M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai par la hausse de 3 % du budget de l’Élysée, qui a tout de même animé les débats à l’Assemblée nationale comme au Sénat, soit 3 millions d’euros. S’agit-il de construire une piscine olympique dans les jardins de l’Élysée ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Non !
M. Richard Yung. S’agit-il de construire un terrain de badminton dans les jardins ? Non !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. C’est la sécurité !
M. Richard Yung. Il s’agit de renforcer la sécurité du Président de la République et de son entourage - vous connaissez le contexte.
Il s’agit de mettre en place la cellule de coordination des services de renseignement.
Il s’agit, enfin, d’améliorer la protection des systèmes informatiques : nous savons tous ce qui s’est produit aux États-Unis.
La députée La France insoumise, en dénonçant le fait que le Président de la République puisse « se servir dans la caisse », a eu un propos outrageux, à la limite de la diffamation. Je sais qu’un nouveau cadre budgétaire doit prochainement être mis en place. Peut-être pourrez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous en dire quelques mots.
Je passe sur la Cour de justice de la République.
En ce qui concerne la mission « Conseil et contrôle de l’État », je me réjouis du renforcement des moyens de la Cour nationale du droit d’asile, que nous demandons depuis des années. La création de cinquante-quatre emplois va permettre à cette juridiction de traiter un plus grand nombre de recours et de réduire de treize à six mois – je n’ai probablement pas les mêmes chiffres que M. Kanner – le délai moyen d’instruction d’une demande d’asile, sauf si, entre-temps, le nombre de demandes augmente très fortement.
Plus largement, je souscris à la proposition du rapporteur spécial de l’Assemblée nationale, M. Daniel Labaronne, député d’Indre-et-Loire et donc quelqu’un de tout à fait respectable, consistant à évaluer l’impact des réformes apportées aux procédures contentieuses en matière de droit des étrangers.
Les juridictions financières restent stables et n’appellent pas de commentaire particulier de ma part.
Enfin, je voudrais vous demander, monsieur le secrétaire d'État, quel est le degré d’avancement de la certification des comptes des collectivités locales, qui est en cours.
La dotation du Conseil économique, social et environnemental est sans doute amenée à évoluer puisqu’il est prévu de faire de cette instance une sorte de holding des think tanks. Peut-être conviendra-t-il, avec cette réforme, de lui octroyer des moyens supplémentaires.
Je me réjouis de voir que les effectifs de l’ANSSI augmentent de vingt-cinq ETP chaque année, entre 2018 et 2022. C’est un point très important, nous le savons tous. Le degré de menace des cyberattaques est élevé. En tant que Français de l’étranger, nous en savons quelque chose puisque nous avons été privés du droit de vote électronique aux élections législatives, l’ANSSI n’étant pas en situation de garantir le produit qu’elle était en train d’élaborer.
En outre, je salue l’achèvement de l’opération de restructuration de l’îlot Fontenoy-Ségur. Je constate avec satisfaction que son enveloppe budgétaire a été à peu près respectée. Le regroupement d’une grande partie des services du Premier ministre et de plusieurs autorités indépendantes au sein de ce centre de gouvernement va permettre de dégager d’indispensables économies de fonctionnement – loyers, masse salariale, etc. D’après le bleu budgétaire, les immeubles naguère occupés par les entités qui ont emménagé dans les bâtiments Ségur et Fontenoy devraient être cédés en 2018. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous indiquer à combien est évalué le montant prévisionnel de ces cessions immobilières ?
Enfin, je salue la hausse de la subvention accordée à la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, autrement dit la DILCRAH. Ces moyens supplémentaires lui permettront notamment d’assurer pleinement ses nouvelles missions en matière de lutte contre les LGBT-phobies et contre les actes antisémites, qui perdurent malheureusement dans notre pays.
Pour toutes ces raisons, le groupe La République En Marche votera ces crédits. (MM. François Patriat et Jean-Pierre Sueur applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle Vullien. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Michèle Vullien. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’examen des crédits budgétaires de ces trois missions traduit une très grande stabilité par rapport à la loi de finances pour 2017.
Les crédits de la mission « Pouvoirs publics » n’augmentent que de 0,08 % entre 2017 et 2018. Le budget des deux assemblées parlementaires est donc stabilisé, comme c’est le cas depuis maintenant cinq ans : 518 millions d’euros pour l’Assemblée nationale et 324 millions d’euros pour le Sénat, soit près de 84 % des crédits de la mission. Seule progresse, finalement, à hauteur de 3 %, la dotation de la Présidence de la République.
Au-delà de ces chiffres, l’enjeu est ici celui de l’efficacité de la dépense publique et du bon fonctionnement de notre Parlement. Ni démagogie, laquelle affaiblirait nécessairement la représentation nationale, ni gabegie ! C’est la seule voie sur laquelle s’engager pour rétablir la confiance et le lien de nos concitoyens avec la représentation nationale.
Les crédits budgétaires de la mission « Conseil et contrôle de l’État » progressent de 2,2 % cette année, à un rythme analogue à celui de l’an dernier où les crédits avaient été relevés de 2 %.
L’augmentation est portée pour les trois quarts par le programme 165, retraçant les crédits des juridictions administratives, et en particulier par la Cour nationale du droit d’asile. Pour amortir la hausse de plus de 30 % du contentieux de l’asile, cinquante et un emplois sont ainsi créés auprès de la CNDA.
La question du maintien au sein de la mission du programme 340 relatif au Haut Conseil des finances publiques reste posée. Se pose surtout, monsieur le secrétaire d'État, la question de l’indépendance de ce Haut Conseil des finances publiques vis-à-vis de l’administration.
Dans son audit de juin dernier, la Cour des comptes a en effet montré que l’évaluation des hypothèses de recettes et de dépenses par le Haut Conseil restait tributaire des informations communiquées par les services de Bercy. La création d’un organisme indépendant, sur le modèle britannique, favoriserait la sincérité des textes budgétaires présentés au Parlement, favorisant du même coup la qualité de nos débats. Est-elle envisagée, monsieur le secrétaire d'État ?
S’agissant, enfin, de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », les moyens budgétaires sont, là encore, stabilisés : 1,48 milliard d’euros en crédits de paiement, en hausse très légère de 0,26 %.
Les priorités sont d’abord financées par des mesures d’économies, et nous nous en réjouissons.
L’effort engagé lors des exercices précédents dans les domaines de la sécurité, du renseignement et de la cyberdéfense est prolongé. Les effectifs sont ainsi rehaussés de dix-huit équivalents temps plein, et nous nous en réjouissons également. L’effort budgétaire est ainsi ciblé sur la sécurité et les services de renseignement, ce qui est une très bonne chose.
Sur la période 2018–2020, la mission contribue à la performance et à la maîtrise de la dépense publique : hors compte d’affectation spéciale « Pensions », ses crédits diminuent de 1 % en volume. Nous nous en félicitons.
Cette efficacité se traduit tout particulièrement par la mise en place du projet immobilier Fontenoy-Ségur, qui permettra de mutualiser les fonctions support de l’ensemble des services du Premier ministre. Le détail de ce projet est désormais documenté. Début 2018, la plateforme accueillera vingt-deux entités, dont deux secrétariats d’État. Le gain escompté de ces mutualisations est estimé à 7 millions d’euros.
À ces efforts d’économies contribuent également les autorités administratives indépendantes, malgré une augmentation globale de leurs crédits de 2 millions d’euros. Cette hausse n’a toutefois pas vocation à être renouvelée, puisqu’elle doit seulement permettre au Comité consultatif national d’éthique, le CCNE, d’assurer l’organisation d’états généraux citoyens en vue de la révision prévue en 2018 des lois de bioéthique de 2011.
Compte tenu de leur cohérence globale, le groupe Union Centriste votera les crédits de ces différentes missions. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – MM. Daniel Chasseing et Yvon Collin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, j’ai l’honneur de porter la parole du groupe socialiste sur les trois missions d’importance que nous examinons ce matin. Elles sont d’importance parce qu’elles touchent souvent à l’État dans ce qu’il a de plus noble, mais pas forcément de plus populaire auprès des citoyens ! L’Élysée, les assemblées, les cours des comptes, les Autorités administratives, le Conseil économique, social et environnemental, autant d’institutions indispensables à la République, qui mériteraient parfois d’être réformées, je le concède, mais des institutions dans lesquelles les agents publics ne renâclent pas à la tâche. Je tâcherai donc d’être juste et bienveillant pour leur rendre hommage.
Je commencerai par la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Le groupe socialiste et républicain votera les crédits prévus. M. Kanner a su nous convaincre de la pertinence de l’augmentation des crédits dévolus aux programmes « Conseil d’État et autres juridictions administratives » et « Cour des comptes et autres juridictions financières ». Le renforcement des effectifs de la Cour nationale du droit d’asile, qui fait face à une hausse importante du nombre des entrées enregistrées, et la nécessité de pourvoir les emplois prévus pour les juridictions financières constituent des objectifs que nous partageons tous.
En ce qui concerne la mission « Pouvoirs publics » – je salue ici M. Jean-Pierre Sueur –, je ne me hasarderai pas à polémiquer sur les moyens prévus pour la sécurité du Président de la République, cela a été dit avant moi, ou pour l’activité de sa compagne. Ces dépenses sont justifiées.
À l’Élysée toujours, on ne peut que se féliciter de la volonté affichée de vouloir contenir le poste « déplacements », notamment en ce qui concerne les déplacements à l’étranger. J’invite cependant l’exécutif à ne pas rogner sur les crédits de climatisation. (Rires sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. M. Xavier Iacovelli applaudit.) Je salue la volonté de mettre en concurrence plusieurs prestataires pour l’engagement des dépenses prévues pour les voyages officiels. Nous imaginons que le Président de la République ne souhaite pas être accusé de privilégier telle ou telle agence de communication.
Toujours dans la mission « Pouvoirs publics », je note la baisse de 1,1 % de la dotation pour Public Sénat. Elle démontre un souci de bonne gestion, à saluer dans la période de débat actuel sur l’utilité de la préservation de deux chaînes parlementaires distinctes.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Jérôme Durain. Le budget du Conseil constitutionnel sera en baisse en 2018, en l’absence d’élections à contrôler. Je relève d’ailleurs, même si je n’ignore pas la complexité de la tâche et l’augmentation du nombre de recours cette année, que certaines décisions sur des recours d’importance se font toujours attendre en cette fin d’année 2017.
En ce qui concerne la mission « Direction de l’action du Gouvernement », j’ai dévoré le rapport de M. Leconte. Concernant la réforme de l’État, un des aspects de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », M. Leconte relève avec beaucoup de précision que l’inflation législative n’est pas forcément la conséquence d’une logorrhée sénatoriale. On ajoutera à ses remarques sur l’importance prise par les articles additionnels issus d’amendements gouvernementaux l’existence d’amendements gouvernementaux portés en catimini par des parlementaires !
Le problème n’est peut-être pas dans la lenteur du travail parlementaire et législatif, contrairement à ce que beaucoup veulent nous faire croire. C’est même peut-être l’inverse. Je n’ai pas la sensation que les autres parlements du monde travaillent mieux que le nôtre. Et la volonté d’aller vite contribue sous tous les gouvernements, quelle que soit l’étiquette politique, à légiférer mal. Il faut alors trouver des cordes de rappel, ce qui est normal quand on est premier de cordée (M. Xavier Iacovelli sourit.), avec un amendement gouvernemental, voire avec un amendement gouvernemental porté par un parlementaire s’il s’avère que le rapporteur du projet de loi fait les gros yeux au cabinet du ministre ! Un rythme de travail plus serein nous permettrait sans doute d’éviter ce genre d’impair. Mais non, il faut aller vite ! Pourtant, même les députés En Marche constatent qu’ils n’ont plus le temps de réfléchir…
M. Claude Haut. Oh !
M. Jérôme Durain. Autre exemple de la manière dont l’enfer peut être pavé de bonnes intentions : M. Leconte a relevé les difficultés dans l’application du décret du 18 mai 2017 sur la limitation du nombre de conseillers par cabinet.
M. Claude Haut. Pff !
M. Jérôme Durain. Des conseillers parlementaires, pas les vôtres, monsieur le secrétaire d'État, ont indiqué avoir des difficultés à me répondre en invoquant la petite taille des cabinets. Je ne leur jette pas la pierre, même si leur excuse est difficilement audible. J’ai participé à des débats où je voyais bien que le ministre n’avait pas de réponse précise préparée. J’imagine que l’étau du décret de mai 2017 finira par se desserrer. Il paraît même, selon un hebdomadaire satirique, qu’il est contourné. Si c’est le cas, je m’en félicite !
Je veux revenir, pour terminer, sur le cas de quelques autorités indépendantes : le CSA a un budget stable, mais pourrait voir ses prérogatives augmentées, si l’on en croit le discours du Président de la République de samedi dernier. Je ne suis pas certain de partager le point de vue du Président de la République sur une telle évolution du rôle du CSA, mais je ne demande qu’à être convaincu ! J’ai pu constater l’année dernière, lors d’une mission effectuée pour le compte du précédent gouvernement, que si certains membres ou salariés du Conseil disposaient du bagage nécessaire pour aborder les questions numériques, ils avaient aussi à batailler en interne pour gagner en légitimité. Surtout, quel serait le fondement juridique d’une telle évolution de son rôle ? Le CSA contrôle les contenus télévisés en échange de la mise à disposition des fréquences. Mais quelle serait la logique concernant internet ? Je ne peux pas croire que le Président Macron soutienne une nationalisation de l’espace de liberté que constitue internet. Peut-être souhaite-t-il suivre l’exemple chinois ?
Concernant, enfin, le Défenseur des droits, j’ai bien pris connaissance des éléments sur les fonctions support. Néanmoins, je dois vous avouer que je m’étonne de la baisse de crédits que connaît l’autorité dirigée par M. Toubon. Je n’ai pas particulièrement défendu sa nomination, mais je dois bien reconnaître qu’il incarne à merveille son rôle. Le CSA voit son budget maintenu, mais le Défenseur des droits doit, lui, faire des efforts supplémentaires. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, éclairer la représentation nationale sur ce point ?
Vous l’aurez compris, le groupe socialiste et républicain votera les crédits des trois missions que nous étudions ce matin. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Richard Yung et Yvon Collin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame, messieurs les rapporteurs spéciaux, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, tenter de répondre en dix minutes à l’ensemble de vos questions est un exercice difficile. J’ai bien entendu l’invitation de Jean-Pierre Sueur à retrouver les usages, notamment ceux de Robert Badinter, mais permettez au modeste secrétaire d'État que je suis,…
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Pas si modeste !
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. … ancien député, de ne pas oser cette comparaison, surtout lorsque l’on sait que Robert Badinter a fini son engagement politique sur vos travées, au Sénat. J’aborderai donc les seules questions sur lesquelles je peux apporter des éléments de réponse.
Je commencerai par dire à Mme Assassi, par exemple, que je ne me prononcerai pas sur la « faiblesse des moyens dévolus aux chambres, Sénat et Assemblée nationale », tout simplement parce que nous sommes sur des sujets où votre indépendance implique que le Gouvernement, par compétence liée, ne se prononce pas.
Je voudrais vous remercier de la qualité de vos travaux, de la modération de vos propos. S'agissant de sujets aussi sérieux que le bon fonctionnement de l’État, il nous faut pouvoir balayer la réalité de ce que nous vivons. Les dotations de la mission « Pouvoirs publics », notamment, vous l’avez dit, se caractérisent par une grande stabilité par rapport à l’exercice précédent.
Je rebondis sur la question de l’augmentation des moyens dédiés à la Présidence de la République. À cette occasion, vous avez évoqué, messieurs Richard Yung et Jean-Pierre Sueur, l’effort financier réalisé sous la présidence de François Hollande, effort qui méritait effectivement d’être souligné.
Chacun l’a rappelé, les 3 millions d’euros de crédits supplémentaires sont dédiés à la sécurité physique du Président de la République, de ses proches, de ses collaborateurs, mais aussi à la sécurité numérique, qui est essentielle. Ces mesures vont, je le crois, dans le bon sens.
Cependant, sur ces sujets comme sur d’autres, il est fondamental que nous soyons transparents. Cette transparence accrue, sur laquelle M. le sénateur Richard Yung m’a interpellé, se décline à la fois dans la Charte de transparence relative au statut du conjoint du chef de l’État, mais aussi par l’adoption, conformément au rapport et aux préconisations de la Cour des comptes, d’un nouveau cadre budgétaire et comptable transposant à la Présidence de la République les règles de la gestion budgétaire et comptable publique de droit commun, tout en tenant compte de la spécificité du pouvoir public constitutionnel.
S’agissant du Conseil constitutionnel, sa dotation est quasi stable par rapport à 2017. Il est important de le préciser, certains s’étant interrogés sur une baisse. Or la baisse est simplement visible mais pas réelle. M. Jean-Pierre Sueur a rappelé pourquoi cette dotation, hors dépenses exceptionnelles liées aux augmentations de 2016 et 2017 pour préparer les campagnes présidentielle et législatives et les contrôles sur l’élection présidentielle, est en légère augmentation. Toutefois, cela a été dit, l’augmentation du nombre de questions prioritaires de constitutionnalité doit être entendue, parce qu’elle implique des moyens, une ingénierie, une expertise supplémentaires.
S’agissant de la Cour de justice de la République, une dotation est inscrite au projet de loi de finances afin de lui permettre d’instruire et de juger les requêtes qui lui sont adressées, mais chacun sait qu’une évolution constitutionnelle est envisagée. Nous verrons ce qu’il en adviendra. Vous m’avez interrogé sur les coûts fixes de la Cour de justice de la République, notamment sur les locaux dans lesquels elle est installée. Une réflexion est actuellement à l’étude pour un éventuel transfert dans les locaux du tribunal de grande instance dans l’île de la Cité. Tout dépendra au fond, monsieur Sueur, de la réforme constitutionnelle, à laquelle vous participerez, bien évidemment.
J’en viens maintenant à la mission « Conseil et contrôle de l’État ». S’agissant des juridictions administratives, l’objectif, beaucoup d’entre vous l’ont rappelé, reste la maîtrise des délais de jugement. Les crédits augmentent d’un peu plus de 2 %, car il nous faut faire face à l’augmentation extrêmement forte des recours devant la Cour nationale du droit d’asile, cela a été rappelé par Didier Rambaud et Patrick Kanner. La création de cinquante et un emplois destinés à cette évolution n’est pas négligeable, même si nous pensons effectivement que la situation sera tendue et difficile.
Il faut également avoir en tête, certains d’entre vous l’ont rappelé, que la dématérialisation des procédures a permis, grâce à l’application de télérecours, par exemple, d’économiser 4,5 millions d'euros de frais de justice depuis 2013. Le recours obligatoire à la médiation préalable et les nouveaux outils procéduraux, ceux qui existent et ceux que nous allons développer, doivent aussi permettre de réaliser des économies substantielles sur ces sujets.
En ce qui concerne les juridictions financières, les dépenses sont maîtrisées. Les dépenses de personnel augmentent très légèrement. Sans reprendre tout ce qui a été évoqué notamment par Patrick Kanner et Richard Yung, je pense qu’il est important de pouvoir s’appuyer sur ces juridictions, en particulier pour l’expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales. Il faut monter en puissance sur ce sujet, et vingt-cinq collectivités ont été sélectionnées pour participer à une expérimentation qui se déroulera jusqu’en 2023. Il faudra ensuite l’évaluer et en tirer tous les enseignements nécessaires.
S'agissant du positionnement du Haut Conseil des finances publiques, évoqué par Mme Vullien, M. Rambaud, le Gouvernement est favorable à l’idée que celui-ci soit rattaché dans le cadre des procédures qui existent sur les juridictions financières. Je ne doute pas de la capacité de cette autorité d’user de tous les moyens de contrôle sur l’État et de dire ce qu’elle pense. Aujourd'hui, nul ne peut douter de son indépendance sur le sujet.
Pour ce qui est du Conseil économique, social et environnemental, les travaux sont comme pour le Sénat et l’Assemblée nationale placés sous l’autorité de leur président respectif, en lien avec la ministre, garde des sceaux. Des réflexions sont en cours ; sur le CESE, elles sont bien avancées et le président Bernasconi m’a demandé un rendez-vous ce matin pour me les présenter. Nous aurons certainement l’occasion d’en parler tous ensemble.
J’aborderai, pour terminer, la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». À titre liminaire, je précise qu’un amendement présenté par le Gouvernement et adopté à l’Assemblée nationale a procédé à une minoration de 3 millions d'euros des autorisations d’engagement et des crédits de paiement, hors titre 2, pour prendre en compte, et là, il y a eu des augmentations, les conséquences des décisions annoncées lors du rendez-vous salarial du 16 octobre dernier.
Les crédits de cette mission sont stables en valeur par rapport à la loi de finances de 2017. Un certain nombre de mesures nouvelles sont prises en compte, et beaucoup d’entre vous ont parlé de la mutualisation, dont l’opération immobilière Fontenoy-Ségur constitue un bel exemple. Des économies substantielles ont été faites et restent à faire dans ce cadre-là. Elles sont évaluées à environ 3,5 millions d'euros par an ; elles sont également importantes en termes d’effectifs.
Certains d’entre vous m’ont interrogé sur la situation du Défenseur des droits, dont on pourrait penser qu’il perd trois équivalents temps plein à la lecture statistique des chiffres ou comptable. La réalité, c’est qu’il dégage quatre équivalents temps plein supplémentaires pour mener à bien les missions nouvelles qui lui sont confiées, du fait justement de l’économie de moyens de fonctionnement réalisée sur l’ensemble du site.
À terme, nous pensons que nous pouvons globalement économiser cinquante-deux équivalents temps plein, que sept sites seront libérés à la suite de l’emménagement à Fontenoy-Ségur. Ces sites pourraient être vendus, monsieur Delcros, monsieur Yung, pour un montant évalué à environ 160 millions d'euros de recettes pour l’État.
Parmi les mesures nouvelles inscrites au projet de loi de finances figure un renforcement de la sécurité. Beaucoup d’entre vous m’ont interpellé sur ce sujet, en particulier les sénateurs Cadic et Leconte, qui sont très mobilisés. Vous avez raison, c’est un sujet majeur. Je voudrais évoquer, là encore, les crédits consacrés à la coordination de la sécurité et de la défense, en progression de 3 % en 2018, avec de nouvelles créations d’emplois, quinze au GIC, cela a été rappelé par le sénateur Mazuir, vingt-cinq à l’ANSSI. Certains trouvent ces chiffres insuffisants, M. Cadic espérait plus, mais ce n’est tout de même pas négligeable sur ces questions. Il est important de noter que l’Agence a vu ses effectifs passer de 122 équivalents temps plein en 2009 à 540 équivalents temps plein fin 2017.
L’objectif du plafond d’emplois est de 685 équivalents temps plein en 2022.
J’ai entendu vos inquiétudes à propos des conséquences de ces créations d’emplois sur les fonctions support du SGDSN. Toutefois, une partie des moyens de l’ANSSI y a été consacrée.
Pour répondre à M. Cadic et Mme Mélot, j’ajoute que le Gouvernement est pleinement conscient de la nécessité de renforcer le vivier de spécialistes, de recruter et de fidéliser des compétences rares dans les métiers du numérique et des systèmes d’information. Une circulaire du Premier ministre du 21 mars 2017 a posé les grands axes d’un plan d’action en ce sens.
Plus généralement, soyez assurés que le Gouvernement ne mésestime pas les efforts à accomplir en matière de sécurité des systèmes d’information. Ces derniers doivent être poursuivis et amplifiés, notamment par un renforcement de la gouvernance de la cybersécurité au sein des ministères ou par le développement d’une politique d’achat la mieux adaptée possible.
S’agissant des fonds spéciaux, il est inexact de dire qu’ils s’inscrivent en baisse. L’augmentation est certes très légère, de quelques centaines de milliers d’euros, mais leur montant s’élève aujourd’hui à 67,38 millions d’euros, contre 49,4 millions d’euros en 2015.
Ayant déjà dépassé mon temps de parole, je suis obligé de passer rapidement en vue les différents sujets…
Je dirai un mot sur la MILDECA. Mme Deseyne et d’autres sénateurs ont évoqué ce sujet important. Comme vous, je suis attaché à la forfaitisation – un mot plus simple à prononcer que celui de « contraventionnalisation ». C’est un engagement du Président de la République, que le Sénat avait au demeurant déjà porté en 2011 et en 2015.
Nous souhaitons que ce thème puisse rapidement venir en discussion et qu’il soit aussi l’occasion d’aborder la situation particulière de nos départements d’outre-mer, qui sont particulièrement frappés par ces conduites addictives liées à l’alcool ou à la drogue, et sur lesquelles il faut mener un travail très important de prévention.
J’évoquerai, enfin, l’importance que nous accordons aux moyens des autorités administratives indépendantes. Je pense à la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, au Comité consultatif national d’éthique, le CCNE ou à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL. Cette dernière, évoquée par Jean-Yves Leconte, doit faire face à un nouveau cadre européen, avec une double évolution consacrée par un règlement et une directive, sur lequel il nous faudra être mobilisés.
Vous avez aussi évoqué le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA. Le Président de la République souhaite élargir ses missions. Je compte sur les travaux sénatoriaux pour nous aider à atteindre cet objectif.
Je terminerai mon intervention avec les crédits du programme 333, consacrés à l’immobilier et au fonctionnement de nos services territoriaux, qui progressent de 1,4 % en 2018. Cette progression est notamment due à une harmonisation progressive des prestations d’action sociale dans les services déconcentrés, harmonisation financée à hauteur de 5 millions d’euros. Nos agents et nos personnels font face au quotidien à des missions toujours délicates et méritent d’être accompagnés.
En conclusion, vous avez exprimé, les uns et les autres, la réalité des budgets qui vous sont présentés. Ils sont difficiles, parce que les missions sont difficiles, mais ils traduisent cet objectif essentiel de maîtrise de la dépense publique, qui doit tous nous mobiliser.
En même temps, ces budgets doivent nous permettre de décliner des priorités. Il ne s’agit pas de reconduire à l’identique ou d’augmenter chaque année de 1 % ou 2 % les budgets, et de laisser croire ainsi que notre pays est bien géré, mais plutôt d’assumer un certain nombre de choix pour faire face aux exigences de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste. – M. Marc Laménie applaudit également.)
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