M. Jacques Grosperrin. Ah, quand même !
M. Jacques-Bernard Magner. … mais nous vous proposons d’aller plus loin, en particulier en soumettant à autorisation l’ouverture des établissements privés hors contrat et en renforçant réellement l’efficacité des contrôles a posteriori. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi relative à l’encadrement des établissements privés hors contrat. Ces derniers sont aujourd’hui 1 300 sur le territoire national, dont 300 établissements confessionnels.
Notre assemblée doit respecter la liberté d’enseignement, mais elle doit aussi légiférer pour établir des règles strictes en matière d’ouverture et de contrôle de ces écoles. Notre groupe a d’ailleurs déposé un amendement tendant à changer le titre de cette proposition de loi – amendement soutenu à l’unanimité en commission – pour insister sur la nécessité de continuer, année après année, à observer scrupuleusement ces établissements. En effet, s’ils sont autonomes financièrement, ces établissements disposent aussi d’une liberté dans l’application des programmes scolaires ou de la méthodologie pédagogique.
Tout en célébrant cette liberté, n’oublions pas, mes chers collègues, ce que notre système éducatif doit à notre histoire. Les lois Ferry sur l’école laïque, gratuite et obligatoire, la réforme Berthoin sur l’allongement de la scolarité, la modernisation de l’enseignement à la suite du rapport Langevin-Wallon : ces acquis doivent bénéficier à tous, écoles publiques ou privées, sous contrat ou hors contrat.
Pour résumer le débat, je dirai que notre pays reconnaît la liberté d’enseignement. Cette proposition de loi y contrevient-elle ? En aucun cas ! À l’heure de la désinformation et dans un contexte de radicalisation de certaines écoles, il est nécessaire que le Gouvernement, d’un côté, et les services municipaux, de l’autre, puissent rapidement intervenir pour empêcher l’ouverture d’une école contraire aux valeurs de la République.
Cette proposition de loi tend à donner des moyens efficaces aux acteurs nationaux et aux acteurs locaux : allongement des délais d’opposition, uniformisation des motifs d’opposition, contrôle annuel des établissements et nouvelles conditions à l’enseignement dans ces établissements hors contrat.
Des situations comme celle récemment rencontrée à Toulouse ne sont pas tolérables en France. La République ne saurait subir un tel affront. Après des années, après des siècles de lutte contre l’obscurantisme, pour l’éducation universelle et l’accès libre à la connaissance, notre parlement doit protéger ces acquis par tous les moyens nécessaires.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants est très sensible à cette proposition de loi et présentera une série d’amendements pour l’enrichir. L’éducation est un droit durement acquis : sachons le préserver en établissant un équilibre précis entre liberté de l’enseignement, rigueur scientifique et respect des valeurs républicaines. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le ministre, vous l’avez dit vous-même l’été dernier : « Le vrai ennemi du service public, c’est l’égalitarisme ; son ami, la liberté. La liberté bien conçue favorise l’égalité. »
Les écoles privées hors contrat ont prouvé, par leur diversité et leurs spécificités, qu’elles occupaient une place bien particulière dans l’offre éducative française. Alors, nous sommes en droit de nous, de vous poser la question : pourquoi s’attaquer aux écoles indépendantes, elles qui ne représentent qu’une part infime d’élèves ? Elles accueillent 70 000 enfants sur les 12 millions d’enfants scolarisés en France.
Ces écoles proposent des schémas divers et variés utilisant des méthodes d’enseignement et de pédagogie qui doivent être préservées et regardées de près. Préservées, car elles sont le fruit d’une liberté constitutionnelle d’enseigner ; regardées de près, car le succès de ces écoles doit nous interpeller face aux grandes difficultés de l’éducation dite « nationale ».
Alors même que le Conseil constitutionnel avait censuré la disposition créant un régime d’autorisation préalable pour l’ouverture d’écoles hors contrat, disposition décidée par la non regrettée Mme Vallaud-Belkacem (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)…
M. Patrick Kanner. Un peu de respect !
M. Stéphane Ravier. … dans le projet de loi Égalité et citoyenneté, vous revenez à la charge, car cette proposition revient à faire subir les mêmes conséquences. C’est très pernicieux.
Votre démarche est en réalité insincère et cache mal votre volonté d’entraver une liberté pourtant fondamentale.
M. Jacques-Bernard Magner. Mais bien sûr…
M. Stéphane Ravier. Rappelons que le Conseil constitutionnel avait rejeté le régime d’autorisation préalable, parce qu’il « portait une atteinte disproportionnée à la liberté constitutionnelle d’enseignement, indissociable de la liberté d’association ». (C’est faux ! sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Les conditions drastiques que pose votre proposition sont beaucoup trop contraignantes et seront, n’en doutons pas, un frein considérable à l’ouverture d’écoles indépendantes. Je crains que ce ne soit là votre but inavoué.
Sous couvert de bons sentiments, et notamment d’une urgence absolue, que nous soutenons, de lutte contre l’islamisme radical, on en vient à soupçonner, voire à punir tout le monde, et finalement toutes les écoles indépendantes, dont un certain nombre sont chrétiennes, et qui, elles, n’ont rien à se reprocher. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Ne serait-ce pas votre but, mes chers collègues ? Si cela ne l’était pas directement pour tous, les ayatollahs de la laïcité et les adversaires de notre modèle républicain reposant sur la liberté, et notamment sur la liberté d’enseigner, se frottent déjà les mains.
Pour ce qui concerne la volonté plus que légitime de surveiller les écoles quant aux risques de transmission d’un islam radical, il conviendrait de développer les contrôles en aval. C’est une hypocrisie totale de s’attaquer aux écoles hors contrat,…
Mme Claudine Lepage. Ah !
M. Stéphane Ravier. … alors que l’islam radical se propage dans la clandestinité, le plus souvent lors de cours de soutien de centres culturels ou sportifs, là où les enfants sont les plus vulnérables.
Mme Françoise Laborde. Cela aurait été dommage de ne pas entendre ça…
M. Stéphane Ravier. Si toute liberté doit s’exprimer dans un cadre légal, un cadre protecteur, nous sommes pour un contrôle a posteriori et non pour l’application d’une procédure kafkaïenne a priori.
Mme Annick Billon, rapporteur. Oh là là !
M. Stéphane Ravier. Monsieur le ministre, permettez-moi de préciser que, au titre du dernier projet de loi de finances, aucun poste n’a été attribué à l’enseignement privé sous contrat, alors que, depuis les accords de 1992, l’État s’était engagé à respecter la règle des 80-20 : 80 % de postes pour le public et 20 % pour le privé.
Pour conclure, je tiens à dire que l’ensemble de ces éléments nous poussent à croire que le Gouvernement cherche à briser l’essor des écoles hors contrat, alors qu’il est de sa responsabilité de garantir la liberté constitutionnelle. (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Union Centriste.)
Mme Annick Billon, rapporteur. Nous aussi, nous aimons la liberté !
M. Stéphane Ravier. Je le dis clairement : le Front national est intrinsèquement pour la liberté d’enseignement, car c’est une liberté fondamentale. Nous devons la chérir et non la flétrir. (C’est fini ! sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. Il faut conclure !
M. Stéphane Ravier. Nous devons offrir aux Français une éducation nationale digne de ce nom. Nous devons leur conserver…
Mme la présidente. Vous avez dépassé votre temps de parole !
M. Stéphane Ravier. … et leur garantir la possibilité de faire un autre choix. (Les marques d’impatience s’amplifient.)
Chers collègues, merci de votre patience ! (Mme Claudine Kauffmann applaudit.)
M. Patrick Kanner. Honte à vous !
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le Dictionnaire de pédagogie, plus précisément à l’article consacré à la liberté de l’enseignement, le radical Ferdinand Buisson écrivait : « Mais de ce que nul citoyen, dans un pays libre, ne peut être arbitrairement privé du pouvoir d’enseigner, s’ensuit-il que ce pouvoir soit en quelque sorte un droit de nature, illimité, inconditionnel, et dont l’exercice ne soit subordonné à aucune règle, à aucun contrôle ? Pour répondre à cette question, il suffit de se demander s’il s’agit là d’un droit dont l’exercice intéresse l’individu seul. N’est-ce pas évidemment au contraire un droit qui s’exerce à l’égard de mineurs, c’est-à-dire de personnes dont l’État est le protecteur naturel ? »
M. Jacques-Bernard Magner. Tout à fait !
Mme Josiane Costes. Le groupe du RDSE fait sienne cette conception de cette liberté et refuse que l’on puisse tolérer d’« abuser impunément de la faiblesse de l’enfance ».
Comme pour toute liberté, son exercice a pour limite le droit d’autrui : en l’espèce, le droit de l’enfant à l’instruction consacré par le préambule de la Constitution et par la convention européenne des droits de l’homme. Il ressort d’ailleurs de la jurisprudence européenne que l’État est responsable des écoles publiques et privées ; qu’il a pour obligation de sécuriser ce droit et de protéger les élèves contre les mauvais traitements au sein des écoles.
La République a donc la responsabilité de prévenir toute dérive. Elle doit garantir un droit à l’instruction, dont tous les enfants ne semblent pas bénéficier, malheureusement, même s’il s’agit d’une infime minorité. D’ailleurs, la circulaire du 17 juillet 2015 relative au régime juridique applicable à l’ouverture et au fonctionnement des établissements d’enseignement scolaire privés hors contrat confirme que l’absence de contrôle peut entraîner la responsabilité de l’État.
La liberté de l’enseignement, principe à valeur constitutionnelle, emporte certes des droits, comme celui d’établir un projet pédagogique alternatif ou de percevoir un financement public sous certaines conditions pour les établissements sous contrat, mais elle a toujours comporté des limites, qu’il est loisible au législateur de fixer. Ainsi, les nouvelles conditions d’ouverture des établissements privés hors contrat sont avant tout destinées à vérifier, d’une part, que ceux-ci présentent bien un caractère scolaire et, d’autre part, que le respect de l’ordre public et la protection des enfants accueillis sont assurés.
Remettons les choses dans leur contexte : en quoi le fait de constituer un dossier – peu importe sa forme – entraverait-il la liberté d’enseignement, dès lors qu’il s’agit de se prémunir contre des dérives idéologiques ou religieuses non conformes aux valeurs de la République ?
J’insiste sur ce point : la proposition de loi ne remet en cause ni le libre choix des parents quant à l’éducation de leurs enfants ni les pédagogies qui peuvent être proposées par ces établissements. Il n’est porté aucune restriction à leur autonomie. Les structures sérieuses que nous connaissons tous n’ont rien à craindre des dispositions proposées.
Nous soutenons donc les grandes lignes de cette proposition de loi, bien que notre préférence aille à un régime d’autorisation.
Mme Marie-Pierre Monier. Voilà !
Mme Josiane Costes. L’harmonisation des procédures met fin à une sédimentation incompréhensible. L’actualisation des motifs d’opposition était indispensable, de même que l’allongement des délais d’opposition, notamment pour les maires, pour qui le délai d’examen de huit jours est trop bref.
Mme Marie-Pierre Monier. Oui !
Mme Josiane Costes. Je tiens également à saluer la mise en place d’un guichet unique.
Pour tout dire, nous estimons que cette proposition de loi ne va pas assez loin. Le régime déclaratif n’est pas entièrement satisfaisant. La création d’un régime d’autorisation permettrait de suspendre ou de retirer l’autorisation. Nous tenons à rappeler que le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur l’incompatibilité d’un tel régime avec la liberté d’enseignement.
M. Jacques-Bernard Magner. Très bien !
Mme Josiane Costes. En outre, il est essentiel de faciliter la détection d’éventuelles maltraitances et agressions sexuelles. À ce titre, exiger le bulletin n° 2 du casier judiciaire a priori, lors de la constitution du dossier, à l’instar de ce qui se fait pour les enseignants du public et du privé sous contrat, ne me semble pas disproportionné.
Mme Françoise Laborde. Tout à fait !
Mme Josiane Costes. Interdire l’emploi de toute personne ayant fait l’objet d’une condamnation incompatible avec l’accueil des mineurs constitue, à nos yeux, une mesure de précaution a minima. C’est le sens de l’un de nos amendements et de plusieurs sous-amendements que nous défendrons. En la matière, le droit en vigueur est insuffisant.
Par ailleurs, l’amende de 15 000 euros en cas de non-respect des conditions d’ouverture n’a qu’une faible portée dissuasive au regard des sommes dégagées par certains établissements.
Mme Françoise Cartron. Eh oui !
Mme Josiane Costes. Je regrette enfin le sort réservé à notre amendement tendant à instaurer un contrôle médical des élèves scolarisés dans les établissements privés hors contrat, frappé par l’article 40 de la Constitution. Proposée par le rapport de la commission d’enquête sur les dérives sectaires, qu’a établi notre ancien collègue Jacques Mézard, cette mesure instaurait une véritable prévention en matière de santé et de protection de l’enfance.
Mme Françoise Laborde. Merci de le rappeler, ma chère collègue !
Mme Josiane Costes. Mes chers collègues, nous sommes conscients que l’efficacité de la proposition de loi se mesurera aux moyens d’inspection déployés aux fins de contrôle. Le fait de prévoir que celui-ci s’exerce obligatoirement lors de la première année risque toutefois de fausser l’image que l’on peut avoir de l’établissement.
Le nombre de contrôles a certes été renforcé. J’espère que le Gouvernement pourra nous éclairer quant aux actions qu’il compte entreprendre pour améliorer la réactivité de l’État face aux dangers réels auxquels sont exposés certains enfants.
Attentifs au sort des amendements déposés, les élus du groupe du RDSE soutiennent, dans leur grande majorité, les objectifs de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la liberté de choix de l’enseignement, bien qu’inscrite dans notre Constitution, a toujours été l’objet de débats, de manifestations et de contestations entre les tenants de ce principe et les partisans de la seule école publique. Le projet de loi du ministre Alain Savary a été l’un des moments forts de ces affrontements.
M. Jacques-Bernard Magner. Ce cap a été franchi depuis longtemps !
M. Jean-Claude Carle. Le 24 juin 1984, deux millions de personnes ont défilé dans les rues de Paris pour signifier leur opposition à ce projet, contraignant le Président François Mitterrand à faire marche arrière. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La moindre étincelle rallume l’incendie. J’ai pu le constater, en 2009, lors des débats sur ma proposition de loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence. Si ce texte a permis de résoudre la quasi-totalité des situations qui enflammaient l’ordre du jour du congrès des maires, je suis toujours épinglé au tableau noir de certaines organisations, qui considèrent que l’argent du contribuable doit être strictement réservé à l’école publique.
Plus récemment, le précédent gouvernement, dans le texte Égalité et citoyenneté, a voulu substituer au régime de déclaration d’ouverture des écoles privées un régime d’autorisation. Le Conseil constitutionnel, que nous avions saisi, a annulé le dispositif, qui recourait aux ordonnances.
Aujourd’hui, la proposition de loi de notre collègue Françoise Gatel vise à faire face à une situation nouvelle : le risque de radicalisation. Ce texte conserve le dispositif de déclaration et préserve la liberté d’enseignement, à laquelle nous la savons attachée. Bien entendu, cette liberté, comme toutes les libertés, doit être « encadrée », notamment lorsque la sécurité est en jeu. Sans sécurité, il n’y a pas de liberté.
Mes chers collègues, il est de notre devoir d’assurer la sécurité physique, morale et sanitaire de tous les élèves et des personnels de la communauté éducative ; de les protéger contre des individus ou des mouvements qui, par leurs actes, leurs propos, leurs attitudes, ne respectent pas les valeurs de la République ou cherchent même à les détruire. L’actualité en témoigne.
Si le phénomène de radicalisation est récent, l’école a toujours été l’enjeu de mouvements sectaires. Cette situation avait conduit, en 1998, Mme Ségolène Royal, alors ministre déléguée à l’enseignement scolaire, à adapter le cadre législatif existant en soutenant deux propositions de loi sénatoriales, dont j’ai été le rapporteur, qui renforçaient le contrôle de l’obligation scolaire.
Aujourd’hui, même si ce risque est limité, nous devons tout mettre en œuvre pour lutter contre la radicalisation.
Dans le même temps – si vous me permettez cette expression (Sourires.) –, nous ne devons pas porter atteinte aux établissements qui, en optant pour le hors contrat, choisissent des méthodes et des pédagogies différentes donnant de bons résultats, ce à l’heure où notre école publique envoie au collège 30 % d’enfants qui ne savent pas suffisamment lire, écrire et compter.
M. David Assouline. Mais on n’apprend pas mieux dans les écoles hors contrat !
M. Jean-Claude Carle. Or l’éducation nationale et, d’une manière plus large, l’administration sont souvent pointilleuses, sourcilleuses, voire rétives à certaines innovations ou expérimentations. De ce fait, elles ont souvent une interprétation très stricte des textes. Dans ce domaine comme dans d’autres, nombre d’avancées du législateur sont restreintes, voire annihilées par des décrets ou des circulaires.
Ces raisons nous conduisent à approuver la proposition de Françoise Gatel, rapportée par Annick Billon, de fixer dans la loi une liste des pièces déclaratives ; c’était l’objet de plusieurs de nos amendements, que nous avons retirés en commission au profit des amendements identiques de Mme Gatel.
Lorsqu’il s’agit d’une liberté constitutionnelle, et le diable se cachant souvent dans les détails, c’est au législateur de définir les critères d’appréciation et non à une juridiction par voie de décret.
Je tiens à saluer le travail accompli par notre rapporteur. Sur un sujet passionnel, elle a su conforter la proposition de Françoise Gatel.
Mme le rapporteur vient de détailler les mesures en question ; mes collègues y reviendront s’ils le souhaitent. Permettez-moi, pour ma part, de retenir quelques avancées : l’uniformisation des délais, le guichet unique et le renforcement des contrôles a posteriori. C’est en effet au cours ou au terme de la première année que les risques seront visibles. Au moment de la déclaration, les demandeurs dont nous redoutons les projets seront suffisamment habiles pour masquer leurs intentions. J’y reviendrai lors de la discussion de notre amendement visant à associer à ces contrôles, sous l’autorité du préfet, les services compétents du ministère de l’intérieur.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, notre groupe, attaché à la liberté fondamentale du libre choix de l’école, votera cette proposition de loi de Françoise Gatel, rapportée par Annick Billon, parce qu’elle conjugue liberté et sécurité. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – MM. Jean-Marc Gabouty et Martin Lévrier, ainsi que Mme Colette Mélot applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de la Provôté. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Sonia de la Provôté. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule à mon intervention, je citerai cette assertion, que personne ne peut contester : « Les jeunes Français sont des enfants de la République, et ce où qu’ils soient scolarisés. »
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme Sonia de la Provôté. À ce titre, ces enfants ont le droit d’étudier dans des conditions d’accompagnement pédagogique et de sécurité satisfaisantes.
Face à la radicalisation croissante de certains établissements ou face au risque d’indigence éducative, face au danger potentiel qui en résulte pour les élèves, cette proposition de loi apporte des solutions pour traiter plus efficacement les situations les plus inquiétantes et éviter le développement de nouvelles dérives.
Voter ce texte, c’est mieux garantir la sécurité des enfants scolarisés. Il s’agit là d’un objectif incontestable et fédérateur. C’est pourquoi je dis un grand merci à Françoise Gatel de l’avoir rappelé au travers de cette proposition de loi.
Le régime d’ouverture des écoles hors contrat, aujourd’hui, n’est pas satisfaisant. Tout d’abord, la procédure est complexe et source d’ambiguïté. Ensuite, les moyens d’action sont limités, et l’impossibilité d’agir pour les élus locaux et les services de l’État amène à ce qu’ils soient souvent placés devant le fait accompli.
Malgré l’évidence de situations identifiées comme graves, les procédures ne répondent pas à l’urgence.
Ce qui frappe, c’est qu’il y a aujourd’hui une incohérence entre, d’un côté, la capacité dont dispose l’État à agir rapidement et fermement dans les établissements publics ou privés sous contrat, d’ailleurs parfois sur injonction des parents ou des enseignants, et, de l’autre, le sentiment de secret et de silence, source de fantasmes plus ou moins fondés, qui peut régner autour des écoles hors contrat.
Cette proposition de loi entend donc simplifier et harmoniser les procédures, mieux encadrer et renforcer le régime de déclaration et introduire la transparence nécessaire à la protection des enfants.
La proposition de loi de notre collègue Françoise Gatel intervient dans un contexte où l’enseignement privé hors contrat connaît un véritable essor. Notre rapporteur, Annick Billon, a rappelé les chiffres ; ils sont éloquents. Il y avait 800 établissements scolaires privés hors contrat en 2010. Il y en a aujourd’hui 1 300 ; ils ont donc connu une croissance de plus de 60 %.
Ce qui frappe, c’est que 57 % des effectifs concernent le primaire, donc l’entrée des enfants dans la scolarité. Cela signifie un nombre croissant de parents qui choisissent dès le début une école hors contrat pour éduquer leurs enfants.
Monsieur le ministre, cette question interpelle, bien sûr, même si elle n’est pas l’objet du présent texte, quant aux motivations, quant aux raisons de ce choix délibéré. Elles sont multiples, obéissent certainement à des ressorts différents, mais suscitent toutes une analyse approfondie pour faire évoluer notre propre système scolaire.
Je ferme ici cette parenthèse, pour revenir à notre sujet. Aujourd’hui que se passe-t-il ?
Quand ces établissements ouvrent, les autorités sont démunies, car l’effectivité du contrôle des établissements est limitée, d’une part, par la brièveté et la disparité des délais d’opposition et, d’autre part, par la restriction des motifs pouvant être invoqués à l’appui d’un refus d’ouverture. Il n’y a rien d’étonnant à tout cela : le régime déclaratif actuel se décline en trois procédures qui datent de la fin du XIXe et du début du XXe siècle et qui répondent donc à une situation scolaire désormais datée. Il est évident que ce système est devenu obsolète et qu’il doit être réformé.
J’y insiste, si ce changement doit s’effectuer, c’est sans porter atteinte à la liberté de l’enseignement. Pourtant, il est indispensable de contrôler ces établissements, d’y faire entrer le regard extérieur de la puissance publique, garante de la neutralité de la République et de la protection des enfants. Tout l’enjeu de cet équilibre est de rendre effectif le contrôle et de préserver la liberté fondamentale de l’enseignement. Cet équilibre est le fondement du présent texte.
Par-delà les clivages politiques et les différences, c’est la question de l’enfant qui doit tous nous préoccuper en premier lieu.
À l’occasion de l’examen du projet de loi Égalité et citoyenneté, en octobre 2016, ces principes avaient été réaffirmés. La majorité sénatoriale avait d’ailleurs salué une solution d’équilibre, au moment de l’examen de ce texte.
La proposition de loi de notre collègue Françoise Gatel conserve cet équilibre, au travers d’une procédure de déclaration, tout en permettant que des contrôles réels soient effectués. C’est une proposition de loi pragmatique, simplificatrice, dont le but unique est de garantir davantage d’efficience et d’efficacité.
Ainsi, ce texte fusionne les trois régimes actuels en un seul. Par la voie d’un amendement, Françoise Gatel proposera aussi de simplifier la procédure avec un guichet unique auprès du recteur.
De plus, cette proposition de loi renforce le contenu de la déclaration obligeant le déclarant à indiquer les modalités de financement de l’établissement et à donner un « objet de l’enseignement ». Elle allonge également les délais de recours, uniformise et actualise les motifs de refus d’ouverture et rend plus effectifs les contrôles. En effet, en l’état actuel du droit, le maire ne peut s’opposer à l’ouverture d’un établissement que sur le fondement des « bonnes mœurs » – quid des bonnes mœurs ? –, « de l’hygiène et des exigences de sécurité et d’accessibilité ».
La proposition de loi fixe quatre motifs de refus d’ouverture invocables par le maire, le recteur, le préfet et le procureur de la République. Elle renforce le pouvoir des maires, en leur permettant de s’opposer à l’ouverture pour des motifs liés à la sécurité et à l’accessibilité des locaux. Elle permet également aux services de l’État d’intervenir en cas de non-respect des conditions de titres et de moralité du chef d’établissement et des enseignants.
Quant aux délais d’opposition, ils sont portés à deux mois pour le maire et à trois mois pour les services de l’État. Ainsi, on donnera plus de temps pour approfondir les situations et on ne laissera plus de place au doute.
Mes chers collègues, rien n’est plus normal que de demander aux écoles hors contrat de se conformer aux obligations de sécurité et d’accessibilité qui s’imposent à tous les établissements recevant du public. Rien n’est plus normal que d’autoriser la fermeture d’un établissement qui n’a pas le caractère d’un établissement scolaire.