M. le président. Je remercie à mon tour les deux rapporteurs, Pascale Gruny et Jean-Claude Luche, ainsi que le président de la commission spéciale, Jean-François Husson, d’avoir appliqué cette procédure de législation en commission, ou LEC, qui n’est désormais plus expérimentale.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi, dans le texte de la commission, modifié.
Ce scrutin de droit, en application de l’article 59 du règlement, sera ouvert dans quelques instants. Il aura lieu en salle des conférences.
Je remercie nos collègues Éric Bocquet, Annie Guillemot et Michel Raison, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.
Je rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur.
Je déclare le scrutin ouvert pour une demi-heure et vais suspendre la séance jusqu’à seize heures vingt-cinq, heure à laquelle je proclamerai le résultat.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 72 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 226 |
Pour l’adoption | 207 |
Contre | 19 |
Le Sénat a adopté le projet de loi renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je remercie l’ensemble des sénatrices et sénateurs qui ont participé à l’élaboration de ce texte, avec une mention particulière pour M. le président de la commission spéciale et pour Mme et M. les rapporteurs. Je les remercie de la qualité de nos échanges, mais également de leur franchise. Je crois que nous partagions la volonté d’avancer sur un certain nombre de dispositions.
Je forme le vœu que les débats lors de la réunion de la commission mixte paritaire nous permettent de trouver les voies d’un consensus et de l’adoption du texte le plus ambitieux possible.
Il reste du travail pour y arriver. Certaines dispositions auxquelles le Gouvernement est particulièrement attaché, soit qu’il les ait introduites dans le projet de loi présenté au Parlement, soit qu’il en ait soutenu l’adoption à l’Assemblée nationale ou dans cette enceinte, ont pu être revues, parfois même supprimées ; d’autres ont été intégrées dans le texte avec des divergences d’appréciation, mais c’est le jeu parlementaire qui veut cela et ce sont nos fonctions respectives qui nous amènent à ces positions.
En tout cas, je forme le vœu que les travaux de la commission mixte paritaire soient les plus fructueux possible, et que nous puissions bientôt nous retrouver. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons suspendre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot,
M. Michel Raison.
M. le président. La séance est reprise.
4
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
La séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
J’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat, le respect des uns et des autres, ainsi que le temps qui lui est attribué.
J’espère que chacun veillera, en cette Journée internationale de la francophonie, à choisir lors de cette séance les meilleurs mots de la langue française ! (Rires et applaudissements.)
laïcité et totalitarisme islamiste
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Françoise Laborde. Monsieur le Premier ministre, cette question du groupe du RDSE porte sur les offensives conduites par ceux qui tentent de diviser les Français en propageant une vision du monde communautariste, accusant de tous les maux les valeurs fondamentales de notre République : la liberté, l’égalité, la fraternité, sans oublier la laïcité.
Mon groupe tient à faire une mise au point après la publication, aujourd’hui, de l’appel de 100 personnalités contre la volonté séparatiste de certains mouvements islamistes.
La liberté d’expression subit des attaques incessantes et croissantes, en particulier sur les réseaux sociaux. Ces derniers jours, des associations laïques sont la cible d’activistes sur des médias comme Wikipédia, Twitter ou Facebook. La gouvernance de ces supports est dépassée par ces attaques d’un nouveau genre face auxquelles nous sommes démunis.
Ne nous y trompons pas, ce sont des tentatives pour déstabiliser notre modèle républicain et diviser nos concitoyens en jouant sur les difficultés qu’ils traversent au quotidien.
C’est pourquoi le groupe du RDSE veut rappeler combien il est attaché aux valeurs de notre République.
Oui, la liberté est la même pour chacun dans notre pays.
Oui, l’égalité entre tous, femmes ou hommes, est la loi.
Oui, la fraternité est un pilier de notre République, faite d’humanisme et d’universalisme.
Oui, la laïcité est le ciment de ces principes républicains, tout comme la loi de 1905, qui instaure la neutralité de l’État et sépare son organisation de celle des cultes.
Bien que les intégristes de tous bords tentent de discréditer la laïcité, nous rappelons qu’elle ne stigmatise aucune religion, aucun croyant, aucun non-croyant, et qu’elle garantit l’égalité de traitement de tous nos concitoyens. Face aux offensives qui se multiplient, nous devons rester vigilants et déterminés.
C’est pourquoi je vous demande, monsieur le Premier ministre, comment vous comptez repousser ces nouvelles formes d’activisme communautariste et préserver notre démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, avant de me poser votre question, vous avez formulé toute une série d’affirmations, presque une litanie (Exclamations amusées sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.), qui prennent plutôt la forme d’un credo (Sourires et applaudissements.), que je partage.
Je crois, comme vous, que la laïcité est désormais intimement imbriquée dans les valeurs de la République. Je pense que nous devons la défendre, l’expliquer.
Nous devons expliquer à ceux qui doutent encore de son sens ou souhaitent le remettre en cause, et à ceux qui font mine de l’ignorer qu’elle est un principe de liberté – la liberté de tout citoyen de croire ou de ne pas croire et d’exercer librement son culte – et de neutralité – la neutralité absolue de toute personne dépositaire de l’autorité publique.
Vous l’avez dit, madame la sénatrice, nous sommes extrêmement attachés à la laïcité et nous devons la défendre.
Le Gouvernement a présenté, à l’occasion d’un comité interministériel qui se déroulait à Lille, un ensemble de mesures pour prévenir la radicalisation et lutter contre celle-ci.
Dans votre question, vous avez insisté sur les réseaux sociaux. Je veux y revenir de façon spécifique.
Il y a quelque chose de profondément choquant à accepter le dispositif juridique qui prévaut en France à l’heure où nous parlons. Hérité des années 2000, il fait une différence fondamentale entre les éditeurs et les hébergeurs.
Si quelqu’un ici – non, par nature pas quelqu’un ici ! –, si donc quelqu’un rédigeait sur le site d’un journal un commentaire qui viendrait enfreindre des lois proscrivant l’expression d’opinions antisémites ou racistes, le directeur de la publication verrait immédiatement sa responsabilité pénale engagée. Sur un réseau social, le même commentaire passera parce que la responsabilité de l’hébergeur n’est pas celle de l’éditeur.
Il est profondément choquant que les réseaux sociaux soient en mesure d’empêcher la diffusion en direct d’un match de football, comme Facebook sait très bien le faire quand il veut éviter de créer des problèmes avec les ligues de football.
En revanche, nous ne sommes pas suffisamment en mesure de garantir le retrait rapide de contenus racistes et antisémites. Nous voulons y travailler et changer les choses. Le Président de la République s’y est engagé. Nous voulons faire en sorte que ces écrits – ces délits – puissent être constatés, sanctionnés et retirés sans délai des réseaux sociaux.
Nous avons indiqué que nous étions prêts à étudier avec nos partenaires européens le moyen de créer, entre le statut d’éditeur et celui d’hébergeur, un troisième statut qui responsabiliserait davantage les réseaux sociaux, afin d’éviter cette impunité délétère, cette sensation d’anonymat qui laisse croire que tout peut être écrit sur ces réseaux. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
renforcement du contrôle et des sanctions des chômeurs
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pascal Savoldelli. Madame la ministre du travail, ce matin, j’ai eu le plaisir d’apprendre que le gouvernement auquel vous appartenez va encore prendre une mesure très courageuse et engagée vers le progrès social, une mesure qui va enfin mettre un terme à la précarité de l’emploi et à la situation terrible de celles et ceux qui en sont privés.
J’ai en effet appris ce matin que vous alliez renforcer les contrôles et les sanctions à l’égard des chômeurs. Quelle audace ! Il faut en avoir du courage politique pour s’attaquer ainsi aux catégories les plus fragiles de la population. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Les cas de fraude qui requièrent, selon vous, que l’on triple les effectifs chargés du contrôle concernent près de 5 % des prestations versées et 0,4 % des demandeurs d’emploi. Un véritable fléau, assurément ! Surtout en comparaison des 60 à 80 milliards d’euros de fraude fiscale, sans compter toutes les techniques d’optimisation que les grandes entreprises et autres fortunes de ce pays mettent en œuvre grâce à leurs avocats spécialisés.
Avec vous, madame la ministre, toute personne n’acceptant pas n’importe quel travail, même précaire, sous-payé, situé à une heure de chez elle, devra être radiée, alors que les employeurs ont, quant à eux, un droit à l’erreur, une fiscalité avantageuse et un pouvoir renforcé dans l’entreprise.
Pour appuyer votre mesure, le patronat nous dit que certains secteurs manquent de main-d’œuvre, mais sans jamais remettre en question les conditions de travail et les salaires proposés. Évidemment, pas de mépris de classe, pas de culpabilisation des « privés d’emploi »…, mais ce simple qualificatif est déjà en lui-même stigmatisant ! Or, rappelons-le, une personne qui perçoit des indemnités de chômage a cotisé pour avoir ce droit. Car c’est un droit, madame la ministre !
M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !
M. Pascal Savoldelli. Les grandes fortunes de France et les résultats du CAC 40 n’ont jamais été aussi opulents, mais on demande toujours aux mêmes de faire des efforts. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous avez déclaré ce matin, madame la ministre : « L’intelligence n’est pas interdite. » Aussi, je vous le dis, ce sont non pas les chômeurs qu’il faut battre, mais le chômage. C’est simple et basique ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le sénateur Savoldelli, comme nous y a invités M. le président du Sénat, je souhaite commencer mon intervention par une approche littéraire et philosophique, avant de répondre très directement à votre question.
« Nos devoirs - ce sont les droits que les autres ont sur nous ».
Mme Éliane Assassi. Cela dépend dans quel sens !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Ce n’est pas un Français qui a dit cela, mais Friedrich Nietzsche. Toute l’Europe enrichit la langue et la philosophie françaises…
Ce que vous dites est faux, monsieur le sénateur : ce qui stigmatise les chômeurs, ce n’est pas ce dont vous parlez.
Ce qui les stigmatise d’abord, c’est qu’ils ne parviennent pas suffisamment, faute d’accompagnement précoce, à trouver un emploi, même lorsque la croissance repart.
C’est pour cela que nous allons investir 15 milliards d’euros dans la formation des demandeurs d’emploi.
C’est pour cela que Pôle Emploi va mettre en place à titre expérimental un journal de bord qui permettra à ses conseillers de passer moins de temps à vérifier les actes positifs de recherche d’emploi, et davantage à conseiller les demandeurs d’emploi de façon personnalisée.
Ce qui stigmatise les demandeurs d’emploi, c’est l’actuelle règle bureaucratique de l’offre raisonnable d’emploi : on l’applique en effet de la même façon à toutes les personnes, quelle que soit leur situation, qu’il s’agisse d’une femme élevant seule ses trois enfants qui doit emmener l’un d’eux à la crèche le matin, ou d’un demandeur d’emploi dans une zone rurale dépourvue de transports en commun et qui n’a pas le permis de conduire. De toutes ces personnes, on exige les mêmes choses ; or cela ne marche pas.
Nous allons aussi, demain, lutter contre une autre stigmatisation, que vous connaissez très bien, car les entreprises et les demandeurs d’emploi en parlent. Elle est due à la toute petite minorité de demandeurs d’emploi qui non seulement ne font pas d’actes positifs de recherche d’emploi, mais également refusent les emplois qualifiés et bien payés. Ce sont eux qui nuisent à l’image des chômeurs, qui font qu’on les stigmatise, qui découragent les employeurs et les autres salariés ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Nous allons mener une politique équilibrée, avec davantage d’accompagnement et de contrôles, une politique plus juste et plus efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
manifestations - climat social
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Rachid Temal. Monsieur le Premier ministre, le 22 mars prochain, date ô combien symbolique pour un président de la République qui souhaitait célébrer Mai 68, sera une journée de mobilisation pour le service public, pour un service public de qualité. J’y participerai avec mes collègues, aux côtés des usagers, des personnels, notamment ceux des entreprises de transport, et des élus.
Cette mobilisation exprime des crispations et des inquiétudes ressenties par nos concitoyens. Les mesures annoncées par votre gouvernement y contribuent largement, qu’elles concernent le pouvoir d’achat, la baisse de l’aide personnalisée au logement, l’APL, la hausse de la CSG pour les retraités et les fonctionnaires, la baisse drastique des contrats aidés… sans oublier celles qui sont relatives à l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, et à la flat tax grâce auxquelles le pouvoir d’achat de certains foyers fiscaux augmentera de plus de 5 milliards d’euros par an.
Votre gouvernement est celui qui fait de la solidarité inversée, des classes populaires vers les plus aisées, sa marque de fabrique.
Je n’oublie pas non plus la question des services publics. Le symbole en est la SNCF, sur laquelle pèse la menace de la privatisation et de l’abandon des lignes dites secondaires. Citons encore l’hôpital public, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, ou encore les fermetures de classes, notamment en milieu rural, en dépit des réponses lénifiantes faites semaine après semaine par le ministre de l’éducation.
Monsieur le Premier ministre, alors que l’économie française crée de plus en plus de richesses, ce dont chacun peut se réjouir, les Français ne peuvent ni entendre ni comprendre votre refus de mieux les répartir. Quelles mesures comptez-vous prendre en faveur du pouvoir d’achat de nos concitoyens – je ne parle pas des propriétaires de yachts ! – et des services publics ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de votre question pleine de nuances (Sourires sur les travées du groupe La République En Marche.), et parfaitement légitime…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est ce que vivent les gens !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous évoquez une série de sujets d’inquiétude et de préoccupation, liés notamment au fonctionnement de grands services publics, comme l’hôpital. Toutes ces questions sont apparues, je l’imagine, de façon quasi spontanée depuis le mois de mai dernier…
Vous prenez ces sujets au sérieux, et je fais de même. Je sais ainsi que si l’hôpital va mal aujourd’hui, ce n’est pas parce que nous avons pris des décisions depuis mai dernier. C’est probablement plutôt parce que depuis trop longtemps – je vous le dis comme je le pense –, des décisions n’ont pas été prises ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Martial Bourquin. Qui était au pouvoir ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Et si la SNCF ne va pas bien aujourd’hui, ce n’est pas parce que nous avons pris des décisions contestables depuis mai dernier, mais probablement parce que des décisions importantes n’ont pas été prises lors des années précédentes. Je vous le dis et je l’assume, monsieur le sénateur ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
L’un des points contre lequel un certain nombre d’organisations syndicales appellent à manifester jeudi prochain est l’ouverture à la concurrence de la SNCF et les conditions dans lesquelles elle doit se faire. Je me permets de vous faire observer, tranquillement et en toute transparence, que cette ouverture à la concurrence a été décidée non pas en mai dernier, mais lors du précédent quinquennat. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) C’est un fait !
M. Pierre Laurent. Vous l’avez votée !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Oui, monsieur le sénateur, et j’assume parfaitement le fait que ce soit une bonne décision. Je suis simplement un peu surpris que des députés et des sénateurs qui ont porté cette réforme la critiquent aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.) Vous êtes cohérent, moi aussi ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Pour ce qui concerne les mesures relatives au pouvoir d’achat – un certain nombre ont été annoncées, et je l’ai encore rappelé ce matin –, quand on ne veut pas les voir, on ne les voit pas !
La revalorisation du minimum vieillesse sera effective à partir du 1er avril prochain. Celle de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, le sera dès cette année, ce qui représente une hausse très importante de cette allocation. La diminution à hauteur d’un tiers de la taxe d’habitation, ce qui est considérable, concernera 80 % des Français. Vous pouvez ne pas vouloir la regarder, mais elle existe !
Toutes ces mesures, y compris la baisse, puis la disparition des cotisations salariales, qui vont augmenter le pouvoir d’achat des actifs, sont donc destinées à améliorer le pouvoir d’achat. Elles sont justifiées par une philosophie simple, que nous assumons : le travail doit payer. C’est cette ligne que nous suivons aujourd’hui et que nous suivrons demain, avec cohérence.
Je vous invite tous à faire preuve de la même cohérence. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour la réplique.
M. Rachid Temal. Monsieur le Premier ministre, vous êtes en effet tout en nuances : je n’ai pas entendu votre réponse ni sur l’ISF ni sur la flat tax.
Vous avez mené une campagne sur le thème du budget insincère ; or vous voyez bien que les rentrées fiscales, désormais, sont là.
Les Français contestent votre politique relative aux retraités, à l’ISF. Vous pouvez leur expliquer que vous agissez en faveur du pouvoir d’achat ; manifestement, ils ne vous croient pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
responsabilité des acteurs privés dans la lutte contre la précarité énergétique
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Jean-Pierre Decool. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, représenté par M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Plus de 12 millions de Français, c’est-à-dire un Français sur cinq, souffrent de précarité énergétique. Jeunes et étudiants, retraités ou familles monoparentales, ils vivent dans de véritables passoires thermiques et consacrent 10 % de leurs revenus aux dépenses énergétiques.
Face à cette situation alarmante, les gouvernements successifs se sont mobilisés. Depuis le 1er janvier, un chèque énergie est proposé aux ménages dans le besoin pour les aider à payer leurs factures, remplaçant ainsi les tarifs sociaux de l’énergie. Le montant de ce chèque s’élève en moyenne à 150 euros par an. Or certains locataires payent jusqu’à 320 euros par mois pour maintenir la température de leur logement à 18 degrés.
Le plan quinquennal de rénovation thermique de 500 000 logements par an à compter de 2017 vise à améliorer la situation économique et sanitaire de ces foyers. Mais quand bien même ces engagements seraient tenus, ils s’appuient, pour le parc privé, sur des mécanismes volontaristes de crédits d’impôt, de prêts et de certificats d’économies d’énergie. Une question reste ouverte : les citoyens les plus vulnérables, les jeunes, les retraités, les familles monoparentales mobiliseront-ils volontairement ces aides ?
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur la responsabilité sociétale des acteurs privés du secteur de l’énergie dans la détection et l’accompagnement des foyers énergétiquement précaires.
En effet, les opérateurs privés de distribution d’énergie ont effectué plus de 300 000 interruptions ou résiliations de fourniture d’électricité ou de gaz en 2016. Ces mêmes opérateurs déploient des compteurs communicants dits intelligents sur l’ensemble du territoire et sont détenteurs d’une manne de données de consommation qu’ils pourraient valoriser dans le cadre de la lutte contre la précarité énergétique. Qu’en est-il de l’implication de ces entreprises assurant une mission de service public dans la prévention, la détection et l’accompagnement de ces foyers en difficulté ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Decool, chacun connaît sur ces travées l’importance du sujet qui vient d’être évoqué. Tous les gouvernements, depuis de longues années, se sont mobilisés, étape par étape, pour lutter contre ce fléau.
La précarité énergétique est en effet un fléau social : les plus fragiles doivent parfois mobiliser jusqu’à 30 % de leurs revenus pour pouvoir se chauffer et, du coup, renoncent à le faire. Aujourd’hui, près de 5 millions de foyers et 12 millions de Français souffrent de cette situation et ne sont plus en mesure de se chauffer correctement. On voit combien l’effort qu’il convient d’accomplir est important !
La précarité énergétique est aussi un sujet environnemental. Il est donc essentiel que nous puissions agir sur les deux niveaux. Nous savons que 19 % des émissions de gaz à effet de serre proviennent des bâtiments.
C’est parce qu’il s’agit de deux enjeux fondamentaux qu’il nous faut nous mobiliser.
Dans l’urgence, le premier niveau d’action est le chèque énergie, qui bénéficiera – cet élément vient compléter la précédente réponse du Premier ministre – à 4 millions de Français, lesquels recevront dans quelques jours un chèque d’un montant moyen de 150 euros pour régler leurs factures d’énergie. L’expérience avait été tentée dans quatre départements. Nous avons décidé qu’elle serait généralisée à l’ensemble du territoire.
Le deuxième niveau d’action, vous l’avez dit, concerne les travaux d’isolation. Il nous faut révolutionner notre façon d’agir et mobiliser l’ensemble des acteurs, y compris les opérateurs producteurs d’énergie, en vue de mieux cibler, mieux sensibiliser, mieux orienter et mieux financer.
Vous avez raison : nous devons tous ensemble, avec les collectivités locales qui jouent un rôle majeur via le guichet unique que nous voulons mettre en place, et grâce aux sources d’information dont disposent les opérateurs, apporter des réponses au cas par cas, adaptées à la situation de chacun. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
situation des kurdes
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
La ville kurde d’Afrin, au nord de la Syrie, est tombée dimanche aux mains des forces turques et de leurs alliés.
Afrin était encerclée depuis mardi, 250 habitants ont fui et, une fois de plus, c’est à une véritable catastrophe humanitaire que nous avons assisté.
Le résultat, in fine, de cette opération militaire turque est double : d’une part, la zone a fait l’objet du nettoyage ethnique que l’on craignait ; d’autre part, le combat mené par les Kurdes contre Daech s’en trouvera, bien entendu, ralenti.
Pis, le président Erdogan a annoncé hier qu’il ne comptait pas en rester là. Son objectif assumé et affiché est de reconquérir la région frontalière pour y remplacer les populations kurdes.
La France, jusqu’à présent, soutenait les Kurdes syriens dans leur combat contre Daech. Le président Hollande, en son temps, avait décidé d’intervenir à Kobané, entraînant avec lui les Américains et les forces de la coalition.
La France était alors sans ambiguïté aux côtés des Kurdes, combattants bien seuls, au départ, contre le terrorisme islamique ; on l’a oublié.
La discrétion du président Macron, tout au long de cette peu banale opération militaire turque, correspond-elle à un renversement de stratégie ? (M. Martial Bourquin opine.)
Les Kurdes seraient-ils soudain devenus aux yeux de la France des terroristes, alors qu’ils étaient hier nos alliés ? Et quel message la France envoie-t-elle au monde en se révélant incapable de venir en aide à ses alliés, alors même que ceux-ci ont besoin de nous ?
Pour l’avenir, et c’est ma dernière question, que compte faire la France si l’armée turque, au lieu de se retirer des territoires occupés, comme nous l’a encore annoncé l’ambassadeur de Turquie en commission des affaires européennes la semaine dernière, étend ses opérations à d’autres régions kurdes ? (Vifs applaudissements.)