COMPTE RENDU INTÉGRAL

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Victorin Lurel,

M. Michel Raison.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 28 (pour coordination) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2018
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Loi de finances pour 2018

Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapport général n° 108).

Nous en sommes parvenus aux explications de vote et au vote sur l’ensemble.

Vote sur l’ensemble

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2018
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de passer au vote sur l’ensemble du texte, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.

J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

La parole est à M. Claude Raynal, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Claude Raynal. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ayant déjà rejeté la première partie du projet de loi de finances, nous ne pourrons que voter contre le PLF dans son ensemble.

M. Claude Raynal. Nous aurions, bien sûr, voté contre le texte transmis par l’Assemblée nationale. Nous voterons doublement contre celui qui est proposé par la majorité sénatoriale ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il est pourtant meilleur !

M. Claude Raynal. Le projet de budget du Gouvernement fait le choix assumé de bousculer notre modèle social pour lancer toujours plus notre pays dans la compétition d’une économie libérale mondialisée : suppression de l’impôt sur la fortune,…

M. Claude Raynal. … prélèvement forfaitaire unique,…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. Claude Raynal. … suppression de la tranche maximale de la taxe sur les salaires, avantages significatifs donnés aux revenus du capital par rapport à ceux du travail, toute la théorie économique de Friedrich Hayek y est, ou presque ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Un sénateur sur les travées du groupe Union Centriste. Et Karl Marx ?…

M. Claude Raynal. S’il est logique de faire en sorte que la taxation des entreprises se situe dans une moyenne européenne, permettant à celles-ci de bénéficier d’un environnement concurrentiel favorisant l’innovation et le développement, l’idée qu’il faudrait donner toujours plus aux seuls détenteurs de capitaux est particulièrement choquante, pour au moins trois raisons principales.

Premièrement, parce que cette course à la moindre taxation des dividendes est sans fin, la compétition entre nations devant se poursuivre inexorablement jusqu’au Graal des investisseurs, le « zéro taxe » ! Je note d’ailleurs que le ministre Bruno Le Maire s’inquiète déjà de la réforme fiscale américaine…

Deuxièmement, parce qu’aucune règle ne garantit que les sommes ainsi rendues seraient réinvesties dans les entreprises françaises, ni même dans les entreprises en général.

Plutôt que de se priver de 5 milliards d’euros de recettes dès 2018, ne vaudrait-il pas mieux doter l’Agence des participations de l’État ou la Banque publique d’investissement, la BPI, pour qu’elles investissent directement dans l’économie de demain ?

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Claude Raynal. Il est tout de même invraisemblable de se priver de 5 milliards d’euros de recettes et, en même temps, de céder des actifs sur les marchés pour investir dans des projets jugés stratégiques pour le pays !

Troisièmement, parce que le monde financier bénéficie déjà de redistributions de dividendes en France parmi les plus élevées au monde, avec pour conséquence une répartition de la richesse toujours plus inégalitaire d’année en année. Quelqu’un peut-il d’ailleurs me dire où vont majoritairement ces dividendes que ce PLF envisage de faire grossir encore ?

Enfin, parce que cette perte de recettes pour le budget de l’État exige des efforts toujours plus importants de la part des collectivités locales, du monde associatif mais aussi des plus défavorisés, via la baisse des emplois aidés ou les efforts demandés aux organismes de logement social.

Comme si le projet gouvernemental ne suffisait pas, la majorité sénatoriale a trouvé utile d’en aggraver encore les effets, en première comme en seconde partie. D’abord, en supprimant l’impôt sur la fortune immobilière, dans le but de supprimer enfin en totalité l’impôt sur la fortune ; ensuite, en confirmant la baisse des contrats aidés et en ressortant quelques vieilles lunes, sur le temps de travail ou les jours de carence des fonctionnaires, ou encore en proposant une baisse massive des crédits de l’aide médicale de l’État.

La majorité sénatoriale n’a par ailleurs rien trouvé de mieux que de refuser de voter, sous un prétexte futile, les crédits de la mission « Sécurités », et donc les salaires des policiers et des gendarmes, et de supprimer la seule mesure fiscale en faveur de nos concitoyens, à savoir le dégrèvement de 30 % de la taxe d’habitation.

M. Claude Raynal. Les 3 milliards d’euros rendus font pourtant suite aux 5 milliards d’euros décidés en 2016 et 2017 par le gouvernement précédent.

Pour les collectivités locales, la suppression à terme de la taxe d’habitation peut pourtant être un vecteur utile de changement de l’ensemble de la fiscalité locale, celle-ci étant totalement obsolète et particulièrement injuste du fait précisément de sa territorialisation.

La contractualisation visant à contraindre, sur des bases irréalistes, pour ne pas dire surréalistes, la dépense de fonctionnement des collectivités nous paraît bien plus problématique, tant ses conséquences apparaissent pour ce qu’elles sont : une recentralisation à marche forcée, remettant notamment la politique d’investissement sous la coupe de l’État.

Enfin, le PLF a été, une fois encore, ce moment rare où chacun essaie de remettre en question diverses mesures : communes nouvelles, DSIL versus DETR, composition de commissions départementales, FPIC, etc., sur la base d’amendements plus ou moins pertinents, rarement chiffrés, bien entendu…

M. Claude Raynal. Heureusement, le Sénat a su, mais à de trop rares reprises, défendre à la quasi-unanimité le FISAC, le réseau des établissements français à l’étranger, les exploitants agricoles ou le Fonds stratégique pour les forêts. Il a pu aussi, grâce à une réflexion bien menée par plusieurs de nos collègues, rechercher un compromis utile pour conserver le modèle économique français du logement social.

Au fond, c’est dans ces moments-là, quand nous recherchons des solutions d’intérêt général pour notre pays, où nous laissons de côté nos postures et renonçons parfois à certaines facilités, que, dans cette assemblée, nous pouvons faire œuvre utile et apporter des améliorations au budget qui nous est présenté.

Plus que jamais, mes chers collègues, dans cette configuration politique unique d’aujourd’hui, alors que, dans leur quasi-totalité, les sénateurs n’appartiennent pas à la majorité présidentielle, nous devons apprendre à travailler entre groupes, davantage en transversalité, sur des contre-propositions que nous pourrions mettre en débat à l’occasion de la discussion d’un projet de loi de finances.

M. Loïc Hervé. Illusion !

M. Claude Raynal. C’est sans doute à cette condition que notre travail législatif pourrait à l’avenir bénéficier d’une meilleure écoute, face à un gouvernement indéniablement en mouvement et à une Assemblée nationale encore trop peu aguerrie pour se poser comme un véritable contre-pouvoir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. –Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le premier projet de loi de finances du quinquennat était attendu avec impatience – je dirais même, pour certains, avec gourmandise.

M. Claude Malhuret. Il est en effet le premier test permettant de juger si le Gouvernement commence à tenir les engagements pris par le Président de la République lors de sa campagne électorale : entamer le redressement économique et social du pays, redéfinir en profondeur le rôle de l’État et afficher des priorités politiques en faveur de ses missions régaliennes, trop longtemps délaissées.

La première priorité, à nos yeux, consistait à repenser les mesures fiscales punitives, complexes et inefficaces héritées du précédent quinquennat, pour favoriser l’investissement, la compétitivité de nos entreprises et le pouvoir d’achat des plus modestes.

Une deuxième priorité était de refonder les relations entre l’État et les collectivités territoriales sur une base nouvelle, faite de confiance et de responsabilités partagées, rompant avec la hache budgétaire aveugle des années précédentes.

Ce budget était également l’occasion, nous disait-on, d’entrer dans le « nouveau monde » annoncé par le Président de la République, fait de sincérité budgétaire, de responsabilité financière et de respect des engagements européens de la France.

Depuis dix ans, le courage politique a rarement aussi peu coûté qu’aujourd’hui. Le Gouvernement, comme le Parlement, n’a plus l’excuse de la conjoncture : la croissance est de retour, les taux d’intérêt sont au plus bas, la menace déflationniste s’éloigne, le taux de marge des entreprises s’améliore, le chômage et les faillites diminuent, la confiance semble revenir.

Une fenêtre d’opportunité est ouverte pour réformer fermement la France. La responsabilité du Gouvernement pour les cinq ans qui viennent est donc immense.

Mais la responsabilité de la représentation nationale, et singulièrement du Sénat, n’est pas moins grande.

Cette amélioration de la conjoncture est en effet propice aux surenchères, aux postures et au jusqu’au-boutisme. Nous devrons nous en garder collectivement si nous voulons être force de proposition tout au long de ce quinquennat, au service de l’intérêt national. C’est le message principal, un message de modération, d’apaisement des antagonismes et de préférence pour les propositions constructives plutôt que pour les oppositions systématiques et les extrêmes, qu’ont envoyé les Français à la classe politique, lors de l’élection présidentielle.

Je pense d’ailleurs que ceci n’est pas pour déplaire au Sénat, qui, depuis longtemps, et en tout cas sous l’égide de son président actuel, pratique largement ces vertus.

C’est donc avec en main la seule boussole de l’intérêt national que nous avons examiné ce texte.

Nous avons voté les mesures qui nous paraissaient justes et en phase avec l’intérêt du pays. À l’inverse, nous avons critiqué les dispositifs inefficaces, les efforts insuffisants consentis en matière de sécurité, de justice ou de lutte contre l’immigration irrégulière, par exemple.

Au terme de cet examen, le premier constat est que ce budget aborde de front plusieurs grandes questions fiscales et que plusieurs de ses dispositions vont dans le bon sens.

Par exemple, nous soutenons la rupture avec une logique de fiscalité insensée sur les entreprises et vos efforts, monsieur le secrétaire d’État, pour nous rapprocher des niveaux européens. Baisse de l’impôt sur les sociétés, mise en place de la flat tax, transformation du CICE en baisse des charges : ces mesures donneront de l’air à nos entreprises pour investir et créer des emplois dans les années à venir.

De la même façon, nous approuvons la suppression des trois quarts de l’ISF, qu’aucun des gouvernements précédents n’a eu le courage de faire depuis trente ans. Sa suppression totale par notre assemblée nous a semblé, pour cette raison, être une curieuse leçon d’audace politique à laquelle nous avons préféré ne pas nous associer.

Si certains points de ce texte sont de vraies avancées par rapport à l’inertie et aux renoncements des années précédentes, plusieurs autres, au contraire, nous laissent un goût d’inachevé.

Premièrement, les efforts budgétaires consentis, qui sont réels, restent modestes. La reprise économique que j’ai évoquée arrive à point nommé pour masquer un effort structurel faible et une dépense publique qui demeure inquiétante. Nous émettons des doutes sur les moyens mis en place pour respecter les objectifs annoncés et, surtout, dans plusieurs domaines, il est procédé encore trop souvent par coups de rabot, sans vision d’ensemble.

Il est vrai, à votre décharge, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez dû poser dans l’urgence plusieurs rustines à un édifice budgétaire bien endommagé par votre prédécesseur.

Ma deuxième critique porte sur vos priorités politiques.

Bien que les budgets de la défense, de la sécurité, de l’action extérieure et de la justice augmentent globalement, ces efforts sont timides pour un budget de transformation censé rendre à l’État les moyens de ses missions régaliennes. Nous constatons ainsi la timidité du plan Action publique 2022 et des baisses d’effectifs dans la fonction publique qui sont loin d’être alignées sur les objectifs fixés par le Président de la République sur la durée du quinquennat.

Enfin, le jeu du chat et de la souris depuis le mois de juin entre l’État et les collectivités territoriales ne sera pas mis au crédit du Gouvernement.

Le gel des baisses de dotations pour 2018 et l’annonce d’un dialogue contractuel en vue d’économies futures sont bienvenues, mais elles arrivent bien tard après des annonces abrasives, notamment sur la fiscalité locale, et contradictoires avec l’annonce d’une conférence des territoires pour laquelle le président de cette chambre vous avait pourtant indiqué qu’il était disposé à coopérer.

Par ailleurs, le report de la réforme de la taxe d’habitation par le Sénat annule la principale mesure de pouvoir d’achat de ce budget et bouleverse son équilibre politique. Nous regrettons que notre proposition visant à préserver les effets de cette mesure pour les plus modestes, tout en protégeant l’autonomie financière des collectivités, n’ait pas fait l’objet d’un examen plus approfondi.

Quant à la baisse, mal préparée, de l’APL, elle nous paraît l’exemple même de la théorie du rabot, sans réflexion sur ce que doit être une réforme sérieuse de la politique du logement, qui reste à venir.

Mes chers collègues, bien qu’il n’aille pas assez loin, ce premier budget posait de bonnes questions. Il posait aussi les fondements de réformes d’envergure, trop longtemps repoussées.

Néanmoins, à l’issue de son examen par le Sénat, son équilibre politique a été rompu. Ce budget n’est plus seulement trop timide, il risque désormais de devenir inéquitable.

Pour cette raison, le groupe des Indépendants, s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget présente un certain nombre d’aspects très positifs - je ne les recenserai pas - et nous devons nous en réjouir.

Mais il présente aussi des aspects négatifs, parmi lesquels je voudrais évoquer le projet de suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des Français. C’est, à mon avis, complètement aberrant !

Ne nous faisons pas d’illusions, même si le Sénat a légèrement contribué à améliorer le texte, nous savons très bien qu’il ne faut surtout pas voter ce projet de loi, qui aboutira, in fine, à la suppression de la taxe d’habitation.

Je suis opposé à cette mesure démagogique, prise en période électorale. Contrairement à ses prédécesseurs, M. Macron souhaite tenir ses engagements, mais certaines promesses électorales se révèlent parfois complètement aberrantes : comment peut-il s’inquiéter de l’ardoise de 8 milliards d’euros que lui a léguée son prédécesseur – c’est absolument scandaleux, soyons clairs ! – quand il est lui-même, et pour des raisons purement électoralistes, en train d’en créer une nouvelle de 10 milliards d’euros ?

Je ne comprends pas : quand on n’a pas d’argent et que l’on doit faire des économies, on ne commence pas par réduire les recettes. Il faut plutôt réduire les dépenses !

Il faut donc regretter cette mesure prise dans l’enthousiasme des élections.

De plus, il est tout à fait farfelu de justifier cette mesure en disant que la taxe d’habitation est un impôt injuste !

M. Jean-Marc Todeschini. Jean Louis !… (Sourires.)

M. Jean Louis Masson. Si cet argument était valable, pourquoi ne pas supprimer totalement la taxe d’habitation, au lieu de la maintenir pour 20 % des habitants ?

À moins que l’argument de l’injustice de cette taxe ne soit finalement une fausse raison, un prétexte farfelu, pour se « faire plaisir » en exonérant une partie des Français et en faisant des autres les dindons de la farce…

Il me semble, au contraire, que la taxe d’habitation est un impôt pertinent, parce qu’elle permet de faire payer les services des collectivités par ceux qui en sont les usagers.

M. Loïc Hervé. Exactement !

M. Jean Louis Masson. Si on la supprime, les collectivités feront payer ceux qui s’acquittent de la taxe foncière !

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Jean Louis Masson. Et, quoi qu’on en dise, si M. Martin, qui habite Nice, loue la maison qu’il possède à Lille, c’est le locataire qui coûtera à la collectivité, pas M. Martin ! (Marques dimpatience sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.) Il est donc normal que ce soit l’habitant qui paye l’impôt local, et non le propriétaire foncier. (Mme Christine Herzog et M. Jean-Marie Mizzon applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le radical Édouard Herriot disait (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) – eh oui, chers collègues, les radicaux sont là : « La tradition, c’est le progrès dans le passé, et le progrès, dans l’avenir, ce sera la tradition ! » (Sourires.)

Ayant terminé hier soir l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2018, le Sénat s’apprête à se prononcer sur l’ensemble du premier budget de la législature.

Avec près de 1 400 amendements déposés et plus d’une centaine d’heures de débats, on peut dire que la Haute Assemblée aura eu à cœur d’étudier en détail ce premier budget du quinquennat et de la nouvelle majorité.

Les membres du groupe du RDSE ont, pour leur part, déposé près d’une centaine d’amendements et peuvent s’enorgueillir d’en avoir fait adopter dix-sept. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.) Et notre petit groupe a fait preuve d’une présence assidue et régulière en séance, en semaine, et même le week-end ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Ce texte, fortement modifié par la majorité sénatoriale, fait la part belle à la fiscalité des entreprises et du capital. Au RDSE, nous nous sommes efforcés de faire entendre aussi la voix des petits entrepreneurs, des petits propriétaires, des collectivités rurales et des terroirs. (Bravo ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

Je salue ainsi la fin de la baisse des dotations aux collectivités, qui a fortement pesé lors du précédent quinquennat. Nous avons apporté notre pierre à la défense de la ruralité, avec l’affectation d’une part de la dotation de soutien à l’investissement local aux communes rurales, le maintien de la dotation de solidarité rurale pour les communes nouvelles et l’assouplissement du calcul de la DSR des bourgs-centres.

Notre soutien au tissu local passe aussi par la défense des réseaux consulaires, chambres de commerce et d’industrie et, surtout, chambres de métiers et d’artisanat.

Je salue également l’augmentation des crédits de la mission « Économie » affectés au FISAC pour revitaliser les centres-villes et centres-bourgs, ainsi que le maintien des ressources des agences de l’eau.

Sur la réforme de la taxe d’habitation, j’émets des réserves, même si la suppression pure et simple décidée par la majorité sénatoriale n’apporte pas vraiment de solution de rechange.

En matière d’écologie, le passage au Sénat a enrichi le texte de la territorialisation de la contribution climat-énergie et de l’augmentation des crédits en faveur des territoires à énergie positive.

En revanche, on ne peut que regretter le rejet des crédits de cinq missions, dont ceux du travail et de l’emploi, de la sécurité routière et de l’agriculture, où nous avions pu faire adopter des amendements utiles. La majorité sénatoriale se prive ainsi de présenter un budget complet.

Après ces explications, parce que mon groupe soutient globalement (Exclamations amusées.) la politique de ce gouvernement, mais qu’il tient à garder sa liberté de vue, d’expression et de vote, et qu’il ne peut, par ailleurs, souscrire aux profondes modifications adoptées par la majorité sénatoriale, ses membres se partageront (Nouvelles exclamations.) entre une majorité d’abstentions et une minorité de votes contre. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le premier budget d’un quinquennat donne forcément le ton des années à venir.

Le Président de la République avait promis un monde nouveau. Force nous est de constater, à l’aune de ce budget, que celui-ci ressemble assez étonnamment à l’ancien.

Ni révolution fiscale – ou si peu –, ni bouleversement structurel, ni véritable choc de compétitivité !

Si nous devions résumer ce projet de budget, nous pourrions le qualifier de « décevant », au regard des attentes et des besoins du pays, mais aussi des promesses du candidat Macron.

En effet, certaines promesses électorales ont tout simplement disparu, comme la défiscalisation des heures supplémentaires.

M. François Patriat. Cela viendra !

M. Philippe Dallier. D’autres ont été reportées en 2019, comme la transformation du CICE en baisse de charges et la diminution de l’impôt sur les sociétés pour toutes les entreprises.

Quant aux efforts d’économies sur le périmètre de l’État, avec seulement 1 600 postes supprimés en 2018 sur les 50 000 promis sur la durée du quinquennat, mes chers collègues, nous verrons plus tard…

Les 10 milliards d’euros de baisses d’impôts et les 20 milliards d’euros d’économies annoncés cet été, c’est-à-dire voilà trois mois à peine, sont devenus 7 milliards de baisses d’impôts et 14 milliards d’économies. Certes, cela n’est pas rien, monsieur le secrétaire d’État, mais ce manque d’audace est d’autant plus regrettable que le contexte économique plus favorable devrait au contraire pousser à davantage d’efforts, lesquels sont moins difficiles à supporter en période de meilleure croissance.

Le principal des efforts d’économies est ainsi reporté sur la seconde moitié du quinquennat, et beaucoup d’économies annoncées sont encore peu documentées, comme l’a souligné le Haut Conseil des finances publiques. Cela nous rappelle, non sans inquiétude, les débuts du quinquennat de François Hollande, où l’on nous répétait sans cesse : c’est pour plus tard !

Quant à l’effort structurel, il est insuffisant et six fois inférieur aux exigences européennes. Aucune réelle réforme structurelle, pourtant les plus à même de produire des économies, n’est engagée.

M. François Patriat. Qu’auriez-vous fait ?

M. Philippe Dallier. Sur le logement, nous attendons de voir au printemps, mon cher collègue Patriat… Quant aux retraites, une nouvelle réforme aurait dû être une priorité.

Conséquence de ces choix : en 2018, le déficit de l’État continuera de se creuser de 6,4 milliards d’euros.

M. Bruno Sido. C’est la cata !

M. Philippe Dallier. Ce budget n’est pas pour autant celui du pouvoir d’achat, qui est l’un de vos leitmotivs, monsieur le secrétaire d’État, puisqu’il comporte de nombreuses mesures de hausse de fiscalité : augmentation massive de la fiscalité énergétique, hausse du tabac, hausse de la CSG, fiscalisation des PEL, diminution de 5 euros des APL pour tous, la mesure ayant été pérennisée en 2018.

En réalité, ce PLF « déshabille Pierre pour habiller Paul » et stigmatise certaines catégories de Français, qu’il s’agisse des retraités, des classes moyennes ou supérieures, des propriétaires ou des Français qui veulent accéder à la propriété.

Par ailleurs, s’il comporte des avancées pour les entrepreneurs, à travers les mesures en faveur du capital, il ne contient aucune mesure en faveur des entreprises, hormis la suppression de la taxe sur les dividendes, laquelle a été imposée par le Conseil constitutionnel, et une baisse ciblée de l’impôt sur les sociétés programmée sous le quinquennat précédent.

Aucun choc de compétitivité n’est ainsi prévu en 2018, aucune mesure autre que celles résultant de la mise en œuvre du pacte de responsabilité de… François Hollande ! Mes chers collègues socialistes, voilà au moins qui devrait vous faire plaisir.

C’est la raison pour laquelle la majorité sénatoriale a formulé et fait adopter différentes mesures pour corriger le tir.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Philippe Dallier. Celles-ci sont bien sûr limitées dans leur ampleur, car il est difficile de bâtir un véritable contre-budget, et ce pour une raison technique tout d’abord : nous ne disposons pas des outils de simulation de Bercy. Je ne peux donc que me réjouir, monsieur le président de la commission des finances, de l’amendement que nous avons adopté, qui permettra peut-être de nous doter de ces outils. Pour une raison juridique ensuite : les règles de la LOLF réduisent la capacité d’amendement des parlementaires.

Nous avons toutefois, contrairement à l’an dernier, choisi d’examiner en séance l’ensemble du projet de loi, car les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles il a été bâti nous semblent raisonnables, et il ne comporte pas de sous-budgétisations manifestes, même si, sur certains programmes, comme l’hébergement d’urgence, nous savons que le compte n’y est pas.

Nous avons donc adopté plusieurs mesures en faveur du pouvoir d’achat des catégories de Français qui ont été les grands oubliés du quinquennat précédent et de ce début de quinquennat.

Ainsi, pour les familles, nous avons relevé le plafond du quotient familial et supprimé dans le PLFSS l’alignement par le bas de certaines aides familiales.

Nous avons également préservé le pouvoir d’achat des retraités, en supprimant la hausse de CSG les concernant.

Nous avons encouragé la propriété et soutenu le logement privé, en supprimant l’impôt sur la fortune immobilière. L’investissement immobilier constitue en effet un investissement productif, avec des effets d’entraînement importants sur la croissance et l’emploi, comme l’a démontré le rapport de notre rapporteur général, dont je tiens à saluer la qualité du travail.