M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Nous maintenons l’amendement n° II-595 rectifié ter. J’ai beaucoup entendu, durant ces débats sur le projet de loi de finances, qu’il existait une véritable addiction à la dépense publique. Moi, je crois qu’il existe une véritable addiction à la baisse générale et sans ciblage des cotisations, et c’est un vrai problème !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-595 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-423 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. Grand, Morisset et de Nicolaÿ, Mmes Micouleau et Di Folco, M. Chaize, Mme Morhet-Richaud, MM. Paccaud et de Legge, Mme Gruny, MM. D. Laurent, Forissier, Milon, Chatillon, Paul, Bouchet, Vaspart, Gremillet et Babary, Mmes Imbert, Deromedi et Garriaud-Maylam, M. Dallier, Mme Estrosi Sassone, MM. Danesi et Mouiller, Mme Lopez, MM. Kennel et Buffet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Perrin, Daubresse, B. Fournier et Mayet, Mme L. Darcos, M. Pointereau, Mmes Berthet et Deroche, MM. Husson, Laménie, Darnaud, Rapin, H. Leroy et Huré, Mme Renaud-Garabedian et MM. Bansard, Mandelli et Pierre, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2 et 10
Supprimer ces alinéas.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Cet amendement tend à maintenir le taux du CICE à 7 % en 2018, afin de permettre aux entreprises d’amortir le coût de la transformation en baisse de charges en 2019.
D’une part, la baisse d’un point du taux du crédit d’impôt en 2018 entraîne pour les entreprises une perte de 3,1 milliards d’euros.
D’autre part, la transformation du CICE en baisse de charges pérennes dès 2019 se traduira par une augmentation des prélèvements pesant sur les entreprises : impôt sur les sociétés, participation et forfait social. La perte qu’elles subiront est estimée entre 5 et 7 milliards d’euros, notamment sur les salaires compris entre 1,5 et 2,5 SMIC.
Pour ces raisons, il convient de maintenir le taux de CICE à son niveau actuel.
M. le président. L’amendement n° II-462, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le taux :
6 %
par le taux :
4 %
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement est défendu.
M. le président. L’amendement n° II-508 rectifié, présenté par M. Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
IV. – L’article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 est ainsi modifié :
1° Les III et V sont abrogés ;
2° Le IV est ainsi rédigé :
« Un comité de suivi placé auprès du Premier ministre est chargé de veiller au suivi de la mise en œuvre et à l’évaluation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi prévu à l’article 244 quater C du code général des impôts. Présidé par une personnalité désignée par le Premier ministre, ce comité est composé de représentants des partenaires sociaux, de représentants des administrations compétentes et de parlementaires. Avant le dépôt du projet de loi de finances de l’année au Parlement, il établit un rapport public exposant l’état des évaluations réalisées.
« Les membres de ce comité exercent leurs fonctions à titre gratuit. »
La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Cet amendement tend à maintenir le comité d’évaluation du CICE, afin qu’il puisse terminer ses travaux. Je ne sais pas s’il faudra le maintenir jusqu’à l’extinction du dispositif, mais au moment où nous prévoyons de prolonger ce dernier, prolongeons également l’évaluation scientifique. Nous pourrons ainsi disposer de la totalité des résultats des études.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Deux de ces amendements en discussion commune sont totalement contradictoires, l’un visant à abaisser le taux du CICE, l’autre à le maintenir à 7 % en 2018.
Bien évidemment, c’est ce dernier amendement, l’amendement n° II–423 rectifié, qui recueille le plus de soutien de la part de la commission, sensible à l’argumentaire que Mme Deromedi vient de développer. Effectivement, les mesures actuellement envisagées auront un coût pour les entreprises.
Pour autant, cet amendement est assez incompatible avec nos préoccupations en matière de finances publiques. Son adoption se traduirait par une aggravation de 3 milliards d’euros du budget de l’État. N’ayant pas suffisamment d’imagination, ce soir, pour trouver 3 milliards d’euros d’économies, et conformément au choix du Sénat de ne pas dégrader le solde, la commission demande malheureusement le retrait de cet amendement.
L’amendement n° II–462, lui, vise bien à augmenter le solde… D’ailleurs, je salue l’évolution de pensée du groupe communiste républicain citoyen et écologiste ! Maintenant, il présente des amendements tendant à améliorer de manière non négligeable le solde budgétaire !
M. Pierre Ouzoulias. Il y en aura d’autres !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cela mérite d’être salué ! C’est une première, qu’il faut noter au procès-verbal ! Nous sommes le 8 décembre 2017 ; il est dix-sept heures cinquante-six ! (Sourires.)
Nous pourrions souscrire à cet amendement – l’idée est bonne. Mais si ce dernier tend à améliorer le solde budgétaire, son adoption conduirait à dégrader les comptes des entreprises.
À son grand regret, la commission émet un avis défavorable. Mais de nouveau, je souligne cette évolution remarquable, qui s’est produite ce 8 décembre, à dix-sept heures cinquante-six !
Enfin, l’amendement n° II-508 rectifié vise à maintenir le comité de suivi du CICE. Je n’ai pas particulièrement d’avis sur la question, mais il me semble que le CICE a besoin d’être évalué. La commission des finances s’en remet, pour cet amendement, à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Pour ce qui concerne les deux premiers amendements, dont l’objet est de modifier, dans des sens contraires, le taux du CICE, restons-en à la proposition du Gouvernement, qui me semble plus simple et équilibrée, conformément à l’engagement du Président de la République. Avis défavorable.
S’agissant du prolongement pour un an du comité de suivi, cela revient à évaluer un dispositif qui s’éteint. Comme M. le rapporteur général, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-508 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 42.
(L’article 42 est adopté.)
Article additionnel après l’article 42
M. le président. L’amendement n° II-532 rectifié, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 42
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le deuxième alinéa du I de l’article 199 ter B, le troisième alinéa du I de l’article 199 ter C et le septième alinéa du I de l’article 220 quinquies du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La créance peut également faire l’objet d’une cession à titre de garantie auprès de la Banque de France par un établissement de crédit cessionnaire mentionné au I de l’article L. 511-1 du même code, dans les conditions prévues aux articles L. 211-36 à L. 211-40 du même code. »
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2018.
III. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement assez technique vise à actualiser le régime du nantissement de créances qui est né du crédit d’impôt recherche, du crédit pour la compétitivité et l’emploi et des règles de report en arrière des déficits.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Cette mesure permet de continuer à inciter les banques à acquérir ces créances fiscales. Faute de pouvoir aujourd’hui se refinancer auprès de la Banque de France avec ces créances, elles y renoncent parfois.
Le Gouvernement émet par conséquent un avis favorable sur cet amendement, et il lève le gage.
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° II-532 rectifié bis.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 42.
Article 43
I. – L’article 231 A du code général des impôts est abrogé.
II. – Le I s’applique aux rémunérations versées à compter du 1er janvier 2019. – (Adopté.)
Article 43 bis (nouveau)
I. – Le 1 de l’article 231 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les rémunérations versées par les établissements publics de coopération culturelle mentionnés à l’article L. 1431-1 du code général des collectivités territoriales sont exonérées de taxe sur les salaires lorsque cette exonération n’entraîne pas de distorsion dans les conditions de la concurrence. »
II. – Le I s’applique à la taxe sur les salaires due à raison des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2018.
M. le président. L’amendement n° II-715, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« I. – À la deuxième phrase du premier alinéa du 1 de l’article 231 du code général des impôts, après les mots : « et de leurs groupements, », sont insérés les mots : « des établissements publics de coopération culturelle mentionnés à l’article L. 1431-1 du même code, ».
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Il s’agit d’un amendement de coordination, dont l’adoption permettrait d’alléger la rédaction de l’article 231 du code général des impôts, sans en modifier le sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 43 bis, modifié.
(L’article 43 bis est adopté.)
Article 43 ter (nouveau)
L’article 88 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – Les groupements mentionnés à l’article 239 quater D du code général des impôts qui sont de statut privé non lucratif et exclusivement constitués par des personnes morales mentionnées à l’article 1679 A du code général des impôts peuvent bénéficier des dispositions du même article 1679 A et du crédit d’impôt prévu à l’article 231 A du même code. »
M. le président. L’amendement n° II-714, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – La première phrase du premier alinéa de l’article 1679 A du code général des impôts est ainsi modifiée :
1° Les mots : « et par » sont remplacés par le signe « , » ;
2° Après les mots : « au moins trente salariés », sont insérés les mots : « , ainsi que par leurs groupements mentionnés à l’article 239 quater D lorsqu’ils sont exclusivement constitués de personnes morales mentionnées au présent article ».
II. – Le I s’applique au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2018.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Il s’agit une nouvelle fois d’un amendement de coordination qui vise à corriger la rédaction initiale de l’article 43 ter pour modifier l’article 1679 A du code général des impôts.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Favorable.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement tend à exclure du crédit d’impôt de taxe sur les salaires, le CITS, les opérateurs privés non lucratifs du champ sanitaire social et médico-social. Au lieu d’être de nature rédactionnelle ou de pure coordination, cette mesure affecte en réalité les dispositions de l’article 43 ter de façon trop importante.
C’est pourquoi le groupe Union Centriste, à la suite de Valérie Létard, chef de file sur ce dossier, y est opposé.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. J’ai la même position que Mme Goulet, puisque, selon les informations dont nous disposons, les incidences de cet amendement seraient d’au moins 50 %.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas ce qui ressort des éléments dont nous disposons !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Un certain nombre de collègues ont reçu des observations de l’UDES indiquant que cette mesure, excluant les établissements médico-sociaux du bénéfice du CITS, les pénaliserait. Ayant bien étudié la question, la commission n’a pas la même interprétation.
Le Gouvernement vient de confirmer qu’il s’agit de pure coordination. Si la commission des finances avait estimé que telle ou telle catégorie était exclue, elle n’aurait évidemment pas émis un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement qui ne comporte à ses yeux aucune malice.
M. le président. En conséquence, l’article 43 ter est ainsi rédigé.
Article 44
I. – À la première phrase du 2 bis de l’article 231 du code général des impôts, les mots : « , à 13,60 % pour la fraction comprise entre 15 417 € et 152 279 € et à 20 % pour la fraction excédant 152 279 € » sont remplacés par les mots : « et à 13,60 % pour la fraction excédant 15 417 € ».
II. – Le I s’applique à la taxe sur les salaires due à raison des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2018.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, sur l’article.
M. Julien Bargeton. Il s’agit, là encore, d’un article important. En préambule, je me réjouis que les négociations entre la Commission européenne et la Grande-Bretagne sur les modalités concrètes du Brexit progressent.
Un divorce n’est jamais heureux, mais nous n’avons pas intérêt à ce que celui-ci se passe le plus mal possible. En revanche, il emporte une conséquence : il rebat les cartes entre les places financières du continent européen. La récente annonce de la localisation de l’Agence bancaire européenne à Paris est une excellente nouvelle, dont nous nous félicitons tous.
L’attractivité de la place de Paris a déjà été évoquée lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, vous vous en souvenez, puisque, à l’article 15, nous avons supprimé l’extension de la taxe sur les transactions financières aux transactions infra-journalières, pour des raisons à la fois techniques et de signal économique.
Le présent article 44 concerne cette fois, non pas les produits, mais les talents, puisqu’il supprime la surtaxe de 20 % du barème de la taxe sur les salaires appliquée et de revenir au taux antérieur de 13,6 %. Au-delà des seuils, l’enjeu est d’attirer les cadres supérieurs à Paris et en Île-de-France ces prochains mois et ces prochaines années, car le Brexit prendra du temps, nous le savons.
Une récente étude du Conseil d’analyse économique cherche à évaluer la place de Paris dans la concurrence européenne. Paris constitue une place financière de taille semblable à Francfort, mais elle attire nettement moins de filiales, de groupes étrangers en comparaison à d’autres centres financiers européens. Si le vivier des compétences et des emplois qualifiés est très important en Île-de-France, ce qui constitue pour elle un atout, nous sommes pénalisés par l’accès perfectible entre les aéroports et Paris, ainsi que par une partie de notre fiscalité et du coût du travail.
S’agissant de la fiscalité, et j’en reviens à l’article 44, la taxe sur les salaires est un substitut à la TVA pour le secteur financier, puisque celui-ci en est exonéré. Nous pourrions demander demain des évaluations pour savoir si c’est un bon substitut. En effet, la progressivité de la taxe sur les salaires est-elle encore pertinente au regard de la TVA qu’elle remplace et qui, elle, est proportionnelle ? La piste d’une simplification de la taxe sur les salaires, avec un taux peut-être unique, mériterait d’être étudiée.
Par conséquent, vous l’aurez compris, le groupe La République En Marche soutient l’article 44.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-463 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° II-664 est présenté par Mmes Taillé-Polian et Lienemann, M. Tissot, Mme G. Jourda, MM. Raynal, Éblé, Guillaume, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lalande, Lurel et Durain, Mmes Monier et S. Robert, MM. Cabanel, Montaugé, Duran et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° II-463.
M. Éric Bocquet. Ce n’est une surprise pour personne, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste ne soutient pas cet article 44, qui prévoit la suppression du taux supérieur de la taxe sur les salaires, au-delà de 12 689 euros mensuels, sachant que le salaire médian en France est d’environ 1 600 euros – je connais des professionnels extrêmement talentueux dans leur domaine qui gagnent ce salaire.
Certes, cette mesure fait partie du paquet « compétitivité et attractivité de la place financière de Paris », dans le cadre de la grande compétition ouverte après la fuite des banquiers de la City. Mais, à mon avis, ce n’est pas fait ! Les gros salaires de l’industrie financière viendraient s’installer à Paris, et il faut de l’argent pour s’offrir les talents. Cette logique, nous ne la partageons pas du tout. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 44.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour présenter l’amendement n° II-664.
Mme Sophie Taillé-Polian. Nous proposons également de supprimer l’article 44 de suppression, qui s’inscrit dans cette volonté d’être attractif et de concurrencer les Britanniques pour récupérer les entreprises de la City.
Pensez-vous vraiment y arriver avec la suppression du taux supérieur de la taxe sur les salaires applicable aux rémunérations supérieures à 152 279 euros par an ? Le Royaume-Uni va-t-il rester sans réaction ? Mais non ! Le gouvernement britannique a déjà annoncé des mesures d’allégements fiscaux encore plus importantes.
M. Julien Bargeton. On dirait la maire de Paris !
Mme Sophie Taillé-Polian. Cette idéologie du moins-disant fiscal et social va nous amener toujours plus loin et nous faire franchir des étapes supplémentaires de réduction des taxes, des impôts et cotisations. D’un côté, on dit qu’il faut lutter contre le dumping social et fiscal que nous constatons en Europe, et, de l’autre, on le pratique. Et vous participez à cette course au moins-disant fiscal.
Nous pensons que la qualité de la formation de nos ingénieurs et de nos experts financiers comme celle de nos infrastructures sont les garantes de l’attractivité de la France. (Mme Catherine Procaccia s’exclame.) Il faut donc porter un coup d’arrêt à cette politique, qui nous mènera sans nul doute à un déséquilibre de notre système de protection sociale. À moins que ce ne soit ce qui est souhaité… (M. Éric Bocquet applaudit.)
M. Julien Bargeton. La maire de Paris y est favorable !
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Ce n’est pas la première fois que nous avons des désaccords avec la maire de Paris !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les membres de la commission des finances ont collectivement participé à la restitution des travaux du groupe de travail sur la compétitivité de la place de Paris postérieurement au Brexit en signant un rapport. Qu’en résulte-t-il ?
Concrètement, comme l’a dit M. Bargeton, nous avons un vrai problème d’attractivité par rapport à Francfort qui tient à la fiscalité, au différentiel de charges sociales, sans doute aussi au droit du travail, à l’environnement général, y compris la liaison aéroportuaire. Il est également dû, et c’est peut-être avant tout ce qui nous pénalise le plus, à notre image de pays connaissant une instabilité fiscale.
J’ai rencontré, dans le cadre de ce groupe de travail, des dizaines d’acteurs en Europe aussi bien qu’en Asie. Ils nous reprochent toujours ces changements incessants en matière de fiscalité et notre absence de trajectoire financière. Il existe cependant une trajectoire pour ce qui concerne la baisse de l’impôt sur les sociétés, mais il faudra la tenir. Il faut surtout offrir un cadre stable face à des pays qui, à l’instar de l’Irlande, mettent en avant non seulement leurs taux bas en termes de fiscalité, notamment de l’impôt sur les sociétés, mais également la stabilité de ceux-ci.
Le présent amendement tend à revenir sur la suppression de la dernière tranche de la taxe sur les salaires. Cette taxe est complètement assumée : elle est acquittée par les entreprises qui, cela a été dit, ne paient pas la TVA et se situent dans la dernière tranche. Elle concerne à 80 % l’industrie financière.
Concrètement, à Francfort, le salaire d’un cadre de haut niveau n’étant pas soumis à une telle taxe et les charges sociales connaissant un différentiel, trois salariés seront embauchés, contre deux salariés à Paris. De ce fait, les délocalisations annoncées d’une partie des activités aujourd’hui situées à Londres qui interviendront nécessairement avec la perte du passeport seront plus orientées vers l’Allemagne ou vers des pays où la taxe sur les salaires est inexistante.
Cette mesure, je l’avais préconisée dans le rapport précité. Le Gouvernement, faisant preuve de courage, l’a retenue. C’est un élément essentiel : revenir dessus serait totalement contre-productif, voire catastrophique, à un moment où des décisions vont être prises. Michel Barnier a malheureusement rappelé que la date du divorce avec la Grande-Bretagne devenait inéluctable.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Je confirme que la suppression de la tranche supérieure de la taxe sur les salaires est attendue. Cette mesure sera visible au moment où les banques prennent leurs décisions. Paris doit remonter une pente par rapport à d’autres villes européennes qui peuvent accueillir elles aussi les équipes des banques qui se relocaliseront dans les mois qui viennent.
Je prie donc les auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Sans ambiguïté, je suis pour la défense de l’attractivité de Paris, et elle ne passe pas par l’adoption de cette mauvaise mesure.
Je souhaite obtenir une explication après les élections sénatoriales qui viennent d’avoir lieu à Paris. Les élus parisiens qui, comme moi, siègent dans cet hémicycle ont une vision plus ou moins différente de l’attractivité, mais j’ai cru comprendre que Mme Hidalgo, en tant que maire de Paris, au nom justement de l’attractivité, défendait le principe de la suppression de cette taxe quand elle est aux côtés du Premier ministre,…
M. Julien Bargeton. Tout à fait !
M. Philippe Dominati. … alors que, parallèlement, deux des quatre membres de la liste qu’elle soutient s’opposent à sa position.
Étant un élu de l’opposition municipale, et même si j’appartiens à la majorité sénatoriale, j’aimerais que l’on m’éclaire, car je n’y comprends plus rien ! Je voudrais savoir si la municipalité parisienne est favorable à la suppression de cette taxe, comme semble le dire Mme le maire de Paris, ou si, au contraire, les élus socialistes parisiens, soutenus par Mme Hidalgo, sont défavorables à cette taxe. Le double langage agace !