M. François Bonhomme. Ce n’est pas ce que dit François Hollande !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est la banque universelle !
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Nous considérons que cette solution n’est pas efficace (M. Charles Revet s’exclame.) pour assurer de façon sécurisée, stable et résiliente aux crises le financement de notre économie.
Nous avons tout de même introduit une séparation, dans le cadre réglementaire français, des activités de nos banques entre leurs activités commerciales et leurs activités pour compte propre. Tel est le choix fait par la France.
Vous m’interrogez également sur les créances douteuses. Il y a un plan d’action au niveau européen pour résoudre ce problème. Des progrès importants ont déjà été faits depuis la crise, mais il reste des points d’attention en Europe, même si la France n’est pas particulièrement concernée. En effet, nous sommes plutôt parmi les bons élèves en la matière.
Enfin, s’agissant des fonds propres des banques, comme vous le savez, nous avons déjà eu quatre séries de renforcement des régimes de Bâle, et nous arrivons progressivement dans une zone où nous sommes très à l’aise et sereins sur les bilans des banques.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, même si je n’en partage que les analyses et pas les conclusions, j’estime que les travaux extrêmement complets de notre brillant collègue Collombat illustrent ce que l’on peut attendre de la délégation à la prospective : obliger les responsables à anticiper l’avenir, adopter une vision prospective.
Personne n’avait anticipé la crise de 2008, ni les économistes, ni les politiques. Plus grave encore, certains économistes affirmaient que le marché allait s’autoréguler et encourageaient le politique à ne pas intervenir. Or, si la crise financière, devenue économique et sociale, a pu être maîtrisée, c’est bien grâce à l’intervention du politique au niveau européen.
Je partage l’analyse inquiétante selon laquelle, après dix ans de crise, la probabilité technique de réédition d’un krach du système financier d’ampleur équivalente à celui de 2007–2008 n’a pas diminué, bien au contraire.
Je partage également son analyse lorsque notre collègue affirme que les responsables politiques doivent réaliser l’ampleur du danger et adopter des mesures efficaces.
En revanche, il me semble dangereux d’affirmer que s’affranchir de la zone euro est la solution.
Fuir plutôt que réformer et adapter ?
La sortie de la crise peut également se faire non pas par plus ou moins d’Europe, mais par la construction d’une Europe différente qui prenne en compte ce risque.
Le caractère systémique de la crise de 2008 est en partie dû au temps de réaction des marchés financiers, des banques et agences de notation américaines, à la limite de la fraude. Il s’agit donc d’adopter des mesures à l’échelon européen ou international permettant de donner l’alerte.
En 2008, c’est bien l’Europe et une volonté politique française qui ont été la solution. Aussi, je souhaiterais savoir quelles sont les mesures d’anticipation d’une nouvelle crise que le Gouvernement envisage de mettre en œuvre au niveau européen et, pourquoi pas, international. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la vision que promeut la France non seulement au plan européen, mais aussi au plan international. Comme vous le savez, la France a joué un rôle majeur dans le renforcement de la régulation du secteur financier au niveau international. Il s’agit d’un enjeu international et européen. Pour des questions d’efficacité, c’est à ce niveau en effet que notre action se déploie et c’est là que nous obtiendrons des résultats.
Au cours des dernières années, depuis la crise, nous avons été extrêmement proactifs pour porter des mesures ambitieuses, au sein tant du G20 que de l’Union européenne, sur le renforcement des exigences en fonds propres des banques et des assurances, sur le durcissement des règles d’utilisation des instruments financiers, y compris les produits dérivés et la titrisation, sur l’encadrement du shadow banking.
Nous restons très vigilants pour que ces mesures et ces politiques avancent sur le plan international et qu’elles soient bien transposées en droit français. Nous resterons également vigilants pour que ces règles ne soient pas détricotées par certains États au plan international.
Nous allons enfin travailler sur de nouveaux chantiers, en particulier au sein de l’Union européenne et au sein de la zone euro, pour promouvoir l’union bancaire.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour la réplique.
M. Alain Fouché. La réponse me convient. Je voudrais simplement attirer l’attention de Mme la secrétaire d’État sur les directives européennes. Non seulement celles-ci sont déjà parfois difficiles à appliquer par les peuples, mais il arrive que l’administration française et les technocrates des ministères en rajoutent par rapport à ce que réclament les institutions européennes, ce qui gêne le fonctionnement de notre pays.
M. Charles Revet. Comme toujours !
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer à mon tour l’excellent travail et l’excellent rapport de notre collègue Collombat, qui souligne avec pertinence une réalité. Prendre en compte la réalité est toujours pertinent, encore faut-il avoir le courage de la regarder en face.
C’est ce que fait ma famille politique depuis longtemps, et, pour avoir eu raison trop tôt dans l’analyse et la dénonciation des graves dérives de l’ultralibéralisme, elle a subi et continue de subir injustement les foudres des tenants de l’idéologie mondialiste aux commandes de toutes les institutions décisionnaires.
Comme le précise le rapport de M. Collombat, le terme de « populiste », que je revendique, prend la forme chez les bien-pensants de la classe politique et médiatique d’une véritable flétrissure.
Les qualificatifs aussi rocambolesques qu’infamants dont nous sommes affublés servent à justifier l’exclusion du Front national du débat démocratique, quitte à manipuler, tripatouiller les modes scrutin, quitte à créer les conditions d’une crise démocratique : 13 % des voix obtenues aux élections législatives pour 1,21 % des sièges… Les extrémistes et les ennemis de la démocratie ne sont pas ceux que l’on croit !
L’élection de Donald Trump aux États-Unis, le succès du Brexit et les très bons résultats électoraux des partis de droite nationale partout en Europe sont la démonstration que les peuples rejettent de plus en plus massivement le modèle, votre modèle de financiarisation de l’économie, destructeur des souverainetés et des identités.
L’action du Président Macron s’apparente à un jusqu’au-boutisme qui confirme que la classe dirigeante reste sourde aux aspirations de nos compatriotes, lesquels sont chaque jour plus nombreux à réclamer plus de France. L’ancien banquier, aujourd’hui locataire de l’Élysée, impose toujours plus de déréglementation européiste, faisant la part belle aux appétits des financiers.
Le fossé qui sépare la réalité des peuples et l’idéologie imposée par les extrémistes mondialistes ne cesse de se creuser. L’emblème, le moteur de ce système dont nous ne voulons plus, et qui est source de crise non seulement économique, mais aussi sociale, sécuritaire et identitaire, reste ce Moloch européiste qui dévore ses enfants européens.
Comme le disait Philippe Séguin, « rien n’est plus dangereux qu’une nation trop longtemps frustrée de la souveraineté par laquelle s’exprime sa liberté, c’est-à-dire son droit imprescriptible à choisir son destin. » Si charbonnier est maître chez soi, les nations, la nôtre en particulier, doivent retrouver la liberté de choisir leur destin. Nous devons travailler à établir une nouvelle confiance entre les peuples et une autre Europe, une Europe européenne, une Europe où les nations sont libres et souveraines pour mieux coopérer entre elles au service des peuples, et non plus d’un marché anonyme et déraciné. (M. Jean-Marc Gabouty et quelques sénateurs du groupe Les Républicains frappent sur leur pupitre en signe d’impatience.)
M. le président. Veuillez conclure !
M. le président. C’est la seule fois de l’après-midi où je tolérerai 25 secondes de dépassement du temps de parole.
M. Stéphane Ravier. Merci de votre mansuétude, monsieur le président !
M. le président. Si un tel dépassement de temps a eu lieu, c’est juste parce que je ne suis pas encore très alerte.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, je n’ai pas vraiment entendu de question, donc je me contenterai d’une réaction.
Vous considérez que l’élection de M. Donald Trump et le vote en faveur du Brexit étaient un seul et même signal de rejet du monde financier et du rôle de la finance. Je vous laisse cette appréciation, que je ne comprends pas. Pour ma part, comme mes collègues du Gouvernement, je suis convaincue que la finance est à la fois un outil et un acteur qui doit être au service du pays, des entreprises et de l’ensemble de nos concitoyens, pour assurer la prospérité de tous. Le rôle du Gouvernement en matière financière est d’assurer une réglementation solide, juste, qui protège nos concitoyens. (M. Olivier Cadic applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collèges, il existe en économie une théorie des cycles, qui peut effectivement faire craindre que, selon la judicieuse expression de Pierre-Yves Collombat, « l’histoire bégaie ». Après la longue crise, ou plutôt la succession de crises qui ont miné l’économie mondiale depuis 2007, nous entrons actuellement dans une phase d’embellie. Nous le savons, la croissance de l’Union européenne devrait atteindre 2,3 % en 2018. Depuis l’année dernière, tous les indicateurs économiques mondiaux passent au vert.
Pour autant, la vigilance doit continuer de s’imposer, en particulier s’agissant de la possible formation de bulles ou de l’utilisation abusive de certains outils financiers.
Depuis 2007–2008, les banques centrales ont mis en œuvre des politiques exceptionnelles qui se sont traduites par des taux d’intérêt exceptionnellement bas et une liquidité surabondante. Or, selon le prix Nobel Jean Tirole – un Toulousain –, une bulle peut émerger quand le taux d’intérêt est inférieur au taux de croissance. Par ailleurs, quand il y a trop de liquidités, les financiers sont en quête d’actifs rentables. Le FMI s’en est inquiété à l’automne, à propos d’actifs non traditionnels comme le fameux bitcoin, qui est souvent évoqué, mais il n’est pas le seul.
Je voulais évoquer également les LBO, ces rachats d’entreprises par endettement, dont les entreprises françaises sont très friandes. Je sais que le Haut Conseil de stabilité financière ainsi que la BCE ont alerté sur la hausse des emprunts bancaires et des financements par LBO, qui pourraient faire peser des risques sur la stabilité financière. La hausse des taux d’intérêt pourrait en effet fragiliser les sociétés trop endettées.
Madame la secrétaire d’État, quel est votre sentiment sur ces LBO, et quelles actions préventives pourraient être envisagées pour que ces opérations soient non seulement sans danger pour les entreprises qui les mènent, mais également sans risque pour la stabilité financière dans son ensemble ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, comme vous l’avez noté, la reprise de l’activité économique est là. C’est une bonne nouvelle. Elle s’accompagne d’une accélération du cycle financier, ce qui créé potentiellement des risques, lesquels doivent être maîtrisés.
Les autorités de surveillance – la Banque de France, la BCE et le CERS, ou comité européen du risque systémique – pointent deux risques principaux sur la stabilité financière en France : l’endettement des entreprises privées et une réévaluation au niveau mondial des primes de risque.
Monsieur Requier, vous avez en particulier soulevé le sujet des bulles spéculatives. Il ne nous semble pas qu’il y ait aujourd’hui un risque prégnant et urgent à cet égard. Il peut y avoir des doutes sur l’immobilier dans certains pays, mais ces phénomènes font l’objet d’une grande vigilance et ne nous paraissent pas appeler de mesures de restriction.
Nous exerçons une vigilance approfondie, par l’intermédiaire du Haut Conseil de stabilité financière et des pouvoirs macroprudentiels dont il dispose, sur la stabilité des marchés financiers et la valorisation des prix des actifs. Cet organisme a d’ailleurs exprimé à la fin de l’année dernière son inquiétude sur le dynamisme de l’endettement des entreprises et a prôné des mesures visant à limiter l’exposition des banques en France aux dettes des principales entreprises. Ce problème nous semble aujourd’hui bien maîtrisé.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains.
M. François Bonhomme. Madame la secrétaire d’État, un peu plus de dix ans après le début de la crise financière mondiale, qui s’est transformée en une crise économique planétaire, toutes les leçons ont-elles été tirées, en particulier par les banques ? On peut en douter, car il semble que le risque se soit déplacé sur de nouveaux terrains.
Les acteurs traditionnels de la finance, en particulier les grandes banques systémiques, ont subi à l’époque plusieurs tours de vis réglementaires. Sous la pression des autorités de l’époque, elles ont largement renforcé leurs fonds propres et réduit les risques à leur bilan. Entre 2007 et 2015, elles ont doublé leur capitalisation rapportée à leurs actifs financiers. En parallèle, ces banques ont dû revoir leurs modèles pour se concentrer sur des activités compatibles avec la nouvelle donne réglementaire.
Les grandes banques américaines ont mené, les premières, de lourdes restructurations qui leur ont permis de renforcer leur domination mondiale. Elles sont désormais plus grandes qu’en 2007, certes toujours un peu moins rentables, mais nettement plus que les banques européennes. Ces dernières avancent encore en ordre dispersé.
La vague de publications des résultats trimestriels a confirmé que l’écart se creusait entre celles qui doivent encore achever leur restructuration, qui n’en finissent pas de payer la facture des litiges passés, et celles qui ont taillé dans le vif. L’Europe compte encore beaucoup de banques convalescentes, au bilan fragilisé par des créances douteuses. C’est notamment le cas en Italie.
Dès lors, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous assurer que les produits toxiques ont été éradiqués ? Plus généralement, comment comptez-vous garantir, dans le cadre du mécanisme européen de supervision unique désormais en place, que la France puisse assurer une prégnance forte sur la gestion de ces acteurs bancaires ? (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, vous soulignez à raison qu’il existe des situations relativement variées au sein de la zone euro s’agissant des résultats des banques, de la situation de leur bilan, de leur modèle d’affaires.
Heureusement, nous avons aujourd’hui des mécanismes communs de supervision et de résolution, obéissant aux mêmes règles, qui sont plus matures. Nous disposons d’une feuille de route commune qui s’applique à l’ensemble des banques de la zone euro pour renforcer leurs fonds propres et gérer les créances douteuses qui pourraient rester à leur bilan. J’ai mentionné voilà quelques instants une initiative et un plan d’action au niveau européen, que nous continuons à pousser afin que ces situations de créances douteuses soient peu à peu apurées.
Je vous confirme que la France participe et que les autorités de la zone euro prennent toute leur part à ce travail de nettoyage qui se poursuit.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour la réplique.
M. François Bonhomme. Madame la secrétaire d’État, j’aimerais partager votre optimisme, mais nous avons des nouvelles qui sont quand même assez inquiétantes.
Aux États-Unis, les retards s’accumulent pour le paiement des crédits subprimes automobiles et des prêts étudiants. Par ailleurs, les crédits aux ménages très peu solvables, les deep subprimes, ont explosé ces derniers mois. Enfin, les titrisations synthétiques, qui consistent à ne transférer que le risque, se multiplient, comme en 2008.
S’agissant de la Chine, je rappelle simplement que les banques recourent à des montages de titrisation de plus en plus complexes pour se délester d’actifs toxiques.
Tout cela devrait nous inciter à encore plus de prudence, car je crois que le risque n’est pas derrière nous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
M. Jean-Paul Émorine. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe La République En Marche.
M. Didier Rambaud. D’abord, je salue à mon tour le travail sérieux et minutieux de M. le rapporteur, sans pour autant partager à 100 % ses conclusions. Je tiens aussi à saluer le travail de la délégation à la prospective, que je viens de rejoindre, et dont je vois tout l’intérêt et l’utilité.
Madame la secrétaire d’État, j’aimerais rebondir sur un aspect évoqué dans la quatrième partie du rapport, à savoir le niveau d’investissement public dans un cadre réglementaire contraint.
Il s’agit notamment des règles négociées au niveau européen – je dis bien « négociées » parce qu’elles ne sont pas imposées à la France, comme l’on veut trop souvent nous le faire croire –, qu’il s’agisse du pacte de stabilité et de croissance, du six pack et du two pack, ou du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’UEM de 2012, encadrant fortement les finances publiques.
Je crois d’ailleurs que les Français se réjouissent que la période où tel ou tel gouvernement laissait filer les déficits soit terminée. Ils saluent le Gouvernement de s’être engagé à réduire le déficit et la dette sur le quinquennat, tout en baissant les prélèvements obligatoires.
En même temps, nous le savons, l’investissement public a l’effet multiplicateur le plus élevé parmi les mesures budgétaires, et de nombreuses études ont montré la complémentarité qui existe avec l’investissement privé. Dit autrement, les effets sur la croissance de long terme de l’investissement public ne sont plus à démontrer.
Ma question est simple, madame la secrétaire d’État : comment pouvons-nous concilier les contraintes de finances publiques, utiles et nécessaires, par ailleurs, et le financement de l’investissement public ? J’ajoute une sous-question : comment pouvons-nous, nous, parlementaires, avoir la garantie que l’investissement public soit bien fléché, donc qu’il ait un bénéfice socioéconomique non discutable ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, en effet, tout le sujet est bien de trouver un équilibre entre l’assainissement des finances publiques, le respect de la trajectoire décidée par le Gouvernement – il n’y a pas le choix, elle doit être tenue ! –, et un bon niveau d’investissement public, qui est une autre priorité du Gouvernement.
Sur le plan de l’investissement, comme vous le savez, un programme de 57 milliards d’euros à l’horizon 2022 a été engagé. Il s’agit de mettre l’accent sur une amélioration de la qualité de la dépense publique et de l’évaluation de l’utilisation de ces crédits d’investissement. Il est ainsi prévu des actions pour sanctuariser les dépenses qui contribuent le plus au développement économique durable de notre pays.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Éric Bocquet. Mes chers collègues, Louis XVI écrivit un seul mot dans son journal personnel le matin du 14 juillet 1789 : « Rien » ; 219 ans plus tard, M. Alain Minc, grand expert économiste devant l’éternel, déclara, six mois avant la crise, en octobre 2008 : « Je pense que la crise est derrière nous et que notre système économique a bien tenu. »
À l’heure où moins de 2 %, 1,6 % pour être précis, des transactions financières dans le monde ont un lien avec l’économie réelle, c’est-à-dire la production de biens, de marchandises et de services pour l’humanité, il paraît que nous aurions tiré toutes les leçons de la crise de 2008. La finance serait maîtrisée, régulée, contrôlée, assainie, sécurisée.
Mme Couppey-Soubeyran, universitaire qui fut auditionnée par la délégation à la prospective, a dit : l’économie a souffert de la crise, le secteur bancaire pas du tout. La valeur des actifs des banques françaises est passée de 7 000 milliards d’euros en 2007 à 8 500 milliards d’euros en 2014, et sans doute plus aujourd’hui. Les activités de produits dérivés dans le monde ont atteint en 2012 quelque 625 000 milliards de dollars, et nous serions aujourd’hui à 800 000 milliards, soit dix fois le PIB du monde. Et je ne parle pas de la finance de l’ombre, déjà évoquée, qui ne subit aucune régulation. Le trading haute fréquence est par ailleurs économiquement inutile.
Bien sûr, il y a eu la loi bancaire de 2013, mais tout le monde s’en est moqué. Ainsi, M. Oudéa, P-DG de la deuxième banque française, a dit devant des députés médusés, lors de son audition par la commission des finances : « Votre loi va encadrer 1 % de mon activité bancaire. »
L’argent va donc beaucoup et surtout à la spéculation, et trop peu à l’investissement pour avoir une croissance économique durable. Le Gouvernement a fait le pari du ruissellement : est-ce bien raisonnable dans un contexte d’hyper-liquidités ? Madame la secrétaire d’État, envisagez-vous, au regard des risques d’un nouveau krach financier, de renforcer singulièrement les contraintes de la loi bancaire française ? L’attention et la vigilance ne suffiront pas : il faut des actes forts !
M. le président. Quelle est votre réponse, madame la secrétaire d’État ?
M. Bruno Sido. « Rien » ! (Sourires.)
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, vous évoquez des risques nouveaux qui s’amplifieraient depuis la crise de 2008.
En effet, il y a en permanence de la créativité dans le secteur financier, comme dans tous les secteurs, mais soyez assuré que nous observons cette créativité. Nous en parlons aussi au plan international avec nos partenaires. Nous avons par exemple proposé d’évoquer un certain nombre de sujets au G20, par exemple la titrisation, le bitcoin, ou la finance chinoise, qui fait l’objet de discussions.
Même si nous ne crions pas au loup, nous nous occupons et nous préoccupons bien de tout cela.
S’agissant des produits dérivés, qui semblent particulièrement vous préoccuper, nous pensons bien évidemment qu’ils doivent être correctement encadrés, mais nous considérons qu’ils constituent un élément utile pour contribuer au bon fonctionnement de l’économie, en particulier à la couverture des risques dans les entreprises qui y ont recours.
Enfin, nous voulons aussi que le trading haute fréquence soit encadré, mais nous pensons également qu’il a un impact positif sur la liquidité des marchés.
Sur tous ces instruments, en fait, nous sommes obligés de considérer les apports et points positifs, les risques et l’encadrement nécessaire. Telle est la tâche à laquelle s’attellent l’ensemble des autorités, avec l’appui des administrations françaises.
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Union Centriste.
M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le rapport de Pierre-Yves Collombat fait dans le cadre de notre délégation à la prospective est un travail important. Je le remercie de nous permettre d’en débattre aujourd’hui.
Dix ans après, la crise de 2008 est-elle vraiment terminée ? Selon le rapport, pas du tout ; j’apporterais pour ma part une réponse plus nuancée.
La crise de 2008 n’est pas terminée, mais la situation économique s’est un peu améliorée en France.
Depuis 2014, la croissance du PIB est remontée pour se stabiliser aujourd’hui autour de 1 %. Certes, c’est faible, mais c’est un début de redémarrage.
Beaucoup plus inquiétant est le constat que les fondamentaux du système financier n’ont pas été réformés depuis 2008.
La législation européenne n’a pas évolué. La loi bancaire de François Hollande, dont la finance était pourtant l’ennemie, n’impacterait que 0,75 % des revenus des grandes banques.
Dans ces conditions, une nouvelle crise est inéluctable. Le système financier mondial actuel est naturellement générateur de bulles spéculatives. Tous les experts le disent : il y aura de nouveaux krachs. La seule chose que l’on ignore, c’est quand et de quel type d’actifs cela viendra.
Pourtant, les mesures d’assainissement du système sont connues : séparer les activités spéculatives et celles de financement de l’économie ; interdire les activités trop spéculatives.
Ce dispositif n’a rien de révolutionnaire, les États-Unis l’ayant déjà mis en place avec le Dodd-Frank Act de 2010.
Madame la secrétaire d’État, le gouvernement auquel vous appartenez entend-il sécuriser le système financier à l’échelon tant national qu’européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. J’ai déjà eu l’occasion voilà quelques instants d’évoquer la séparation des activités au sein des banques, mais je reviens un peu sur ce sujet pour vous répondre, monsieur le sénateur. Aux États-Unis, il a existé dans le passé un régime dans lequel les banques d’investissement et les banques de dépôt n’avaient pas le droit de coexister dans la même entité. En revanche, dans la situation actuelle, ce sont les activités pour compte propre des banques, considérées comme spéculatives, qui sont isolées du reste du bilan des banques.
La loi bancaire française, qui date de 2013, adopte une approche relativement similaire pour limiter les risques : les activités spéculatives sont cantonnées dans des filiales dédiées, afin qu’elles ne puissent pas avoir d’impact sur la valeur du reste de la banque. C’est donc bien cette solution qui a été retenue en France.