M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je ne peux que souscrire aux propos de M. le rapporteur spécial. Je vous ai fait part du lancement d’une mission sur le CEREMA, qui est aujourd’hui dans une situation difficile ; il me semble important que cet établissement dispose, à l’issue de cette mission, d’une véritable feuille de route.
Pour autant, cela ne doit pas l’empêcher de participer, comme les autres opérateurs, à l’effort de maîtrise des dépenses publiques.
Je voudrais aussi insister sur le fait que retirer des crédits au programme « Affaires maritimes », qui assume des missions essentielles – la sécurité en mer, le contrôle des usages en mer, la protection du milieu marin et de la ressource halieutique, le soutien aux armateurs, etc. –, me semble être un très mauvais signal.
Alors que nous avons rétabli les exonérations de charges pour soutenir la flotte de commerce française, cet amendement viendrait amputer les capacités de sécurité maritime et de soutien à notre flotte. C’est pourquoi je demande également le retrait de cet amendement ; sinon, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote.
M. Michel Vaspart. Je souscris aux propos de Mme la ministre. J’ai tenté d’expliquer à la tribune que nous ne faisions pas assez pour la performance des ports français et l’activité de l’économie bleue. Il serait paradoxal de retirer des crédits destinés aux affaires maritimes, alors que j’ai plutôt l’impression qu’il n’y en a pas suffisamment.
En outre, je rappelle que l’amendement précédent a réduit les crédits dédiés à l’expertise, à l’information géographique et à la météorologie, alors que celui-ci les augmente ! Il y a un problème de cohérence.
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. Monsieur Bigot, l’amendement n° II-279 rectifié est-il maintenu ?
M. Joël Bigot. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. Perdriau, président démissionnaire du conseil d’administration du CEREMA, avait reçu des assurances de la part du Président de la République : tout devait être fait pour garantir les capacités d’action du centre.
Cet amendement ne vise pas à opposer les affaires maritimes au CEREMA ; nous souhaitons simplement que cet établissement ait les moyens de fonctionner.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les articles 53 à 54 quater, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Écologie, développement et mobilité durables
Article 53
(Supprimé)
Article 54
I. – À compter de 2018, il est institué une contribution annuelle des agences de l’eau mentionnées à l’article L. 213-8-1 du code de l’environnement au profit, d’une part, de l’Agence française pour la biodiversité, à hauteur d’un montant compris entre 240 et 260 millions d’euros, et, d’autre part, de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, à hauteur d’un montant compris entre 30 et 37 millions d’euros.
Cette contribution est liquidée, ordonnancée et recouvrée selon les modalités prévues pour les recettes des établissements publics administratifs de l’État.
Chaque année, un arrêté conjoint des ministres chargés de l’écologie et du budget fixe le montant de cette contribution, en précisant les parts allouées à l’Agence française pour la biodiversité et à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, et la répartit entre les agences de l’eau, au prorata de leur part respective dans le produit total prévisionnel pour l’année concernée des redevances mentionnées à l’article L. 213-10 du même code.
Cet arrêté détermine également les modalités de versement de cette contribution. Un premier versement de chacune des agences de l’eau est opéré avant le 15 février 2018, d’un montant minimal de 10 millions d’euros par agence pour l’Agence française pour la biodiversité et de 1,5 million d’euros par agence pour l’Office national de la chasse et de la faune sauvage.
II. – L’article 124 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 est abrogé.
III. – Les deuxième et troisième phrases du V de l’article L. 213-9-2 du code de l’environnement sont supprimées.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, sur l’article.
M. Joël Bigot. Je souhaiterais attirer votre attention sur un sujet qui m’est cher et qui n’a pas beaucoup été abordé. Au-delà de la fragilisation des missions des agences de l’eau, les nouvelles ponctions prévues pourraient déstabiliser les actions de coopération internationale qu’elles mènent avec succès.
Depuis la loi Oudin-Santini de 2005, les agences de l’eau réalisent, en étroite collaboration avec les collectivités territoriales, des programmes de développement sanitaire indispensables pour les pays émergents dans les domaines de l’accès à l’eau potable et de l’assainissement, et donc de la santé.
En tant que vice-président en charge de la coopération décentralisée à l’agglomération d’Angers, poste que je n’occupe plus, j’ai pu bénéficier de l’expertise essentielle des agences de l’eau en vue de la création de puits permettant l’accès à l’eau potable dans la région de Bamako au Mali.
Selon le dernier rapport d’activité des agences de l’eau paru en septembre 2017, la participation à ces programmes de coopération s’élevait à 15 millions d’euros en 2016.
Alors que le Président de la République vient d’assister à un sommet entre l’Union africaine et l’Union européenne, il semblerait judicieux de ne pas interrompre les programmes de coopération qui fonctionnent particulièrement bien en Afrique de l’Ouest et pour lesquels les besoins sont immenses.
Je tenais à rappeler ces missions méconnues des agences de l’eau pour alimenter le débat qui va avoir lieu sur cet article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-220 est présenté par MM. Gontard et Collombat, Mme Assassi, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° II-263 est présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° II-220.
M. Guillaume Gontard. Nous proposons par cet amendement la suppression de l’article 54. En effet, comme cela a été rappelé, cet article, conjugué à l’article 19, porte atteinte à l’équilibre financier des agences de l’eau.
Les agences de l’eau sont doublement touchées.
Premièrement, elles participent au budget de l’État à hauteur de 200 millions d’euros cette année. Le « plafond mordant » a, en effet, été repoussé à la discussion budgétaire pour 2019.
Deuxièmement, elles financent l’Agence française pour la biodiversité – AFB – pour un montant compris entre 230 et 260 millions d’euros, ainsi que l’Office national de la chasse et de la faune sauvage – ONCFS – entre 30 et 37 millions, soit des sommes très importantes.
Si la participation des agences de l’eau au financement de l’AFB a été actée par la loi sur la biodiversité, le financement de l’ONCFS et des parcs nationaux semble être une nouvelle étape dans le désengagement de l’État. Une étape qui ne respecte pas le principe défini depuis l’adoption de la loi sur l’eau de 1964, qui veut que « l’eau finance l’eau ».
Les agences de l’eau perdent également des moyens humains, puisque le plafond d’emploi diminue pour l’année 2018 de 48 postes en équivalent temps plein, alors même que ce plafond avait déjà été réduit l’année précédente de 22 postes en équivalent temps plein. Il y a donc une baisse continue des effectifs.
Les agences de l’eau sont fortement impactées par vos arbitrages budgétaires, madame la ministre. La perte est estimée, par certains acteurs, à 20 % de leur budget, ce qui semble déraisonnable.
Pourtant, les missions des agences de l’eau sont fondamentales pour la préservation de la ressource et l’accompagnement des collectivités. C’est d’autant plus indispensable que les collectivités doivent prochainement exercer la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, aussi appelée GEMAPI.
Ce désengagement de l’État est préjudiciable à la pérennité du financement de l’Agence française pour la biodiversité, de l’ONCFS et des parcs nationaux, structures dont les actions sont essentielles pour nos territoires.
Nous proposons donc la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-263.
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. Cet amendement est identique au précédent et répond au même objectif.
Cette nouvelle contribution des agences de l’eau entraînerait un désengagement de l’État du financement des opérateurs de la biodiversité et un transfert injustifié de ce financement aux agences de l’eau.
Comme cela a été rappelé, notamment par Mme Lavarde, l’allocation d’une partie des recettes des agences de l’eau au financement de la politique de la biodiversité et de la chasse irait totalement à l’encontre du principe de la redevance, selon lequel « l’eau paie l’eau », et de la logique du « pollueur-payeur » qui prévaut dans le domaine de l’eau.
Si, par cet article, le Gouvernement entend faciliter la lecture des moyens consacrés aux opérateurs de la biodiversité, la simplification des vecteurs de financement de la politique de la biodiversité ne saurait s’effectuer au prix d’un détournement des ressources des agences de l’eau.
C’est la raison pour laquelle la commission des finances propose de supprimer l’article 54 du projet de loi de finances.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je voudrais tout d’abord souligner que ces amendements identiques remettraient en question le financement de douze opérateurs de l’eau et de la biodiversité. Le Gouvernement entend maintenir le mécanisme qui renforce le rôle central des agences de l’eau dans le financement de la politique de l’eau et de la biodiversité.
Je rappelle que la loi pour la reconquête de la biodiversité a prévu que les agences de l’eau exercent une mission en faveur de la biodiversité, ce qui a bien été inscrit dans les statuts des agences.
Je comprends les questionnements qui peuvent exister sur le financement des agences de l’eau et le Gouvernement estime qu’elles sont un levier considérable au service des politiques de l’eau, de la biodiversité, de la mer, mais aussi de la cohésion des territoires.
Je rappelle aussi que le onzième programme prévoit un niveau de ressources égal à 12,6 milliards d’euros sur six ans, une somme qui est intermédiaire entre les deux programmes précédents, puisque le neuvième s’élevait à 11,4 milliards d’euros et le dixième à 13,6 milliards d’euros.
Un débat doit avoir lieu sur le niveau nécessaire des ressources de la politique de l’eau. Nous proposons de le faire en deux temps.
D’abord, une mission conjointe d’inspection sur les agences de l’eau et les opérateurs de la biodiversité nous permettra d’évaluer si l’organisation est adaptée et si les choix opérés soulèvent des difficultés.
Ensuite, nous réunirons des assises de l’eau. Annoncées par le Président de la République lors du congrès des maires, elles permettront de réunir l’ensemble des acteurs publics et privés, pas uniquement les agences de l’eau, et de construire collectivement une vision des besoins d’investissement, tous financeurs confondus.
Afin de ne pas priver les opérateurs de l’eau et de la biodiversité de leurs ressources et en sachant qu’une réflexion va prochainement s’ouvrir sur le financement de la politique de l’eau, je vous propose de retirer ces amendements ; sinon, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. Ladislas Poniatowski. Mais où est la cohérence ?
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je reprends à la volée ce terme de cohérence ! Nous en avons effectivement besoin…
Je ne voterai pas ces amendements. Il ne me semble pas mauvais en soi qu’une part des financements liés à l’eau soit orientée vers la reconquête de la biodiversité. En effet, les eaux d’usage ont un impact négatif sur la biodiversité.
Mais ce débat se carambole avec un autre, à savoir l’utilisation par l’État, pour des raisons d’équilibre budgétaire, de la trésorerie des agences de l’eau. C’est cette utilisation qui est absolument anormale.
Il faut que l’État ait une position claire – claire comme de l’eau de roche, si vous me permettez cette comparaison… Il ne doit pas se servir de la trésorerie d’organismes, lorsque leurs budgets sont dédiés à certaines politiques. Il n’est pas choquant que l’argent prélevé pour l’eau aille à la biodiversité – il y a un lien entre l’eau et les milieux humides –, mais il ne doit pas aller dans la trésorerie de l’État.
Le modèle français de gestion de l’eau est souvent cité dans le monde et il faut le préserver, mais l’État n’est pas cohérent. Par exemple, il supprime le financement de l’ADEME par la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP. Autre exemple, il ne fait pas de lien entre la contribution carbone énergie et les territoires. Mais en même temps, il prévoit d’utiliser une partie des financements destinés à l’eau pour la biodiversité, ce que je défends.
Ce système n’est ni cohérent ni lisible ! Certes, le Gouvernement hérite d’une situation, mais il serait temps qu’il apporte cohérence et lisibilité dans les flux financiers liés à l’écologie. Il est aujourd’hui très compliqué d’analyser ce budget, on le voit bien avec les nombreux amendements d’appel qui ont été déposés.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Je souhaite attirer votre attention, mes chers collègues, madame la ministre, sur les enjeux vitaux de l’eau.
La contribution annuelle des agences de l’eau va les priver de recettes nécessaires aux investissements. Or, ceux-ci sont indispensables tout simplement pour assurer l’approvisionnement en eau de tout le territoire.
Je cite en exemple le bassin Adour-Garonne : peuplé de 5 millions d’habitants, auxquels il faut ajouter 3 millions de personnes supplémentaires l’été, il va être confronté à des défis immenses dans les années à venir. C’est le bassin qui va être le plus exposé aux difficultés.
La première explication, c’est le réchauffement climatique : l’augmentation de la température, qui sera certainement supérieure à deux degrés, va entraîner de la sécheresse et des étiages beaucoup plus longs. Ensuite, la diminution des débits des rivières et des fleuves va provoquer un déficit hydrique extrêmement important. Enfin, l’augmentation de la population de 50 000 habitants par an va poser des problèmes certains.
Nous devons absolument anticiper et prévoir ; c’est notre rôle de politiques. Nous ne pouvons pas faire comme si le réchauffement climatique n’était pas en marche et qu’il n’avait aucun impact sur la ressource en eau. Ne faisons pas comme si nous ne pouvions rien faire, hormis attendre des coupures d’eau ! Elles ne manqueront pas de se généraliser, si rien n’est fait.
Nous devons agir pour continuer d’avoir de l’eau partout et à tout moment, comme c’est le cas aujourd’hui.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je voudrais soutenir les propos du rapporteur spécial et son amendement. En effet, la mesure proposée par le Gouvernement tend finalement à ne plus reconnaître le travail réalisé par les agences de l’eau en matière de biodiversité. Or, le lien entre l’eau et la biodiversité est évident. L’eau ne vient pas de nulle part !
Adopter l’orientation du Gouvernement, c’est nier ce travail de terrain, qui a pourtant permis d’améliorer la qualité de l’eau. C’est pourquoi je soutiens pleinement l’amendement présenté par le rapporteur spécial au nom de la commission.
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.
M. Ladislas Poniatowski. Depuis de nombreuses années, on tape sur ces pauvres agences de l’eau pour distribuer quelques subsides à droite et à gauche !
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Tous les ans, oui !
M. Ladislas Poniatowski. Évidemment, c’est une belle ressource ! Mais madame la ministre, il faudrait aller au bout de votre raisonnement, qui n’est absolument pas cohérent.
Certes, il existe une relative cohérence à prendre dans les budgets des agences de l’eau pour financer l’Agence pour la biodiversité.
Mais où est la cohérence quand vous leur prenez de l’argent pour financer l’ONCFS ? Vous n’en avez d’ailleurs pas parlé !
M. Ronan Dantec. Le gibier d’eau, peut-être…
M. Ladislas Poniatowski. Je ne vois vraiment pas la cohérence. Arrêtons de prendre à Paul pour donner à Jean ! Assumez la mission de l’État envers l’Agence pour la biodiversité et l’ONCFS, en inscrivant les sommes correspondantes dans votre budget, et non en allant piquer des recettes à droite et à gauche !
C’est la raison pour laquelle je voterai l’amendement de la commission des finances.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-220 et II-263.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 54 est supprimé et l’amendement n° II-223 rectifié n’a plus d’objet.
L’amendement n° II-223 rectifié, présenté par Mme Canayer, MM. Bonne, J.M. Boyer et Daubresse, Mmes Deseyne et Gruny, MM. Grosdidier, Grand, Forissier et Kennel, Mme Lopez, MM. Paul et Pierre, Mmes Lassarade et Lherbier et MM. Raison et Joyandet, était ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer les mots :
, d’une part,
et les mots :
, et, d’autre part, de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, à hauteur d’un montant compris entre 30 et 37 millions d’euros
I. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
, en précisant les parts allouées à l’Agence française pour la biodiversité et à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage,
Articles additionnels après l’article 54
M. le président. L’amendement n° II-221, présenté par M. Gontard, Mme Assassi, MM. Bocquet et Savoldelli, Mmes Benbassa, Cohen et Cukierman, MM. Foucaud et Gay, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Watrin, est ainsi libellé :
Après l’article 54
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d’information sur le budget des agences de l’eau et sur les conditions financières de la mise en œuvre de leurs missions.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Il s’agit, vous l’aurez compris, d’un amendement d’appel.
Année après année, les ressources des agences de l’eau sont considérées comme une variable d’ajustement du budget général. « Plafond mordant », prélèvement sur le fonds de roulement, financement des autres agences de l’État… À force de ponctions, les agences ne peuvent plus faire face à leur cœur de mission.
Pourtant, ces missions sont essentielles pour la préservation de la ressource et l’accompagnement des acteurs de l’eau. Au moment où l’urgence climatique est posée, où nous avons une conscience collective de plus en plus forte des conséquences des activités humaines sur notre environnement, une telle démarche gouvernementale apparaît incompréhensible.
Le 28 septembre dernier, 55 % des agents des agences de l’eau étaient en grève pour dénoncer cette situation.
Je rappelle d’ailleurs qu’atteindre un bon état des eaux est un objectif pour 2027. Pourtant, seulement un tiers des rivières est aujourd’hui conforme. Comment progresser et avancer avec ces baisses de moyens et ces économies de court terme ? Si la France ne veut pas risquer une condamnation européenne pour non-respect de la directive-cadre sur l’eau, il est urgent de réagir.
Comment, dans ces conditions, contraindre les collectivités à prendre en main la compétence GEMAPI ? Comment faire face à l’urgence du renouvellement des réseaux et de la lutte contre les fuites ?
Alors que l’adaptation des territoires au changement climatique est d’une grande urgence et que la préservation de la biodiversité a été placée au centre des politiques publiques avec la création de l’Agence française pour la biodiversité, comment comprendre cette mise en difficulté programmée des agences de l’eau ?
L’équation est impossible. Pourtant, l’intérêt des agences de l’eau n’est plus à prouver. Depuis maintenant cinquante ans, ces agences et leurs personnels ont su montrer leur efficacité et leur adaptabilité. Aujourd’hui, elles ne peuvent plus assumer leurs missions essentielles.
Nous sommes tous garants des deniers publics. Bien gérer, c’est prévoir et anticiper. Repousser les problèmes, en limitant les moyens d’étude et d’action, est désastreux pour nos territoires.
Pour ces raisons, nous demandons un rapport sur le financement des agences de l’eau.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. J’entends la préoccupation qui vient d’être exprimée. Pour autant, cet amendement me semble satisfait, puisque, parmi les rapports annexés au projet de loi de finances – ce qu’on appelle les « jaunes budgétaires » –, il en existe un sur les agences de l’eau. C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je souscris à ce que vient d’indiquer le rapporteur spécial : il existe effectivement un jaune budgétaire qui retrace les dépenses des agences de l’eau.
Par ailleurs, comme je le disais, nous allons lancer une mission interinspections pour clarifier les modalités de financement de la politique de l’eau. Ensuite, nous réunirons des assises de l’eau, auxquelles le Parlement sera naturellement associé ; elles permettront de débattre de ces sujets de manière complète.
C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. Monsieur Gontard, l’amendement n° II-221 est-il maintenu ?
M. Guillaume Gontard. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-222, présenté par M. Gontard, Mme Assassi, MM. Bocquet et Savoldelli, Mmes Benbassa, Cohen et Cukierman, MM. Foucaud et Gay, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Watrin, est ainsi libellé :
Après l’article 54
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d’information sur l’adéquation entre les dotations de l’Agence française pour la biodiversité et les prérogatives et missions qui lui sont assignées.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Nous souhaitons la réalisation d’un rapport sur l’adéquation des moyens et des missions de l’Agence française pour la biodiversité.
En effet, au moment de sa création, 225 millions d’euros étaient annoncés pour faire fonctionner cette agence, dont 150 millions provenaient déjà des agences de l’eau. Devaient s’y ajouter 60 millions supplémentaires dans le cadre des investissements d’avenir.
Au final, dans la loi de finances initiale, ce sont 243 millions d’euros qui ont financé l’AFB. C’était déjà très limité ! Rappelons que les premiers travaux de préfiguration, en 2013, avaient conduit à une estimation des besoins de 400 millions d’euros : nous en sommes loin. L’État, qui versait 34,5 millions d’euros en 2017 pour alimenter le budget de l’agence, ne versera plus rien en 2018.
Nous regrettons fortement ce désengagement. La création de l’AFB, agence unique pour la biodiversité, avait pourtant soulevé beaucoup d’espoirs. Au vu des budgets très limités, nous nous demandons aujourd’hui comment l’AFB pourra convenablement remplir ses missions.
Nous avons également une opposition de fond sur le principe du financement. En effet, il est regrettable que la seule fiscalité de l’eau, assise sur les redevances des agences de l’eau, finance l’ensemble de la biodiversité, alors que l’AFB exerce sa compétence dans les domaines aquatique, marin et terrestre.
Ce financement est également injuste. À travers les agences de l’eau, ce sont les ménages qui seront principalement touchés, puisque 80 % du budget provient des factures d’eau.
Le principe, logique et acceptable par tous, selon lequel « l’eau paie l’eau », est détourné, ce qui sera très difficilement accepté et compris par les abonnés.
Nous demandons donc qu’un rapport sur les modalités de financement de l’AFB soit réalisé, afin de mettre en valeur les besoins réellement nécessaires à l’agence pour qu’elle exerce correctement sa mission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. Même avis défavorable. C’est un organisme nouveau qui sera soumis au contrôle budgétaire. Très rapidement, peut-être pas en 2018, mais l’année suivante, nous regarderons cela de très près.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Les moyens de l’Agence de la biodiversité prévus dans le cadre du projet de loi de finances confortent, d’une part, les effectifs de l’agence, qui ont déjà été augmentés en 2017, et, d’autre part, les moyens financiers. Une feuille de route a été fixée pour 2017 par le ministère de tutelle de l’agence, en attendant le contrat d’objectifs et de performance. Par ailleurs, la mission interministérielle qui sera lancée sur les opérateurs de l’eau et de la biodiversité permettra également de clarifier les moyens et les ressources de l’agence. Je vous demande donc de retirer cet amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-222.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 54 bis (nouveau)
L’article 1519 C du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 3° est abrogé ;
2° Au début du 3° bis, le taux : « 5 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».
M. le président. L’amendement n° II-264, présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial.