M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est dotée pour 2018 de 19,4 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui la place, en termes d’inscription budgétaire, au sixième rang des missions de l’État.
L’importance de cette mission ne se mesure pas uniquement en termes financiers. Elle recouvre en effet un ensemble de mesures essentielles, qui traduisent le volontarisme des politiques d’insertion et de solidarité de notre pays.
Si ces dispositifs, qui associent à la fois des notions de prévention, d’aide et d’incitation, sont indispensables, leur évaluation – celle du niveau de satisfaction des objectifs auxquels ils doivent répondre – s’avère souvent difficile, ce qui rend l’appréciation de leur pertinence ou de leur efficacité très approximative.
À cet égard, on peut s’interroger, me semble-t-il, sur la faiblesse du niveau de sortie de certains dispositifs, comme la prime pour l’emploi, pour laquelle le taux de sortie pour dépassement de revenus n’est que de 4 %, ce qui voudrait dire que le caractère incitatif de cette mesure pour favoriser le retour à l’emploi reste très limité.
Les augmentations budgétaires concernent principalement les dépenses d’intervention, qui représentent plus de 90 % des crédits et portent sur deux dispositifs majeurs : l’allocation aux adultes handicapées, l’AAH, et la prime d’activité.
L’AAH, qui mobilise à elle seule 9,7 milliards d’euros, enregistre une progression de 40 millions d’euros, destinée à financer la hausse de cinquante euros par mois à partir du 1er novembre 2018.
La prime d’activité, qui représente 5,1 milliards d’euros, est en progression de 240 millions d’euros pour couvrir la majoration de vingt euros par mois du montant forfaitaire à compter d’octobre 2018.
Ces évolutions appellent trois remarques.
D’abord, elles correspondent pleinement aux engagements pris par le Président de la République et le Gouvernement. Dont acte.
Ensuite, les dates de déclenchement de ces revalorisations, à la fin de l’année prochaine, reportent l’essentiel de l’effort budgétaire sur l’année 2019 et les suivantes.
Enfin, la modification des périmètres définis pour accorder ces aides suscite quelques interrogations. Il ne faudrait pas que certains publics fragiles se trouvent exclus de son bénéfice. Dans cet esprit, la commission des finances a adopté plusieurs amendements ; ils présentent l’avantage de sécuriser certains publics et de revenir à certains dispositifs, mais au prix d’un rabotage sur d’autres programmes qui n’est pas forcément d’une excellente opportunité.
L’augmentation des crédits s’appuie également sur des enveloppes exceptionnelles, comme le Fonds d’aide à l’insertion, doté de 50 millions d’euros, et les dépenses d’aide sociale à l’enfance pour les mineurs non accompagnés, pour un montant de 66,8 millions d’euros, crédits alloués aux départements au titre du remboursement de 30 % des dépenses engagées.
Sur ce dernier point, on assiste à une véritable explosion du nombre de bénéficiaires, qui serait estimé à 25 000 à la fin de 2017, alors qu’il n’était que 2 500 voilà trois ans. Vous imaginez donc ce que représente le reste à charge pour les départements, dont les finances sont déjà très largement sollicitées par ailleurs en matière d’aide sociale et de solidarité.
Cette progression rapide et non maîtrisée, qui affecte très fortement toutes les collectivités territoriales, mais de manière toute particulière un petit nombre d’entre elles – quelques départements de métropole et deux départements ultramarins, Mayotte et La Guyane –, relève d’une politique nationale d’immigration, acceptée ou subie, dont l’État doit assumer l’entière responsabilité en termes financiers.
Cette situation alarmante a d’ailleurs fait l’objet au printemps dernier d’un rapport d’information de notre collègue Élisabeth Doineau et de notre ancien collègue Jean-Pierre Godefroy, intitulé Mineurs non accompagnés : répondre à l’urgence qui s’installe. Ce rapport préconise une trentaine de mesures, allant d’une meilleure maîtrise de l’immigration à l’approfondissement des partenariats avec les départements.
Le programme relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes enregistre une légère augmentation de crédits, qui ne semble toutefois pas à la hauteur des ambitions du Président de la République et du Gouvernement d’en faire une grande cause nationale du quinquennat. Je modérerai cette appréciation en précisant que ce programme faisait l’objet, depuis plusieurs années, d’une sous-consommation récurrente de ses crédits.
Enfin, on peut noter avec satisfaction les efforts accomplis pour baisser de 26 millions d’euros les dépenses « support » et les dépenses de personnel, grâce à l’optimisation des moyens de fonctionnement.
Au total, même si demeurent des interrogations et des inquiétudes sur l’évolution budgétaire de certains programmes pour les années à venir, l’augmentation de 1,5 milliard d’euros des crédits de cette mission pour 2018, qui peut-être s’avérera insuffisante, mais qui correspond déjà à une progression de 8,7 %, ce qui n’est pas négligeable, représente sans doute une approche plus sincère et un effort important dans le contexte actuel. C’est pourquoi, avec les membres du groupe du RDSE, je vous invite à approuver les crédits de la mission ! (Mme Véronique Guillotin et M. Claude Haut applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Michel Forissier.
M. Michel Forissier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, s’il y a un domaine où l’effort de la Nation ne doit pas faiblir, c’est bien celui de la solidarité.
L’enjeu de cette mission est de permettre à tous ceux qui sont en grande difficulté de garder l’espoir, même si, pour certains, ce n’est qu’une lueur d’espoir, par l’expression de la solidarité républicaine.
Les crédits de la mission, de l’ordre de 19,5 milliards d’euros, augmenteront l’année prochaine, notamment en raison de la revalorisation de la prime d’activité, de vingt euros par mois, et de celle de l’allocation aux adultes handicapés, de cinquante euros par mois à taux plein.
On ne peut que se réjouir de ces progressions. Toutefois, les rapporteurs spéciaux de la commission des finances et le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ont noté, parallèlement, des coups de rabot, des économies décidées sans concertation, qui touchent les populations les plus fragiles.
Là est toute l’ambiguïté de ce budget, dans lequel des mesures très concrètes et populaires voisinent avec des restrictions plus discrètes.
C’est le cas, d’abord, en ce qui concerne la prime d’activité, qui remplace la prime pour l’emploi et le RSA activité. Le dispositif monte bien en charge, avec un taux de recours de 75 %. Je ne m’attarderai pas sur le risque de sous-budgétisation, hélas récurrent. Je souhaite plutôt appeler votre attention sur l’article 63, qui exclut du bénéfice de cette prime les personnes titulaires de pensions d’invalidité ou de rentes versées à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
Nous avons bien entendu en commission les arguments avancés par le Gouvernement : la prime d’activité s’écarterait de son objectif initial d’incitation à l’emploi en intégrant ces publics, et le taux de recours serait trop faible.
Pour ce qui est du principe d’incitation à l’emploi, je note qu’il est d’ores et déjà bien peu effectif, puisque seulement 4 % des titulaires de la prime d’activité sortent du dispositif pour avoir dépassé les conditions de ressources. Reconnaissons-le : la prime d’activité fait aujourd’hui surtout figure de minimum social et ne respecte guère la philosophie ayant guidé la création du RSA…
Quant au taux de recours, qui serait trop faible, il ne tient qu’au Gouvernement d’assurer des actions d’information auprès des publics concernés !
Bref, ces raisons ne me semblent pas suffisantes pour priver des personnes modestes d’un complément de ressources dont elles ont fortement besoin. Notre groupe suivra donc l’avis de la commission des finances en votant la suppression de l’article 63.
Je dresserai un constat similaire s’agissant de l’évolution de l’AAH.
Je soutiens bien évidemment l’effort budgétaire consenti pour augmenter cette aide. Je rappelle d’ailleurs que notre majorité avait fortement revalorisé l’AAH, de 25 % sur la période 2008–2012.
Toutefois, deux mesures viennent neutraliser la portée de la prochaine revalorisation.
Il s’agit, en premier lieu, du gel du plafond de ressources pour un couple percevant l’AAH, justifié par l’alignement sur les règles applicables aux couples percevant le RSA. Près d’un quart des allocataires de l’AAH sont concernés. À l’image de notre rapporteur pour avis, Philippe Mouiller, je déplore que le Gouvernement pratique un alignement par le bas de l’AAH en suggérant une parenté entre les deux prestations, alors que la situation des personnes handicapées doit rester spécifique.
En second lieu, une réforme ne figurant pas dans ce projet de loi de finances, mais envisagée pour 2019, consisterait à fusionner les deux compléments de l’AAH : le complément de ressource en cas d’incapacité supérieure à 80 % disparaîtrait au profit d’une augmentation de la majoration pour la vie autonome, là aussi sans concertation ni assurance du maintien d’un niveau équivalent.
On comprend donc, bien sûr, l’inquiétude des associations.
Je rappelle d’ailleurs que, si l’AAH doit être de 860 euros en novembre 2018 et de 900 euros en 2019, le seuil de pauvreté est de 1 015 euros par mois… L’AAH sera donc toujours en dessous. Doit-on considérer que les handicapés vivent en dessous du seuil de pauvreté ?
En ce qui concerne les autres programmes de la mission, je dirai un mot de l’amendement du rapporteur pour avis, Philippe Mouiller, visant à augmenter les crédits consacrés à la lutte contre la prostitution.
Je veux en effet souligner l’incohérence qu’il y a à diminuer de 26,5 % les crédits de cette action, alors que les dispositions de la loi du 13 avril 2016 doivent être mises en œuvre l’année prochaine. La loi a en effet prévu un parcours de sortie de la prostitution comprenant une aide financière et un accompagnement social et professionnel. Le décret d’application a tardé à paraître ; il a fallu un an pour l’obtenir. Rien n’empêche désormais d’appliquer le dispositif. Encore faut-il disposer des fonds nécessaires !
Je ne sais quel sort sera réservé à l’amendement de notre commission par l’Assemblée nationale. Ou plutôt, je m’en doute… Aussi, donnons-nous rendez-vous dans quelques mois, madame la secrétaire d’État, pour faire le point sur le déploiement du parcours de sortie de la prostitution.
Enfin, je me réjouis que le rapporteur spécial Arnaud Bazin ait déposé un amendement pour tenter de réparer les conséquences de la suppression de la réserve parlementaire.
Certes, l’Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement visant à réintroduire 25 millions d’euros à destination des associations, via le Fonds pour le développement de la vie associative. Reste que le compte n’y est pas, puisque ce sont 147 millions d’euros qui étaient attribués au moyen de la réserve parlementaire, dont 61 millions aux seules associations. Au passage, 36 millions d’euros ont donc été rabotés !
Dans le domaine de la solidarité, les associations d’aide alimentaire, celles venant en aide aux personnes vulnérables et celles œuvrant pour les droits et la défense des femmes seront fortement touchées et ne pourront fonctionner avec la faible compensation prévue par le Gouvernement.
Je ne veux pas rouvrir le débat que nous avons eu voilà quelques mois ; ce serait inutile. Encore faut-il que le Gouvernement prenne ses responsabilités et propose des solutions. Je crains bien, sinon, que nos petites communes n’aient à payer la note – comme d’habitude…
Ces réserves mises à part, notre groupe constate l’évolution positive des crédits de la mission. Ce qu’attendent nos concitoyens les plus fragiles, c’est non pas un concert de lamentations, mais des décisions politiques qui les aident à surmonter leurs difficultés quotidiennes !
Madame la secrétaire d’État, pour l’instant, nous sommes satisfaits de la qualité de votre écoute. Nous espérons maintenant que vos réponses démontreront que vous nous avez entendus.
Notre vote sera conditionné par l’adoption des amendements déposés par nos rapporteurs, dans un esprit de justice sociale, dans la tradition et l’esprit du Sénat et afin que ce budget respecte son objectif de protection des populations les plus fragiles. Je compte sur vous, madame la secrétaire d’État ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial, et M. le rapporteur pour avis ainsi que Mmes Michèle Vullien et Nassimah Dindar applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est l’un des piliers de la politique sociale menée par l’État. Aussi jugeons-nous positive l’augmentation de 1,5 milliard d’euros des crédits par rapport à 2017.
Alors que les inégalités sociales grandissent et que les révélations sur la concentration des richesses entre les mains de quelques puissants les rendent de plus en plus inacceptables, il est indispensable que l’État œuvre à établir ou rétablir la justice sociale.
Dans cet esprit, nous nous félicitons de l’augmentation de vingt euros de la prime d’activité à partir du 1er octobre 2018, dans le cadre du programme « Inclusion sociale et protection des personnes », mais nous souhaiterions que le Gouvernement fasse du non-recours à cette prime, qui représente 4,2 milliards d’euros de prestations, une urgence.
Quant au programme « Handicap et dépendance », il voit ses crédits croître de 6,9 % par rapport à l’an dernier, en raison de la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés, qui passera progressivement de 860 à 900 euros. C’est une bonne nouvelle pour les bénéficiaires de l’AAH, même si nous regrettons que le montant de cette allocation demeure inférieur au seuil de pauvreté.
Ces mesures positives ne doivent pas occulter les reculs contenus dans cette mission, comme l’a souligné, notamment, notre collègue Éric Bocquet. Car le Gouvernement, si généreux en apparence, prévoit en réalité de l’être pour un nombre plus restreint de bénéficiaires, puisqu’il modifie les conditions et les plafonds de l’AAH.
Cette décision est justifiée par un mélange des genres, le Gouvernement appliquant les critères des minima sociaux à l’AAH, alors que cette dernière ne fait pas partie des minima versés au titre de la solidarité nationale ; elle est versée au titre de la compensation due aux personnes handicapées qui se trouvent dans l’incapacité totale ou partielle d’exercer un emploi, ou dont les pensions de nature contributive sont d’un niveau insuffisant.
Ce sont 108 000 couples qui vont perdre le bénéfice de l’AAH avec la baisse du plafond du cumul à taux plein pour un couple d’allocataires. Par ailleurs, la fusion des deux compléments de ressources de l’AAH va entraîner une perte de revenus de 75 à 179 euros. C’est la double peine pour les personnes en situation de handicap !
Enfin, je tiens à relayer l’inquiétude des établissements et services d’aide par le travail, auxquels le Gouvernement avait promis la subvention de 1 000 emplois supplémentaires, avant de décider de réduire son aide de 6 %. Alors que, sur les 3,5 millions de personnes handicapées, 500 000 sont au chômage, cette décision est parfaitement injuste !
S’agissant du programme 137, abondamment commenté ces derniers jours, si le montant des crédits en faveur de l’égalité femmes-hommes est effectivement en légère hausse par rapport à 2017, nous continuons de dénoncer son insuffisance au regard des enjeux et de la priorité gouvernementale affichée.
De plus, comment ne pas s’insurger devant la baisse, prévue dans le même programme, des fonds destinés à financer le dispositif de sortie de la prostitution, amputés de 25 % ? Alertés, comme notre rapporteur, par de nombreuses associations féministes, nous pensons nous aussi que la loi du 13 avril 2016, votée de haute lutte, ne pourra être mise en œuvre que si les moyens nécessaires sont prévus.
Or l’enveloppe destinée à l’aide financière à l’insertion sociale et professionnelle, l’AFIS, est réduite de 1,5 million d’euros, alors même que cette allocation est centrale dans le dispositif pour reprendre pied et retourner dans le droit commun. Vous savez bien, mes chers collègues, qu’elle est censée suppléer la baisse de revenus résultant de l’arrêt de la prostitution, et que ces parcours de sortie donnent accès à un logement, à une allocation, à des papiers le cas échéant, à des cours de français et à des formations. Autant dire que, sans AFIS, aucun parcours de sortie ne peut aboutir.
L’amendement présenté par le rapporteur pour avis de la commission des lois vise à réparer cette baisse, mais en privant d’autant le programme 124, qui concerne les politiques sanitaires, sociales et du sport. Or ce qu’il faut, c’est non pas un transfert d’enveloppe, mais une hausse du budget ! Aussi, nous nous abstiendrons sur cet amendement.
En définitive, permettez-moi de réitérer mes doutes sur la réalité de la priorité gouvernementale donnée à la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
Enfin, je voudrais évoquer la situation des mineurs isolés, désormais nommés mineurs non accompagnés.
Les crédits consacrés à leur accueil vont augmenter de 20,1 millions d’euros en 2017 à 132 millions d’euros en 2018. Comment ne pas se réjouir d’une telle hausse, tant il est vrai que de plus en plus de départements tirent la sonnette d’alarme ?
Reste que cette générosité du Gouvernement s’accompagne d’une mesure extrêmement grave : l’instauration pour les jeunes exilés non accompagnés d’un régime particulier obéissant au droit des étrangers plutôt qu’aux règles de protection de l’enfance.
Les membres de mon groupe sont très préoccupés par ces décisions, tout comme le Défenseur des droits et de nombreuses associations de protection de l’enfance. D’autant que la volonté du Gouvernement de confier à l’État l’accueil d’urgence et l’évaluation de l’âge de ces jeunes jusqu’à la confirmation de leur minorité est un véritable transfert de compétences du département à l’État.
D’après la convention internationale des droits de l’enfant, un mineur isolé doit se voir accorder la même protection que tout autre enfant définitivement ou temporairement privé de son milieu familial, pour quelque raison que ce soit.
Je conclurai mon propos en soulignant qu’il est nécessaire de mobiliser des moyens à la hauteur des ambitions que l’on se donne. Ce seul critère, s’il est important, ne saurait être suffisant. Ainsi, malgré leur augmentation globale, nous voterons contre les crédits de cette mission, car celle-ci comporte de nombreux et inadmissibles reculs ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Éric Bocquet, rapporteur spécial, applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le Président, mesdames, messieurs les sénateurs, messieurs les rapporteurs, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence d’Agnès Buzyn et de Marlène Schiappa, qui sont retenues loin de cet hémicycle.
Je vous remercie de l’ensemble de vos interventions relatives au budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2018, que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui.
Ce budget est le reflet d’un parti pris et d’une priorité. Le parti pris, c’est celui de la sincérité budgétaire, qui est le préalable indispensable à une action publique efficace et à des choix politiques clairement assumés ; la priorité, c’est celle qui va à nos concitoyens les plus fragiles et qui exprime la solidarité nationale.
Les crédits de cette mission sont essentiellement consacrés au financement de dispositifs d’aide aux populations les plus défavorisées au travers des programmes 304, « Inclusion sociale et protection des personnes », et 157, « Handicap et dépendance », ainsi qu’au soutien de l’égalité entre les femmes et les hommes. Les moyens de fonctionnement du ministère représentent moins de 8 % du total des crédits.
Le budget de la mission augmentera en 2018 de 1,5 milliard d’euros, soit 8,7 %, par rapport à 2017. C’est un effort considérable, destiné pour l’essentiel aux bénéficiaires de la prime d’activité et de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH. Il s’ajoute, je veux le rappeler, à la revalorisation du minimum vieillesse – prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale –, laquelle atteindra 100 euros par mois au 1er janvier 2020.
Le programme 157, « Handicap et dépendance », est porté à 11,34 milliards d’euros, soit une progression de 6,9 % entre 2017 et 2018. Cette augmentation massive traduit la priorité que constitue le handicap pour le quinquennat. Elle permet de concrétiser l’engagement du Président de la République en faveur de la revalorisation de l’allocation pour adulte handicapé, afin de donner à chacun sa juste place dans le projet national et de lutter contre la pauvreté subie des personnes auxquelles leur handicap interdit, ou limite fortement, l’accès au travail.
La revalorisation de l’AAH permettra de porter en deux temps, vous l’avez rappelé, le montant de l’allocation à 900 euros par mois à la fin de 2019. Il s’agit d’un investissement de plus de 2,5 milliards d’euros sur le quinquennat que fait la Nation au profit de la participation des personnes et de leur inclusion, pour offrir à chacun une vie plus libre et digne. Cette revalorisation de 11 % en deux ans est sans précédent et contraste avec l’augmentation de moins de 2,5 % par an durant les sept années précédentes.
Vous m’avez alertée sur les deux mesures accompagnant cette revalorisation, en particulier celle qui consiste à rapprocher – non à aligner ! – les règles de calcul de l’allocation pour les couples, trop différentes de celle des autres minima. J’entends dire que, de ce fait, les couples seraient exclus de la réforme ; c’est faux ! Messieurs Bocquet et Forissier, je tiens donc à vous rassurer sur ce point.
Plus de 155 000 bénéficiaires en couple vont profiter pleinement de la revalorisation, avec une augmentation de 180 euros par mois. Le niveau de revenu garanti à un couple sera ainsi strictement préservé et stable, à hauteur de 1 620 euros, soit un montant supérieur au seuil de pauvreté. La solidarité nationale sera la plus forte pour ceux qui en ont le plus besoin. Cette mesure préserve bon nombre de spécificités, légitimes – vous avez tout à fait raison à ce sujet, monsieur Mouiller –, de l’AAH pour les couples, en particulier l’abattement de 20 % sur les revenus du conjoint.
S’agissant de la simplification annoncée des deux compléments de ressources, elle ne sera effective qu’en 2019. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans le prochain débat budgétaire.
Mme Nassimah Dindar, je souhaite vous rassurer sur les deux objectifs qui nous guideront : supprimer toute double évaluation et flécher les financements vers ceux pour lesquels la charge de logement est la plus élevée. Simplifier et ne plus surévaluer.
Concernant le programme 304, je veux en premier lieu évoquer l’augmentation de la prime d’activité. Vous le savez, celle-ci représente, pour plus de 2,5 millions de foyers aux ressources modestes, un complément de revenu important de près de 160 euros par mois en moyenne, alors que le montant moyen des ressources des foyers bénéficiaires est de l’ordre de 1 050 euros. Il s’agit également d’un dispositif important pour faire en sorte, comme il est dit parfois de façon raccourcie, que « le travail paie ».
Conformément aux engagements du Président de la République, la prime d’activité augmentera de 20 euros à partir du premier octobre 2018, complétant ainsi une deuxième disposition favorable au pouvoir d’achat : la suppression des cotisations salariales chômage et maladie en contrepartie de la hausse de la CSG, ce qui va se traduire, par exemple pour une personne au SMIC, par un gain de pouvoir d’achat de 263 euros par an lorsque la mesure sera pleinement montée en charge.
Cette augmentation de la prime d’activité n’est d’ailleurs que la première étape d’une hausse qui se poursuivra au cours des années suivantes, pour porter sa revalorisation à 80 euros au niveau du SMIC.
En 2018, quelque 5,1 milliards d’euros seront donc consacrés à la prime d’activité, ce qui représente une augmentation de 16 % par rapport à l’année 2017. Celle-ci prend en compte l’évolution tendancielle de la prime en opérant pleinement l’effort de sincérité demandé par la Cour des comptes.
La très forte progression des crédits s’accompagne de mesures destinées à modérer l’impact budgétaire, vous les avez relevées. Celles-ci ne remettent pas en cause, je le dis clairement, l’économie globale de la prime et l’impact favorable des mesures adoptées pour les bénéficiaires.
Toujours au titre du programme 304, le parti pris de la sincérité porte également le Gouvernement à proposer d’augmenter de façon très appréciable les crédits consacrés aux mineurs non accompagnés. Dans ce dossier important et sensible, les engagements du Président de la République et du Premier ministre sont très clairs : l’État doit faire plus et mieux pour accueillir les mineurs étrangers isolés et aider les départements dans cette mission.
Le nombre de mineurs pris en charge par les conseils départementaux a augmenté de façon très importante, entraînant la saturation des dispositifs et un coût croissant pour les départements. Or, même si la protection de l’enfance est de leur compétence, l’État a une responsabilité forte, au travers de sa double compétence de conduite de la politique migratoire et de protection de l’enfance, exercée par l’autorité judiciaire.
Les difficultés actuelles révèlent aussi la nécessité d’une harmonisation nationale des conditions d’évaluation de la situation des demandeurs, compte tenu des disparités constatées entre les départements.
C’est pourquoi le Premier ministre a lancé, conjointement avec le président de l’Association des départements de France, Dominique Bussereau, une mission d’expertise, afin d’identifier des solutions opérationnelles permettant d’améliorer l’efficacité, la cohérence et la soutenabilité budgétaire de la phase d’évaluation et de mise à l’abri des mineurs non accompagnés.
Dès 2018, l’engagement de l’État se traduira par un renforcement très important des moyens, qui passent de 15 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2017 à 132 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2018. Je tiens également à rassurer Mme Schillinger et M. Bazin : les crédits affectés à l’aide alimentaire augmentent de 7,7 millions d’euros.
Je souhaite à présent évoquer le programme 137, dont Marlène Schiappa porte la responsabilité.
Par ses enjeux et ses objectifs, la politique des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes participe à la politique d’inclusion sociale, pour permettre à chaque citoyenne et à chaque citoyen de participer pleinement à la vie de la société, notamment en exerçant un emploi. L’égalité entre les femmes et les hommes a été déclarée grande cause nationale pour tout le quinquennat.
Elle porte un engagement fort, sur tout le territoire, en mobilisant l’ensemble du Gouvernement, dans une approche résolument interministérielle, sur les trois champs prioritaires que sont la promotion de l’égalité professionnelle et la conciliation des temps de vie ; la lutte contre toutes les formes d’agissements et de violences sexistes et sexuelles ; un État exemplaire grâce à l’efficacité des politiques ministérielles et interministérielles en faveur de l’égalité.
Les actions réunies par le document de politique transversale totalisent près de 420 millions d’euros, en progression par rapport à 2017. À l’issue du Tour de France de l’égalité, en mars prochain, le Président de la République réunira un comité interministériel et validera un programme gouvernemental qui sera mis en œuvre jusqu’à la fin du quinquennat.
D’ores et déjà, les crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » sont en hausse de 8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017.
J’insiste sur la sincérité de ce budget, qui présente, de surcroît, un taux de réserve de précaution de 3 %, contre 8 % en 2017, ce qui donnera plus de marge de manœuvre, dès le début d’année, pour garantir la bonne consommation des crédits du programme.
Je souligne aussi que le niveau global de subventions aux associations, dont le rôle est essentiel sur l’ensemble des territoires, est totalement préservé. C’est pourquoi le Gouvernement s’engage aussi à pérenniser ce niveau de crédits sur le tendanciel 2018-2022.
Je n’oublie pas, enfin, que le projet de budget défendu devant la représentation nationale porte les supports budgétaires des femmes et des hommes qui travaillent dans nos ministères, avec le programme budgétaire 124, « Soutien aux politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative ». Ce sont 18 276 emplois de l’administration centrale, des services déconcentrés du ministère et des agences régionales de santé, ainsi que la masse salariale correspondante, qui sont concernés.
Le projet de budget 2018 s’inscrit dans la perspective, fixée par le Président de la République, de réduction du nombre d’emplois publics en dehors des départements ministériels prioritaires. Ce contexte exigeant va donc requérir davantage d’efficience ; nous y travaillerons ensemble.
Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget que nous vous présentons est un budget rigoureux dans son élaboration et sincère. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.)