M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
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Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Travail et emploi |
13 873 095 459 |
15 362 637 889 |
Accès et retour à l’emploi |
7 154 120 265 |
7 833 325 993 |
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
5 876 321 638 |
6 758 374 918 |
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
154 928 388 |
86 524 713 |
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail |
687 725 168 |
684 412 265 |
Dont titre 2 |
623 503 831 |
623 503 831 |
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Je voudrais apporter une petite précision par rapport à ce qu’ont indiqué les différents orateurs.
J’ai entendu que M. Lefèvre suivrait l’avis de la commission des finances. Je précise que cette commission a adopté le 7 novembre les crédits de la mission et qu’elle a confirmé sa position le 23 novembre.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, normalement, vous auriez dû vous exprimer plus tard, et non pas à cet instant précis.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-302 rectifié ter, présenté par Mme Micouleau, MM. Lefèvre, Daubresse, Longuet, Brisson, Chatillon, Gremillet, B. Fournier et Pierre, Mmes Malet et Di Folco, MM. Morisset et D. Laurent, Mme Gruny, MM. Grand, Paccaud, Joyandet et Babary, Mmes Garriaud-Maylam, F. Gerbaud et Deromedi et MM. Savin, Adnot, Milon et Bonhomme, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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|
+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l’emploi |
750 000 000 |
|
428 000 000 |
|
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
|
750 000 000 |
|
428 000 000 |
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
|
|
|
|
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
750 000 000 |
750 000 000 |
428 000 000 |
428 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Brigitte Micouleau.
Mme Brigitte Micouleau. Cet amendement vise à transférer les crédits de l’action n° 04, Plan d’investissement des compétences, du programme 103, « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi », à hauteur de 750 millions d’euros, vers l’action n° 02, Amélioration des dispositifs en faveur de l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail, du programme 102, « Accès et retour à l’emploi ».
De manière brutale et sans concertation, le Gouvernement a décidé de ne financer que 200 000 contrats aidés en 2018, contre 310 000 en 2017 et 459 000 en 2016.
Les contrats aidés sont d’une utilité sociale incontestable en permettant de répondre à des besoins sociaux dans les territoires : services à la personne et à la collectivité, éducation, santé, handicap. Ils permettent d’insérer et de former sur le long terme des personnes éloignées de l’emploi.
En outre, leur coût est bien moindre que celui d’autres politiques publiques en termes de créations d’emplois. Alors que le coût annuel d’un emploi créé avec le CICE est estimé à 200 000 euros, que la prise en charge d’un contrat aidé par l’État pour un emploi d’avenir est estimée par la Cour des comptes à 11 000 euros par an et par jeune, celui d’un CUI-CAE s’élève en moyenne à 10 250 euros, toujours selon la Cour des comptes.
Le présent amendement vise à intégrer un taux de prise en charge équivalent à celui de 2017.
M. le président. L’amendement n° II-324 rectifié bis, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Daudigny et Tissot, Mme G. Jourda, M. Fichet, Mme Blondin, MM. Durain et Iacovelli, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, MM. Jomier et Tourenne, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, S. Robert, Préville, Ghali et Artigalas, MM. Courteau, Magner, Houllegatte, Duran, Kerrouche, Manable, Jacquin, Dagbert, Cabanel, Devinaz, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l’emploi |
214 102 016 |
|
214 102 016 |
|
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
|
214 102 016 |
|
214 102 016 |
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
|
|
|
|
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
214 102 016 |
214 102 016 |
214 102 016 |
214 102 016 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Les auteurs de cet amendement regrettent vivement le choix du Gouvernement intervenu au second semestre de 2017 de redimensionner l’enveloppe des contrats aidés. Cette décision brutale s’est traduite par d’importantes difficultés pour les collectivités territoriales et les associations, pour lesquelles ces emplois étaient indispensables afin d’assurer dans de bonnes conditions certains services publics ou actions sociales.
Une telle décision, prise sans concertation ni préavis, entraîne une véritable fragilisation de certains services publics, dans un contexte de diminution des dépenses : d’une part, certains emplois n’ont pas été reconduits ou ne le seront pas ; d’autre part, le montant qui sera pris en charge par l’État passera de 70 % à 50 %. De plus, ce choix jette l’opprobre sur les collectivités territoriales, soupçonnées de tirer profit de l’effet d’aubaine provoqué par ce dispositif pour bénéficier de financements complémentaires. Or la grande majorité des collectivités territoriales a atteint les objectifs fixés par le dispositif initial et mis en place une véritable insertion professionnelle des bénéficiaires de ces contrats. Cette décision a également mis à mal le tissu associatif, les associations concernées n’étant pas en mesure de recruter sans l’aide financière apportée par l’État.
Les auteurs de cet amendement s’opposent à une telle décision dont les conséquences sociales seront dommageables, et ce malgré les domaines prioritaires identifiés par le Gouvernement sur lesquels seront ciblés les 200 000 contrats conclus en 2018, qui sont beaucoup trop restreints. En effet, outre leur utilité pour les collectivités territoriales et le tissu associatif de notre pays, ces contrats constituent des instruments importants pour l’insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires. Les taux de sorties positives rappelés précédemment doivent ainsi s’analyser au regard du public concerné. Or, comme le souligne la DARES, « en 2015, 9 nouveaux bénéficiaires d’un CUI ou d’un emploi d’avenir sur 10 présentaient des difficultés particulières pour trouver un emploi ».
C’est pourquoi cet amendement vise à augmenter de 214 102 016 euros le programme 102 de cette mission, plus précisément la sous-action n° 02.01, Insertion dans l’emploi aux moyens de contrats aidés. Cette somme sera prélevée sur l’action n° 04, Plan d’investissement des compétences, du programme 103. Il se trouve en effet que le Gouvernement vient d’annoncer une vaste réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage à l’été 2018.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° II-301 rectifié bis est présenté par Mme Micouleau, MM. Lefèvre, Chatillon, Daubresse et Longuet, Mme Di Folco, M. Morisset, Mme Gruny, MM. Gremillet, B. Fournier et Pierre, Mmes Malet et F. Gerbaud, MM. D. Laurent, Grand, Paccaud, Joyandet et Babary, Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi et MM. Savin, Brisson, Milon et Bonhomme.
L’amendement n° II-329 rectifié est présenté par Mmes Lienemann, Jasmin, Rossignol, Grelet-Certenais, Lubin, Féret, Meunier, Van Heghe, Harribey, Tocqueville, Ghali, Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Daudigny, Tourenne, Jomier, Duran, Tissot, Kerrouche, Manable, Jacquin, Dagbert, Cabanel, Devinaz, Fichet, Courteau, Houllegatte, Mazuir, Guillaume, Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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|
+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l’emploi |
150 000 000 |
|
150 000 000 |
|
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
|
150 000 000 |
|
150 000 000 |
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
|
|
|
|
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
150 000 000 |
150 000 000 |
150 000 000 |
150 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour présenter l’amendement n° II-301 rectifié bis.
Mme Brigitte Micouleau. Le secteur non marchand, en particulier le secteur associatif, subit une double baisse non concertée en 2018. Elle subit notamment une baisse du volume de contrats aidés, qui passent de 460 000 en 2016 à 320 000 en 2017, puis à 200 000 en 2018.
Cette double baisse a de graves conséquences non seulement sur l’activité, mais aussi sur le modèle économique d’un certain nombre d’entreprises de l’économie sociale et solidaire, parmi lesquelles les associations, intervenant auprès de publics fragiles ou encore sur l’employabilité et l’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi.
Le présent amendement vise à doter de moyens supplémentaires la sous-action Insertion dans l’emploi au moyen de contrats aidés de l’action n° 02, Amélioration des dispositifs en faveur de l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° II-329 rectifié.
Mme Laurence Rossignol. Il est défendu.
M. le président. L’amendement n° II-375 rectifié, présenté par MM. Iacovelli, Kanner et Fichet, Mme Lepage, MM. Féraud et Tourenne, Mme Ghali, MM. Tissot, Durain, Marie et Mazuir, Mme Blondin, M. Jomier, Mme Conconne, M. P. Joly, Mmes Van Heghe et Jasmin, MM. Kerrouche et Houllegatte, Mme Meunier, M. Antiste, Mme Grelet-Certenais et MM. Duran et Jacquin, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Accès et retour à l’emploi |
144 333 000 |
|
65 000 000 |
|
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi |
|
144 333 000 |
|
65 000 000 |
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail |
|
|
|
|
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
144 333 000 |
144 333 000 |
65 000 000 |
65 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Le Gouvernement a décidé de financer, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, 200 000 contrats aidés en 2018, contre 320 000 en 2017. La suppression de 120 000 contrats aidés représente un coût supplémentaire pour les collectivités territoriales, déjà fortement impactées par ce budget. Il s’agit ici d’un amendement de repli par rapport à l’amendement que j’ai présenté précédemment.
Dans un contexte de rigueur budgétaire pour les collectivités territoriales et de chômage de masse pour les Français, les contrats aidés mettent en œuvre un pacte gagnant-gagnant : ils permettent, d’une part, aux collectivités territoriales de pouvoir embaucher à coût avantageux, et donc de répondre efficacement à la mission de service public qui leur est confiée, et, d’autre part, aux personnes les plus éloignées de l’emploi de sortir de ce cercle vicieux qu’est le chômage.
Enfin, le non-renouvellement d’une grande partie des contrats aidés aura un impact sur la mission de service public confiée aux collectivités territoriales. En effet, la suppression des emplois aidés amincira les marges de manœuvre et l’autonomie financière des collectivités, au moment où nombre d’entre elles éprouvent déjà des difficultés à présenter un budget à l’équilibre. Celles-ci n’auront d’autre choix que d’effectuer des coupes budgétaires dans les différents services publics ou d’augmenter les impôts locaux. Par conséquent, les administrés verront, soit la qualité du service public s’affaiblir, soit leur feuille d’impôt s’alourdir.
Le Gouvernement entend remettre en cause un outil primordial d’insertion dans l’emploi qui permettait de briser le cercle vicieux du chômage, sans concertation avec les acteurs sociaux concernés. Le présent amendement vise donc à rééquilibrer un projet de loi de finances dont le mot d’ordre est l’injustice sociale et fiscale. Il prévoit ainsi de majorer de 40 000 la programmation des emplois aidants, à raison de 40 000 CAE supplémentaires pour 2018, ce qui permettrait de limiter la suppression du nombre d’emplois aidants prévue par le projet de loi de finances pour 2018.
Cette enveloppe complémentaire représente un transfert de 144 333 000 euros en autorisations d’engagement et de 65 millions d’euros en crédits de paiement sur le programme 102 « Accès et retour à l’emploi ».
M. le président. Mes chers collègues, M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, qui devait remplacer Mme la ministre à onze heures quarante-cinq, aura du retard, son avion ayant été détourné pour cause de mauvaise météo.
M. Ladislas Poniatowski. Il ne s’agit pas d’un attentat, au moins ?
M. le président. Non, je vous rassure, seule la météo est responsable.
Madame la ministre, pouvez-vous poursuivre l’examen des amendements jusqu’à midi ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Ces amendements visent tous à rétablir, avec de petites variantes, l’enveloppe des contrats aidés.
L’amendement n° II-302 rectifié ter vise presque à la rétablir intégralement, même si les montants ont été divisés par deux durant la nuit. La commission demande donc le retrait de l’ensemble de ces amendements ; à défaut elle émettra un avis défavorable, et ce pour trois raisons.
Premièrement, il s’agit d’une question de constance. En 2015, la commission des finances, suivie en cela par le Sénat, a souhaité la réduction du nombre de contrats aidés dans le secteur non marchand. En 2016, la commission des finances et le Sénat ont purement et simplement demandé la suppression des contrats aidés dans le secteur non marchand. Ces amendements sont donc contraires à la position que la commission des finances a exprimée à deux reprises.
Deuxièmement, ces contrats, bien qu’ayant une utilité pour les collectivités territoriales et pour les associations, n’ont pas totalement rempli leur mission à l’égard de l’insertion. Les chiffres ont été rappelés par Mme la ministre : 41 % de retour à l’emploi à court terme et 26 % à moyen terme, c’est-à-dire des contrats de plus de six mois. Bref, le dispositif ne répond pas à l’objectif d’insertion. Voilà pourquoi la commission souhaite que l’on mette l’accent sur la formation.
Troisièmement, ces crédits seraient retirés du plan Formation : ce serait donc la double peine !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur spécial.
Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteur spécial. Mme la ministre a précisé que, dans le cadre du PIC, il fallait prendre le temps de bien cibler les formations. Je rappelle qu’un projet de loi arrivera à maturation au printemps ou à la fin du premier semestre. N’est-il donc pas possible, en votant l’amendement le moins-disant sur le plan financier, de revoir à la baisse l’enveloppe du plan de formation pour financer des emplois aidés supplémentaires afin d’accompagner les collectivités et les associations ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Si ces cinq amendements ne sont pas retirés, le Gouvernement émettra un avis défavorable. J’ai déjà longuement expliqué pourquoi.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. M. le rapporteur spécial a rappelé à l’instant la position de la commission des finances au cours des deux années précédentes. Nos interrogations étaient d’ordre budgétaire, puisque ces emplois ont un coût très important ; mais elles portaient également sur le fond, puisque le taux de retour à l’emploi dans le secteur non marchand était très faible. La commission des finances avait donc préféré sauvegarder les emplois dans le secteur marchand, considérant qu’ils avaient plus de chances de déboucher sur un emploi durable ou sur une formation.
Je ne conteste pas les arguments de nos collègues, notamment en ce qui concerne l’amendement n° II-302 rectifié ter, car ces emplois ont une réelle utilité pour les collectivités ou le secteur associatif. Néanmoins, je partage l’avis émis à l’instant par M. le rapporteur spécial : il serait préférable de retirer ces amendements.
J’ajoute que l’amendement n° II-302 rectifié ter aurait un coût élevé de 750 millions d’euros. L’enjeu est donc considérable. Certes, il y aurait des transferts de crédits issus de la formation. Mais, à notre grand regret, nous ne pouvons pas nous permettre, en termes de soldes, d’approuver l’amendement de notre collègue, Mme Micouleau. S’il était maintenu, je voterais contre.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je voterai, comme les membres de mon groupe, en faveur de ces amendements.
Madame la ministre, un certain nombre d’arguments me paraissent peu adaptés au réel. Vous évoquez, en contrepartie de la diminution drastique des contrats aidés, l’élargissement du CICE la première année, puis la réduction des cotisations. Or cela ne concerne pas les mêmes structures ni les mêmes associations. Je ne doute pas que, dans les très grosses associations du secteur sanitaire et social, qui sont fortement employeur, la baisse de la masse salariale aura un impact positif. En revanche, les emplois aidés sont très utiles dans de nombreuses petites associations, avec une faible masse salariale. Celles-ci ne seront pas bénéficiaires des mesures que vous évoquez.
Par conséquent, tout cela vise encore et toujours à concentrer davantage les dispositifs sociaux sur les associations les plus hégémoniques qui ont le plus de moyens et à fragiliser le tissu associatif de proximité. Celui-ci sera également impacté par la diminution des dotations aux collectivités locales et aux communes, et par la baisse des contrats aidés dans ces mêmes communes.
Au total, toutes ces mesures sont extrêmement défavorables à la proximité et aux territoires.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. En tant que consignataire de la plupart de ces amendements au titre de mon groupe, je les voterai.
La réduction de 40 % des emplois aidés en 2018 est inacceptable en ces termes. Certes, la mise en place de réflexions sur des évolutions relatives aux politiques de l’emploi, notamment pour nos concitoyens les plus éloignés du marché du travail et les moins diplômés, est nécessaire compte tenu des chiffres du chômage. Cependant, cette décision est contestable tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme, il n’y a eu aucune concertation, ni avec le secteur associatif ni avec les élus locaux, ce qui est en contradiction totale avec l’accord de méthode convenu lors de la Conférence nationale des territoires, le 17 juillet dernier.
Sur le fond, pour justifier ces suppressions, vous dénoncez le caractère coûteux et l’inefficacité de ces contrats en matière d’insertion professionnelle, et ce en ayant une lecture spécifique des données de la DARES.
Beaucoup de ceux qui occupent un emploi aidé – emploi d’avenir ou contrat initiative emploi – ont de quoi être choqués par les propos tenus à leur sujet depuis des mois. Je souhaite m’adresser à eux aujourd’hui pour leur dire que leurs emplois sont utiles et qu’ils ont évidemment toute leur place dans notre société.
Vous avancez un autre argument pour défendre la baisse du nombre de contrats aidés, que ma collègue Laurence Rossignol a évoqué, à savoir la transformation du CICE en baisse de cotisations dont bénéficieront les associations.
Tout d’abord, la diminution drastique du nombre de contrats aidés intervient dès cette année, alors que la transformation du CICE n’est prévue que pour 2019.
Ensuite, la baisse des cotisations patronales ne sera pas équivalente à la prise en charge des contrats aidés, car nombre d’associations qui comptaient des emplois aidés n’ont pas de salariés.
Il conviendrait aussi de cesser d’opposer contrats aidés et formation. On le sait, il n’existe pas de solutions miracles en matière de lutte contre le chômage, mais il y a une multitude de solutions pour faire face à des situations diverses. Pour les personnes les plus éloignées du marché du travail, chacun sait que le triptyque « accompagnement, formation professionnelle et entrée dans l’emploi » est indispensable.
Au final, cette décision, qui s’apparente à un plan social massif, est une triple catastrophe : pour des milliers de salariés privés d’emploi, pour les collectivités territoriales empêchées d’assurer la continuité du service public de proximité, pour nos concitoyens privés des activités des associations, dont l’existence est aujourd’hui menacée.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Corinne Féret. Dans nos territoires, de nombreux agents des écoles maternelles, de personnels chargés de l’entretien de nos voiries n’assureront plus leurs missions.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. La suppression des contrats aidés a choqué la France entière, en premier lieu celles et ceux qui en bénéficiaient, mais également les présidents d’association, les maires et de nombreuses familles. En effet, derrière un jeune en emploi aidé, il y a aussi des parents, des oncles, des tantes, des grands-pères et des grands-mères. Bref, tout un environnement familial a souffert de cette décision.
Je trouve curieux qu’un amendement du groupe Les Républicains vise à accorder 750 millions d’euros aux contrats aidés, alors que, durant la campagne présidentielle, le candidat de ce parti était favorable à la suppression de tous les contrats aidés. J’invite donc mes collègues à davantage de cohérence, même si je sais que « vérité d’un jour n’est pas celle du lendemain » et que la démagogie peut toujours l’emporter…
J’en reviens aux associations et aux emplois aidés dans le secteur non marchand. Vous avez affirmé, madame la ministre, que ces emplois aidés ne remplissaient pas leur rôle. Il est évident que, pour certains emplois, la formation n’était pas à la hauteur. Bien sûr, il y a toujours des difficultés ! Mais chaque fois que les personnes en emploi aidé ont eu un tuteur, chaque fois qu’elles ont bénéficié d’une formation, il y a eu très souvent insertion. C’est sous cet angle-là qu’il faut voir les choses et réfléchir. L’emploi aidé n’est donc pas un emploi bon marché, mais un emploi accompagné. C’est sur ce point que nous divergeons. Vous auriez pu maintenir ces emplois : il fallait certes supprimer ceux qui n’étaient pas bénéfiques, mais on aurait pu mettre l’accent sur ceux qui fonctionnaient. La décision d’arrêter unilatéralement tous ces emplois n’est pas une bonne décision.
Enfin, si les communes peuvent peut-être s’en sortir, comme elles le font depuis des années, même si des services nouveaux, notamment d’aide à la personne, sont vraisemblablement supprimés, il n’en ira pas de même des associations. Je pense en particulier aux associations culturelles, sportives et à toutes les petites associations qui irriguent le tissu local. Elles ont besoin de bénévoles, de femmes et d’hommes qui travaillent sur le vivre ensemble. Combien de petites associations, de petits concerts, de petites pièces de théâtre n’existeront plus faute d’emplois aidés ? Car ces petites associations ne peuvent embaucher qu’avec ce type d’emploi !
C’est avec beaucoup de regrets que nous nous sommes aperçus que vous n’avez pas voulu changer d’avis sur ce sujet, car mon groupe est très défavorable à la suppression de ces contrats aidés.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour explication de vote.
Mme Brigitte Micouleau. Je vais retirer mes deux amendements, pour suivre l’avis de la commission.
Cela étant, de manière générale, le Gouvernement ne va-t-il pas trop vite en décidant de supprimer les contrats aidés en faisant l’économie d’une analyse au cas par cas de leur efficacité ou de leur intérêt dans nos territoires ? Je citerai l’exemple de l’association Pause Câlin à Toulouse, qui gère deux crèches dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Elle emploie quinze personnes en contrats aidés sur quarante salariés. L’arrêt brutal de ces contrats aidés représentera une perte sèche de 140 000 euros pour l’association. Elle envisage donc de réduire l’accueil de 61 enfants à 45 enfants…
M. le président. Les amendements nos II-302 rectifié ter et II-301 rectifié bis sont retirés.
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Moi aussi je voterai les amendements présentés par mon groupe.
Le monde culturel est très fragile. On le dit depuis des années. Or il fonctionne principalement sous forme associative. Je souhaite donc vous alerter, mes chers collègues : un certain nombre d’associations qui bénéficient d’emplois aidés, parfois même d’un seul emploi aidé, jouent un rôle très important en matière de dynamique territoriale, de lien social. Elles ont également une grande utilité sociale. L’état des lieux dans mon département, mais aussi dans tous les départements du pays, montre qu’un certain nombre de projets artistiques et culturels, et donc d’artistes, parce que, derrière ces projets, il y a des emplois, seront fragilisés et disparaîtront. Il serait intéressant l’année prochaine de procéder à un nouvel état des lieux.
Tout ce que vous voyez autour de vous, en termes d’artistes, de médiateurs culturels, de projets qui font vivre l’ensemble de la collectivité, c’est-à-dire le monde de la cité et le bien commun tel qu’on le rêve aujourd’hui, peut être très fragilisé par la suppression des emplois aidés. Ce n’est donc pas bon signe pour le monde artistique et culturel ; j’aurais pu dire la même chose pour le monde sportif.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.