M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Luche, auteur de la question n° 0196, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Jean-Claude Luche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le nombre de mineurs isolés étrangers accueillis dans nos départements progresse tous les jours. C’est un constat et la situation n’est guère brillante.
Certains de ces mineurs parlent le français, d’autres n’en ont jamais prononcé un mot. Certains ont suivi une scolarité régulière dans leur pays d’origine, quand d’autres ne sont jamais allés à l’école.
C’est avec cette grande diversité de parcours que doivent composer les professeurs enseignant le français dans les collèges proposant le français comme langue étrangère. Jusqu’à présent, ils étaient accompagnés d’assistants, employés avec des contrats aidés. Or, avec la suppression des contrats aidés, ces professeurs de français se trouvent seuls pour enseigner notre langue à des élèves aux profils extrêmement divers.
L’enseignement du français demeure primordial pour ces jeunes afin qu’ils puissent maîtriser les fondamentaux et s’intégrer, le cas échéant, dans notre pays dans les meilleures conditions possible. Abaisser l’encadrement des cours de langue, c’est créer des difficultés supplémentaires pour ces jeunes, qui ont déjà, par définition, une culture différente de la nôtre.
Si l’on ne peut que regretter l’absence de classes spécifiquement dédiées à l’apprentissage du français et de notre culture avant que ces jeunes ne suivent une scolarité normale, on ne peut se résoudre à fragiliser davantage ce dispositif.
Monsieur le ministre, comment pouvez-vous pallier la suppression des contrats aidés dans les cours dits de « français langue étrangère » ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Monsieur sénateur Jean-Claude Luche, vous avez évoqué la question des contrats aidés et celle de l’accueil par l’éducation nationale des élèves allophones. Normalement, ces deux sujets ne sont pas liés, car les contrats aidés n’ont pas vocation à servir pour cet accueil.
Comme vous le savez, l’éducation nationale a pu, de manière spécifique, préserver 50 000 contrats aidés destinés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap, cette politique constituant une priorité nationale. À la rentrée dernière, nous avons également su créer de nouveaux postes d’accompagnants des élèves en situation de handicap, dits AESH.
Les personnels recrutés sous contrat avaient bien l’appui éducatif parmi leurs missions, mais uniquement dans le premier degré. Dans les collèges, la fonction d’assistant au professeur ne peut pas être exercée par des personnels sous contrat aidé ; elle peut cependant être remplie par des assistants pédagogiques, lesquels relèvent du statut des assistants d’éducation qui a été adapté à cette fin par le décret du 22 septembre 2005.
Les moyens en assistants d’éducation sont notifiés aux recteurs d’académie, qui procèdent à leur répartition entre établissements en tenant compte des priorités locales d’accompagnement des élèves.
Par ailleurs, des assistants de langues, qui sont des étudiants étrangers, ont pour mission de participer à la vie d’un établissement dans le cadre des activités pédagogiques valorisant la langue vivante étrangère dont ils sont locuteurs natifs.
Nous n’avons donc pas vraiment, dans nos établissements scolaires, d’assistants de langue pour le français langue étrangère.
En ce qui concerne la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés en France, je souhaite vous rappeler que l’école est évidemment un droit pour tous les enfants résidant sur le territoire national, quels que soient leur nationalité, leur statut migratoire ou leur parcours antérieur. L’éducation nationale porte une attention particulière à leur accueil et à leur scolarisation, qui sont pensés, par l’institution, dans sa globalité et dans la durée.
La scolarisation des élèves allophones relève du droit commun et de l’obligation scolaire, en application du principe d’inclusion qui s’applique à tous les enfants sans aucune distinction. Ils sont donc scolarisés en milieu ordinaire ; nous voulons offrir le même apprentissage pour tous, mais en tenant évidemment compte des situations sociales précaires.
L’acquisition de la langue à l’école est un enjeu fondamental et l’enseignement du français en tant que langue seconde est dispensé par des enseignants spécialement formés, qui interviennent en complément du travail fait en classe ordinaire par les enseignants des différentes disciplines. Les assistants pédagogiques peuvent contribuer au soutien des élèves qui sont les plus en difficulté vis-à-vis des apprentissages.
Votre question permet de pointer du doigt un sujet très intéressant, mais la diminution du nombre de contrats aidés ne doit pas être vue comme un problème pour la résolution de la question de l’accueil des élèves allophones, parce que leur mission n’était de toute manière pas celle-là. En revanche, il est exact que nos assistants d’éducation pourraient parfois être davantage dédiés à ce sujet, notamment les étudiants qui travaillent sur le français langue étrangère. Cette évolution, qui correspond à l’attente que vous avez exprimée, serait positive et pourrait intervenir dans les temps futurs.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Luche.
M. Jean-Claude Luche. Monsieur le ministre, il n’est évidemment pas question de remettre en cause l’accompagnement, mais le fait est que les contrats aidés ne sont plus disponibles. Dans ces conditions, le véritable problème est le nombre d’assistants d’éducation pouvant accompagner les professeurs, aujourd’hui démunis.
Je rappelle que le français est un élément indispensable d’intégration pour ces mineurs étrangers, en particulier lorsqu’ils souhaitent rester en France.
Je ne méconnais pas les différents problèmes qui peuvent se poser, mais vous devez donner les moyens à l’éducation nationale d’apporter une véritable réponse à ces jeunes, qui sont de plus en plus nombreux à arriver.
Au-delà de la question de l’éducation, l’arrivée de ces jeunes pose une question financière aux départements, puisque le coût de l’accueil leur incombe. J’ai été président de conseil départemental et je sais ce sujet éminemment sensible.
M. le président. Je remercie M. le ministre de l’éducation nationale de sa présence et de ses réponses.
centres d’hébergement pour les plus démunis
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, auteur de la question n° 0211, adressée à M. le ministre de la cohésion des territoires, que je salue.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’accès au logement pour tous les ménages est une priorité et loger tous ceux qui sont aujourd’hui privés d’un logement décent est une urgence. Je rappelle l’engagement constant des communes, depuis des années, pour financer la construction de logements sociaux et mettre en œuvre des politiques respectant les principes de mixité sociale.
En Seine-et-Marne, la commune de Livry-sur-Seine, qui compte 2 000 habitants, a engagé deux opérations destinées à respecter ses obligations légales selon l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite SRU ; ces opérations incluent 15 logements locatifs et 17 logements en accession, et cela malgré une difficulté de taille : l’absence de foncier disponible, qui oblige la commune à recourir à du foncier privé, ce qui augmente largement les coûts.
Depuis peu, cette commune accueille également un centre d’hébergement d’urgence, ou CHU, qui comprend 38 logements destinés à recevoir 102 personnes en grande difficulté sous la houlette du Secours catholique, qui rénove le château du Clos Notre-Dame où vivent des sœurs dominicaines.
Ce CHU impacte fortement les finances de la commune : scolarisation de 18 enfants, exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties dont bénéficie le CHU pendant 25 ans et absence de taxe d’habitation à percevoir pour chaque logement créé.
Le CHU de Livry a signé un bail de dix ans renouvelable et le gestionnaire a prévu de maintenir les résidents dans les logements durant dix-huit mois en moyenne, avec un encadrement de professionnels qualifiés pour les accompagner dans la durée.
Pourtant, contrairement à un centre d’hébergement et de réinsertion sociale, ou CHRS, ces logements ne sont pas comptabilisés dans le recensement des logements locatifs sociaux, effectué au titre de l’article 55 de la loi SRU, alors que les conditions de fonctionnement de ce centre sont extrêmement proches de celles d’un CHRS.
Monsieur le ministre, sans élargir la définition des logements locatifs sociaux aux CHU, comme ce qui se fait pour les CHRS, je souhaite savoir ce qui pourrait s’opposer à la révision de leur statut. Ne serait-il pas possible de limiter les CHU à l’urgence de courte durée n’excédant pas un an et de qualifier les centres assurant des hébergements de plus de douze mois de CHRS ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Colette Mélot, vous m’interrogez sur les possibilités d’évolution du statut des centres d’hébergement, afin que les centres d’hébergement d’urgence, les CHU, dont le fonctionnement s’apparente à celui d’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale, ou CHRS, puissent être requalifiés en CHRS. Cette évolution permettrait notamment – tel est l’objectif de votre question – d’intégrer au décompte des logements sociaux réalisés au titre de l’article 55 de la loi SRU les places de l’actuel CHU de Livry-sur-Seine.
À la différence des CHU, dont la vocation est de répondre à une situation d’urgence en hébergeant temporairement des personnes sans-abri, les CHRS sont décomptés au titre de la loi SRU, car ils constituent une étape préalable à l’accès à un logement pérenne.
Ces deux types de structures relèvent de statuts différents. Les CHRS constituent une catégorie d’établissements sociaux et médico-sociaux dont le cadre juridique est fixé par le code de l’action sociale et des familles. Leur création est conditionnée à l’obtention d’une autorisation préfectorale garantissant un niveau minimal de prestations d’accompagnement. À l’inverse, les CHU, qui ne sont soumis qu’à un régime déclaratif, ne sont pas tenus aux mêmes obligations d’accueil et d’accompagnement des publics que les CHRS. Ainsi, les différences de régime entre ces deux types de structures sont liées à leurs caractéristiques respectives.
Dans les faits, le fonctionnement de certains CHU peut s’apparenter à celui d’un CHRS, d’autant que le public visé par ces structures est souvent le même. Pour ce type de CHU et en l’état actuel du droit, une transformation en CHRS est d’ores et déjà possible dans le respect de la procédure d’appel à projets définie par le code de l’action sociale et des familles.
Dans le projet de loi Évolution du logement et aménagement numérique, que nous présenterons prochainement en conseil des ministres, une disposition devrait précisément viser à faciliter la transformation d’un CHU en CHRS pour ceux dont le fonctionnement est déjà proche de celui d’un CHRS et pour la durée du plan quinquennal Logement d’abord. Cette mesure permettra de déroger à l’obligation de passer par un appel à projets. Il est possible, madame la sénatrice, que cette évolution vous permette d’obtenir satisfaction.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous venez d’apporter. La perspective que vous évoquez pourrait effectivement intéresser la commune et lui permettre de trouver une solution convenable.
Vous avez bien voulu reconnaître que le fonctionnement de ce CHU est très proche de celui d’un CHRS. Le fait que les logements proposés constituent un hébergement d’une durée de dix-huit mois implique bien entendu une mission de réinsertion sociale. En outre, le Secours catholique gère aussi de nombreux CHRS.
En tout cas, je vous remercie vivement de la réponse que vous venez de m’apporter.
défaillance du programme européen pour le développement rural
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, auteur de la question n° 0240, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, que je salue.
M. Jean-Jacques Lozach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la mise en œuvre défaillante du programme LEADER – Liaison entre actions de développement de l’économie rurale – dans le cadre du FEADER – Fonds européen agricole pour le développement rural – pour la période 2014-2020. Ce fonds constitue le second pilier de la politique agricole commune, la PAC.
Quatre ans après le lancement de la programmation 2014-2020, force est de constater le retard considérable que connaît le versement des fonds du programme LEADER, ce qui met en difficulté de nombreux porteurs de projets locaux et les projets eux-mêmes.
Si les conseils régionaux sont devenus l’autorité de gestion de ces fonds, des retards et des blocages sont toujours très présents. L’Agence des services de paiement, l’ASP, est confrontée à des complications récurrentes, en particulier du fait de son outil informatique, et trop peu de moyens semblent attribués aux services instructeurs.
Le risque qui se dessine maintenant est de devoir restituer les crédits qui n’auraient pas été consommés. Le constat actuel est déjà très alarmant : la dynamique de projets s’effrite et leur réalisation incombe complètement aux acteurs locaux, qui disposent d’avances de trésorerie dans certaines régions et recourent aux banques dans d’autres.
Diverses mesures ont été prises pour améliorer la situation, en particulier à la suite de la réunion du comité État-régions de novembre 2016, mais pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que cette année sera bien celle de la fin des difficultés du programme LEADER ? Pouvez-vous confirmer qu’il n’y a pas de risque de dégagement d’office des crédits attribués à notre pays ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Jean-Jacques Lozach, vous appelez mon attention sur la mise en œuvre du FEADER et le paiement des aides de la mesure LEADER – Liaison entre actions de développement de l’économie rurale. Ce sujet est très important pour de nombreux bénéficiaires et acteurs du monde rural, en particulier dans votre département, la Creuse, et pour le groupe d’action locale Sud-Ouest Creuse Leader que vous côtoyez dans votre circonscription.
Le taux d’engagement national du FEADER atteint 43 % et le taux de paiement 30 %. La France se situe ainsi au treizième rang européen en termes de paiement sur les crédits FEADER – devant l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne – et au-dessus de la moyenne européenne. Le rythme soutenu des paiements permet d’exclure tout risque de dégagement d’office à la fin de 2018 pour une très large majorité de programmes.
La France est le premier pays en volume de paiements, ce qui démontre la capacité de l’État, des conseils régionaux et de l’ASP à se mobiliser collectivement, certes après un démarrage très difficile de la programmation 2014-2020.
Plusieurs facteurs ont fortement ralenti le déploiement du FEADER. Le cadre réglementaire n’a été mis à disposition des acteurs que tardivement, y compris en ce qui concerne l’adoption du régime-cadre des aides d’État. L’organisation institutionnelle française a été modifiée à la suite de la décentralisation de la gestion aux conseils régionaux, à laquelle est venue s’ajouter la fusion de certains territoires, tant au niveau régional – je pense à la création de grandes régions à la fin de 2015 – qu’intercommunal. Enfin, le déploiement des outils informatiques de gestion ISIS et OSIRIS a été difficile.
En ce qui concerne LEADER, les conseils régionaux ont sélectionné 340 groupes d’action locale couvrant une large part du territoire et 91 % des conventions sont désormais signées.
Je souhaite vous rappeler que les missions d’instruction des dossiers LEADER sont assurées, dans la plupart des régions, par les conseils régionaux avec l’appui, comme en Limousin, des animateurs des groupes d’action locale LEADER eux-mêmes.
Aujourd’hui, il me semble préférable de chercher ensemble les moyens d’instruire plus vite les dossiers. Cela peut passer par la formation, le recrutement d’instructeurs supplémentaires financé par l’assistance technique du FEADER, la simplification des dispositifs, mais aussi l’élaboration par les conseils régionaux de manuels de procédure, qui sont exigés par la réglementation européenne.
Monsieur le sénateur, la situation est en train de s’améliorer au niveau national. L’ASP, à laquelle nous avons donné de nouveaux moyens dans le cadre de la loi de finances pour 2018, et les autorités de gestion espèrent un rattrapage de l’exécution budgétaire dans les mois à venir, puisque les outils sont presque tous opérationnels et leurs services totalement mobilisés sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre réponse et vos propos qui se veulent rassurants.
Il est vrai que, parmi les différents textes relatifs à l’organisation territoriale de la République adoptés ces dernières années, un certain nombre suscite plus d’attentes et d’espérances que d’autres – je pense en particulier au transfert de la gestion des fonds européens au bénéfice des conseils régionaux.
Force est de constater que nous sommes dans une période de transition et qu’il reste encore beaucoup de dossiers à traiter et de financements à apurer.
Or, cette question est très importante pour l’idée même que la population et les porteurs de projets, publics et privés, se font de l’Europe. Celle-ci doit être proche de la réalité des gens. C’est ce qui est en jeu ici !
nouvelle carte des zones défavorisées pour l’agriculture
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, auteur de la question n° 0210, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. François Bonhomme. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur le devenir des zones défavorisées du département de Tarn-et-Garonne et sur les dispositifs d’accompagnement annoncés par le Gouvernement pour soutenir les agriculteurs tarn-et-garonnais.
Monsieur le ministre, vous le savez, l’avenir agricole du Tarn-et-Garonne repose en grande partie sur les aides compensatoires autorisées par le statut des zones défavorisées. Ce statut se révèle essentiel au maintien de nombre d’exploitations familiales du département, qui sont sujettes à des handicaps naturels.
Le Tarn-et-Garonne se caractérise en effet par des exploitations de polyculture-élevage et de polyculture diversifiée, qui exploitent et valorisent des zones à potentiel limité et à relief accidenté. La taille du parcellaire y est très modérée : d’une surface inférieure à 4 hectares en moyenne, elle engendre des surcoûts significatifs, mais autorise, sur le plan environnemental, une biodiversité accrue.
Les critères de diversité des cultures, de taille des parcelles et de pourcentage des exploitations comportant des haies traduisent bien les contraintes de gestion des terres. Or, sans gestion des terres, il n’y a pas d’entretien du paysage rural.
En outre, les zones de transition entre coteaux et vallées, où l’élevage est présent, méritent d’être prises en compte dans les zones défavorisées. Le critère de rendement départemental de blé tendre traduit, quant à lui, les fortes contraintes subies par les agriculteurs de ces territoires.
Monsieur le ministre, le projet de zonage divulgué le 20 décembre 2017 menaçait d’exclure des aides européennes de nombreuses communes tarn-et-garonnaises jusqu’alors éligibles. Vous le savez, des données erronées avaient été prises en compte, mais vous avez modifié les choses, en intégrant des corrections issues des réunions de travail avec les représentants agricoles.
La carte présentée le 20 février dernier aux membres du comité de pilotage national de la réforme des zones défavorisées simples porte le nombre de communes classées à 14 000 contre 13 984 dans le projet de carte présenté le 9 février. Le nombre de communes sortantes est, quant à lui, porté à 1 349 communes au lieu de 1 401 dans la carte du 9 février.
Vous vous êtes engagé à mettre en place un dispositif d’accompagnement qui doit se matérialiser, entre autres, par l’élaboration de diagnostics territoriaux sur le nombre de bénéficiaires sortants et la typologie de leurs situations et de leurs difficultés. La mise en place d’un groupe réunissant des représentants de l’État et des régions afin d’identifier les outils mobilisables et adaptés a également été annoncée.
Monsieur le ministre, je souhaite connaître les dispositifs d’accompagnement envisagés par le Gouvernement. Quels sont vos engagements en la matière ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur François Bonhomme, vous appelez mon attention sur la réforme des zones défavorisées simples, les ZDS. Je sais que ce sujet est important dans votre département et, depuis la publication des premières données cartographiques, nous avons beaucoup travaillé pour améliorer la situation.
Nul besoin de vous rappeler toute l’histoire : ces ZDS ont été définies en 1976 et la Commission européenne comme la Cour des comptes européenne demandent leur révision depuis 2003. Nous nous retrouvons donc à gérer ce dossier qui avait été mis sous le tapis pendant bien longtemps. La révision était donc complètement nécessaire.
Des discussions ont été engagées en 2016 par mon prédécesseur avec les professionnels agricoles et les conseils régionaux afin d’établir ce nouveau zonage. Plus de 120 simulations ont été faites. Dans votre département, 180 communes étaient classées jusqu’à présent et, à partir de 2019, elles seront encore 150.
Vous le savez, aucune des 120 hypothèses de travail explorées depuis deux ans ne permettait d’aller au-delà. Je sais que certains acteurs contestent la validité des référentiels et des analyses de sols qui ont permis d’établir les simulations.
Je rappelle que ces référentiels ont été constitués à partir des prélèvements effectués depuis plus de trente ans par les chambres d’agriculture et l’Institut national de la recherche agronomique ; ils répondent à des cahiers des charges et à des normes européennes très précises. En outre, ils ont été soumis à des pédologues indépendants avant d’être enfin validés par l’IGCS – l’inventaire de gestion et de conservation des sols. Chacune des vérifications réalisées à la suite des diverses sollicitations reçues a confirmé la robustesse des données dont dispose la France.
La carte du 20 février 2018 constitue désormais la base de travail pour entamer les discussions avec la Commission européenne, notamment en ce qui concerne l’application d’un critère de continuité territoriale, qui pourrait permettre à certaines communes de réintégrer le zonage. Il s’agit donc maintenant pour nous d’engager ce travail avec la Commission européenne.
J’ai bien conscience que les éleveurs qui sortent du classement en zone défavorisée simple sont en attente de solutions et je me suis engagé à leur en apporter. Ce matin, avant de venir au Sénat, j’ai réuni les directeurs régionaux de l’agriculture et de la forêt et nous allons mobiliser des groupes de travail territoriaux pour porter des projets de transformation et analyser la situation individuelle des agriculteurs concernés. Le nombre de ces agriculteurs n’est lui-même pas encore connu, puisqu’il dépend du recensement général agricole de 2010 ; les choses méritent donc d’être affinées.
M. le président. Je vous remercie de conclure, monsieur le ministre.
M. Stéphane Travert, ministre. Nous allons mettre en place un accompagnement grâce au grand plan d’investissement que nous avons annoncé, mais aussi par des mesures sur lesquelles nous allons travailler avec les professionnels et les élus, en particulier les conseils régionaux.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Monsieur le ministre, je prends acte de vos propos et je reconnais bien volontiers que vous avez eu fort à faire pour traiter ce dossier, qui avait été mis sous le tapis et qui constituait une forme de saut dans le vide. Vous avez apporté des corrections qui sont significatives, il faut également le reconnaître.
Pour autant, il reste, dans mon département, entre 25 et 30 communes qui attendent un dispositif d’accompagnement réel. Je souhaite simplement que vous ne proposiez pas une simple pommade ou un sédatif profond, mais des principes actifs qui permettent à ces communes d’envisager l’avenir.
M. le président. Je remercie M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation de sa présence et de ses réponses.
situation de castillon-la-bataille
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, auteur de la question n° 0175, adressée à M. le ministre de la cohésion des territoires.
Mme Florence Lassarade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur l’injustice résultant de l’abandon de certains territoires ruraux non éligibles aux bénéfices de la politique de la ville.
La commune de Castillon-la-Bataille, en Gironde, est l’une des communes les plus pauvres de la Nouvelle-Aquitaine : plus de 25 % d’allocataires du RSA, un taux de chômage de 27 % et plus de 50 % de la population vivant en dessous du revenu médian de 11 250 euros par an.
Elle est pourtant exclue par l’État du périmètre d’intervention de la géographie prioritaire de la politique de la ville. En effet, Castillon-la-Bataille appartient à une unité urbaine de moins de 10 000 habitants et ne répond pas aux critères légaux et réglementaires retenus pour être éligible à la politique de la ville.
Il y aura donc désormais deux sortes de citoyens dans notre pays : les citoyens pauvres vivant dans des aires urbaines de plus de 10 000 habitants, qui pourront bénéficier des aides de l’État et de la mobilisation des acteurs publics dans le cadre de la politique de la ville et, à côté, les citoyens pauvres de la ruralité, exclus des politiques publiques, privés de moyens.
En toute logique, une politique de la ville reposant sur le critère de la pauvreté devrait se traduire par une égale prise en charge des plus pauvres. Or, on assiste à une relégation des zones rurales. Ce n’est pas acceptable.
Afin de faire cesser cette injustice, monsieur le ministre, j’aimerais savoir quelles mesures le Gouvernement entend mettre en œuvre pour prendre en compte ces territoires ruraux en grande difficulté et qui sont situés en « zone grise » des politiques de l’aménagement du territoire.
M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, Castillon-la-Bataille est célèbre depuis 1453, lorsque les troupes de Charles VII ont bouté les Anglais hors de la Guyenne.
Castillon-la-Bataille est une commune de 3 070 habitants : je veux bien que vous fassiez le rapprochement avec la politique de la ville, mais cela me paraît tout de même un peu délicat…
Cette commune mène aujourd’hui une bataille en vue de trouver des concours financiers, puisque nombre de vos collègues parlementaires de la Gironde sont déjà intervenus pour me signaler la situation particulière de cette commune particulière…
J’ai d’ailleurs reçu personnellement le maire de Castillon-la-Bataille – c’est vous dire l’intérêt que porte le Gouvernement à la situation de cette commune historique. Vous serez d’accord avec moi pour dire que ni le Gouvernement ni le maire actuel, qui n’a accédé à cette responsabilité qu’en 2014, ne sont responsables de cette situation.
Bien évidemment, le Gouvernement sera attentif à la situation de Castillon-la-Bataille et j’ai demandé au maire de me faire parvenir les projets de sa commune afin d’évaluer dans quelle mesure nous pouvions l’aider, par exemple via la dotation d’équipement des territoires ruraux – DETR – ou la dotation de soutien à l’investissement local – DSIL. J’attends de recevoir ces informations avant de me prononcer.
Je rappelle aussi que Castillon-la-Bataille est à treize kilomètres de Saint-Émilion. Autant dire que ce n’est pas forcément le territoire le plus malheureux de notre nation !
Je veux bien que l’on utilise les problèmes d’une commune pour en faire une référence nationale en matière de territoires ruraux, des territoires ruraux que je connais trop bien pour vous laisser affirmer qu’ils seraient tous abandonnés, en situation difficile. Je dirai, pour conclure, que ce n’est pas en répétant que les territoires ruraux sont dans la désespérance qu’on va les renforcer ! Ce n’est pas en tenant de tels propos qu’on va convaincre leurs habitants d’y rester et en persuader d’autres de revenir !