M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les deux ordonnances qu’il nous est aujourd’hui proposé de ratifier s’inscrivent dans ce long chantier de modernisation du droit de l’environnement engagé sous la précédente mandature.
Nous partageons tous, je crois, la volonté de faire progresser l’évaluation environnementale et la participation du public dans les procédures, conditions indispensables à des débats apaisés. Nous sommes effectivement conscients des difficultés éprouvées dans la conduite des projets en France. L’actualité vient régulièrement nous le montrer : des mobilisations, voire des affrontements ont accompagné – j’en parle maintenant au passé – certains grands projets d’aménagement, avec des risques réels de drames humains. À cela s’ajoutent les dénonciations constantes, de colloque en colloque, de certains blocages, par exemple dans le secteur de l’éolien.
Les grands aménageurs et les associations de protection de l’environnement ont donc aujourd’hui un intérêt commun : trouver des réponses aux blocages à travers des processus d’évaluation globale des projets et des débats publics parfaitement transparents. Je tiens d’ailleurs à souligner l’engagement du secrétaire d’État sur la question particulière de l’éolien et la volonté de simplification dans ce domaine. Parce que la France accumule, de ce fait, un retard certain dans la transition énergétique, c’était un chantier essentiel à conduire.
Je veux, moi aussi, saluer l’important travail de concertation réalisé en amont du texte que nous discutons aujourd’hui, dans le cadre des groupes de travail présidés par notre collègue Alain Richard, mais aussi par Jacques Vernier.
J’insisterai sur deux points précis de ces ordonnances, qui me semblent particulièrement importants et novateurs.
L’ordonnance sur l’évaluation environnementale complète le contenu de l’étude d’impact. En particulier, cela n’a pas encore été précisé, nous introduisons, dans cette analyse, l’incidence du projet sur le climat et sa vulnérabilité face au dérèglement climatique. Cela devrait nous conduire à évaluer certains grands projets d’infrastructures de transport au regard de leur impact en termes d’émissions supplémentaires de gaz à effet de serre.
L’étude d’impact se fait également plus précise sur la question de la biodiversité. Il faut désormais décrire les mesures envisagées pour respecter la séquence « éviter, réduire, compenser » et définir plus précisément – point important – le suivi des mesures compensatoires, ce qui constitue une avancée dans le sens de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et des préconisations de la commission d’enquête du Sénat sur la compensation des atteintes à la biodiversité.
Je ne peux être que satisfait de l’adoption définitive des deux amendements qui se fondaient sur les conclusions de cette commission d’enquête, présidée par Jean-François Longeot et dont j’ai été le rapporteur.
Je tiens aussi à souligner le caractère fructueux des échanges qu’on a eus avec nos collègues de l’Assemblée nationale sur ce point en commission mixte paritaire – n’est-ce pas, monsieur Fouché ? Je crois qu’ils ont été sensibles à nos argumentaires, comme vous l’aviez été, monsieur le secrétaire d’État, en séance, ici, au Sénat, même si, par la suite, on n’a pas senti un enthousiasme complet de l’État et qu’il a donc fallu rester mobilisé.
Le premier de ces amendements tend à revenir sur l’impact de ces projets sur l’agriculture, notamment sur ce point aujourd’hui essentiel de la consommation du foncier agricole, en n’oubliant donc pas d’analyser non seulement la consommation de foncier lié aux infrastructures, mais aussi l’impact en termes de mesures compensatoires. Il faut donc avoir une vision beaucoup plus globale de l’impact sur l’économie agricole.
L’autre amendement adopté définitivement rend systématique la réponse écrite du maître d’ouvrage sur l’avis de l’autorité environnementale pour éviter que les contestations naturalistes ne surviennent après l’enquête publique. Le fait que l’avis de l’autorité environnementale soit maintenant complété par cette réponse écrite du maître d’ouvrage à d’éventuelles objections doit permettre un débat plus approfondi et, donc, plus apaisé.
C’est un point important de nature à réduire les contestations, qui interviennent souvent, il faut le rappeler, après une enquête publique au cours de laquelle tous les sujets n’ont pas été abordés – je pense notamment aux arrêtés pris en application de la loi sur l’eau. Il s’agissait d’une conclusion importante de la commission d’enquête sénatoriale, et je suis donc évidemment très heureux que ce soit maintenant dans la loi.
Nous n’avons pas été suivis, monsieur le secrétaire d’État – mais je sais que c’était l’une de vos préoccupations –, sur cette fameuse « clause-filet » ou clause de rattrapage. La rédaction actuelle nous semble toujours fragile, car les directives européennes et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne précisent que tout projet impactant sérieusement l’environnement doit faire l’objet d’une évaluation environnementale. C’est un sujet sur lequel il faudra revenir.
Les ordonnances ne répondront pas à tout, mais les exigences de transparence, de dialogue, de contre-expertise, d’approche globale des projets sont au cœur d’un débat public apaisé dont nous avons tous besoin aujourd’hui. L’État et les maîtres d’ouvrage se sont souvent montrés frileux, méfiants sur ces débats en pensant que, finalement, plus ils donnaient d’informations, plus ils nourrissaient la contestation. Notre analyse est inverse : c’est la faiblesse du débat qui nourrit aussi les contestations.
Nous ne pouvons donc que souligner les avancées progressives qui sont intervenues ces dernières années. L’accord, assez consensuel, me semble-t-il, sur ce texte est donc un signal positif supplémentaire – si j’étais taquin, je parlerais même d’un deuxième signal positif – adressé par l’État et la représentation nationale pour une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux et, en premier lieu, de biodiversité dans les projets d’infrastructure. Le groupe du RDSE votera donc les conclusions de la commission mixte paritaire.
Comme l’a également dit Nelly Tocqueville, nous avons devant nous tout un processus de simplification administrative ; il faudra alors être extrêmement vigilant à ne pas revenir en arrière eu égard à tout le travail qui a été mené pour un débat apaisé sur les enjeux environnementaux. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne vais pas alimenter un vain suspens : le groupe Les Républicains votera bien sûr pour les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant les ordonnances du 3 août 2016 relatives à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale et portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public.
Une telle issue a été rendue possible par le travail de notre rapporteur, Alain Fouché, qui, dès la première et unique lecture, a travaillé avec un vrai esprit de synthèse. Encore une fois, la majorité sénatoriale sait se montrer constructive, monsieur le secrétaire d’État.
Dans ce projet de loi, il n’aura échappé à personne que l’enjeu ne portait pas sur la ratification des deux ordonnances précitées. Personne ne peut en effet s’opposer à une réforme qui doit permettre de simplifier la vie quotidienne des collectivités territoriales et des professionnels, tout en assurant une meilleure implication de nos concitoyens.
Comme j’ai eu l’occasion de le préciser lors de l’examen du projet de loi en première lecture, la première ordonnance répond à la nécessité de simplifier le parcours des maîtres d’ouvrage en prévoyant une étude d’impact par projet, et non plus par procédure. Tous les porteurs de projet, qu’ils soient publics ou privés, y sont favorables. La nécessité de soumettre pour avis le document d’évaluation environnementale, avant autorisation du projet, à la consultation des collectivités territoriales fait l’unanimité.
S’agissant de la seconde ordonnance, avec le renforcement de la concertation en amont des processus d’autorisation et, ensuite, la modernisation de la concertation en aval, là encore, aucune difficulté.
Pour notre groupe politique, l’enjeu de cette commission mixte paritaire résidait dans les trois points cardinaux suivants : l’inscription dans la loi d’un seuil à 5 millions d’euros de dépenses prévisionnelles pour un projet afin de permettre l’accès à un droit d’initiative du public ; faire passer de quatre à six mois le délai durant lequel l’illégalité pour vice de forme ou de procédure peut être invoquée par voie d’exception ; allonger à quatre mois, au lieu de deux, le délai offert pour exercer un droit d’initiative citoyen.
En ce qui concerne la suppression de l’allongement à six mois du délai durant lequel l’illégalité pour vice de forme ou de procédure peut être invoquée, c’est la position du Sénat qui l’a emporté.
S’agissant de l’allongement à quatre mois du délai offert pour exercer un droit d’initiative citoyen, la position de sagesse du rapporteur consistant à étendre cet allongement à l’ensemble des parties prenantes, y compris aux collectivités territoriales, était la seule solution envisageable.
Je rappelle ici qu’il fallait harmoniser ces délais pour la recevabilité de la demande d’autorisation à l’expiration du délai d’exercice du droit d’initiative le plus long, soit quatre mois.
Je me réjouis que la voix exprimée par le Sénat ait été entendue, même s’il s’agissait de considérations très techniques.
Dernier point cardinal de l’examen en commission mixte paritaire : le seuil de dépenses prévisionnelles pour un projet afin de permettre l’accès à un droit d’initiative du public. Sur ce sujet, la position défendue par le Sénat n’a pas été comprise. En effet, cet ajout nous semble contraire à l’article 41 de la Constitution, car il est manifestement de nature réglementaire.
Au final, sur trois sujets majeurs qui restaient en discussion avant l’examen de la commission mixte paritaire, deux ont trouvé une issue favorablement à la position exprimée par le Sénat. Le dernier point étant beaucoup trop politique, on ne pouvait pas discuter à armes égales avec la majorité de l’Assemblée nationale.
Pour cette raison et parce que le projet de loi est guidé par la volonté d’alléger les contraintes administratives pesant sur les collectivités territoriales ainsi que sur les professionnels, notre groupe votera les conclusions de la commission mixte paritaire. Comme vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, espérons que ce texte permettra de favoriser la réalisation de projets de méthanisation, de projets photovoltaïques, permettant ainsi à notre pays d’être pleinement dans la transition énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union centriste. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. La Seine-Saint-Denis s’intéresse aussi à tous ces sujets, contrairement à ce que certains pourraient penser… (Sourires.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons examiné en première lecture ce texte ratifiant les ordonnances du 3 août 2016 au tout début du mois d’octobre, deux semaines après les élections sénatoriales. Les délais extrêmement courts n’avaient alors pas permis un travail approfondi sur un projet de loi pourtant particulièrement technique, puisque ce sont soixante articles du code de l’environnement qui ont été créés ou modifiés.
La commission mixte paritaire s’est tenue en décembre dernier dans une ambiance constructive, et un texte de compromis a été adopté à l’unanimité sur les deux articles restant en discussion. Nous en prenons acte, même si nous estimons que certaines dispositions instaurées par le Sénat auraient dû être supprimées en commission mixte paritaire. Il en est ainsi de l’instauration d’un délai de quatre mois pour soulever un vice de forme dans une procédure au titre de la concertation. Le délai fixé à six mois par l’Assemblée nationale nous semblait plus efficient.
À l’inverse, nous sommes satisfaits que la commission mixte paritaire ait restauré un plafonnement du seuil de dépenses publiques à partir duquel un projet est soumis à déclaration d’intention et à droit d’initiative, ce seuil étant fixé à 5 millions d’euros. Le Sénat avait fait le choix de ne pas fixer de seuil, renvoyant à la prise d’un décret, ce qui nous semblait constituer une incompétence négative du législateur.
À la fin du processus législatif, nous continuons de nous interroger sur certaines dispositions contenues dans ces ordonnances et sur la méthode utilisée. Nous regrettons ainsi le recours à la pratique des ordonnances, conjugué à la procédure accélérée, qui prive les parlementaires de leurs prérogatives législatives, les réduisant à un simple contrôle a posteriori de dispositions déjà intégrées dans le droit positif. Or cette méthode de gouvernement est de plus en plus utilisée.
Pour aboutir aux dispositions les plus efficaces et pertinentes, le travail parlementaire a besoin de temps. Il ne s’agit pas là de temps perdu, mais bien du temps nécessaire de formation de la décision publique dans une démocratie.
Sur le fond, alors que l’exigence d’une meilleure association du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement tend à s’exprimer de plus en plus fortement au sein de la société, nous regrettons que l’ordonnance ne soit à la hauteur ni des enjeux ni des attentes.
Soyons clairs : si l’objectif est d’éviter pour demain des drames comme celui de Sivens, rien ne nous permet aujourd’hui de dire que ces dispositions portent le début du commencement d’une réponse. En effet, au-delà des reformulations, clarifications et nouvelles compétences confiées à la Commission nationale du débat public, ce qui est plutôt positif en termes de concertation préalable, le droit d’initiative créé reste très encadré, ce qui nous fait craindre l’émergence d’un droit purement fictif.
Ouvrir un droit nouveau, en plaçant des conditions matérielles inatteignables pour sa mise en œuvre, est de nature à générer une frustration inutile et semble donc une démarche contre-productive.
Dans ce cadre, nous partageons les regrets de notre collègue Barbara Pompili, présidente de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, qui a alerté la commission mixte paritaire et le Gouvernement sur la difficulté de réunir 500 000 citoyens pour saisir la Commission nationale du débat public sur un projet de réforme de politique publique, ainsi que le prévoit l’ordonnance que nous devons ratifier. Je rappelle que nous avions porté un amendement sur le sujet permettant de diviser par deux ce seuil, sans que celui-ci reçoive un avis positif ni du Gouvernement ni de la majorité sénatoriale.
Même sort pour notre proposition de rendre plus efficient le droit d’initiative citoyenne pour les projets de plus faible ampleur en transformant le contrôle d’opportunité du préfet en une simple formalité pour constater que les conditions matérielles formulées par la loi sont remplies.
Au final, ce droit d’initiative n’est corrélé à aucune obligation de prise en compte par le maître d’ouvrage, ce qui l’affaiblit considérablement. Permettre l’expression est une chose, encore faut-il que cette expression puisse être entendue.
Il serait alors opportun de prévoir une évaluation de la mise en œuvre réelle de ces dispositifs après l’entrée en vigueur de la présente loi, pour vérifier si, comme nous le craignons, ils s’avèrent peu opérationnels.
S’agissant de l’ordonnance relative aux évaluations, nous avons, depuis le début de l’examen de ce texte, une vision extrêmement critique de ces dispositifs qui passent d’une évaluation environnementale systématique à une évaluation au cas par cas selon l’appréciation des services de l’État. Or la faiblesse des moyens, notamment humains, dans les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement laisse craindre un contrôle a minima, ce qui n’est malheureusement pas nouveau en matière de respect de l’environnement.
Nous regrettons enfin l’absence, comme nous l’avions proposé avec le sénateur Dantec, d’une « clause-filet » pour éviter que des projets, petits par leur dimension, mais à fort impact environnemental, puissent faire l’objet d’une évaluation. Pourtant, l’arrêt du Conseil d’État du 8 décembre 2017 impose au Gouvernement de mettre fin à la possibilité d’une régression du droit en matière de protection de l’environnement. Le Gouvernement aurait ainsi pu formuler, lors de la commission mixte paritaire, une proposition en ce sens afin de respecter le droit européen et la jurisprudence administrative. Elle aurait été acceptée par nos assemblées, me semble-t-il. Malheureusement, cette question a été renvoyée vers un autre véhicule législatif.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous confirmons notre vote défavorable de première lecture.
M. Éric Bocquet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les deux ordonnances qui nous sont soumises cultivent les bonnes intentions, ce qui est à saluer par définition. C’est le temps et l’expérience qui nous en donneront la clef. Il faut laisser vivre cette réforme dans la globalité des quatre ordonnances pour apprécier, par exemple, si l’autorisation environnementale unique sera en pratique un succès.
Fondamentalement, je crois que les textes qui nous sont soumis relèvent d’une transition. Ils partent, à juste titre, de l’idée que la manière de décider a changé dans notre société. Nos concitoyens aspirent à s’exprimer de manière concrète et continue sur un nombre croissant de sujets et dans de nombreux domaines de l’action publique. L’environnement n’y fait pas exception.
Le développement de cette démocratie environnementale repose en partie sur l’affirmation des droits à l’information et à la participation du public, droits nouveaux qui doivent être conciliés avec la nécessaire poursuite des projets d’infrastructure.
Pour les promoteurs du texte, protection de l’environnement, participation du public et faisabilité des infrastructures ne sont pas antinomiques. L’objectif est d’associer davantage nos concitoyens à la prise de décision dans le domaine environnemental, tout en permettant aux maîtres d’ouvrage de mener à bien leurs projets. C’est un exercice de curseur ou de régulation auquel nous sommes conviés. Je n’exclus pas – mais les points de vue sont différents, comme nous venons de le constater après avoir écouté Mme Assassi – que le balancier soit allé un peu trop loin à la défaveur de la capacité à faire, et à faire de manière qualitative.
À l’aune de ces objectifs, les ordonnances que nous sommes sur le point de ratifier portent, sur de nombreux sujets, des avancées, et je tiens à remercier l’ensemble des collègues pour le travail constructif accompli, en particulier M. le rapporteur. Parmi les accords de compromis auxquels est parvenue la commission mixte paritaire, plusieurs méritent d’être salués.
Concernant l’ordonnance relative à la participation du public, l’abaissement de six à quatre mois du délai pour les recours en illégalité pour vice de forme ou de procédure rééquilibre un peu le texte.
Je me réjouis également que des conclusions de la mission d’information sénatoriale sur la démocratie dite « participative » ou « coopérative », que j’ai menée avec l’un de nos collègues de l’Hérault, aient été intégrées au texte de l’ordonnance, en particulier la désignation facultative d’un garant chargé de la phase d’information et de participation intermédiaire.
Monsieur le secrétaire d’État, j’insiste sur l’intérêt d’expérimenter une procédure continue de consultation du public. La désignation d’un garant sur le temps long permettra d’assurer la transparence et la médiation tout en favorisant le bon déroulement du projet. J’ai vu que vous commenciez à intégrer certains éléments dans divers textes. Je pense aussi aux propositions que nous avions pu faire afin de respecter le double degré de juridiction, en commençant dans certains cas par un recours devant la cour administrative d’appel avant la saisine éventuelle du Conseil d’État.
Enfin, je tenais à saluer le choix opéré par la commission mixte paritaire d’opter pour une logique de simplification et de convergence entre les règles du code de l’environnement et celles du code de l’urbanisme. Alors que l’Assemblée nationale avait décidé de privilégier la concertation au titre du code de l’environnement à celle prévue par le code de l’urbanisme, nous avions au contraire fait le choix d’une convergence des deux codes, afin de réduire les délais des opérations tout en assurant un niveau de garantie similaire. Si l’accord de compromis qui a finalement été trouvé diffère quelque peu, puisque la concertation au titre du code de l’environnement primera toujours dans cinq cas, il n’en demeure pas moins qu’une étape a été franchie en termes de lisibilité des procédures. Le Sénat aurait apprécié, monsieur le secrétaire d’État, que, sinon la fusion, du moins la coordination de ces deux codes soit privilégiée globalement, mais notre collègue Alain Richard en avait déjà mesuré la difficulté lorsqu’il avait travaillé sur son rapport déjà largement cité.
Un point, toutefois, suscite en nous une certaine inquiétude : le fait d’avoir privilégié la voie législative pour la fixation du seuil à partir duquel les projets relèveront du droit à l’initiative. Il avait pourtant été admis que cette disposition avait intrinsèquement une nature réglementaire et que son encadrement par la loi réduirait toute future adaptabilité du seuil. Faute d’accord entre nos deux assemblées, il en a été décidé autrement, mais ce choix n’est pas de nature à changer notre regard sur ce texte.
Mes chers collègues, le groupe Union centriste votera le texte proposé par la commission mixte paritaire, dont nous partageons, sinon la lettre, du moins l’esprit. Il est peut-être un peu sévère, comme je l’ai entendu il y a quelques minutes, de dire que ces dispositions ne contiennent pas le début du commencement d’une réponse, madame Assassi. De manière un peu différente, je dirai qu’il y a bien sûr une part de risque dans les ordonnances proposées, du moins dans leur mise en œuvre. En revanche, je crois profondément, avec mes collègues, qu’il y aurait un risque plus important aujourd’hui à ne pas donner une place importante à la dimension participative dans la réalisation de projets ou aux questions environnementales au sens large.
Je terminerai en indiquant que la notion de transition me paraît cependant assez présente et que le caractère transitoire de ces dispositions nous conduira à y revenir, sinon à court terme – ce qu’il vaudrait mieux éviter –, du moins à moyen terme. Et si vous en doutiez, mes chers collègues, les régimes dérogatoires que vous avez votés la semaine dernière en votre présence, monsieur le secrétaire d’État, au sein du texte consacré aux jeux Olympiques, en sont l’annonce ou la confirmation. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur et M. Alain Richard applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire des rapporteurs Alain Fouché, que je salue tout particulièrement, et Jean-Marc Zulesi est parvenue à un compromis, à quelques jours des fêtes de fin d’année 2017. Nous pouvons nous en féliciter.
Commencé en avril 2017, l’examen du projet de loi de ratification des deux ordonnances du 3 août 2016 a connu une histoire mouvementée. Déposé par l’ancienne ministre de l’environnement, Ségolène Royal, retiré en juin 2017, puis redéposé par le nouveau ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, le texte a été adopté par l’Assemblée nationale dès le mois de juillet, mais a parallèlement été modifié par le Sénat. Pour en comprendre les enjeux, il faut remonter plus loin encore dans le temps.
L’article 106 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », prévoyait que le gouvernement soit habilité à réformer par ordonnances les règles applicables à l’évaluation environnementale. En réformant ces procédures relatives aux projets, plans ou programmes affectant l’environnement, la loi vise à mieux associer le public aux décisions et à lui assurer une plus grande transparence sur la décision publique.
En août 2016, le gouvernement avait donc pris deux ordonnances relatives à ces questions d’évaluation environnementale.
Ainsi, l’ordonnance n° 2016-1058 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale opère un premier revirement stratégique : elle fait passer le droit d’une évaluation systématique à une évaluation au cas par cas, pour concentrer nos forces sur les projets ayant le plus d’impact sur l’environnement.
L’ordonnance n° 2016-1060 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public renforce la concertation en amont du processus décisionnel. Elle propose de nouveaux outils : élargissement du champ du débat public aux plans et programmes, création d’un droit d’initiative citoyenne ou encore attribution de nouvelles compétences à la Commission nationale du débat public.
Complétées par deux décrets d’application en août 2016 et en avril 2017, ces ordonnances ne sont pas seulement une avancée en droit français. Elles sont aussi un impératif de mise en conformité avec le droit européen. Il me semble ainsi utile de rappeler que la France avait fait l’objet, en mars 2015, d’un avis motivé de la Commission européenne, celle-ci jugeant incomplète et fermée la liste des plans et programmes soumis à l’évaluation. Il y a donc un véritable enjeu à traduire le droit européen dans les plus brefs délais pour éviter d’éventuelles sanctions administratives et financières.
Ces ordonnances, mes chers collègues, modernisent notre façon de considérer l’avis du citoyen dans le processus décisionnel. Plus que jamais, notre droit doit donner une information parfaite et compréhensible à chaque citoyen et lui permettre d’exprimer une opinion sur les grands projets.
En renforçant la procédure facultative de concertation préalable pour les projets et plans, ces ordonnances nous permettent d’aller de l’avant.
Le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, Sébastien Lecornu, a su résumer en une formule simple l’enjeu majeur de ce projet de loi : il faut apprendre à perdre du temps en amont d’un projet pour ne pas le perdre ensuite. En simplifiant et en clarifiant les règles, en améliorant l’articulation entre les évaluations et le lancement des projets, en renforçant enfin la concertation, ces ordonnances nourrissent une révolution des pratiques de notre pays.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires, soucieux d’être à l’écoute de la parole citoyenne et favorable aux initiatives de débat public, votera en faveur du texte issu de la commission mixte paritaire. Convaincus de sa capacité à changer la donne, nous lui accordons toute notre confiance et espérons qu’il puisse véritablement nous aider à franchir une prochaine étape dans l’aménagement de notre territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)