éducation nationale en matière de développement des outils numériques.
Je rappelle que le ministère, je l’indiquais dans mon propos introductif, a mis en œuvre un traitement de données personnelles dénommé « Gestionnaire d’accès aux ressources », dont l’objet est de rationaliser la communication des données aux fournisseurs de ressources ou de services. Cet outil permet donc, en vue de respecter le principe de minimisation des données, de ne transmettre aux fournisseurs de ressources ou de services que des données strictement nécessaires aux accès des élèves et des enseignants à ces ressources.
L’amendement proposé porte sur l’ensemble des données collectées dans le cadre de l’utilisation de services numériques au sein de l’éducation nationale. Il concerne donc potentiellement tous les services numériques utilisés dans les établissements scolaires par les élèves et les enseignants et, par conséquent, va au-delà des outils numériques proposés par les géants du web, les GAFAM.
L’interdiction s’appliquerait aux espaces numériques de travail, les fameux ENT, qui sont extrêmement utiles aux parents et aux élèves, ainsi qu’à toutes les applications susceptibles d’être utilisées dans les établissements scolaires.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. C’est un amendement que je ne voterai pas, notamment pour la raison qui a été évoquée : le champ qu’il recouvre est trop vaste.
S’il y a un cumul des mandats qu’on ne m’a pas interdit, c’est celui de sénateur et de père de famille.
On a parlé des petites communes, des petites associations, des petites entreprises, mais, là, on parle d’un grand employeur public, l’un des plus grands du monde après l’armée chinoise : l’éducation nationale.
On peut toujours parler des services périscolaires gérés par les communes… Mais la manière dont les données personnelles sont collectées et gérées par l’éducation nationale est totalement hallucinante. La loi de 1978 n’est absolument pas appliquée ! Or tout un tas d’informations sont collectées tout au long de l’année scolaire : l’identité des enfants, leur photographie, l’identité des parents, leurs revenus et parfois même, par incise, leurs convictions religieuses – si le régime alimentaire de l’élève exclut la consommation de porc à la cantine du collège, on sait très bien qu’il est musulman ou juif. Toutes ces données, qui sont des données personnelles, ne sont jamais gérées comme telles.
L’interdiction proposée à travers cet amendement est sans doute un peu excessive. En revanche, mettre le doigt sur la manière dont les données personnelles sont gérées par la plus grande administration de l’État qu’est l’éducation nationale est absolument essentiel. Dans la formation des enseignants, notamment des instituteurs – les professeurs des écoles –, au sein des ESPE, les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les questions relatives aux données personnelles, aux droits d’auteur et au respect de la propriété intellectuelle échappent complètement aux radars. Il faut vraiment avancer sur ces questions. Il y a urgence à passer de l’Antiquité aux temps modernes !
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je l’ai dit dans la discussion générale, il est temps que les services de l’État sortent de l’ambiguïté quand ils concluent des marchés portant sur le traitement des données. C’est non sous ce gouvernement, mais sous le précédent que l’éducation nationale a contractualisé avec Google et Microsoft, sans aucun appel d’offres d’ailleurs, ce qui est très problématique…
M. Loïc Hervé. Scandaleux, même !
Mme Catherine Morin-Desailly. … quand on connaît les conditions d’utilisation par ces entreprises extra-européennes des données personnelles ; il n’est nullement garanti qu’elles soient protégées.
Cet après-midi même je m’entretenais avec le directeur de cabinet de M. Blanquer de ces questions dans le cadre de la préparation des travaux que j’évoquais également tout à l’heure. Il m’a dit qu’il était temps en effet que nous sortions de l’ambiguïté.
Votre question, monsieur Marc, n’est pas du tout infondée. Elle soulève au contraire un vrai problème et pose en même temps une exigence à laquelle il va falloir satisfaire. Un gros travail est actuellement conduit pour se mettre en conformité et en ordre de marche.
Loïc Hervé évoquait les ESPE. J’ai pu constater que se mettent en place des modules de sensibilisation aux bons choix technologiques à faire, à toutes ces questions de propriété intellectuelle et de droits d’auteur, au respect des données personnelles. La route est encore longue, mais la volonté semble là. Il faudra certainement des moyens. En attendant, il y a toujours lieu, à l’heure actuelle, de se poser des questions.
Mme la rapporteur a raison, ces données servent aussi à des projets pédagogiques en classe. Il faut donc rester extrêmement vigilant au respect des enfants et des autorisations données par les parents. C’est pourquoi l’encadrement doit être clarifié.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. Monsieur Marc, l’amendement n° 20 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Alain Marc. Il s’agissait évidemment d’un amendement d’appel, qui porte sur une problématique extrêmement importante.
Loïc Hervé et Catherine Morin-Desailly ont évoqué les ESPE. Or la formation qui y est dispensée ne comporte pas de modules approfondis sur ces sujets. Si nous ne voulons pas être confrontés demain à bien des difficultés, il va falloir que l’éducation nationale s’y attelle. Ce champ reste donc à ouvrir.
Nous avons évoqué précédemment les objets connectés, la façon de s’en servir, ce qu’ils peuvent induire dans nos vies personnelles. De la même façon, je souhaite que le Sénat, qui, comme chacun le sait, est protecteur des libertés publiques et aussi des libertés privées, ouvre ce nouveau champ de réflexion.
Cela étant, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 6 rectifié septies est présenté par Mme Bruguière, M. Bansard, Mme Goy-Chavent, M. A. Marc, Mme Deromedi, MM. D. Laurent, Henno et Sol, Mmes Garriaud-Maylam et Renaud-Garabedian, MM. Poniatowski, de Nicolaÿ, Bonhomme, Milon et B. Fournier, Mmes Lamure, Billon et Bonfanti-Dossat, M. Bonne, Mme Bories, MM. Brisson, Lefèvre et Guerriau, Mmes Morhet-Richaud, Eustache-Brinio et Mélot, MM. Lagourgue et Bouchet, Mme Lanfranchi Dorgal et MM. Gremillet et Panunzi.
L’amendement n° 64 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le 4° est complété par les mots : « , dès lors que ces données révèlent à elles seules les informations mentionnées au I » ;
II. – Alinéa 12
Compléter cet alinéa par les mots :
et dont le traitement poursuit l’une des finalités visées aux b, g et j du paragraphe 2 de l’article 9 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE
La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié septies.
M. François Bonhomme. L’objet de cet amendement, dont Mme Bruguière est la première signataire, est, d’une part, d’apporter les précisions manquantes au RGPD et, d’autre part, de corriger certaines contradictions entre le projet de loi et le règlement.
L’article 9 du RGPD manque de précision en n’interdisant pas explicitement les traitements qui, recoupant des données non sensibles que la personne concernée a publiées, visent à reconstituer des données sensibles, qui, elles, n’ont jamais été publiées par la personne.
De même, cet article n’autorise le traitement de données sensibles que pour certaines finalités dont il dresse la liste exhaustive. Or l’article 8 de la loi de 1978, tel que modifié par le projet de loi, autoriserait les traitements de données sensibles poursuivant n’importe quelle finalité, pour la simple raison qu’une mesure technique serait appliquée : l’anonymisation à bref délai. Cela n’est pas autorisé par le RGPD : cette autorisation doit être limitée à des finalités précises. Cette contradiction doit par conséquent être supprimée.
Pour autant, cette mesure d’anonymisation à bref délai n’est pas sans intérêt. En effet, l’article 9 du RGPD prévoit que, s’agissant de certaines finalités, le traitement de données sensibles n’est licite qu’en présence de « mesures appropriées et spécifiques pour la sauvegarde des droits fondamentaux et des intérêts de la personne concernée ». Pour certaines de ces finalités, la loi de 1978 prévoit effectivement des garanties qui pourraient correspondre à ces « mesures appropriées ». Néanmoins, s’agissant d’autres finalités – celles visées au b, g et j du 2 de l’article 9 du règlement –, la loi n’en prévoit aucune. Ainsi, dans ce cas précis, la mesure d’anonymisation à bref délai pourrait être une des « mesures appropriées » autorisant la poursuite de ces finalités.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 64.
Mme Esther Benbassa. L’objectif de cet amendement identique à celui de Mme Bruguière est double.
D’une part, il vise à préciser l’article 9 du règlement général sur la protection des données en interdisant de manière explicite les traitements qui visent à reconstituer des données sensibles qui n’ont jamais été publiées par la personne.
D’autre part, il tend à corriger une contradiction entre le présent projet de loi et le règlement européen. En effet, l’article 9 du règlement général sur la protection des données n’autorise le traitement de données sensibles que pour certaines finalités dont il dresse une liste exhaustive. Or l’article 8, chapitre III, de la loi de 1978 tel que modifié par le projet de loi, reviendrait à autoriser en cas d’application d’une mesure technique telle l’anonymisation à bref délai les traitements de données sensibles poursuivant n’importe quelle finalité.
Nous considérons que cela est contraire au RGPD : cette autorisation doit être limitée à des finalités précises. Cette contradiction doit être par conséquent supprimée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Au vu de la technicité et de l’importance des sujets traités – les données sensibles – par ces deux amendements, la commission sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Ces deux amendements identiques, dont le Gouvernement demande le rejet, ont un double objectif.
D’une part, ils tendent à compléter l’article 9 du RGPD, qui, comme vous le savez, est d’application immédiate et totale, sauf s’il est prévu une marge de manœuvre, ce qui ne me semble pas être le cas en l’espèce.
Par ailleurs, ainsi que cela a été indiqué en réponse à l’amendement n° 137, la précision est inutile dès lors qu’est interdit tout traitement qui révèle une donnée sensible au sens de l’article 9 du RGPD.
D’autre part, la dérogation au traitement des données sensibles, si ces traitements font l’objet à bref délai d’un procédé d’anonymisation, est, dans la rédaction du projet de loi, compatible avec le RGPD. Cette disposition, cela vient d’être souligné, est prévue actuellement par l’article 8 de la loi de 1978, et je rappelle que ce procédé d’anonymisation devra avoir été préalablement reconnu conforme à la présente loi par la CNIL. Celle-ci sera vigilante sur la compatibilité de ce processus avec le RGPD.
En outre, cette anonymisation à bref délai sera également utile pour les traitements qui ne relèvent ni du règlement ni de la directive. Il ne semble donc pas pertinent de restreindre le champ de l’anonymisation, comme cela est proposé.
M. le président. La parole est à M. Simon Sutour, au nom de la commission des affaires européennes.
M. Simon Sutour, au nom de la commission des affaires européennes. Je souhaite à cet instant m’exprimer au nom de la commission des affaires européennes.
Il faut rappeler à nos collègues que nous ne sommes pas ici pour réécrire le règlement. Celui-ci a été élaboré au niveau de l’Union européenne au cours d’un processus qui a duré plusieurs années. À l’époque, le Sénat avait voté une proposition de résolution sur le sujet et les points que nous avions alors soulevés ont été pris en compte, ainsi que je l’ai indiqué dans mon intervention lors de la discussion générale.
Là, il s’agit simplement de transposer la directive, voire – nous pouvons avoir ce débat – de la surtransposer. En ce qui concerne le règlement, il est d’application immédiate au 25 mai, et nous devons mettre la législation nationale française en conformité à cette fin.
J’aurais pu faire ce rappel de méthode lors de l’examen d’autres amendements, mais ils ont été retirés. Mme la rapporteur aurait pu s’en charger, mais elle a voulu être gentille avec les auteurs de ces amendements, laissant le mauvais rôle au Gouvernement… (Sourires.)
M. Simon Sutour, au nom de la commission des affaires européennes. Pas toujours, madame la garde des sceaux, mais, en l’espèce, oui !
En tout cas, le Gouvernement a parfaitement rappelé les choses.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 rectifié septies et 64.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 47 rectifié, présenté par Mme M. Jourda, M. Mandelli, Mme Gruny, M. Retailleau, Mmes Bories et Deroche et M. Leleux, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … Les traitements mis en œuvre par les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 du code monétaire et financier qui portent sur des données biométriques strictement nécessaires aux mesures de vigilance définies à l’article L. 561-4-1 du même code. » ;
La parole est à Mme Muriel Jourda.
Mme Muriel Jourda. Cet amendement vise à autoriser les établissements financiers à utiliser les données biométriques qui leur sont nécessaires pour identifier leurs clients dans le cadre de l’obligation de vigilance qui leur est faite par l’ordonnance du 1er décembre 2016.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. La commission sollicite le retrait de cet amendement, qui vise, par dérogation à l’interdiction de traitement de données sensibles, à permettre aux établissements financiers d’utiliser des bases de données biométriques pour les aider à remplir les obligations de vigilance qui leur sont imposées par le code monétaire et financier. Ces obligations consistent essentiellement en une analyse de risque. Les établissements financiers doivent ainsi tenir compte de multiples facteurs inhérents aux clients, aux produits, services, transactions et canaux de distribution, notamment.
En l’état du droit, il me semble que rien n’est prévu spécifiquement pour les autoriser à mettre en œuvre des traitements de données biométriques. Autoriser de tels traitements demanderait, surtout pour des acteurs privés, de robustes garanties que cet amendement ne propose pas.
Nous n’avons pas assez de recul sur la portée d’une telle dérogation pour l’autoriser sans mener une réflexion plus approfondie. La CNIL, qui a été consultée, souligne la complexité du sujet et recommande la prudence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’avis est défavorable. Cet amendement me semble en effet excessif dans sa portée.
Madame la sénatrice, vous souhaitez que les établissements financiers bénéficient de droits, mais sans être soumis à la moindre formalité. Ces droits, de par leur ampleur et en raison de leurs contours indéfinis, ne sont accordés ni à l’État par le RGPD ni par la directive aux autorités qui sont directement chargées de la lutte contre le blanchiment d’argent et le terrorisme. Il me semble donc que l’intégration d’une telle mesure dans l’article 8 de la loi de 1978 accorderait une dérogation générale, non seulement pour les données biométriques, mais aussi pour toutes les données sensibles au sens du RGPD. L’amendement ne respecte donc pas la lettre de l’article 9 du règlement, ni en ce qui concerne la proportionnalité ni en ce qui concerne les garanties.
M. le président. Madame Jourda, l’amendement n° 47 rectifié est-il maintenu ?
Mme Muriel Jourda. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 47 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 65 rectifié est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 86 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 11° Les traitements nécessaires à la recherche publique au sens de l’article L. 112-1 du code de la recherche, mis en œuvre dans les conditions du 2 de l’article 9 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE, après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés délivré selon les modalités prévues à l’article 28. » ;
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 65 rectifié.
Mme Esther Benbassa. Les études menées par les établissements d’enseignement supérieur et de recherche et par les organismes de recherche nécessitant le traitement de données dites « sensibles », lorsqu’elles ne peuvent s’appuyer sur le consentement des personnes concernées, sont majoritairement soumises à l’autorisation préalable de la CNIL, en application des dispositions du IV de l’article 8 et de celles de l’article 25 de la loi du 6 janvier 1978.
Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi supprime l’article 25, ce qui a pour conséquence de soumettre ces traitements à un dispositif d’autorisation par décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la CNIL. Cette procédure nous semble particulièrement problématique, surtout pour les chercheurs, et constitue une véritable entrave à la recherche publique. Nous proposons donc, à l’instar du Gouvernement, d’instaurer une exception pour cette dernière dans la mesure où les traitements à finalité de recherche publique doivent être regardés aussi bien comme des traitements répondant à des motifs d’intérêt public importants que comme des traitements à des fins de recherche scientifique ou historique.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 86.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement propose cet amendement visant à inclure la recherche publique dans le champ des exceptions à l’interdiction de traitement des données sensibles hors consentement de la personne concernée.
À l’heure actuelle, seuls les traitements statistiques réalisés par l’Institut national de la statistique et des études économiques ou l’un des services statistiques ministériels et les traitements qui sont nécessaires à la recherche, aux études et aux évaluations dans le domaine de la santé sont couverts par les exceptions prévues au 7° et 8° du II de l’article 8. Les autres traitements de la recherche publique sont soumis à une autorisation préalable de la CNIL. Tel est le cas en particulier d’un grand nombre d’études qui sont menées dans le champ de la sociologie ou de la démographie – je pense notamment aux enquêtes portant sur les migrants ou bien encore sur les violences faites aux femmes.
L’abrogation de l’article 25 de la loi de 1978 par le projet de loi dans la logique d’allégement des formalités préalables a pour conséquence de soumettre ces traitements à un dispositif d’autorisation par décret en Conseil d’État, après un avis motivé et publié de la CNIL. Une telle formalité apparaît sans doute beaucoup trop lourde et très rigide s’agissant de ce type de traitements. Il est donc proposé d’inscrire au titre des exceptions énumérées au II de l’article 8 un alinéa supplémentaire relatif à la recherche publique prise au sens de l’article L. 112-1 du code de la recherche. Une telle dérogation est permise par le RGPD, qui la prévoit pour les traitements d’intérêt public importants ou pour des fins de recherche scientifique.
En contrepartie de la suppression de l’article 25, il est prévu que la CNIL soit consultée au préalable et que son avis soit motivé et publié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 65 rectifié et 86.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
TITRE II
MARGES DE MANŒUVRE PERMISES PAR LE RÈGLEMENT (UE) 2016/679 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL DU 27 AVRIL 2016 RELATIF À LA PROTECTION DES PERSONNES PHYSIQUES À L’ÉGARD DU TRAITEMENT DES DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL ET À LA LIBRE CIRCULATION DE CES DONNÉES, ET ABROGEANT LA DIRECTIVE 95/46/CE
Article additionnel avant le chapitre Ier
M. le président. L’amendement n° 58 rectifié, présenté par Mmes Lavarde et Garriaud-Maylam, M. Lefèvre, Mme Estrosi Sassone, MM. Brisson, Bazin et Babary, Mme Lassarade, MM. Chaize, Paccaud, Dallier et Bonhomme, Mme Lamure, MM. Perrin, Raison, Milon et Rapin, Mmes Deroche et Imbert et MM. Bouchet, Mandelli, Bonne, Laménie et Savin, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 2 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après les mots : « traitements automatisés », sont insérés les mots : « en tout ou partie » ;
2° Au quatrième alinéa, après les mots : « critères déterminés », sont insérés les mots : « que cet ensemble soit centralisé, décentralisé ou réparti de manière fonctionnelle ou géographique ».
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Comme les amendements précédents, celui-ci vise à lever les incertitudes en mettant en cohérence la rédaction du RGPD et celle de la loi Informatique et libertés. Il est ainsi précisé la nature des traitements automatisés ainsi que la notion de fichier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Il convient effectivement d’harmoniser les concepts figurant dans la loi et ceux contenus dans le règlement européen.
L’avis est donc favorable sur cet amendement d’appel, qui est très bien rédigé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant le chapitre Ier.
Chapitre Ier
Champ d’application territorial des dispositions complétant le règlement (UE) 2016/679
Article additionnel avant l’article 8
M. le président. L’amendement n° 59 rectifié, présenté par Mmes Lavarde et Garriaud-Maylam, M. Lefèvre, Mme Estrosi Sassone, MM. Brisson, Bazin et Babary, Mme Lassarade, MM. Chaize, Paccaud, Dallier et Bonhomme, Mme Lamure, MM. Perrin, Raison, Milon et Rapin, Mmes Deroche et Imbert et MM. Bouchet, Mandelli, Bonne, Laménie et Savin, est ainsi libellé :
Avant l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article 5 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifié :
1° Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Effectués dans le cadre des activités d’un établissement d’un responsable du traitement ou d’un sous-traitant sur le territoire français, que le traitement ait lieu ou non sur le territoire français ; »
2° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« … Relatifs à des personnes concernées qui se trouvent sur le territoire français par un responsable du traitement ou un sous-traitant qui n’est pas établi sur le territoire français, lorsque les activités de traitement sont liées :
« a) À l’offre de biens ou de services à ces personnes concernées sur le territoire français, qu’un paiement soit exigé ou non desdites personnes ;
« b) Au suivi du comportement de ces personnes, dans la mesure où il s’agit d’un comportement qui a lieu sur le territoire français. »
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Nous restons dans le même esprit.
Pour faciliter la compréhension de l’ensemble des acteurs, nous proposons, par cet amendement, d’utiliser le même vocabulaire que celui qui est utilisé par le règlement pour définir le champ d’application territorial de la loi Informatique et libertés, sans remettre en cause le cas spécifique des traitements effectués sur le territoire français.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. La commission sollicite le retrait de cet amendement.
Les dispositions résultant du présent projet de loi relatives au champ d’application de la loi française qui figureront dans le texte de la loi Informatique et libertés n’auront pas vocation à régir les traitements soumis au règlement, qui est d’application directe et fixe lui-même son champ d’application territorial.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.
Madame la sénatrice, le Gouvernement partage évidemment votre objectif d’utiliser le même vocable que le RGPD pour l’application territoriale de la loi Informatique et libertés. Nous y reviendrons plus longuement lors de l’examen de l’amendement déposé à l’article 8.
Actuellement, plusieurs champs d’application territoriale coexistent : celui du RGPD, avec des particularités pour les marges de manœuvre, celui de la directive, celui du hors champ pour le droit de l’Union européenne. Il me semble que votre amendement ne répond que partiellement à cet objectif de clarification. Tout l’objet de l’ordonnance pour laquelle une habilitation est demandée au Sénat est d’organiser, comme je l’ai dit dans mon propos introductif, la loi de 1978 en plusieurs titres, chaque titre ayant son champ d’application propre.
M. le président. Madame Lavarde, l’amendement n° 59 rectifié est-il maintenu ?
Mme Christine Lavarde. Non, je le retire avec conviction, puisque je constate que le problème est compris. Je lirai attentivement le texte de l’ordonnance.
M. le président. L’amendement n° 59 rectifié est retiré.
Article 8
(Non modifié)
Le chapitre Ier de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 est complété par un article 5-1 ainsi rédigé :
« Art. 5-1. – Les règles nationales prises sur le fondement des dispositions du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE renvoyant au droit national le soin d’adapter ou de compléter les droits et obligations prévus par ce règlement s’appliquent dès lors que la personne concernée réside en France, y compris lorsque le responsable de traitement n’est pas établi en France.
« Toutefois, lorsqu’est en cause un des traitements mentionnés au 2 de l’article 85 du même règlement, les règles nationales mentionnées au premier alinéa du présent article sont celles dont relève le responsable de traitement, lorsqu’il est établi dans l’Union européenne. »
M. le président. L’amendement n° 13 rectifié septies, présenté par Mme Bruguière, MM. Sol, Henno et D. Laurent, Mme Deromedi, M. A. Marc, Mme Goy-Chavent, M. Bansard, Mme Garriaud-Maylam, M. Poniatowski, Mme Renaud-Garabedian, MM. de Nicolaÿ, Bonhomme et Milon, Mmes Billon et Bonfanti-Dossat, M. Bonne, Mme Bories, M. Brisson, Mme Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Guerriau, Lagourgue et Lefèvre, Mme Mélot, M. Bouchet, Mme Lanfranchi Dorgal et MM. Gremillet et Panunzi, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
la personne concernée réside en France, y compris lorsque le responsable de traitement n’est pas établi en France
par les mots :
le traitement est effectué :
II. – Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
« 1° Dans le cadre des activités d’un établissement d’un responsable du traitement ou d’un sous-traitant sur le territoire français, que ce traitement ait lieu ou non en France ;
« 2° Ou par un responsable du traitement qui n’est pas établi sur le territoire français mais dans un lieu où le droit français s’applique en vertu du droit international public ;
« 3° Ou par un responsable du traitement ou un sous-traitant qui n’est pas établi dans l’Union européenne, dans la mesure où ce traitement est appliqué à des données à caractère personnel relatives à des personnes concernées qui se trouvent sur le territoire français, lorsque ce traitement est lié :
« a) À l’offre de biens ou de services à ces personnes concernées en France, qu’un paiement soit exigé ou non desdites personnes ;
« b) Au suivi du comportement de ces personnes, dans la mesure où il s’agit d’un comportement qui a lieu sur le territoire français. »
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Cet amendement vise à adapter le critère du champ d’application territorial de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 lorsque celle-ci sera appliquée de façon complémentaire au nouveau règlement européen, dans le but de le rapprocher tout à la fois du critère d’application du règlement européen lui-même et du critère d’application de la même loi de 1978 lorsqu’elle est appliquée seule, indépendamment du règlement. Il résulte en effet de l’article 8 du projet de loi en sa rédaction actuelle un degré de complexité qui paraît incompatible avec les exigences de lisibilité et de bonne application de la loi, exigences d’autant plus impérieuses lorsque celle-ci vise à protéger les droits et libertés des personnes physiques.
L’article 8 prévoit, dans la version du projet de loi adoptée par l’Assemblée nationale, un champ d’application de la loi de 1978 centré sur la résidence de la personne dont les données sont traitées, dans les cas où cette loi vient préciser les dispositions du règlement en application des marges de manœuvre laissées aux États membres de l’Union européenne par ce dernier. Or le règlement européen se réfère systématiquement en principe au critère d’établissement non pas de la personne concernée, mais du responsable du traitement. Par exception, dans certains cas limités, le règlement européen sera par ailleurs applicable lorsque ce responsable de traitement sera établi hors de l’Union européenne, sous réserve que la personne concernée soit localisée en France, la notion de localisation se distinguant de celle de résidence.
Cet éclatement des critères risque d’entraîner une confusion importante dans l’application territoriale de la loi de 1978, notamment de la part des entreprises et organismes publics responsables de traitements, qui ne seront pas en mesure d’identifier facilement les règles de droit qui leur sont applicables.
Par ailleurs, le choix d’un critère de résidence de la personne concernée a pour effet d’imposer systématiquement la collecte de l’adresse de cette personne, même dans les cas où cette donnée n’est pas nécessaire pour la finalité poursuivie par le traitement, en contrariété avec le principe de minimisation de la collecte imposé par le règlement européen. Cela risque de faire peser une charge trop importante sur les responsables de traitement et sous-traitants de données à caractère personnel, mais également de porter une atteinte injustifiée à la vie privée des personnes concernées.
Enfin, un autre risque est de voir émerger des situations de conflits de lois inextricables entre le droit français et celui d’un autre État membre qui aurait choisi de retenir un autre critère pour l’application de sa loi nationale en complément du règlement européen. Ce risque de conflits de lois a été expressément souligné par la CNIL dans son avis du 30 novembre 2017 sur le projet de loi.
Il est par conséquent proposé d’aligner le champ d’application territorial de la loi de 1978, lorsqu’elle sera appliquée en complément du règlement européen, sur des critères analogues à ceux prévus par ce dernier. Cette réécriture aura également pour effet d’uniformiser le champ d’application territorial de la loi de 1978 selon qu’elle est appliquée seule ou en complément du règlement, renforçant ainsi la lisibilité du texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. La commission sollicite le retrait de cet amendement, qui vise à modifier le critère fixant le champ d’application territorial des règles françaises adaptant ou complétant le règlement.
M. Simon Sutour. Voilà !
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Au critère du lieu de résidence de la personne concernée par le traitement des données, il entend substituer plutôt le critère du lieu d’établissement du responsable de traitement. Ce changement est contraire à la position de la commission, qui a maintenu le critère de résidence.
Comme le note justement l’étude d’impact du projet de loi, le « critère de l’établissement » aurait certes pour avantage premier de permettre au responsable de traitement de n’appliquer qu’un seul droit – cela permettrait de réduire certaines charges administratives et diminuerait la complexité juridique pour le responsable, et uniquement pour lui –, mais, dans une telle hypothèse, le droit applicable aux personnes concernées pourrait varier en fonction du lieu d’établissement principal du responsable de traitement ou de son sous-traitant. Concrètement, cela reviendrait à faire application du droit d’autres États membres pour des traitements de données qui touchent des résidents français.
Je donne un exemple. Si l’Irlande choisit comme âge de consentement des mineurs, en ce qui concerne l’offre directe de services de la société de l’information, l’âge de treize ans, ou si elle exclut l’action de groupe pour la réparation des dommages, ces dispositions s’appliqueront aux résidents français pour l’utilisation de services tels que Google ou Facebook, dont le siège des filiales européennes se trouve en Irlande.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. La question du champ d’application du RGPD constitue une innovation majeure par rapport à la directive de 1995. L’article 3 du règlement, comme cela vient d’être dit, prévoit en effet un double champ d’application.
D’une part, ce règlement est applicable aux traitements effectués dans le cadre des activités d’un établissement par un responsable de traitement ou un sous-traitant dès lors que celui-ci se trouve sur le territoire de l’Union, peu importe que le traitement d’ailleurs ait lieu ou non dans l’Union. Il s’agit donc en quelque sorte d’un critère organique.
D’autre part, le règlement est également applicable selon un critère matériel, peu importe que l’établissement soit alors sur le territoire de l’Union, dès lors que le traitement est effectué à l’égard des résidents européens. Il suffit alors que l’offre de biens ou de services à des personnes concernées se déroule dans l’Union ou que leur comportement dans l’Union soit suivi.
Le règlement a donc une cohérence globale vis-à-vis des responsables de traitement présents dans ou en dehors de l’Union. Il précise à cet égard, à son considérant 14, qu’il devrait s’appliquer aux personnes physiques, indépendamment de leur nationalité ou de leur lieu de résidence en ce qui concerne le traitement de leurs données.
Si son champ d’application est déjà défini par le RGPD, il n’en est pas de même des marges de manœuvre des États membres octroyées par le règlement, qui devraient aussi l’être afin d’éviter des conflits de normes. C’est évidemment extrêmement important en cas de dispositions divergentes selon les législations nationales, comme l’a expliqué Mme la rapporteur.
En effet, se pose la question du critère à retenir pour la législation applicable entre États membres de l’Union en cas de divergences, compte tenu des choix différents dans l’exercice de ces marges de manœuvre qui sont permises par le règlement. Les enjeux sont importants en termes de protection des droits fondamentaux des personnes concernées, mais également d’attractivité des territoires, dès lors que la législation applicable peut constituer un critère très important pour une entreprise qui souhaite s’implanter à l’étranger.
L’article 8 du projet de loi prévoit ainsi de retenir pour l’application des marges de manœuvre, cela a déjà été dit, le critère de résidence de la personne concernée, à l’exception des traitements mentionnés à l’article 85.2 du règlement en matière de liberté d’expression et d’information, qui relèveraient du critère d’établissement du responsable de traitement. Son objet est donc clairement défini.
L’amendement proposé, au contraire, laisse subsister, si vous me permettez cette expression, une forme d’oubli. En effet, le 1° du II tend à proposer un critère qui est centré sur la localisation, en France, du responsable du traitement. Le 2° traite du cas particulier du droit français qui s’applique en vertu du droit international public. Le 3° concerne enfin exclusivement le cas où le responsable de traitement n’est pas établi dans l’Union européenne. Or ce cas est déjà réglé à l’article 3.2 du RGPD.
Ainsi, il manque, me semble-t-il, le plus important. Quel droit s’applique lorsque le responsable de traitement est dans l’Union européenne, mais hors de France, et que ses services s’appliquent à un résident en France ? Autrement dit, à quoi servent tous nos débats sur l’âge de consentement des mineurs ou sur les garanties relatives au NIR, aux données biométriques ou aux données de santé, si le droit qui est issu des marges de manœuvre des autres États membres venait alors à s’appliquer en France directement ?
En raison de cet oubli ou de ces incohérences, je demande le rejet du présent amendement.
M. le président. Monsieur Bonhomme, l’amendement n° 13 rectifié septies est-il maintenu ?
M. François Bonhomme. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 13 rectifié septies est retiré.
Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 est adopté.)
M. le président. Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger nos travaux jusqu’à une heure, afin que nous allions plus avant dans l’examen du texte.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Chapitre II
Dispositions relatives à la simplification des formalités préalables à la mise en œuvre des traitements
Article 9
I. – (Non modifié) L’article 22 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 22. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, détermine les catégories de responsables de traitement et les finalités de ces traitements au vu desquelles ces derniers peuvent être mis en œuvre lorsqu’ils portent sur des données comportant le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques. La mise en œuvre des traitements intervient sans préjudice des obligations qui incombent aux responsables de traitement ou à leurs sous-traitants en application de la section 3 du chapitre IV du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité.
« N’entrent pas dans le champ d’application du premier alinéa du présent article ceux des traitements portant sur des données à caractère personnel parmi lesquelles figure le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques ou qui requièrent une consultation de ce répertoire :
« 1° Qui ont exclusivement des finalités de statistique publique, sont mis en œuvre par le service statistique public et ne comportent aucune des données mentionnées au I de l’article 8 ou à l’article 9 ;
« 2° Qui ont exclusivement des finalités de recherche scientifique ou historique ;
« 3° Qui ont pour objet de mettre à la disposition des usagers de l’administration un ou plusieurs téléservices de l’administration électronique définis à l’article 1er de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, mis en œuvre par l’État, une personne morale de droit public ou une personne morale de droit privé gérant un service public.
« Pour les traitements dont les finalités sont mentionnées aux 1° et 2° du présent article, le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques fait préalablement l’objet d’une opération cryptographique lui substituant un code statistique non signifiant. Cette opération est renouvelée à une fréquence définie par décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Les traitements ayant comme finalité exclusive de réaliser cette opération cryptographique ne sont pas soumis au premier alinéa.
« Pour les traitements dont les finalités sont mentionnées au 1°, l’utilisation du code statistique non signifiant n’est autorisée qu’au sein du service statistique public.
« Pour les traitements dont les finalités sont mentionnées au 2°, l’opération cryptographique et, le cas échéant, l’interconnexion de deux fichiers par l’utilisation du code spécifique non signifiant qui en est issu ne peuvent être assurées par la même personne ni par le responsable de traitement.
« À l’exception des traitements mentionnés au deuxième alinéa de l’article 55, le présent article n’est pas applicable aux traitements de données à caractère personnel dans le domaine de la santé qui sont régis par le chapitre IX. »
II. – (Non modifié) L’article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 27. – Sont autorisés par décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l’État, agissant dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, qui portent sur des données génétiques ou sur des données biométriques nécessaires à l’authentification ou au contrôle de l’identité des personnes. »
III. – (Non modifié) Les articles 23 à 25 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée sont abrogés.
IV (nouveau). – L’article 226-16-1 A du code pénal est abrogé. Il demeure applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, aux faits commis avant la date d’entrée en vigueur du présent article pour lesquels l’action publique avait été valablement exercée avant cette même date.
M. le président. L’amendement n° 129, présenté par MM. Durain et Sutour, Mme S. Robert, MM. Sueur, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Sauf changement survenu sur la portée, les finalités, les données à caractère personnel collectées, l’identité des responsables du traitement ou des destinataires des données, la durée de conservation des données, les mesures techniques et organisationnelles, les traitements autorisés antérieurs au 25 mai 2018 et toujours en cours bénéficient d’une présomption de conformité aux dispositions du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Le règlement est applicable à partir du 25 mai 2018. L’ensemble des traitements existants devront donc être conformes au règlement à cette date.
Le présent amendement a pour objet de prendre en compte la situation des traitements en cours dans une optique de sécurité juridique et de simplification, en particulier pour les acteurs économiques récents et de petite taille.
Cet amendement s’inscrit dans l’esprit du considérant 171, qui prévoit déjà une série d’exceptions pour garantir le maintien dans les mêmes conditions des traitements en cours, lorsqu’ils ont été déclarés ou a fortiori autorisés avant l’entrée en application du RGPD.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement est contraire au règlement : aux termes de l’article 99, l’ensemble des traitements existants devront être conformes au règlement à la date du 25 mai 2018.
Sur l’application dans le temps aux traitements en cours, le règlement a prévu uniquement le cas des accords conclus par les États membres. Lors des négociations, le gouvernement français avait voulu obtenir une clause relativement aux traitements en cours, sans succès. Le considérant 171 du règlement prévoit néanmoins que certains traitements qui sont mis en œuvre conformément au droit national antérieur au 25 mai 2018 pourront bénéficier de la présomption de conformité au règlement jusqu’à leur modification, remplacement ou abrogation, à savoir, d’une part, les traitements ayant pour condition de licéité le consentement de la personne concernée si ce consentement a été donné dans les conditions prévues par le règlement et, d’autre part, les traitements soumis aux autorisations de la CNIL relatives à des transferts de données en dehors de l’Union européenne.
Ainsi, le règlement ne permet pas une très grande souplesse si les traitements n’ont pas été modifiés au 25 mai 2018. Le projet de loi ne prévoit donc pas de mesure relative aux traitements en cours. La Commission européenne est d’ailleurs très vigilante sur ce point et pourrait sanctionner toute disposition en ce sens.
Toutefois, dans ses lignes directrices, le G29, le groupe de travail qui rassemble les « CNIL » européennes, donne une portée plus importante à ce considérant 171, puisqu’il estime qu’aucune analyse d’impact n’est nécessaire pour les opérations de traitement qui ont fait l’objet d’un examen par la CNIL. Par conséquent, il me semble que la question se réglera plutôt dans le cadre de la pratique de la CNIL. À cet égard, celle-ci a d’ores et déjà indiqué, par exemple, qu’une analyse d’impact ne sera pas exigée pour les traitements qui ont fait l’objet d’une formalité préalable auprès de la CNIL avant le 25 mai 2018.
Il est en revanche impossible, me semble-t-il, de prévoir expressément dans la loi une disposition en ce sens. Pour cette raison, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Durain, l’amendement n° 129 est-il maintenu ?
M. Jérôme Durain. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 129 est retiré.
Je mets aux voix l’article 9.
(L’article 9 est adopté.)
Chapitre III
Obligations incombant aux responsables de traitement et à leurs sous-traitants
Article additionnel avant l’article 10
M. le président. L’amendement n° 39, présenté par Mme M. Carrère, est ainsi libellé :
Avant l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifiée :
1° L’article 3 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Les personnes concernées par un traitement de données personnelles sont informées de l’identité et de la localisation de la personne responsable du traitement, et le cas échéant, de celles des sous-traitants opérant sous sa responsabilité préalablement au recueil de leur consentement à l’utilisation de données personnelles, mais également en cas de changement de l’identité du responsable ou d’un sous-traitant. » ;
2° Le quatrième alinéa de l’article 35 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque le sous-traitant est établi dans un État différent de l’État du responsable du traitement, ce contrat est communiqué aux personnes concernées par le traitement. »
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Cet amendement vise à renforcer les obligations de transparence des responsables de traitement et de leurs sous-traitants, afin d’améliorer l’information des personnes concernées par les traitements de données personnelles sur le droit applicable au responsable du traitement de ces données et à ses éventuels sous-traitants.
Le maintien dans le règlement européen de marges de manœuvre à la discrétion des États membres risque de laisser perdurer d’importantes différences en matière de protection des données personnelles au sein de l’Union européenne, ce qui pourrait induire le développement de pôles économiques dédiés à la sous-traitance des données personnelles dans les États aux législations les moins protectrices pour les personnes et consommateurs. C’est pourquoi il est proposé, en contrepartie, de renforcer les obligations d’information à l’endroit des personnes concernées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. La commission sollicite le retrait de cet amendement, parce qu’il est en partie satisfait par l’article 13 du règlement général sur la protection des données, qui définit de façon exhaustive les obligations de transparence en faveur des personnes dont les données sont l’objet de traitement, notamment l’identité et les coordonnées du responsable du traitement et, le cas échéant, du représentant du responsable du traitement, les destinataires ou les catégories de destinataires des données.
Cet amendement prévoit en outre des obligations supplémentaires qui ne sont pas du tout prévues par le RGPD et auxquelles je ne peux donc être favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Maryse Carrère. Je retire l’amendement !
M. le président. L’amendement n° 39 est retiré.
Article 10
(Non modifié)
L’article 35 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le présent I est applicable aux traitements ne relevant ni du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité, ni du chapitre XIII de la présente loi.
« II. – Dans le champ d’application du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité, le sous-traitant respecte les conditions prévues par ce règlement. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 10
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 7 rectifié septies, présenté par Mme Bruguière, MM. Sol, Henno et D. Laurent, Mme Deromedi, M. A. Marc, Mme Goy-Chavent, M. Bansard, Mme Renaud-Garabedian, M. Poniatowski, Mme Garriaud-Maylam, MM. de Nicolaÿ, Bonhomme et Milon, Mme Billon, M. Bonne, Mme Bories, M. Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, M. Chasseing, Mme Eustache-Brinio, M. B. Fournier, Mme Lamure, MM. Lefèvre, Lagourgue et Guerriau, Mme Mélot, M. Bouchet, Mme Lanfranchi Dorgal et MM. Gremillet et Panunzi, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 34 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cela implique notamment que, chaque fois que cela est possible, les données soient chiffrées de sorte à n’être accessibles qu’au moyen d’une clef mise à la seule disposition des personnes autorisées à accéder à ces données. »
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Cet amendement vise à rendre explicite que l’obligation de sécurité prévue dans le règlement se traduit en obligation de chiffrer de bout en bout chaque fois que cela est possible. En effet, le chiffrement de bout en bout, où seules les personnes autorisées à accéder aux données ont la clef, limite considérablement les risques d’intrusion.
M. le président. L’amendement n° 66, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 34 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cela implique notamment, chaque fois que cela est possible, que les données soient chiffrées de sorte à n’être accessibles qu’au moyen d’une clef mise à la seule disposition des personnes autorisées à y accéder. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’alinéa 1er de l’article 34 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés dispose : « Le responsable du traitement est tenu de prendre toutes précautions utiles, au regard de la nature des données et des risques présentés par le traitement, pour préserver la sécurité des données et, notamment, empêcher qu’elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès. »
Notre amendement, à l’instar de celui qui vient d’être défendu par nos collègues du groupe LR, tend à préciser la notion de « précautions utiles », en ajoutant que, chaque fois que cela est possible, les données devraient être chiffrées afin de n’être accessibles qu’au moyen d’une clef mise à la seule disposition des personnes autorisées à y accéder. Nous considérons en effet que le chiffrement des données de bout en bout est la seule technique à même de limiter les risques d’intrusion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Obliger les responsables de traitement et les sous-traitants à chiffrer les données de bout en bout chaque fois que cela est possible apparaît excessif au regard du RGPD.
Cette obligation peut également se révéler non pertinente pour certains traitements. En effet, le chiffrement ne constitue que l’une des mesures pour atténuer les risques inhérents au traitement afin de garantir la sécurité. L’article 32 du règlement prévoit ainsi que, « compte tenu de l’état des connaissances, des coûts de mise en œuvre et de la nature, de la portée, du contexte et des finalités du traitement ainsi que des risques, […], le responsable du traitement et le sous-traitant mettent en œuvre les mesures techniques et organisationnelles appropriées afin de garantir un niveau de sécurité adapté aux risques, y compris entre autres, selon les besoins ». Parmi celles-ci figurent notamment la pseudonymisation et le chiffrement des données à caractère personnel.
Il s’agit donc d’une mesure de sécurité parmi d’autres, qui ne saurait être imposée systématiquement au responsable de traitement. Il appartient à ce dernier, au regard du principe de responsabilisation, et sous le contrôle de la CNIL, d’apprécier laquelle de ces mesures est la plus appropriée à son traitement et au risque potentiel qu’il présente.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10, et l’amendement n° 66 n’a plus d’objet.
Chapitre IV
Dispositions relatives à certaines catégories particulières de traitements
Article additionnel avant l’article 11
M. le président. L’amendement n° 36, présenté par Mme M. Carrère, est ainsi libellé :
Avant l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 4° du II de l’article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi rédigé :
« 4° Les traitements portant sur des données à caractère personnel rendues explicitement publiques par la personne concernée, sauf dans le cas où la loi prévoit que l’interdiction mentionnée au I ne peut être levée par le consentement de la personne concernée ; »
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Vous connaissez tous les risques liés à la constitution de données sensibles à partir des données personnelles publiées volontairement pas des usagers d’outils numériques et de réseaux sociaux.
Il peut ainsi exister des profilages à partir de « réactions » ou de commentaires laissés sur tel ou tel article, telle ou telle page internet, qui peuvent permettre d’établir des bases de données comportant des indications sur les orientations sexuelles d’une personne ou ses convictions politiques. D’une part, ces profilages peuvent se révéler de simples extrapolations algorithmiques et, d’autre part, en agissant de la sorte, les utilisateurs n’ont pas nécessairement la volonté de rendre publiques les données concernées.
Il apparaît que ce risque est insuffisamment pris en compte, tant dans le droit interne qu’en droit européen. C’est pourquoi nous proposons d’introduire cette modification.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. La commission sollicite le retrait de cet amendement, qui tend à donner au législateur la possibilité d’interdire le traitement de données sensibles rendues publiques.
Outre qu’il ne précise pas lui-même les cas où une telle interdiction devrait s’appliquer, le présent amendement semble fusionner les régimes applicables à deux types différents de données : d’une part, le régime applicable aux données personnelles, pour lesquelles la personne a consenti au traitement – ces données peuvent ne pas avoir été rendues publiques –, et, d’autre part, le régime applicable aux données personnelles qui sont « manifestement rendues publiques » par la personne concernée – elles peuvent l’être sans un consentement exprès et verbalisé de la personne au sens du règlement général sur la protection des données.
De plus, le présent amendement introduirait une restriction qui ne figure pas dans le règlement ; je vous propose de nous en tenir à la formulation de celui-ci.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Maryse Carrère. Je retire l’amendement !
M. le président. L’amendement n° 36 est retiré.
Article 11
I. – L’article 9 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
1° (Supprimé)
2° Le 1° est complété par les mots : « ainsi que les personnes morales de droit privé collaborant au service public de la justice et appartenant à des catégories dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, dans la mesure strictement nécessaire à l’exercice des missions qui leur sont confiées par la loi » ;
3° Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Les personnes physiques ou morales, aux fins de leur permettre de préparer et, le cas échéant, d’exercer et de suivre une action en justice en tant que victime, mise en cause, ou pour le compte de ceux-ci et de faire exécuter la décision rendue, pour une durée strictement proportionnée à cette finalité. La communication à un tiers n’est alors possible que sous les mêmes conditions et dans la mesure strictement nécessaire à la poursuite de ces mêmes finalités. Un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les modalités d’application du présent 3°. Il précise, selon la catégorie des données, les durées maximales de conservation des informations enregistrées, les catégories de personnes autorisées à être destinataires de tels traitements et les conditions de cette transmission ; »
4° Il est ajouté un 5° ainsi rédigé :
« 5° Les réutilisateurs des informations publiques figurant dans les jugements mentionnés à l’article L. 10 du code de justice administrative et les décisions mentionnées à l’article L. 111-13 du code de l’organisation judiciaire, sous réserve que les traitements mis en œuvre n’aient ni pour objet ni pour effet de permettre la réidentification des personnes concernées. » ;
5° (nouveau) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Les traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions, aux condamnations et aux mesures de sûreté, à l’exclusion de ceux qui sont mentionnés aux articles 26 et 27, ne sont mis en œuvre qu’après autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, sauf ceux qui sont mis en œuvre par des auxiliaires de justice pour les besoins de leurs missions de défense des personnes concernées.
« Les traitements qui répondent à une même finalité, portent sur des catégories de données identiques et ont les mêmes destinataires ou catégories de destinataires peuvent être autorisés par une décision unique de la commission. Dans ce cas, le responsable de chaque traitement adresse à la commission un engagement de conformité de celui-ci à la description figurant dans l’autorisation.
« La Commission nationale de l’informatique et des libertés se prononce dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande. Toutefois, ce délai peut être renouvelé une fois sur décision motivée de son président. Lorsque la commission ne s’est pas prononcée dans ces délais, la demande d’autorisation est réputée rejetée. »
II (nouveau). – Le deuxième alinéa de l’article L. 111-13 du code de l’organisation judiciaire est ainsi rédigé :
« Les modalités de cette mise à disposition préviennent tout risque de réidentification des magistrats, des avocats, des parties et de toutes les personnes citées dans les décisions, ainsi que tout risque, direct ou indirect, d’atteinte à la liberté d’appréciation des magistrats et à l’impartialité des juridictions. »
III (nouveau). – Le troisième alinéa de l’article L. 10 du code de justice administrative est ainsi rédigé :
« Les modalités de cette mise à disposition préviennent tout risque de réidentification des juges, des avocats, des parties et de toutes les personnes citées dans les décisions, ainsi que tout risque, direct ou indirect, d’atteinte à la liberté d’appréciation des juges et à l’impartialité des juridictions. »
M. le président. L’amendement n° 67, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 9 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « infractions, condamnations et mesures de sûreté ne peuvent être mis en œuvre que » sont remplacés par les mots : « condamnations pénales, aux infractions ou aux mesures de sûreté connexes ne peuvent être effectués que sous le contrôle de l’autorité publique ou » ;
2° Le 1° est complété par les mots : « ainsi que les personnes morales de droit privé collaborant au service public de la justice et appartenant à des catégories dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, dans la mesure strictement nécessaire à leur mission » ;
3° Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Les personnes physiques ou morales, aux fins de leur permettre de préparer et, le cas échéant, d’exercer et de suivre une action en justice en tant que victime, mise en cause, ou pour le compte de ceux-ci et de faire exécuter la décision rendue, pour une durée proportionnée à cette finalité ; la communication à un tiers n’est alors possible que sous les mêmes conditions et dans la mesure strictement nécessaire à la poursuite de ces mêmes finalités ; »
4° Il est ajouté un 5° ainsi rédigé :
« 5° Les réutilisateurs des informations publiques figurant dans les jugements mentionnés à l’article L. 10 du code de justice administrative et les décisions mentionnées à l’article L. 111-13 du code de l’organisation judiciaire, sous réserve que les traitements mis en œuvre n’aient ni pour objet ni pour effet de permettre la réidentification des personnes concernées. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Ce n’est pas la première fois que nous abordons la question de l’open data juridique dans cet hémicycle.
Nous en sommes convaincus, l’accès des citoyens à la jurisprudence permet d’accroître la transparence de l’autorité judiciaire, de préserver la confiance des citoyens dans la justice et d’assurer aux justiciables une sécurité juridique. Malheureusement, aujourd’hui encore, le conservatisme s’oppose au mouvement de consécration de la transparence de notre système judiciaire, notre commission ayant adopté un amendement visant à anonymiser les noms des magistrats et des avocats.
Pourtant, le Conseil national des barreaux s’est opposé à l’unanimité à l’anonymisation des avocats dans les jugements dans une résolution du 3 février 2017. Dans le même sens, M. Louvel, premier président de la Cour de cassation, et les premiers présidents des cours d’appel se sont prononcés contre cette mesure. La CNIL s’est également prononcée contre la mesure dès 2001, et son avis est suivi dans toute l’Union européenne.
Plus récemment, le rapport du professeur Loïc Cadiet, rendu en mai 2017, a considéré dans son point n° 71 que « l’occultation du nom du magistrat reviendrait à cacher un des principaux acteurs du fonctionnement de l’institution judiciaire et ne garantirait plus la fiabilité et l’intégrité des données ouvertes – open data –, ce qui constitue alors un obstacle aux objectifs poursuivis par la loi ».
L’anonymisation va contre le sens de l’histoire, mes chers collègues. Nous souhaitons donc revenir à la rédaction initiale du texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. L’avis est défavorable, car cet amendement vise à revenir intégralement au texte du projet de loi initial en supprimant tous les apports de la commission.
L’objet de l’amendement ne mentionne que les dispositions votées concernant l’open data des décisions de justice. C’est oublier que l’article 11 ne concerne pas seulement ce sujet, mais également le régime général de licéité des traitements de données pénales et, plus particulièrement, la liste des personnes, y compris morales de droit privé, autorisées à mettre en œuvre des fichiers concernant les infractions ou les condamnations pénales. Cet article adopté par la commission vise par exemple à permettre de maintenir le régime d’autorisation préalable des fichiers en matière pénale. Il convient donc de conserver les apports de la commission des lois.
Concernant la suppression du dispositif voté par la commission concernant l’open data des décisions de justice – j’y reviendrai lors de l’examen des amendements suivants, qui, eux, visent spécifiquement à supprimer les dispositions concernant l’open data des décisions –, je me permets de souligner que, contrairement à ce que l’objet de l’amendement laisse suggérer, le rapport Cadiet n’a pas pris position en faveur du maintien du nom des magistrats ; il a examiné les arguments pour et les arguments contre. Selon ce rapport, « la mention des noms des magistrats dans les décisions diffusées en open data mettrait à mal les principes » d’indépendance et de procès équitable.
Le rapport concluait : « En définitive, il semble que les seules personnes qui, en dehors des parties et des juridictions, pourraient avoir un intérêt réel à connaître les noms des juges, seraient celles qui souhaiteraient porter à leur encontre des critiques personnelles, souvent malveillantes et injustifiées, voire discriminatoires, ou même s’en prendre à leur sécurité physique.
« En effet, outre qu’elle ne présente aucune plus-value, la diffusion des noms des magistrats exposerait la justice et les juges à plusieurs risques principaux. » Il y a en effet un risque de forum shopping, c’est-à-dire de stratégies délibérées des justiciables pour obtenir un juge en particulier, mais également un risque que les magistrats soient pris pour cibles, qu’il existe des tentatives de déstabilisation contre eux, voire d’atteinte à leur sécurité.
« En somme, loin d’aboutir à favoriser la confiance du justiciable dans la justice, l’indication des noms des magistrats conduirait à l’affaiblir, sans concourir aux objectifs poursuivis par l’open data. »
Nous ne parlons ici que des magistrats, mais les policiers et les greffiers qui interviennent au cours de la procédure et sont mentionnés dans le jugement doivent également, a fortiori avec un fichier en open data facilement réutilisable, faire l’objet d’un procédé visant à prévenir tout risque de réidentification des personnes concernées. De plus, le texte de la commission ne nuit absolument pas à la publicité des débats et des décisions de justice, qui perdure bien entendu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’amendement que vous avez présenté, madame la sénatrice, converge avec l’objectif de l’amendement que je proposerai dans un instant. Je préférerais cependant que le Sénat adopte celui du Gouvernement. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. L’amendement n° 87, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 3
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :
1° Au premier alinéa, les mots : « infractions, condamnations et mesures de sûreté ne peuvent être mis en œuvre que » sont remplacés par les mots : « condamnations pénales, aux infractions ou aux mesures de sûreté connexes ne peuvent être effectués que sous le contrôle de l’autorité publique ou » ;
III. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
l’exercice des missions qui leur sont confiées par la loi
par les mots :
leur mission
IV – Alinéa 6, troisième et dernière phrases
Supprimer ces phrases.
V. – Alinéas 9 à 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Par cet amendement, le Gouvernement souhaite rétablir, pour l’essentiel, l’article 11 tel qu’il est issu des débats à l’Assemblée nationale. La rédaction retenue par la commission des lois ne nous semble en effet pas satisfaisante, car elle retient une définition des données d’infraction différente de celle de l’article 10 du RGPD, qui est impérative.
En outre, il est nécessaire de revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale s’agissant des personnes morales de droit privé collaborant au service public de la justice. En effet, la commission des lois a ajouté une condition leur permettant de traiter des données d’infraction, à savoir que leurs missions doivent avoir été confiées par la loi. Si je comprends la démarche de la commission, qui souhaite renforcer la protection de ce type de données, pour autant, la rédaction retenue est trop restrictive. Elle exclurait ainsi les associations d’aide aux victimes, qui bénéficient d’un agrément du ministère de la justice sans que des dispositions législatives consacrent leur mission.
Par ailleurs, le présent amendement supprime le renvoi à un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL pour définir les modalités selon lesquelles les personnes physiques ou morales peuvent traiter des données d’infraction pour leur permettre de préparer et, le cas échéant, d’exercer et de suivre une action en justice.
Dans sa décision du 29 juillet 2004, le Conseil constitutionnel a précisé que les garanties appropriées et spécifiques doivent être fixées dans la loi. Les garanties qui figurent dans le présent projet de loi en termes de durée de conservation et de proportionnalité de la finalité suffisent à répondre aux conditions fixées par le Conseil constitutionnel, sans qu’il soit besoin de définir des durées maximales de conservation des informations enregistrées, les catégories de personnes autorisées à être destinataires de tels traitements ou encore les conditions de cette transmission. Le Conseil d’État a d’ailleurs estimé que les précisions apportées par le projet de loi n’appelaient pas de réserve.
Enfin, le présent amendement supprime le régime d’autorisation préalable par la CNIL avec une possibilité de décision unique, qui avait été réintroduit par la commission des lois. Un tel régime va en effet à l’encontre de l’objectif de non-surtransposition souhaité par le Gouvernement et de la philosophie du règlement européen, qui vise à alléger les formalités préalables. Cet allégement va de pair, en contrepartie, avec un accroissement du pouvoir de sanction de la CNIL. L’équilibre auquel était parvenue l’Assemblée nationale sur cette disposition doit être maintenu.
Nous souscrivons en revanche à l’ajout du mot « strictement » au 3° de l’article 9 tel qu’il a été proposé par la commission des lois.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. L’avis est très défavorable.
Cet amendement vise d’abord à étendre considérablement, sans aucune forme de garantie, la liste des personnes pouvant mettre en œuvre des traitements d’infractions pénales, de condamnations ou de mesures de sûreté dès lors qu’ils s’effectuent « sous le contrôle de l’autorité publique », sans autre précision. Cela s’entend hors des fichiers directement mis en œuvre par les autorités publiques qui, eux, restent mentionnés au 1° de l’article 9 de la loi de 1978.
Avec la suppression de l’ensemble du régime d’autorisation préalable des fichiers prévu actuellement par l’article 25 de la loi du 6 janvier 1978, le projet de loi tend désormais à encadrer les fichiers mis en œuvre par l’État plus strictement que les fichiers mis en œuvre par des personnes physiques ou morales. C’est paradoxal ! A fortiori en matière pénale, les risques pour les personnes, notamment d’atteinte à la vie privée et de négation du droit à l’oubli, peuvent provenir de l’utilisation à des fins privées de telles données.
Cet amendement vise ensuite à supprimer le régime d’autorisation préalable par la CNIL des fichiers mis en œuvre en matière pénale. Il s’agit, non d’une transposition, mais du droit en vigueur. Je rappelle que, selon le considérant 19 du règlement, « les États membres devraient pouvoir maintenir ou introduire des dispositions plus spécifiques » quand il s’agit de maintenir un niveau élevé d’exigences en matière de protection des données personnelles. Le règlement n’impose aucunement de baisser notre niveau d’exigence. Ce n’est pas de la surtransposition quand il s’agit de maintenir nos règles actuelles !
S’agissant de la directive, le considérant 15 prévoit ainsi : « Le rapprochement des législations des États membres ne devrait pas conduire à un affaiblissement de la protection des données à caractère personnel qu’elles offrent mais devrait, au contraire, avoir pour objectif de garantir un niveau élevé de protection dans l’Union. Il convient que les États membres ne soient pas empêchés de prévoir des garanties plus étendues que celles établies dans la présente directive pour la protection des droits et des libertés des personnes concernées à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes. »
Cet amendement vise enfin à supprimer toutes les garanties introduites par la commission s’agissant des fichiers en matière pénale mis en œuvre par toute personne physique ou morale. Ces garanties n’empêcheraient pas les associations de victimes de tenir de tels fichiers, puisque leurs missions légales sont fixées par la loi, notamment par l’article 10-2 du code de procédure pénale.
Les garanties prévues par la commission constituent, selon moi, le strict minimum pour répondre aux exigences constitutionnelles et, notamment, à sa décision n° 2004-499 DC du 29 juillet 2004. Il est indispensable que le décret prévoie la durée maximale de conservation des informations enregistrées et que soient précisées les catégories de personnes, par exemple les associations de victimes, autorisées à être destinataires de tels traitements. Je rappelle que, en 2004, le Conseil constitutionnel avait censuré une disposition similaire en raison de l’absence de précision sur les limites susceptibles d’être assignées à la conservation des mentions relatives aux condamnations.
L’élargissement de la possibilité de mettre en œuvre de tels traitements par les personnes morales, et à l’époque avec des formalités préalables, avait été censuré par le Conseil, qui avait considéré que, en raison de l’ampleur que pouvait revêtir les traitements de données personnelles ainsi mises en œuvre et de la nature des informations traitées, une telle disposition pourrait affecter, par ses conséquences, le droit au respect de la vie privée et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques.
La rédaction de cette disposition est imprécise, car elle reste muette sur les conditions dans lesquelles les données traitées pourraient être partagées ou cédées, ou encore si pourraient y figurer des personnes sur lesquelles pèse la simple crainte qu’elles soient capables de commettre une infraction. Rien n’est dit sur les limites susceptibles d’être assignées à la conservation des mentions relatives aux condamnations. (M. Simon Sutour applaudit.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 55 est présenté par MM. de Belenet, Patriat et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 88 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 13 à 16
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour présenter l’amendement n° 55.
M. Arnaud de Belenet. Voilà un bon amendement !
Les alinéas 13 à 16 de l’article 11 prévoient d’anonymiser les noms des magistrats et des avocats dans les décisions de justice. Pourquoi supprimer ces quatre alinéas ?
Tout d’abord, maintenir une telle mesure nous placerait en matière de transparence au même niveau que la Russie et la Roumanie.
Ensuite, sur un plan technique, le Conseil national des barreaux s’est opposé à l’unanimité à l’anonymisation des avocats dans une résolution du 3 février 2017. La CNIL s’est également prononcée contre la mesure en 2001. Or son avis est suivi dans toute l’Union européenne. Aller contre cet avis serait problématique à l’heure où nous débattons d’un texte d’harmonisation.
Par ailleurs, l’article L. 10 du code de justice administrative dispose que « les jugements sont publics. Ils mentionnent le nom des juges qui les ont rendus. » C’est l’un des éléments du droit à un procès équitable.
Enfin, sur le plan pratique, ne pas supprimer ces quatre alinéas poserait un vrai problème : plus d’un million de décisions sont déjà en ligne, accessibles sur Légifrance en open data.
M. Loïc Hervé. Bien sûr !
M. Arnaud de Belenet. Imaginez les difficultés que leur suppression engendrerait, car nous sommes aujourd’hui incapables de reprendre tous ces éléments.
Je crois que cet amendement est de bon sens, pragmatique et juridiquement argumenté. J’espère qu’il ralliera un grand nombre de suffrages.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 88.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement tend à supprimer les alinéas 13 à 16 du présent article, afin de rétablir la rédaction résultant des débats de l’Assemblée nationale.
Le Gouvernement est défavorable à la rédaction du II et du III de l’article 11, tels qu’ils résultent des travaux menés par le Sénat en commission, car cette réécriture a pour effet d’empêcher l’open data des décisions de justice. À cet égard, l’amendement du Gouvernement rejoint les amendements déposés par M. de Belenet, M. Patriat et Mme Benbassa.
J’en suis certaine, tel n’est pas l’objectif de ces dispositions, qui s’inspirent d’ailleurs de la proposition de loi déposée en juillet 2017 par M. Bas.
La rédaction proposée par la commission des lois impose que la diffusion des décisions de justice prévienne tout risque de réidentification. Il s’agit là d’un objectif impossible à atteindre, sauf à effacer des parties entières des décisions de justice avant leur diffusion au public. Ces décisions seraient alors complètement illisibles et donc totalement inexploitables. Mon analyse est d’ailleurs confirmée par le rapport que M. Loïc Cadiet m’a remis le 9 janvier dernier, et auquel il a été fait allusion, à la suite d’une mission consacrée à l’open data des décisions de justice.
Dans son rapport, M. Cadiet rappelle que la prévention absolue de la réidentification est impossible en pratique, car les décisions de justice sont des documents très construits, qui contiennent de nombreuses données réidentifiantes.
Si une prévention absolue du risque de réidentification est imposée par la loi, l’open data des décisions de justice ne pourra tout simplement pas être assurée.
Au demeurant, le rapport de M. Cadiet apporte cette précision : la mission déduit de ces éléments que la prévention de la réidentification constitue une obligation de moyen, et non de résultat. Cette analyse est approuvée par la CNIL et par les cours suprêmes, qui ont concouru à cette mission.
Il faut donc aller, me semble-t-il, vers une protection adaptée de la vie privée des personnes concernées par les décisions de justice. Les mentions d’identification contenues dans les décisions doivent être supprimées et la réidentification doit être, bien entendu, difficile à effectuer.
La rédaction actuelle des articles L. 111-13 du code de l’organisation judiciaire et L. 10 du code de justice administrative, telle qu’elle résulte de la loi pour une République numérique, me semble adaptée à cette recherche d’équilibre.
Enfin, la loi pour une République numérique a renvoyé à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les modalités selon lesquelles sera assurée la protection des identités des professionnels de la justice. Ce décret est en cours d’élaboration. En effet, la réflexion n’est pas encore aboutie sur ces questions délicates.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. L’avis est défavorable.
Si la commission a modifié le régime de l’open data des décisions de justice, c’est tout simplement parce que les magistrats ont très largement demandé des règles protectrices en matière d’anonymisation des décisions, pour que l’on ne puisse pas dresser et diffuser des profils de juges. Nous avons tout de même le devoir de protéger les professionnels de la justice : c’est un minimum, me semble-t-il.
Le rapport Cadiet est très clair quant au risque que l’on prend en publiant le nom des magistrats en open data. En somme, loin d’aboutir à favoriser la confiance du justiciable dans la justice, l’indication des noms des magistrats conduirait à l’affaiblir, sans contribuer aux objectifs visés à travers l’open data.
L’USM, qui représente plus de 70 % des magistrats, l’a très clairement réaffirmé : la non-anonymisation des décisions de justice et la prévention du risque de non-réidentification des magistrats devaient être des garanties inscrites dans la loi. Dès lors, une telle disposition ne peut passer simplement par un décret.
Pourquoi effacer également le nom des avocats ? Lors des travaux de la mission d’information sur le redressement de la justice, certains se sont émus des risques de scoring individuel des avocats, en fonction de leur taux de réussite dans les dossiers qu’ils plaident, sans considération, évidemment, ni pour la nature de l’affaire ni pour sa difficulté.
J’y insiste, ces dispositions ne remettent pas du tout en cause le principe de publicité des jugements, mais définissent les modalités de leur mise à disposition massive en open data, compte tenu des utilisations qui pourraient en être faites grâce aux nouvelles technologies.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je voterai contre ces amendements.
Je comprends l’exigence de transparence, qui est leur motivation première. Toutefois, la transparence telle qu’elle existait dans les années quatre-vingt-dix ne peut pas être celle d’aujourd’hui, dès lors que l’open data engendre des capacités d’exploitation par des algorithmes qui changent complètement la donne ; c’est ce que vient de rappeler Mme la rapporteur.
La justice est une activité profondément humaine, et c’est parce qu’elle est humaine qu’elle est la justice. En la matière, les humains ne sauraient être remplacés, peu à peu, par des outils qui conduiraient à faire de la justice le simple produit d’algorithmes.
Si, à force d’open data, on peut noter les avocats, évaluer les magistrats, établir les différences de jugements, on changera fondamentalement la donne. À mon sens, on ne peut engager un tel changement comme cela, au détour d’un amendement. Il faut bien avoir à l’esprit que, compte tenu des outils d’exploitation disponibles aujourd’hui, on ne peut plus exiger la transparence dans les mêmes termes qu’hier, en disant : « La justice est rendue au nom du peuple français, donc tout doit être transparent. »
Aujourd’hui, on ne peut plus agir de la même manière, dès lors que divers outils d’exploitation peuvent réellement changer la donne, ouvrir la voie à une justice prédictive, conduire à attribuer des notes à chacun des acteurs. De telles perspectives sont profondément dérangeantes, et, j’y insiste, nous ne pouvons pas les permettre si facilement. C’est la raison pour laquelle je soutiens la position de la commission.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. J’ai hésité, mais, après avoir pesé le pour et le compte, je voterai ces deux amendements identiques, pour deux raisons.
Premièrement, avec un certain nombre de mes collègues du groupe Union Centriste, nous avons déposé un amendement identique dans le cadre de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice. Ce texte, présenté par M. Bas, traite exactement des questions dont nous débattons ce soir.
Deuxièmement, sur le fond, je ne vois pas pourquoi, lorsque sont communiquées des informations qui, par nature, sont publiques, les magistrats auraient vocation à être protégés davantage que d’autres.
D’ailleurs, les décisions de justice ne sont pas les seuls documents à faire grief ou à causer du tort. Ce ne sont pas les seuls textes où figure l’identité des personnes !
Mes chers collègues, ce soir, alors que vous êtes en train de délibérer dans cet hémicycle, votre nom, votre prénom, ce que vous allez dire, ce que je suis en train de dire, tout cela va être retranscrit par des fonctionnaires du Sénat et mis en ligne dans les quatre heures.
M. Jean-Yves Leconte. Bien entendu !
M. Loïc Hervé. Puis, ces données seront réutilisées via des algorithmes, via des outils de notation qui n’appartiennent pas au Sénat, et le résultat obtenu sera mis à la disposition de tous.
M. Jean-Yves Leconte. C’est différent !
M. Loïc Hervé. Dans un conseil municipal, lorsqu’on statue sur une affaire qui concerne un citoyen en particulier, le nom de l’intéressé figure dans la délibération, de même que le nom des conseillers et leur vote. Le tout est rendu public, de par la loi.
Je ne vois donc pas pourquoi, au nom de telle ou telle protection, on retirerait l’identité des magistrats et des avocats des décisions, des positions qu’ils prennent et qu’ils doivent assumer en tant que telles, et pour cause : c’est la loi qui le veut ainsi.
De toute manière, les décisions de justice peuvent être consultées dans les livres des juridictions, où figurent les noms des intéressés. La question, c’est l’open data et la mise en ligne : c’est de cela que nous parlons ! Mais, de fait, au sein de la grosse, le jugement est consultable en tant que tel. Je le répète, y figurent les noms des magistrats, des avocats et, bien souvent, des parties.
Voilà pourquoi, par cohérence avec l’amendement que j’avais déposé dans le cadre de la proposition de loi de M. Bas, je voterai ces deux amendements. J’estime qu’il s’agit d’un enjeu important pour la transparence.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Mes chers collègues, ce débat mérite assurément d’avoir lieu, et je tiens à rappeler un certain nombre d’éléments à ce titre, même s’ils ont déjà été énoncés.
Les décisions de justice dans notre pays sont évidemment transparentes. Chacun peut y avoir accès. Elles comportent les noms des magistrats, des avocats et des parties. Il ne s’agit pas ici de décider si l’on doit les rendre publiques ou pas : elles sont publiques, et elles le resteront. Il s’agit ici de décider quelle extension nous devons donner à la mise à disposition, en masse, des décisions de justice.
L’open data des décisions de justice a été décidée. Nous nous sommes prononcés sur cette question. Le premier président de la Cour de cassation anime un travail très important pour permettre la mise en œuvre de cet open data, et il faut lui en rendre hommage.
Cela étant, il faut aussi avoir à l’esprit les implications d’une exploitation à grande échelle, par des algorithmes, d’un certain nombre de données qui permettraient de déterminer à l’avance où l’on a le plus de chance d’obtenir satisfaction, et, dès lors, le cas échéant, s’il faut introduire son instance dans tel tribunal ou dans tel autre. En pareil cas, c’est le service public de la justice qui serait mis en cause.
À mes yeux, toutes ces questions méritent un tant soit peu de prudence. C’est la raison pour laquelle je tiens à exprimer des réticences face à ces deux amendements, auxquels je suis défavorable.
À ce stade, les dispositions dont il s’agit me semblent tout à fait imprudentes. Selon moi, elles induisent un choc latéral sur un travail déjà engagé. Ce dernier assurera l’exploitation des données de la justice, dans l’intérêt des justiciables, dans l’intérêt aussi des auxiliaires de justice, sans pour autant permettre, à grande échelle, la mise en cause des magistrats, voire des avocats de notre pays.
C’est pourquoi, je le répète, je vous invite à une certaine prudence.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, nous voyons bien en ce moment les dégâts que produit l’affaire dite « Facebook ». Le fait que des données puissent être exploitées massivement, à des fins diverses et variées, mais sans doute très répréhensibles, est une réalité qui doit nous inciter à la réflexion.
Pour ma part, j’approuve ce qu’a dit Jean-Yves Leconte, ce qu’a dit le président de la commission des lois, Philippe Bas, et ce qu’a dit Mme la rapporteur. Nous sommes, bien entendu, attachés au principe en vertu duquel les décisions de justice sont publiques. D’ailleurs, la justice est rendue publiquement, de même que nous délibérons publiquement. Nous n’avons pas à nous cacher. Seulement, Mme la rapporteur l’a rappelé, les représentants des magistrats ont exprimé leur position : il existe un certain nombre de risques inhérents à la profession. Bien sûr, il en est de même dans beaucoup d’autres domaines. On n’en a pas moins connu, à l’encontre de personnes exerçant le métier de magistrat, des mises en cause et même des violences de toutes sortes : cela existe. On ne peut sans doute pas empêcher totalement ces atteintes, hélas ! Mais, en l’occurrence, nous sommes face à un autre sujet.
Comme l’a dit Jean-Yves Leconte, les temps ont changé. L’enjeu, c’est l’utilisation massive de données, sur la base d’algorithmes destinés à créer des situations prédictives à l’égard de magistrats et, ce faisant, à biaiser complètement un certain nombre de procédures. Nous sommes dans un monde où la donne a changé. Aussi, je salue la prudence dont fait preuve la commission.
Je ne suis pas sûr que nous ayons totalement raison : le débat est ouvert. Mais, à mes yeux, c’est la prudence qui doit nous inspirer, à l’heure où nous sommes appelés à nous prononcer.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je me permets de reprendre la parole un instant, car il faut bien comprendre de quoi nous parlons. Nous parlons de l’open data des décisions de justice, qui – pardonnez-moi d’insister – est absolument irréversible !
Ce point étant acquis, ce que nous disons, c’est que, bien entendu, les décisions de justice doivent être complètement anonymisées. Cela ne fait aucun doute. Ce que nous proposons, c’est de rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, en vertu de laquelle les traitements mis en œuvre ne doivent avoir ni pour objet ni pour effet de permettre la réidentification des personnes concernées.
Pour autant, n’écrivons pas noir sur blanc que cette réidentification sera rendue impossible à jamais. À un moment donné, si certains magistrats veulent utiliser de manière pertinente ces décisions de justice, ou si d’autres usages peuvent être envisagés, il faudra bien que l’on puisse savoir ce dont on parle.
Voilà pourquoi je tiens à effectuer cette mise au point : toutes les données ne seront pas croisées, avec des noms dans tous les sens, bien sûr que non ! La protection des données personnelles sera assurée.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 55 et 88.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 11.
(L’article 11 est adopté.)
Article additionnel après l’article 11
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié ter, présenté par Mme L. Darcos, MM. Dallier, Milon, Hugonet et Babary, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Lefèvre et D. Laurent, Mme Deromedi, M. Schmitz, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Brisson et Grosperrin, Mmes Dumas et Gruny, MM. H. Leroy et Chaize, Mmes Thomas, Garriaud-Maylam, Lopez et Lamure, MM. Bonhomme, Charon et Daubresse, Mme Imbert, M. Leleux, Mme Deroche, M. Husson et Mme Lanfranchi Dorgal, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le deuxième alinéa de l’article L. 10 du code de justice administrative, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les personnes morales de droit privé dont l’activité principale consiste en l’étude et l’analyse, y compris statistique, du droit disposent de ces jugements sans anonymisation préalable des parties concernées, sous réserve que les traitements mis en œuvre n’aient ni pour objet ni pour effet de permettre la réidentification des personnes concernées. »
II. - Après le premier alinéa de l’article L. 111-13 du code de l’organisation judiciaire, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les personnes morales de droit privé dont l’activité principale consiste en l’étude et l’analyse, y compris statistique, du droit disposent de ces décisions sans anonymisation préalable des parties concernées, sous réserve que les traitements mis en œuvre n’aient ni pour objet ni pour effet de permettre la réidentification des personnes concernées. »
La parole est à M. Alain Schmitz.
M. Alain Schmitz. Cet amendement vise à autoriser les éditeurs juridiques à disposer des jugements et décisions judiciaires non anonymisés, condition nécessaire pour leur permettre d’exercer utilement leur activité d’étude et d’analyse du droit.
Ces acteurs ne sauraient être assimilés aux réutilisateurs entendus dans leur acception la plus large. Ils doivent pouvoir disposer d’un accès distinct aux informations publiques figurant dans les jugements mentionnés à l’article L. 10 du code de justice administrative et dans les décisions mentionnées à l’article L. 111-13 du code de l’organisation judiciaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. La commission sollicite le retrait de l’amendement.
Cette disposition ne paraît pas véritablement fondée. Les professionnels dont il s’agit bénéficient déjà d’un cadre juridique de diffusion des décisions, et rien n’a été modifié à cet égard.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Schmitz, l’amendement n° 9 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Alain Schmitz. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié ter est retiré.
Article 12
L’article 36 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « historiques, statistiques ou scientifiques » sont remplacés par les mots : « archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques » ;
2° Les deuxième et cinquième alinéas sont supprimés ;
3° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les traitements de données à caractère personnel sont mis en œuvre par les services publics d’archives à des fins archivistiques dans l’intérêt public conformément à l’article L. 211-2 du code du patrimoine, les droits prévus aux articles 15 et 18 à 21 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité ne s’appliquent pas dans la mesure où ces droits rendent impossible ou entravent sérieusement la réalisation de ces finalités. Un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, détermine les conditions d’application du présent alinéa, ainsi que les garanties appropriées pour les droits et libertés des personnes concernées et les limitations à apporter à la diffusion des données traitées.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, détermine dans quelles conditions et sous réserve de quelles garanties il peut être dérogé en tout ou partie aux droits prévus aux articles 15, 18 et 21 du même règlement, en ce qui concerne les autres traitements mentionnés au premier alinéa du présent article. »
M. le président. L’amendement n° 89, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Les deuxième à dernier alinéas sont supprimés ;
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement vise à rétablir la version initiale du troisième alinéa de l’article 12. En effet, telle qu’elle résulte des travaux de la commission, la nouvelle rédaction ne nous semble pas conforme au RGPD. Cette rédaction impose certaines conditions spécifiques aux traitements autres que ceux qui sont menés à des fins archivistiques, historiques, scientifiques et statistiques. Or ces traitements sont déjà soumis au régime de droit commun prévu par le RGPD.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 56 amendements au cours de la journée ; il en reste 87.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 21 mars 2018, à quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :
Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 22 et 23 mars 2018.
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la protection des données personnelles (n° 296, 2017-2018) ;
Rapport de Mme Sophie Joissains fait au nom de la commission des lois (n° 350, 2017-2018) ;
Rapport d’information de M. Simon Sutour fait au nom de la commission des affaires européennes (n° 344, 2017-2018).
Texte de la commission (n° 351, 2017-2018).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 21 mars 2018, à zéro heure cinquante.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD