Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Élisabeth Lamure. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la délégation aux entreprises s’est réunie ce matin pour évoquer les dispositions du PLFR pour 2017 qui intéressent les entreprises.

Si quelques articles du texte ont pu nous donner des motifs de satisfaction, je souhaite intervenir sur l’article 9, qui nous préoccupe au plus haut point.

Le texte de cet article confirme en effet que c’est sur les entreprises que le Gouvernement entend faire reposer la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, le PAS, à partir du 1er janvier 2019. Les entreprises sont très inquiètes de l’impact qu’une telle réforme aura sur elles ; c’est pourquoi la délégation aux entreprises avait fait réaliser, par le cabinet d’avocats fiscalistes Taj, une étude de cet impact. Celle-ci a été présentée à la commission des finances et à notre délégation, réunies le 28 juin dernier.

Le 10 octobre dernier, le Gouvernement a transmis au Parlement les trois rapports attendus sur cette réforme, dont un rapport de l’IGF, l’Inspection générale des finances, établi avec le concours du cabinet d’audit privé Mazars, évaluant la charge réelle incombant aux futurs collecteurs.

Nous avons pu comparer ces deux chiffrages. L’étude de l’IGF et celle de Taj distinguent coûts de mise en œuvre et coûts récurrents.

Concernant les coûts récurrents, c’est-à-dire les coûts annuels, les deux études aboutissent à des résultats comparables : le coût annuel récurrent serait compris entre 60 et 100 millions d’euros.

En revanche, les deux études diffèrent significativement quant à l’évaluation des coûts de mise en œuvre du système pour les entreprises : pour l’IGF, ces coûts se situeraient entre 310 et 420 millions d’euros, contre presque 1,2 milliard d’euros selon l’étude de Taj. Si l’on y regarde de plus près, on voit que la quasi-totalité de cet écart concerne les très petites entreprises.

D’où vient cet écart ? Sans entrer ici dans le détail, on peut dire en substance qu’il reflète finalement la différence d’appréciation entre le Gouvernement et la délégation aux entreprises sur l’effet de la mise en œuvre du prélèvement à la source dans les petites entreprises : le Gouvernement est résolument optimiste et prévoit une mise en œuvre du PAS sans heurts, alors que la délégation anticipe un scénario dans lequel le PAS va susciter des questions, à la fois chez les salariés et chez les entreprises collectrices.

J’ai pu échanger hier avec votre cabinet, monsieur le ministre ; il reste sur cette ligne optimiste. Ainsi voulez-vous croire les experts-comptables lorsqu’ils indiquent leur intention d’absorber le coût du PAS sans le refacturer à leurs clients ! Vous comptez aussi tarir les questions par la diffusion aux entreprises et aux salariés d’un kit de démarrage et par la publication de précisions dans le BOFiP-impôts, le Bulletin officiel des finances publiques-impôts. Croyez-vous que les PME iront spontanément s’y référer ?

Pour la délégation, il ne fait aucun doute que la mise en œuvre du PAS sera une source de complexité supplémentaire pour les entreprises, au moins au cours de l’année de transition.

Surtout, cette mise en œuvre risque de dégrader les relations humaines dans l’entreprise : les salariés confrontés à une baisse de leur salaire net vont se tourner vers leur employeur ! Le climat dans l’entreprise sera aussi gâté par la transmission à l’employeur des taux d’imposition des salariés.

Pour toutes ces raisons, la délégation soutient ardemment la solution proposée par la commission des finances. Un prélèvement mensualisé et contemporain, par l’administration fiscale, supprime le décalage entre la perception des revenus et le paiement de l’impôt, tout en soulageant les entreprises de la charge du prélèvement à la source et en préservant la confidentialité.

L’amendement déposé en la matière tend à instaurer une règle simple et claire pour l’application du CIMR, le crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement. Son adoption permettrait en outre d’intégrer les réductions et crédits d’impôt « historiques » dans le montant des prélèvements.

Monsieur le ministre, il est encore temps de renoncer. Évitons de foncer tête baissée au-devant des ennuis, au nom de l’alignement sur les pays voisins, dont le système fiscal n’a rien à voir avec le nôtre. Notre modernité, ce doit être une administration fiscale réactive, et non des entreprises assommées de nouvelles tracasseries administratives ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Canevet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Carcenac.

M. Thierry Carcenac. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je me bornerai, dans mon intervention, à évoquer l’article 9, destiné à consolider la mise en œuvre, à compter du 1er janvier 2019, du prélèvement à la source, Claude Raynal ayant apporté l’éclairage de notre groupe sur l’ensemble du projet de loi de finances rectificative.

Cet article ne concerne nullement l’instauration du prélèvement à la source en tant que telle ; celle-ci est acquise depuis le vote du projet de loi de finances pour 2017.

Il ne me paraît pas souhaitable de rouvrir le débat sur le bien-fondé du prélèvement à la source, l’ordonnance du 22 septembre 2017 ayant décalé d’un an la réforme pour raisons techniques.

Le groupe socialiste et républicain est convaincu que cette modalité de recouvrement n’est pas l’horreur décrite par nombre de ses détracteurs. Si cette modalité de recouvrement apparaît complexe, c’est parce que notre fiscalité est complexe.

Il ne s’agit donc que du recouvrement de l’impôt sur le revenu par une retenue prélevée sur un revenu imposable par un tiers verseur, entreprise, caisse de retraite, administration, collectivité territoriale ou autre, par application d’un taux de prélèvement fourni par l’administration fiscale ou à l’aide d’un taux neutre.

Cette méthode va simplifier la vie de nombre de nos concitoyens, qui disposeront ainsi d’un revenu net de cotisations sociales et fiscales. En effet, il a été constaté qu’entre 2014 et 2015, 38 % des foyers fiscaux imposables ont connu une diminution de leurs revenus, et 2 % d’entre eux une baisse supérieure à 30 %.

Par ailleurs, ce mode de recouvrement pourra s’adapter aux évolutions de la situation personnelle du foyer fiscal ; en outre, il prend en compte la réalité, avec la suppression du décalage d’un an entre la perception du revenu et le paiement de l’impôt sur le revenu.

Je voudrais également insister sur la simplicité et la confidentialité du dispositif.

Le tiers verseur se verra transmettre par l’administration fiscale le taux à appliquer. La mise en œuvre du support qu’est la déclaration sociale nominative, au demeurant très appréciée par les entreprises pour les prélèvements sociaux, intégrera quelques éléments fiscaux supplémentaires que les éditeurs de logiciels ont déjà inclus dans les produits qu’ils commercialisent.

Tous les mois, le tiers verseur déclare les revenus versés à chaque contribuable ; en retour, l’administration fiscale lui communique de manière dématérialisée le taux de prélèvement à appliquer. Le tiers verseur reverse le montant d’impôt sur le revenu collecté à l’administration, comme c’est déjà le cas pour les prélèvements sociaux, la confidentialité étant assurée.

Chaque année, le contribuable procède à une régularisation pour solder, s’il y a lieu, l’impôt définitif de l’année précédente.

Ce dispositif est-il coûteux pour les entreprises et les finances publiques ?

Nous sommes loin des chiffres annoncés, notamment pour les cas où les entreprises ont déjà externalisé l’établissement de la paye. Restent les petites entreprises. M. le ministre pourrait utilement rappeler les sommes éventuellement en cause, qui sont relativement modestes.

Pour l’administration fiscale, le coût informatique et de formation des agents est déjà engagé. L’arrêt du dispositif aurait toutefois un coût, certes beaucoup moins important que l’échec et l’abandon, dans le passé, de l’opérateur national de paye, ainsi que d’autres systèmes d’information, tel le système Louvois.

Je rappelle qu’un suivi plus attentif des systèmes d’information doit être effectué, sur le modèle des expertises bienvenues effectuées par la DINSIC, la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État.

J’ajoute que les entreprises collectent déjà des impôts : TVA, versement transport. Ce n’est donc pas une nouveauté.

Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler en ma qualité de rapporteur spécial lors de l’examen de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », les agents ainsi libérés pourraient être utilement affectés à la lutte contre la fraude ou l’évasion fiscales dans le cadre du plan de lutte contre la fraude que vous avez annoncé, monsieur le ministre.

Qui a peur de l’administration fiscale ? Pas les personnes ou entreprises qui respectent leurs obligations fiscales, pour lesquelles, s’il y a erreur involontaire, les pénalités pourront ou pourraient être allégées dans le cadre des modifications apportées par l’Assemblée nationale.

Reste l’« année blanche ».

Pour l’année de transition, les crédits d’impôt ou les déductions fiscales constatés doivent être mieux pris en compte, notamment pour ce qui concerne les travaux effectués dans l’immobilier locatif, dont le Gouvernement considère qu’il s’agit d’un investissement improductif, alors que les entreprises du bâtiment et des travaux publics sont des entreprises de main-d’œuvre non délocalisables. Il apparaît opportun, sur ce point, de suivre la proposition du rapporteur général qui vise à améliorer la déductibilité des travaux effectués en 2018.

Dès lors, le report d’un an de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu ressemble à « la montagne qui accouche d’une souris » ; il sert de prétexte à l’affichage d’une pseudo-hausse de salaire via la baisse des cotisations sociales – cet affichage aurait risqué d’être percuté par les conséquences du prélèvement à la source si ce dernier avait été appliqué dès le 1er janvier 2018.

Les rapports remis par l’administration fiscale, l’IGF et le cabinet privé ne sont là que pour répondre à la majorité sénatoriale, qui considère que le prélèvement mensuel et contemporain est plus opportun.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Thierry Carcenac. Le prélèvement à la source décidé sous le précédent gouvernement entrera donc en vigueur, assorti seulement de quelques modifications de bon aloi. Le groupe socialiste et républicain ne peut que s’en féliciter.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce mardi, le Sénat a adopté le projet de loi de finances pour 2018. Dans la continuité de cette discussion, nous examinons, à partir de ce soir, le second projet de loi de finances rectificative pour 2017. Je ne me lasserai jamais de souligner le travail de grande qualité partagé avec l’ensemble du personnel de notre commission et de la Haute Assemblée. Je sais, par ailleurs, combien l’établissement d’un projet de loi de finances rectificative constitue une tâche extrêmement complexe pour un gouvernement, quel qu’il soit.

Comme l’a indiqué notre rapporteur général, le scénario macroéconomique reste inchangé. Néanmoins, même si l’on constate une amélioration des recettes, estimée à 400 millions d’euros, il convient de garder en mémoire les chiffres suivants : la prévision de déficit budgétaire s’établit à 74,1 milliards d’euros, soit, certes, une amélioration de 2,8 milliards d’euros ; la charge de la dette est de 40,2 milliards d’euros ; l’encours de la dette s’élève à plus de 1 750 milliards d’euros. Nous avons examiné cette question dans le cadre de la discussion de la mission « Engagements financiers de l’État ». La situation reste très grave et préoccupante.

S’agissant des recettes fiscales nettes de l’État, 291,7 milliards d’euros, leur révision légèrement à la hausse est principalement liée à deux impôts : la TVA, première recette du budget de l’État, et la TICPE, la taxe intérieur de consommation sur les produits énergétiques.

À noter également, pour 2017, plus de 6 milliards d’euros de sous-budgétisations – beaucoup de nos collègues ont évoqué ce sujet.

Dans ce second projet de loi de finances rectificative, le nombre d’articles est impressionnant : 92 articles, souvent complexes, techniques, la difficulté étant aggravée par le manque de temps dont nous disposons pour les examiner, comme l’ont indiqué, en toute objectivité, le président et le rapporteur général de notre commission des finances. Beaucoup d’articles, donc, des mesures qui méritent une attention particulière, des dispositions fiscales très techniques.

Je prends deux exemples.

L’article 2 prévoit un ajustement des ressources affectées au compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » – mon propos est celui d’un défenseur du rail – et à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, en raison de la baisse du taux de la contribution de solidarité territoriale et en vue d’assurer le remboursement complet de la dette de l’État à la société Ecomouv’ à la suite de l’échec de l’écotaxe poids lourds.

L’article 13 prévoit l’instauration d’un dispositif d’exonération fiscale pour les entreprises qui sont créées dans les bassins urbains à dynamiser. Je pense à mon département, les Ardennes, avec le BER, le bassin d’emploi à redynamiser.

La lutte contre la fraude – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – reste une priorité. Cependant, il convient de maintenir les moyens humains consacrés à cette question – je fais référence à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». En tant que représentant d’un département frontalier, les Ardennes, je reste très attaché à nos administrations des douanes, ainsi qu’à nos trésoreries.

Des inquiétudes existent également concernant les financements de nos collectivités locales, en matière tant d’aides à l’investissement que de dotations de fonctionnement.

Autre point d’inquiétude, dont ont fait état un grand nombre de nos collègues : le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2019 et sera source de complexité pour les entreprises.

Ces différents points seront examinés par notre groupe avec une particulière attention et une particulière vigilance, pour l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Michel Canevet, Emmanuel Capus et Julien Bargeton applaudissent également.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

L’ordre du jour étant épuisé, je vais lever la séance.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2017
Discussion générale (suite)

7

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, vendredi 15 décembre 2017, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :

Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2017, adopté par l’Assemblée nationale (n° 155, 2017-2018) ;

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n° 158, tomes I et II, 2017-2018).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

 

nomination de membres dune éventuelle commission mixte paritaire

La liste des candidats établie par la commission des finances a été publiée conformément à larticle 12 du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai prévu par larticle 9 du règlement, cette liste est ratifiée.

Les représentants du Sénat à léventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2017 sont :

Titulaires : MM. Vincent Éblé, Albéric de Montgolfier, Philippe Dallier, Mme Christine Lavarde, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Julien Bargeton ;

Suppléants : MM. Éric Bocquet, Yvon Collin, Bernard Delcros, Jacques Genest, Éric Jeansannetas, Roger Karoutchi, Sébastien Meurant.

 

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD