M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le président de notre groupe, Claude Malhuret, s’est déjà exprimé sur l’opportunité de ce projet de loi et l’importance de ces ordonnances. Je n’y reviendrai donc pas.
Il me paraît important de souligner que cette réforme, pourtant difficile, a été menée dans un climat serein, en grande partie grâce au pragmatisme des parties prenantes et au temps qui a été consacré à la consultation des différents acteurs et aux négociations.
Les ordonnances proposées par le Gouvernement et amendées par la commission des affaires sociales du Sénat privilégient le dialogue social dans l’entreprise, simplifient certaines règles qui constituaient indéniablement un frein au développement de l’emploi, apportent de la flexibilité et, ainsi, adaptent notre législation du travail à l’évolution de notre économie sans précariser les salariés.
Les règles relatives à la négociation collective sont clarifiées grâce à une articulation cohérente entre accords de branche et accords d’entreprise, une place importante étant donnée à ces derniers.
La fusion des instances, donnant naissance au CSE, est une bonne mesure alliant simplicité et efficacité. La réforme du compte de prévention de la pénibilité était nécessaire. Certains critères étaient difficilement définissables et gérables, notamment par les petites entreprises. Leur retrait est une très bonne nouvelle, en particulier pour ces dernières.
Étant élu d’un département rural, je veux souligner la prise en compte des spécificités des petites entreprises dans le code du travail. Alors qu’elles sont les nombreuses dans notre pays, les règles leur sont rarement adaptées. Les TPE-PME pourront maintenant conclure un accord collectif, même si elles n’ont pas de délégué syndical. Comme l’a rappelé Claude Malhuret, seulement 4 % des entreprises de moins de 50 salariés disposent d’un délégué syndical.
La mise en place d’un barème des indemnités prud’homales pour l’ensemble du pays est aussi une mesure d’équité.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires a souhaité exprimer son avis sur les effets de seuil, s’agissant notamment du seuil de 50 salariés, et sur le droit de contrôle de l’administration concernant la validation d’une rupture conventionnelle collective, extension de la rupture conventionnelle individuelle introduite dans le droit du travail en 2008. Contrairement à ce que certains prétendent, il ne s’agit pas d’un licenciement économique déguisé. Je rappelle que les salariés doivent être volontaires et que l’accord doit être accepté par 50 % des syndicats.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants-République et Territoires est favorable à ces ordonnances. En France, l’emploi industriel a reculé de 25 % en quinze ans. Notre législation, qui se voulait vertueuse en étant très protectrice envers les salariés, pouvait, par un excès de contraintes, freiner le développement de l’emploi. Dans ce contexte, il fallait faire évoluer les règles qui régissent notre économie pour aller vers le plein-emploi, sans précariser les salariés, mais en visant une augmentation du nombre d’embauches en CDI dans les entreprises.
Après l’adoption de ces ordonnances et la baisse des charges, d’autres textes, eux aussi très attendus, seront nécessaires à la relance de l’économie, à l’instar de la réforme de l’apprentissage et de la formation professionnelle. (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains.
Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous arrivons à la dernière étape du processus d’adoption des ordonnances. J’espère qu’un accord pourra être trouvé sur les dispositions proposées en commission par le rapporteur. Dans la mesure où l’ensemble des décrets d’application ont déjà été publiés, notre vote est-il encore utile ? À l’instar du président Milon, nous l’espérons…
Je souhaitais ouvrir mon intervention sur cette question de forme, eu égard aux libertés que prend de plus en plus le Gouvernement à l’égard des prérogatives du Parlement, en particulier du Sénat, sur ce dossier comme sur d’autres.
Sur le fond, notre groupe sera cohérent avec la position constante qui a été la sienne ces dernières années. Nous avons en effet proposé la plupart des dispositions contenues dans ces ordonnances lors du précédent quinquennat, par le biais d’amendements déposés sur les projets de loi dits « Rebsamen », « Macron » ou « El Khomri » ou de textes tels que la proposition de loi relative aux entreprises de notre collègue Alain Chatillon.
Je rappellerai nos positions, pour apporter des précisions sur ce que nous soutenons et sur ce que nous ne soutenons pas. En effet, si nous souscrivons au projet global, le Gouvernement est loin d’avoir supprimé tous les freins au développement de nos entreprises, alors que le Président de la République présente ces ordonnances comme constituant la principale réforme de son quinquennat.
Tout d’abord, en matière de dialogue social, nous souhaitions la primauté des accords d’entreprise, parce qu’il est important que les décisions soient prises au plus près du terrain, d’un commun accord entre les acteurs concernés. Madame la ministre, vous mentionnez souvent les primes comme nouveau champ de négociation ouvert prioritairement aux accords d’entreprise. Vous ne pouvez guère citer d’autres exemples, car ils sont bien peu nombreux !
En réalité, les ordonnances privilégient surtout les négociations à l’échelon de la branche, alors que le projet initial était de renvoyer tous les accords à l’échelon de l’entreprise. Étendre la primauté des accords de branche est judicieux dans certains domaines, mais, dans d’autres, cela restreindra le champ des possibles pour les entreprises. Ce sera notamment le cas pour les contrats de mission, dont le Gouvernement affirme pourtant vouloir favoriser le développement.
D’autres dispositions concernant les accords de branche sont au contraire judicieuses, comme l’obligation de prévoir des dispositions spécifiques qui tiennent compte de la réalité des TPE-PME.
Concernant précisément les TPE-PME, nous nous réjouissons que soit favorisé un dialogue social direct, avec la possibilité, pour les entreprises de moins de 50 salariés, de négocier avec un élu du personnel en l’absence de délégué syndical, et, pour les TPE de moins de 20 salariés, de consulter le personnel en l’absence de représentant élu.
De même, notre groupe demandait depuis des années une simplification des instances représentatives du personnel. Celle-ci est réalisée aujourd’hui par la fusion des trois instances d’information au sein d’un comité social et économique.
Plusieurs mesures avaient été également proposées par notre groupe concernant la sécurisation des relations de travail. Je pense d’abord au plafonnement des indemnités en cas d’absence de cause réelle et sérieuse d’un licenciement et à la fixation d’un barème. Jusqu’à présent en effet, les employeurs comme les salariés étaient dans l’incertitude quant aux conséquences financières de ce type de licenciement, le montant des indemnités pouvant varier de un à quatre suivant le tribunal saisi.
La définition des difficultés économiques d’une entreprise à l’échelle nationale répond, quant à elle, à une attente forte des investisseurs, qu’il s’agit d’encourager à reprendre le risque d’investir en France. Je salue la qualité du travail de notre rapporteur, qui a permis d’aboutir à une rédaction équilibrée.
Je précise que, sur ces deux sujets, les ordonnances ne font qu’appliquer des règles qui sont suivies par la majorité des autres pays européens.
Je citerai également l’harmonisation des accords dits « offensifs » et « défensifs », qui permettent aux entreprises d’anticiper et de s’adapter rapidement aux évolutions à la hausse ou à la baisse du marché, ou encore la création de conventions collectives reprenant le principe des conventions individuelles créées par notre majorité et que les entreprises et leurs salariés s’étaient rapidement appropriées.
Enfin, le dossier de la pénibilité trouve une issue, même si le sujet est loin d’être clos. Pour ma part, je crains les effets du transfert du financement à la Caisse nationale de l’assurance maladie, la CNAM.
Malgré toutes ces dispositions favorables au développement de l’activité, à l’issue de ces quelques mois de préparation des ordonnances, les retours du terrain dans nos circonscriptions montrent que les entreprises ne sont toutes convaincues par l’action du Gouvernement.
J’y vois plusieurs explications. Si des incertitudes sont levées, un sentiment de fragilité face aux nombreuses contraintes administratives et fiscales auxquelles les entreprises sont soumises aujourd’hui demeure. L’action du Gouvernement comporte des contradictions. Par exemple, si des dispositions ont été prises pour que les entreprises puissent anticiper le coût d’un licenciement, les indemnités légales de licenciement ont parallèlement été augmentées de 25 % ! Le décret d’application a d’ailleurs été pris quelques jours seulement après la publication des ordonnances.
Cela n’est pas de nature à rétablir la confiance, d’autant que l’essentiel manque. Comme vient de le souligner le président Retailleau, le Gouvernement n’a pas souhaité inclure dans les ordonnances la réforme pourtant capitale des seuils sociaux et fiscaux, ni évoquer la question du temps et du coût du travail.
Notre vote positif s’accompagnera donc de nombreuses réserves et traduit une position d’attente. Les Français ont voté aux élections présidentielles pour une rupture, pour une véritable politique de développement de l’activité et de l’emploi, avec les réformes structurelles et les choix budgétaires que cela implique. Même si ce texte va dans le bon sens, je ne perçois pas, pour le moment, le courage politique que nécessitent de tels changements. Je le regrette sincèrement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par Mme Grelet-Certenais, MM. Tourenne, Daudigny et Jomier, Mmes Féret, Jasmin, Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, d’une motion n° 70.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, pour la motion.
Mme Nadine Grelet-Certenais. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la publication et l’entrée en vigueur progressive des cinq ordonnances confirment les ambitions libérales du Gouvernement en matière d’emploi et de dialogue social. Ces ordonnances relèvent d’une logique d’abord comptable qui, plutôt que de favoriser l’emploi, renforce les moyens de le réduire, privilégie la flexibilité plutôt que la justice sociale. Le rejet exprimé par l’ensemble des syndicats de salariés est, en lui-même, assez éloquent quant à l’esprit de ces textes qui ont fait l’objet d’une concertation menée au pas de course et qui, de plus, ne sont accompagnés d’aucune étude d’impact.
Ces ordonnances pourraient être qualifiées, selon l’expression forgée par le célèbre juriste universitaire Alain Supiot, de nouveau « produit législatif » proposé sur le marché international des normes. Il porte de sérieux reniements de notre modèle social et économique.
La loi semble détournée de son objectif premier, à savoir la fixation des conditions de justice entre le salarié et l’employeur. Où est le volet protecteur de cette « réforme » présentée comme progressiste ?
La loi El Khomri du 8 août 2016 reposait sur une autre méthodologie et proposait de véritables contreparties sociales aux efforts demandés aux salariés. Des réponses novatrices furent élaborées pour adapter notre droit à la numérisation du travail. Je pense au compte personnel d’activité, au droit à la déconnexion, à la prise en compte de la pénibilité, aux congés spéciaux, aux emplois saisonniers, etc.
Une fois ces quelques points essentiels rappelés, l’on comprendra que, contrairement au grand patronat et à la majorité sénatoriale, le groupe socialiste et républicain est très loin de se satisfaire d’un tel projet de loi.
L’entrée en vigueur au 1er janvier dernier de l’ordonnance traitant des ruptures conventionnelles collectives illustre à la fois les régressions sociales contenues dans ce texte et la relégation du Parlement à un rôle d’enregistrement d’une législation émanant de l’exécutif.
S’agissant des RCC, que constatons-nous ? Les entreprises du secteur commercial et du secteur bancaire, à l’instar de Pimkie, de PSA ou de la Société Générale, se sont aussitôt saisies de ce dispositif avantageux. Rappelons que ce nouvel outil permet aux entreprises de licencier sans justification économique et à moindres frais, en évitant les contraintes d’un plan de sauvegarde pour l’emploi, dispositif qui limitait jusqu’à présent le nombre des licenciements.
En ce qui concerne les salariés, la RCC les prive de leur droit au contrat de sécurisation, qui leur offrait un meilleur suivi post-licenciement et leur assurait pendant un an une indemnité plus élevée que l’indemnité de base.
La conjoncture favorable pour l’emploi que nous connaissons depuis quelques mois et dont il semble difficile de ne pas attribuer la paternité au précédent quinquennat la paternité (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) suffira-t-elle à masquer les aspects délétères de cette mesure pour les parcours professionnels de nos concitoyens ?
Maintes dispositions, évoquées par mes collègues, constituent autant de renoncements et d’innovations régressives, qui tendent à une généralisation de la précarité et à un affaiblissement du dialogue social. Je citerai, entre autres mesures, la barémisation impérative des indemnités prud’homales, qui remet en question le principe fondamental de « réparation intégrale » des préjudices subis, la limitation du périmètre d’appréciation du motif économique, qui permettra aux multinationales implantées sur notre territoire de procéder plus facilement à des licenciements massifs, l’assouplissement des obligations de reclassement dans le cadre d’un licenciement économique, le contournement des syndicats par l’employeur dans les petites entreprises de moins de 20 salariés via l’instauration d’un référendum à la main du patron, la suppression du CHSCT, créé par les lois Auroux de 1982, l’intégration de cette instance sanitaire dans le comité social et économique la dépossédant, en vérité, de sa capacité à ester en justice et à recourir à des expertises.
Toutes ces mesures ne traduisent-elles pas la volonté du Gouvernement de parier sur la dérégulation au détriment des protections salariales, uniquement perçues comme des contraintes ? Où est l’humain dans tout cela ? L’esprit de ces ordonnances est trop éloigné de la réalité humaine et psychologique des salariés. La création des « CDI de chantier ou d’opération » n’est-elle pas une innovation juridique visant à précariser encore un peu plus le monde du travail, déjà marqué par l’importance du recours aux CDD et à l’intérim ?
Il est un autre point auquel je demeure très attentive : la prévention de la pénibilité. Le dispositif a été souvent qualifié d’« usine à gaz », et les syndicats étaient eux-mêmes conscients de la perfectibilité des référentiels. Toutefois, au lieu de tendre vers un système coconstruit avec l’ensemble des partenaires sociaux, le Gouvernement a manifestement cédé aux arguments des organisations patronales. Le retrait de quatre facteurs de risque liés à des contraintes physiques marquées, à savoir les postures pénibles, les vibrations mécaniques, la manutention manuelle de charges lourdes ou l’exposition à des agents chimiques dangereux, incluant poussières et fumées, constitue un point de désaccord majeur pour notre groupe politique.
Par ailleurs, le nouveau système entré en vigueur au 1er octobre dernier prévoit qu’il faudra avoir été atteint par une pathologie avant la date de départ à la retraite. Ne s’agit-il donc pas là d’un renversement de la logique même de prévention des risques ? Jusqu’alors, le salarié acquérait des droits « à raison de son exposition sans exigence d’une affection » ou d’un taux minimal d’incapacité permanente partielle. Alors qu’a été déposée une proposition de loi portant création d’un fonds d’indemnisation des victimes des pesticides, les fiches d’exposition aux risques chimiques, notamment à l’amiante, instaurées sous Lionel Jospin sont purement et simplement supprimées. Nous ne pouvons être partisans d’une simplification du droit allant à l’encontre de la santé des salariés.
Ces quelques exemples suffisent à démontrer que l’humain et la réalisation de l’individu au travail sont balayés d’un revers de main au profit de mesures aussi techniques qu’injustes. Ces ordonnances ravivent les lignes de fracture idéologique traditionnelles.
Pour nous, l’entreprise n’est pas seulement la propriété de l’employeur, ni uniquement le lieu de la production de biens et de services ; c’est aussi un lieu de création collective et d’interaction sociale où l’être humain doit pouvoir se réaliser et se révéler. Le dialogue social est un élément essentiel du nécessaire rééquilibrage des rapports de force existants au sein de cette organisation humaine.
A contrario, la philosophie défendue ici par le Gouvernement relève d’une idéologie verticale de l’entrepreneuriat envisageant les règles comme des contraintes et les droits comme des coûts.
À l’heure de la révolution numérique, il est regrettable de voir réapparaître en France une vision passéiste du dialogue social, selon laquelle le bien-être des salariés serait contre-productif et altérerait la performance économique. L’humain n’est pas une simple variable d’ajustement.
Au regard de cet écueil idéologique, il est également fort regrettable de ne relever aucune mesure d’anticipation des grandes mutations du travail : ubérisation, recrudescence des mini-jobs, multiplication des contrats excessivement précaires. Les salariés étaient pourtant dans l’attente d’une meilleure sécurisation des parcours professionnels.
Madame la ministre, en raison de l’adoption d’une sixième ordonnance présentée en conseil des ministres le jour de l’examen du rapport de la commission des affaires sociales du Sénat, soit le 20 décembre dernier, et dans l’attente de la publication de la septième, toujours en préparation, nous considérons que les conditions ne sont pas réunies pour travailler correctement et avoir un débat approfondi permettant de mesurer les tenants et les aboutissants de l’ensemble des dispositions proposées par le Gouvernement.
Bien que décrite comme une « ordonnance balai », ce qui sous-entend que ce texte n’apporterait que des précisions d’ordre technique, il s’avère que la sixième ordonnance, qui, faut-il le préciser, n’a fait l’objet d’aucune concertation, pose de nombreuses questions qui ne pourront pas être débattues dans de bonnes conditions.
Cette ordonnance comporte en effet des modifications de fond qui ne se résument pas à de simples rectifications aux fins de coordination juridique, comme le prétend le Gouvernement. Ainsi que cela a été indiqué à l’occasion d’une récente table ronde réunissant les principaux syndicats, certaines de ces mesures font d’ores et déjà l’objet de recours.
Je pense notamment aux nouvelles prérogatives octroyées au « conseil d’entreprise », qui serait seul compétent pour négocier tout type d’accord d’entreprise, privant ainsi les délégués syndicaux du pouvoir de négocier.
En outre, cette nouvelle ordonnance prévoit que les accords d’entreprise primeront également les accords interprofessionnels, sachant que, sur certains sujets, les premiers pourront être moins favorables que les seconds. C’est une brèche importante dans le principe de faveur qui sous-tend notre code du travail. La discussion parlementaire ne saurait éluder cette question.
Certaines obligations d’information des salariés licenciés sont également purement et simplement supprimées. Il conviendrait pourtant d’en débattre et de donner au Parlement le temps nécessaire à l’examen de ces ordonnances tardives ; la septième n’est d’ailleurs même pas encore connue.
La procédure par ordonnances est une pratique dérogatoire permise par l’article 38 de la Constitution. Nous en convenons, mais avec une certaine amertume.
Sur des sujets aussi lourds et au regard des centaines d’articles du code du travail concernés, il est pour le moins cavalier de ne pas permettre à la représentation nationale de participer à la définition de ces changements dans les meilleures conditions, d’autant que, à l’heure de ratifier ces ordonnances, le Gouvernement n’a toujours pas fourni l’ensemble des textes sur lesquels celle-ci doit se prononcer. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, au regard de l’avancement du travail législatif en cours, quand le Parlement disposera de l’ensemble des éléments pour jouer son rôle constitutionnel de législateur ? La volonté d’agir vite ne justifie nullement un enregistrement précipité des lois, a fortiori dans des domaines aussi sensibles que le travail et le dialogue social.
C’est pour toutes ces raisons, mes chers collègues, que nous avons déposé cette motion tendant à demander le renvoi à la commission. Je vous invite à la voter, afin que le Sénat et sa commission des affaires sociales puissent, sereinement et en toute transparence, procéder à l’examen de ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Alain Milon, rapporteur. La commission a disposé du temps nécessaire pour débattre de ce texte. Nous avons examiné de manière approfondie le projet de loi d’habilitation en juillet dernier. Les cinq ordonnances ont été adoptées le 22 septembre et la commission a étudié le projet de loi de ratification trois mois plus tard. On en conviendra, il ne s’agissait pas d’un délai contraint. En outre, la discussion en séance publique a lieu un mois après l’examen en commission, ce qui est rare.
Par conséquent, bien que la publication de la sixième ordonnance ne soit intervenue que le 20 décembre dernier, j’estime que notre assemblée, en particulier sa commission des affaires sociales, est suffisamment éclairée pour débattre du présent projet de loi.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cette motion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cette motion.
Dans la mesure où les six ordonnances relatives au renforcement du dialogue social ont bien été publiées, le Sénat peut procéder à l’examen du projet de loi de ratification. La septième ordonnance concerne un autre sujet, celui des travailleurs détachés, que vous aviez accepté d’inscrire dans le champ de la loi d’habilitation. Cette ordonnance sera publiée dans quelques semaines et fera l’objet d’une ratification ad hoc.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 70, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n’est pas adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)