M. Philippe Dallier. Bis ! (Sourires.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Néanmoins, la Commission européenne a proposé de mettre en place, à partir de 2019, l’obligation de publication des schémas. Je ne sais donc plus quoi en penser ! L’Europe évolue, ce qui devrait sans doute conduire la jurisprudence du Conseil constitutionnel à évoluer dans le même sens.
Sur le fond, je suis plutôt favorable à cet amendement, qui avait déjà été voté ; j’ai seulement un petit doute sur le plan constitutionnel. Le Sénat, en la matière et comme toujours, a été précurseur, puisque l’Europe imposera bientôt cette obligation.
M. le président. L’avis de la commission est donc favorable ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sagesse négative.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. J’ai donc la charge de compléter l’avis de sagesse négative du rapporteur général… Mais c’est une simple question de forme, en réalité.
Comme cela a été dit, une disposition similaire a été censurée par le Conseil constitutionnel. Il serait donc incohérent d’émettre un avis favorable, dans la mesure où l’on sait que cette disposition serait par nature condamnée.
Par ailleurs, une directive va prochainement être publiée, à la suite des Conseils et sommets européens que j’ai évoqués le 5 décembre. Nous vous renvoyons à ce travail en cours.
Le Gouvernement, avec un peu de tristesse, émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-458, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 48 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 228 du livre des procédures fiscales est abrogé.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Nous proposons de supprimer ce qu’on appelle officiellement la Commission des infractions fiscales ou, pour le dire en langage commun, le « verrou de Bercy ».
M. Philippe Dallier. Encore un marronnier !
M. Pascal Savoldelli. Personne ne l’ignore ici : les affaires de fraude, qui sont susceptibles de faire l’objet de poursuites pénales, sont soumises depuis quarante ans à un régime particulier, celui de leur examen par la Commission des infractions fiscales, autorité administrative indépendante traitant environ un millier de dossiers sensibles par an.
La situation est vraiment assez exceptionnelle : il y a les délinquants A et les délinquants B. Quand on est délinquant fiscal, c’est extraordinaire : on peut s’entretenir avec l’administration, dialoguer, se faire comprendre, transiger, et s’éviter les foudres de la justice ! Seules 2 % des infractions fiscales sont traitées par la justice. Franchement, ça donne envie d’être délinquant fiscal ! Aucun autre type de délinquance ne bénéficie d’un traitement pareil.
Nous pensons qu’il faut supprimer cette commission, qu’on surnomme le « verrou de Bercy » : elle n’a pas de justification juridique. Dans aucun autre domaine du droit français on ne rencontre une telle exception à la règle commune, laquelle confie par principe le traitement de la délinquance à la justice, et à elle seule. Cela ne veut pas dire que tous ceux qui passent devant la justice sont des délinquants – la présomption d’innocence existe, évidemment –, mais la règle devrait être qu’il faut une décision de justice, respectant la procédure contradictoire dans la relation entre administration et administré.
Monsieur le secrétaire d’État, il n’y a aucune volonté de polémique de ma part, mais on ne peut pas à la fois entendre ce qu’on a entendu sur l’argent dormant dans les offices d’HLM,…
M. Philippe Dallier. On ne va pas y revenir !
M. Pascal Savoldelli. … sur la baisse des APL ou constater ensemble que l’évasion fiscale représente 60 milliards à 80 milliards d’euros et continuer, bon an mal an, au nom du « changement pour ne rien changer », à laisser cette commission s’occuper des délinquants fiscaux. Je le répète, 2 % seulement des dossiers traités donnent lieu à une procédure pénale et, donc, 98 % d’entre eux sont exonérés d’un passage devant la justice. Un peu de justice fiscale, quand même !
M. le président. L’amendement n° II-392, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 48 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° L’article L. 228 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « sur avis conforme de la Commission des infractions fiscales » sont remplacés par les mots : « dans les conditions de droit commun » ;
b) Les deuxième à dernier alinéas sont supprimés ;
2° L’article L. 228 A est abrogé.
II. – L’article 1741 A du code général des impôts est abrogé.
III. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Après les mots : « au procureur de la République », la fin de l’article L. 711-21 est supprimée ;
2° Après les mots : « au procureur de la République », la fin du VI de l’article L. 725-3 est supprimée ;
3° Après les mots : « au procureur de la République », la fin du 5° du III de l’article L. 745-13 est supprimée ;
4° Après les mots : « au procureur de la République », la fin du 5° du III de l’article L. 755-13 est supprimée ;
5° Après les mots : « au procureur de la République », la fin du 5° du III de l’article L. 765-13 est supprimée.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Pour le coup, il s’agit là d’un vrai marronnier : le Sénat a voté trois fois la suppression du verrou de Bercy. Je pense qu’au septième tour, comme à Jéricho, les murailles finiront par tomber. Il faudra donc encore quelques votes pour y arriver…
J’ajoute à ce qui a été excellemment dit que notre ancien collègue Anziani, en 2013, lorsque nous avons voté la loi post-Cahuzac, avait tenté de savoir combien de dossiers passaient par le verrou, le nombre de transactions, comment tout cela fonctionnait… Mettons un peu de transparence dans ces transactions et ces arbitrages ! Cette transparence, on l’exige partout, sauf lorsqu’il s’agit du verrou ! Or voyez ce qui est arrivé avec l’arbitrage Tapie : il ne s’agit pas du verrou de Bercy, certes, mais quand même, les choses ont été faites dans des conditions d’opacité maximales. Et voyez le résultat quelques années plus tard !
Nous avons bien conscience que l’administration de Bercy tient absolument à ce verrou. Nous n’arrivons pas à le supprimer, malgré nos votes. Alain Anziani avait donc légitimement et de façon tout à fait astucieuse choisi la stratégie suivante : « Vous tenez au verrou, d’accord ; nous exigeons simplement un peu de transparence s’agissant du nombre de dossiers, du déroulement des négociations, de la proportion des dossiers donnant lieu à transaction et des montants récupérés par l’État par rapport aux montants dus par les délinquants. » Ce serait le minimum, dans un monde sommé, par ailleurs, de devenir plus blanc que blanc, où des demandes analogues sont faites à n’importe qui, dans n’importe quelles conditions !
Puisque nous ne parvenons pas à recueillir ces éléments sur le fonctionnement du verrou, je soutiens absolument sa suppression.
Monsieur le secrétaire d’État, à partir du moment où votre administration est nouvelle, où nous sommes tous, ici, en début de nouveau mandat, je pense que des engagements peuvent être pris. Vous pourriez très bien vous engager à revoir un peu cette affaire et à nous donner quelques éléments : nous serions moins obstinés à demander la suppression du verrou si nous obtenions quelques informations sur son fonctionnement.
Tout ça n’est pas dérisoire, bien au contraire : des sommes très importantes sont en jeu. Un contribuable lambda est plus facilement condamné qu’un grand délinquant, qui peut passer par ce fameux verrou de Bercy !
Je soutiens l’amendement de mes collègues du groupe communiste ; je présente exactement le même.
M. le président. Ce n’est pas tout à fait le même, chère collègue.
Mme Nathalie Goulet. Presque, et les deux seront pareillement retoqués !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sur ce sujet connu, archiconnu, vous faites une confusion entre le verrou de Bercy et la Commission des infractions fiscales.
La Commission des infractions fiscales protège les droits du contribuable. Elle peut, dans l’intérêt du contribuable, décider que l’administration n’a pas à poursuivre. Le verrou de Bercy, c’est autre chose : c’est le monopole de l’administration fiscale pour les poursuites en matière de fraude fiscale.
Je rappelle que, pour les affaires les plus graves, en vertu de l’arrêt Talmon de 2008 de la Cour de cassation, l’autorité judiciaire peut engager des poursuites pénales sur le fondement de l’infraction de blanchiment de fraude fiscale. Dans un certain nombre de cas, qui ont d’ailleurs été médiatisés – nous parlions des perquisitions chez Google précédemment –, la justice a engagé des poursuites parallèlement aux procédures de redressement fiscal. L’infraction de blanchiment de fraude fiscale permet des poursuites dans tous les cas.
La vraie question, selon moi, est tout simplement celle de l’efficacité. La voie judiciaire est-elle plus efficace techniquement, en termes de délais et de montants recouvrés, que la voie de l’administration fiscale ?
Avec Claude Raynal, nous avons travaillé sur cette question en matière de délits boursiers, notamment les délits d’initié et les délits de manipulation de cours. En la matière, il existe une voie administrative, celle des sanctions de l’AMF, parallèlement à la voie des poursuites judiciaires. Dans le premier cas, on s’est aperçu qu’on arrivait à recouvrer des sommes, à prononcer des amendes ou des interdictions d’exercer ; dans le second cas, les grandes infractions boursières se perdaient dans les délais des pourvois en cassation et autres méandres judiciaires. Certaines affaires n’étaient toujours pas jugées définitivement une dizaine d’années après.
Le risque, si l’on abandonne la voie de l’administration fiscale, est qu’il n’y ait plus de redressements et que la machine judiciaire, qui n’est par armée pour cela, n’ait pas la capacité de recouvrer les sommes de manière aussi spontanée. Avec Michèle André, nous avions auditionné Mme Houlette, procureur de la République financier ; elle avait été la première à nous convaincre que, en l’état des moyens, le ministère de la justice ne pouvait pas traiter les infractions fiscales et que, en revanche, les plus grandes infractions pouvaient l’être via l’infraction de blanchiment de fraude fiscale.
Il ne s’agit donc pas du tout de protéger Bercy : ce qui intéresse la commission des finances, c’est que les sommes qui font l’objet d’une fraude puissent être recouvrées. Or la voie du redressement fiscal apparaît plus efficace.
Quant aux informations relatives à la CIF, je vous invite tout simplement à lire son rapport annuel. Vous y trouverez, infraction par infraction, des données statistiques très complètes : le nombre total de dossiers – 944 –, le nombre de plaintes déposées en Normandie, par exemple, combien de discothèques ont éventuellement été poursuivies, le nombre de rejets, de transmissions, etc. Ces magnifiques tableaux ne représentent pas une lecture du soir très amusante, mais le rapport est très complet, et il est public. Il s’intitule d’ailleurs Rapport annuel à l’attention du Gouvernement et du Parlement. Tous les membres du Parlement peuvent en faire une saine et passionnante lecture ; ils y trouveront toutes les réponses à leurs questions, s’agissant de ce qui me semble, aujourd’hui, être davantage un fantasme qu’une réalité.
Je me permets d’être un peu long, mais ce sujet, sur lequel nous revenons souvent, le mérite.
Notre administration fiscale connaît l’un des taux de recouvrement spontané les plus élevés au monde. Elle n’est donc pas particulièrement inefficace, par rapport à bien des administrations fiscales. En outre, compte tenu des moyens de la justice, j’ai bien peur que la voie judiciaire ne soit pas la plus efficace et que, si nous décidions de surcharger la justice avec l’ensemble du contentieux fiscal, nous finissions par perdre des recettes – songez, à la lumière du débat que nous venons encore d’avoir sur les crédits de la justice, aux plaintes récurrentes sur le nombre insuffisant de magistrats.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. M. le rapporteur général a donné une partie de la réponse, en citant notamment le rapport de la Commission des infractions fiscales, qui permet au Parlement comme au Gouvernement de connaître la liste des dossiers suivis par cette commission.
Le débat que vous portez avec ces deux amendements presque identiques, madame la sénatrice, monsieur le sénateur, est aussi l’occasion de clarifier un certain nombre de choses, en tout cas de tenter de mettre fin à des confusions qui peuvent parfois être entretenues.
Il y a le verrou de Bercy, tel qu’on le dénomme communément ; il y a un certain nombre de procédures, rares, qui font l’objet d’arbitrages par des instances spécifiques – Mme la sénatrice Goulet a cité l’une des affaires les plus célèbres ayant fait l’objet de cette dernière procédure.
Il y a également, depuis la loi Sapin II d’octobre 2016, la possibilité pour le Parquet national financier, une fois que les poursuites judiciaires sont engagées, de conclure une convention fiscale avec une personne morale ou physique qui plaide coupable d’une infraction, notamment de blanchiment. Une telle convention de règlement est intervenue récemment entre le Parquet national financier et la société HSBC dans le cadre d’une affaire de blanchiment. Il faut préciser que, dans ce dernier cas – il s’agissait de la première application de la loi Sapin II en la matière –, le Gouvernement n’est pas partie prenante de la discussion, celle-ci étant menée par le PNF, qui est indépendant.
Enfin, dernier point, je sais pertinemment que les débats qui se déroulent dans les deux chambres parlementaires ne sont pas liés et que les votes du Sénat ne sont évidemment pas corrélés aux initiatives que l’Assemblée nationale peut être amenée à prendre, mais je voudrais porter à votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, que la commission des lois et la commission des finances de l’Assemblée nationale viennent de créer une mission d’information dont l’objet spécifique est ce que l’on qualifie de verrou de Bercy.
Je suggère donc le retrait de ces amendements, le temps, au moins, que cette mission d’information ait rendu son rapport ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Madame Goulet, l’amendement n° II-392 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, monsieur le président.
Je me félicite d’avoir changé de commission : je vais être beaucoup plus compétente maintenant que je suis aux finances. (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° II-392 est retiré.
Monsieur Savoldelli, l’amendement n° II-458 est-il maintenu ?
M. Pascal Savoldelli. Merci, monsieur le secrétaire d’État, pour cette information : nos préoccupations vont connaître une traduction à l’Assemblée nationale. Mais, comme qui dirait, mieux vaut tenir que courir. Je serais donc plutôt favorable à maintenir notre amendement, dont l’adoption contribuera à ce que les engagements soient tenus. Qui dit débat ne dit pas conclusion du débat !
Vous nous avez aussi donné des éléments d’information sur la question des suites données à certaines affaires par le Parquet national financier. À cet égard, je vais exprimer une opinion qui n’est pas simplement celle de l’élu communiste que je suis : des personnels de l’État, en dehors de leur travail, dialoguent avec nous en tant que citoyens ; ils font état d’une certaine lenteur, au-delà même des dossiers qui ont fait événement. Cette lenteur, M. le rapporteur général ne l’a vue que dans la justice, mais pas dans l’administration fiscale. Or il existe des dossiers préinstruits par l’administration fiscale qui peuvent donner lieu à des poursuites pénales. C’est un sujet grave, qui n’est pas seulement d’ordre vénal.
Il faut que ce débat ait lieu. M. le secrétaire d’État nous dit que des évolutions sont à venir. Tant mieux si ces annonces se concrétisent. En attendant, nous maintenons notre amendement et nous suivrons les travaux de l’Assemblée nationale, ainsi que les conclusions du Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° II-443 rectifié bis, présenté par Mmes Férat, N. Goulet et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 48 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au II de l’article 24 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, l’année : « 2019 » est remplacée par l’année : « 2018 ».
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement a été cosigné par Françoise Férat et par l’ensemble des membres de notre groupe.
Lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2016, les députés avaient proposé d’introduire, à compter du 1er janvier 2017, l’obligation pour les plateformes numériques collaboratives de communiquer à l’administration fiscale les revenus perçus par leurs utilisateurs. En améliorant l’information de l’administration fiscale, l’objectif était tout à la fois de favoriser la collecte de l’impôt et de lutter contre les distorsions de concurrence.
Afin que les plateformes aient néanmoins le temps de s’adapter à cette nouvelle législation, le Gouvernement avait présenté un sous-amendement, qui avait été adopté par l’Assemblée nationale, visant à décaler l’entrée en application du dispositif au 1er janvier 2019. On a récemment appris qu’une célèbre plateforme de location émettait des cartes de paiement prépayées pour détourner ledit dispositif. C’est l’éternelle guerre de l’obus et du blindage : à mesure que nous trouverons des blindages plus efficaces, nous ferons face à des obus plus performants, et nous sommes condamnés, en matière de fiscalité, à jouer au chat et à la souris.
Cet amendement vise donc à rendre systématique l’obligation que j’ai évoquée à compter du 1er janvier 2018, afin de tenter d’éviter des fraudes. Cela m’étonnerait un peu qu’une telle tentative réussisse, mais il faut bien essayer quelque chose : l’émission de cartes prépayées depuis Gibraltar est vraiment un pied de nez au contribuable. Il faut envoyer un signal !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Tout le monde, ici, connaît la position du Sénat et de la commission des finances sur le sujet : des amendements sur la transmission automatique des données ont été adoptés à plusieurs reprises. Ma conviction est que le groupe de travail de la commission des finances sur la fiscalité du numérique et les votes du Sénat ont fait bouger les lignes. On ne peut donc être que favorable à cette transmission et à sa mise en œuvre le plus tôt possible.
Peut-on le faire au 1er janvier 2018 ? C’est déjà possible pour les déclarations à l’URSSAF, pourquoi ne le serait-ce pas en matière fiscale ?
Les plateformes peuvent-elles techniquement le faire ? Dans certains pays, c’est déjà obligatoire : je pense aux États-Unis, à l’Estonie, à la Belgique. En France, elles sont capables de collecter la taxe de séjour – nous venons d’avoir ce débat. Si c’est possible dans certains pays, les systèmes informatiques étant mondiaux, il n’y a pas de raison que ce soit impossible en France.
Par cohérence avec ce qui a été voté dans le PLFSS pour 2017, à savoir un délai de transmission automatique pour les déclarations à l’URSSAF à compter de 2018, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement, qui ne vise qu’à appliquer une disposition portée par la commission des finances et le Sénat tout entier. Face à un problème qui prend de plus en plus d’ampleur, cette mesure va changer beaucoup de choses.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Nous partageons l’objectif des auteurs de cet amendement. Toutefois, à la différence du rapporteur général, nous avons deux réserves.
Premièrement, du point de vue de l’analyse des dispositions par les différents services compétents, il faudrait que les prérequis soient mis en place d’ici à trois mois pour permettre l’application de la mesure proposée, ce qui nous paraît extrêmement court.
Deuxièmement, pour assurer la transmission de l’information dans un cadre légal sécurisé, il faudrait que des mesures réglementaires d’application ainsi qu’une saisine de la CNIL soient prévues en amont. Là encore, ces travaux ne pourront pas être terminés d’ici au 1er janvier 2018.
Pour ces raisons, le Gouvernement demande aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le Gouvernement ayant évoqué un délai de trois mois, je suggère à Nathalie Goulet de rectifier son amendement pour inscrire la date du 1er juillet 2018. Ainsi, nous serons assurés que le dispositif sera pleinement opérationnel.
M. le président. Madame Goulet, que pensez-vous de cette suggestion ?
Mme Nathalie Goulet. Compte tenu de la bonne volonté du Gouvernement, je rectifie mon amendement dans le sens suggéré par le rapporteur général, afin d’obtenir un vote unanime de notre assemblée.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° II-443 rectifié ter, présenté par Mmes Férat, N. Goulet et les membres du groupe Union Centriste, et ainsi libellé :
Après l’article 48 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au II de l’article 24 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, la date : « 1er janvier 2019 » est remplacée par la date : « 1er juillet 2018 ».
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 48 bis.
L’amendement n° II-430, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Article additionnel après l’article 48 bis
Dans le but d’associer pleinement le Parlement à la lutte contre l’évasion fiscale, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur l’état des conventions fiscales avec les pays visés par les scandales des Paradise et Panama Papers et dont la liste suit :
Albanie, îles Vierges des États-Unis, Andorre, Anguilla, Antigua et Barbuda, Arabie Saoudite, Aruba, Bahamas, Bahreïn, Barbade, Belize, Bermudes, Bolivie, Bonaire, Bosnie-Herzégovine, îles Vierges britanniques, îles Caïman, îles Christmas, îles Cocos, îles Cook, Costa Rica, Curaçao et Saint-Martin, Djibouti, Dominique, Équateur, Émirats arabes-unis, îles Fidji, Gambie, Gibraltar, Grenade, Guam, Guernesey, Jamaïque, Jan Mayen, Jersey, Sainte-Hélène, Ascension et Tristan de Cunha, Honduras, Hong Kong, Kazakhstan, Kenya, Kiribati, Koweït, Labuan, Liban, Liberia, Liechtenstein, Macao, Malaisie, Maldives, Malouines, îles de Man, îles Mariannes du Nord, île Maurice, Micronésie, Moldavie, Monaco, Montserrat, île Norfolk, Oman, Palaos, Paraguay, Pays-Bas caribéens, Philippines, îles Pitcairn, Porto Rico, Qatar, île de Qeshm, République dominicaine, Saint-Christophe-et-Niévès, île de Saint-Eustache, Saint-Marin, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Sainte-Lucie, Samoa, Samoa américaines, Sao Tomé-et-Principe, îles Salomon, Serq, Seychelles, Singapour, Suisse, Tokelau, Tonga, Trinité-et-Tobago, îles Turques-et-Caïques, Tuvalu.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement reprend l’idée défendue tout à l’heure par notre collègue Leconte, si ce n’est que la liste proposée est plus longue. Dans la mesure où nous avons adopté son amendement, le rapport remis au Parlement pourra inclure ces dispositions. En effet, dans le but d’associer pleinement le Parlement à la lutte contre l’évasion fiscale, il s’agit d’obtenir un rapport sur l’état des conventions fiscales avec les pays visés dans les scandales des « Paradise papers » et des « Panama papers ».
La liste adoptée au forceps ces derniers jours par l’Union européenne en raison du scandale des « Paradise papers » paraissant terriblement elliptique, notamment en ce qui concerne les territoires se trouvant en Europe, j’ai sottement repris la liste des pays touchés par ces deux scandales qui ont émaillé l’actualité des deux dernières années. L’amendement est un peu long, mais il n’est pas inutile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En principe, comme le Gouvernement l’a dit précédemment, cet amendement est satisfait. En effet, le rapport existe, du moins en théorie, c’est le « jaune » annexé au projet de loi de finances, qui n’est paru ni en 2014, ni en 2015, ni en 2016, ni, à ce jour, en 2017…
La question est de savoir quand le Gouvernement nous transmettra cette liste, qu’il s’était formellement engagé à nous communiquer. Une fois que nous l’aurons, la commission des finances et la commission des affaires étrangères, a minima, pourront ouvrir un débat. Il sera passionnant de connaître l’état de nos relations avec Jan Mayen, Kiribati, les îles Cocos, Ascension, par exemple – des territoires que nous localisons tous parfaitement… (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Il y a Jersey également !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. J’ai souligné tout à l’heure que nous ne pouvions que constater et regretter que les informations demandées n’aient pas été transmises au Parlement en 2014, en 2015 et en 2016. Nous ferons en sorte de transmettre ces documents au tout début de l’année 2018 pour permettre le débat, en complément des réponses que nous avons apportées au questionnaire de la commission des finances.
Au bénéfice de ces explications, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Goulet, l’amendement n° II-430 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Notre collègue Éric Bocquet a demandé un rapport sur l’effectivité des conventions fiscales il y a au moins trois ans. Tout cela nous avait déjà été promis depuis longtemps.
Je veux bien faire confiance au Gouvernement, mais ce sujet reviendra en discussion même s’il ne passionne pas le rapporteur général… Or c’est précisément parce que la liste est exotique qu’on appelle ces scandales les « Panama papers » et les « Paradise papers ». Certes, on y trouve également certains de nos voisins les plus proches, mais, si ces territoires sont des paradis fiscaux, c’est bien parce qu’ils sont à l’abri des regards !
Je retire néanmoins cet amendement, au bénéfice des explications du Gouvernement.