Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° I–75 rectifié est présenté par MM. Adnot, Decool et Kern.
L’amendement n° I–194 rectifié bis est présenté par Mme Férat, M. Détraigne, Mmes N. Goulet et Vullien, MM. Henno, Cigolotti et Janssens, Mme Joissains, MM. Canevet et Savary, Mme Létard et M. Moga.
L’amendement n° I–517 est présenté par Mme N. Delattre, MM. Requier, Collin, Gabouty et A. Bertrand, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes, M. Gold, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 5° du II de l’article 150 U est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les mêmes dispositions s’appliquent aux opérations mentionnées à l’article L. 124-1 du code rural et de la pêche maritime, même si les conditions de localisation géographique prévues à l’article L. 124-3 du même code ne sont pas remplies. » ;
2° Le premier alinéa de l’article 708 est complété par les mots : « , y compris lorsque les conditions de localisation géographique prévues à l’article L. 124-3 précité ne sont pas remplies. » ;
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement no I–75 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° I–194 rectifié bis n’est pas non plus soutenu.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° I–517.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement nous arrive de Bordeaux. Notre groupe a une grande variété de sénateurs : nous sommes peu nombreux, mais très diversifiés ! (Sourires.)
Il arrive que des exploitants soient amenés à mettre en valeur des parcelles éloignées du siège de leur exploitation. Cette situation est parfois héritée de l’histoire de l’entreprise ; cela peut aussi être la seule opportunité de développer l’entreprise à un moment donné. Pour autant, cette situation n’est optimale ni du point de vue de la performance économique – frais et temps de déplacements –, ni de celui de la performance environnementale – impact environnemental des déplacements et des transports d’engins, consommation de carburant, gestion moins économe des traitements phytosanitaires –, ni enfin de celui de la sécurité au travail et de la sécurité routière, du fait, en particulier, du risque d’accident.
Il convient donc de faciliter les échanges de terrains permettant de rapprocher les parcelles exploitées du siège de l’exploitation. Il faut donc lever les obstacles fiscaux liés à ces opérations.
Les dispositifs existants visant à neutraliser les incidences fiscales des échanges d’immeubles ruraux ne sont applicables qu’à la condition que les immeubles échangés se situent dans un périmètre géographique limité au canton et aux communes limitrophes. Cette limitation géographique est aujourd’hui difficilement justifiable et même paradoxale, dans la mesure où l’échange est particulièrement bénéfique s’il permet de céder une parcelle très éloignée en contrepartie d’une parcelle plus proche de son exploitation.
C’est pourquoi nous vous proposons de supprimer la condition de proximité géographique pour l’application des dispositifs de faveur aux opérations d’échanges d’immeubles ruraux.
En pratique, cette mesure ne devrait pas avoir de réel coût budgétaire. En effet, compte tenu de la fiscalité applicable à l’opération lorsqu’elle n’est pas éligible aux régimes de faveur, les parties y renoncent la plupart du temps.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pour la bonne compréhension de l’assemblée, cet amendement vise tout simplement à revenir sur les conditions qui permettent de bénéficier d’un régime d’exemption de plus-value et de droits d’enregistrement lors d’échanges de terrains. Actuellement, il existe une condition de proximité géographique : il faut que ces terrains soient situés à l’intérieur d’un même canton ou dans des communes limitrophes. Cet amendement tend à supprimer cette condition.
La commission n’a pu examiner cet amendement que la nuit dernière ; je n’en connais donc pas la portée. Il nous a paru quelque peu audacieux de supprimer toute condition géographique, ce qui a limité notre enthousiasme. Toutefois, peut-être le Gouvernement pourra-t-il nous éclairer quant à la nécessité de cette condition de proximité. Nous penchons donc vers une demande de retrait, mais notre avis est subordonné à celui du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Le Gouvernement s’associe volontiers à la sage invitation au retrait de M. le rapporteur général. En effet, l’évaluation de ce dispositif n’a pas à ce jour encore été suffisamment affinée.
Il faut avoir en tête que l’exonération des plus-values immobilières s’applique aux échanges d’immeubles ruraux tels que le code rural les envisage. À travers cet amendement, vous proposez, monsieur le sénateur, de faire bénéficier ces échanges particuliers du principe selon lequel il ne s’agirait plus d’une opération imposable. En conséquence, on poserait un principe de dérogation dont ni les caractéristiques géographiques ni les effets financiers ne sont aujourd’hui précisés.
Aussi, monsieur le sénateur, le Gouvernement vous invite à retirer votre amendement afin que l’on puisse l’affiner, faute de quoi l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Requier, l’amendement n° I–517 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, madame la présidente, je le retire pour l’ « affiner » - j’aime le terme, monsieur le secrétaire d’État ! (Sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° I–517 est retiré.
L’amendement n° I–572, présenté par MM. Daunis, Raynal, Iacovelli, Éblé, Guillaume, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lalande et Lurel, Mmes Taillé-Polian, Meunier et Tocqueville, MM. Sueur, Vaugrenard, Daudigny, Durain, Kerrouche, Roger, Cabanel, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 199 terdecies-0 AA du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« II. – En cas de conservation des titres jusqu’au 31 décembre de la septième année suivant celle de la souscription, le redevable peut imputer sur l’impôt sur le revenu 50 % des versements effectué au titre de l’avantage fiscal prévu au I de l’article 199 terdecies-0 A. »
II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Claude Raynal.
M. Claude Raynal. Me permettez-vous, madame la présidente, de présenter en même temps l’amendement n° I–571 ?
Mme la présidente. Volontiers, mon cher collègue.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° I–571, présenté par MM. Daunis, Raynal, Iacovelli, Éblé, Guillaume, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lalande et Lurel, Mmes Taillé-Polian, Meunier et Tocqueville, MM. Sueur, Vaugrenard, Daudigny, Durain, Kerrouche, Roger, Cabanel, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au b) du 2 de l’article 200-0 A du code général des impôts, après la référence : « 199 septies, », est insérée la référence : « 199 terdecies-0 AA, ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Veuillez poursuivre, monsieur Raynal.
M. Claude Raynal. À travers l’amendement n° I–572, nous proposons d’accorder une réduction d’impôt supérieure aux souscripteurs au capital des entreprises solidaires qui conservent leurs titres au moins sept ans.
En effet, la suppression de la réduction ISF-PME, déjà évoquée, aura pour conséquence un recul important des investissements directs dans les entreprises solidaires. Rappelons que ces entreprises n’ont pas pour vocation de faire du profit. Elles offrent un faible rendement aux souscripteurs, ce qui ne permet pas d’attirer l’épargne privée. La réduction d’impôt est donc indispensable pour attirer des investisseurs au capital de ces entreprises et pour mobiliser des fonds propres dont le secteur a cruellement besoin pour maintenir ses missions d’intérêt général.
Le Président de la République s’est engagé – monsieur le secrétaire d'État, vous devriez y être sensible –, pendant la campagne électorale, à développer la finance solidaire. Notre amendement va dans ce sens, en prévoyant de maintenir un flux d’investissement direct dans les entreprises solidaires et en soutenant l’actionnariat solidaire, qui est un investissement citoyen, pérenne et efficace au service de la lutte contre l’exclusion sociale.
Quant à l’amendement n° I–571, il vise à exclure les investissements des particuliers dans les entreprises solidaires d’utilité sociale, ou ESUS, du plafonnement des avantages fiscaux au titre de l’impôt sur le revenu, ce plafonnement étant fixé à 10 000 euros. Les raisons en sont les mêmes que pour l’amendement précédent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Deux raisons nous conduisent à émettre un avis défavorable. D’abord, raison de fond, on peut s’interroger sur le label « entreprise solidaire ». Dans un domaine voisin, l’année dernière déjà, la commission des finances avait souhaité éviter des abus de la procédure de défiscalisation ISF-PME en restreignant son champ d’application. Nous y étions d’ailleurs contraints par la jurisprudence européenne. Ces abus concernaient notamment des montages immobiliers qui se faisaient de manière à bénéficier de la réduction ISF-PME.
J’ai eu l’occasion, à plusieurs reprises, de rendre des rapports sur de tels sujets : voilà quelques années, c’était en investissant dans une cave, ou encore dans des œuvres d’art que certains tentaient de bénéficier de cette réduction. Nous en avons donc restreint le champ.
Or ce que nous craignions est arrivé : un certain nombre de ces placements interdits ont été réalisés par des entreprises qui se sont labellisées « entreprise solidaire ». Il faut donc être extrêmement prudent car la labellisation ne suffit pas à caractériser l’activité la plus vertueuse.
Par ailleurs, sur la forme, j’inviterai M. Raynal à retirer ces amendements pour les redéposer en seconde partie du projet de loi de finances. En effet, si les dispositifs proposés étaient adoptés au sein de la première partie, ils s’appliqueraient rétroactivement aux versements qui auraient été effectués en 2017, ce qui provoquerait un véritable effet d’aubaine. Nous aurons, à l’article 39 sexies, une discussion sur le dispositif « Madelin ». Vos amendements, monsieur le sénateur, auraient toute leur place à cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, je vous invite à retirer ces amendements, pour deux raisons.
Premièrement, il se pose un souci technique de compréhension du dispositif de l’amendement n° I–572 : le bénéfice fiscal proposé semble subordonné au maintien pendant sept ans de la propriété de ces fonds et de cet engagement, alors même que la réduction d’impôt est accordée, en principe, au titre de l’année de versement. Il y a là un problème technique de compatibilité.
Deuxièmement, je comprends parfaitement votre démarche, qui consiste à renforcer les avantages, indéniablement positifs, dont bénéficient les ESUS. La difficulté est qu’elles bénéficient déjà de plusieurs avantages, justement parce qu’on savait à quel point leur financement était difficile.
Je vous invite à faire un pari, monsieur le sénateur. C’est une invitation un peu difficile, parce qu’elle renvoie à la discussion que nous avons eue à la fois sur l’ISF et sur le PFU. Dès lors que, comme nous le voulons, du capital se libère pour être investi dans l’économie, on devrait constater, de fait, une augmentation des moyens disponibles, en particulier vers les ESUS. Je vous invite donc à faire le même pari que nous, même si cela est difficile intellectuellement par rapport aux deux mesures précédentes. Il s’agit de considérer que, si l’économie réelle qu’incarnent ces fonds peut être aujourd’hui en difficulté, elle le sera moins demain du fait de cette libération de capital.
En somme, monsieur le sénateur, du fait du problème technique évoqué, le Gouvernement est défavorable à ces amendements. En outre, par confiance dans les dispositifs contenus dans ce projet de loi de finances, je vous invite à bien vouloir les retirer. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Mme la présidente. Monsieur Raynal, les amendements nos I–572 et I–571 sont-ils maintenus ?
M. Claude Raynal. Au sein des propos de M. le secrétaire d'État, je choisis la raison technique, et il me comprendra. Quant au reste, j’ai peine à croire que, même si plus de capitaux sont disponibles, ils seront facilement investis dans l’économie sociale et solidaire ; je n’en suis quand même pas tout à fait sûr.
J’accepte également la suggestion faite par M. le rapporteur général d’en discuter à nouveau en seconde partie, et je proposerai à M. Marc Daunis d’y revenir alors avec, peut-être, un argumentaire mieux travaillé techniquement.
Je souhaiterais également que M. le rapporteur général avance des arguments un peu plus précis que les raisons qu’il a données pour justifier son refus, technique, de ces amendements. L’effet d’aubaine, certes, est un problème pour l’année 2017 ; je comprends parfaitement qu’il faille revoir ce point. En revanche, pour le reste, il vous faudra fournir une réponse un peu plus solide, monsieur le rapporteur général, à un argumentaire que nous aurons également un peu mieux travaillé.
Cela étant dit, je retire les deux amendements, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos I–572 et I–571 sont retirés.
L’amendement n° I–458, présenté par Mme Lienemann, M. Tissot, Mme Taillé-Polian, MM. Tourenne et Iacovelli, Mme Ghali, M. Cabanel, Mmes Préville et Lubin, M. Courteau, Mme G. Jourda, M. Temal, Mme Meunier et M. Montaugé, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 683 bis du code général des impôts, il est inséré un article 683 … ainsi rédigé :
« Art. 683 …. – Le vendeur de tout bien immobilier en Île-de-France assujetti aux droits de publicité foncière est également assujetti à une contribution de solidarité urbaine. Cette contribution est prélevée dès lors que la valeur de la transaction effectuée est supérieure à un prix de référence fixé à 10 000 euros au mètre carré de surface habitable.
« La contribution est fixée à 10 % de la différence entre le montant de la transaction effectuée et la valeur résultant de l’application du prix de référence défini au premier alinéa. »
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cette proposition s’inscrit dans le droit fil de mes propos précédents relatifs à la régulation du patrimoine foncier et de la rente foncière. Autant il serait selon moi injuste de considérer que l’immobilier constituerait par nature une rente, autant il existe tout de même un marché de l’immobilier qui, dans bien des cas, est abusif. Il ne serait donc pas illégitime que cette spéculation et ces prix très élevés participent au financement de l’action publique et, en particulier, des politiques du logement.
C’est pourquoi nous proposons, à travers le présent amendement, la création d’une contribution de solidarité urbaine. Je vous rappelle que c’était une idée de la Fondation Abbé Pierre. Cette contribution aurait pour vocation de taxer les transactions immobilières au-delà d’une valeur de 10 000 euros du mètre carré. Vous conviendrez que de tels prix ne sont pas très fréquents. De fait, sénatrice de Paris, je peux vous assurer que moins de la moitié de Paris, à peine un tiers, voit ce seuil atteint, puisque le prix moyen des transactions dans la capitale se situait en 2017 à 8 450 euros du mètre carré.
En tout cas, il est clair que ces transactions impliquent, pour la plupart d’entre elles, des investisseurs étrangers qui n’ont pas vraiment pour but de contribuer à l’économie réelle du pays : le plus souvent, ils viennent à Paris réaliser des placements de rente immobilière. Là, pour le coup, ce terme est justifié. Par ailleurs, au vu de la nature de ces transactions, ces acheteurs pourraient aisément contribuer à hauteur de 10 % de ce prix pour favoriser la construction de logements et, en tout cas, l’intérêt national.
Je vous propose donc la création de cette taxe de solidarité urbaine. On avait estimé l’an dernier son rapport entre 350 millions et 400 millions d’euros.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission, comme le Sénat, connaît déjà cet amendement, puisque des amendements identiques ont déjà été défendus ici plusieurs fois, notamment lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016. Une taxe, une taxe, encore une taxe ! Heureusement, le Sénat vient de proposer la suppression de l’IFI.
Je rappellerai quand même que la détention de patrimoine immobilier, même par des personnes résidant à l’étranger, qui ont été citées, continuera à être soumise à l’IFI, et ce que la valeur de ce patrimoine soit estimée au-dessus ou en dessous de 10 000 euros du mètre carré. En effet, les non-résidents, sauf cas très particuliers, sont soumis à la fiscalité sur le patrimoine détenu en France.
Il existe déjà, à l’article 1609 nonies G du code général des impôts, une surtaxe sur les plus-values immobilières de plus de 50 000 euros. Je pense qu’il faut en rester là plutôt que de souffrir de la maladie de vouloir en permanence créer des taxes. On peut le comprendre, mais il existe sans doute d’autres dispositifs pour alimenter la politique du logement. L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Je remercie Mme Lienemann. En effet, juste après que le Sénat prive brutalement de 850 millions d’euros les recettes budgétaires de l’État, elle nous propose une compensation partielle, rapportant 350 millions d’euros supplémentaires !
Plus sérieusement, cette mesure, au-delà de sa recette fiscale, aurait une conséquence relativement grave : elle empêcherait le choc d’offre que nous voulons construire tous ensemble sur notre territoire et en particulier dans les zones tendues. Or c’est en Île-de-France, première des zones tendues, qu’aujourd’hui le foncier disponible et mis sur le marché ne permet pas d’atteindre des objectifs de construction de logements, qu’il s’agisse de logements sociaux, de programmes privés ou de toute autre forme juridique. Cette taxe aurait pour effet de renchérir le coût de l’immobilier justement dans les zones tendues, ce qui serait très négatif pour nos concitoyens.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Le marché immobilier sur le territoire de l’Île-de-France est suffisamment difficile pour que nous évitions de rajouter un système de taxation qui pourrait pénaliser les propriétaires.
Vous avez pu lire, madame la sénatrice, les mesures que nous voulons porter au sein du grand plan Logement. Certes, une discussion légitime se tient autour de notre volonté de faire des économies sur le volume de l’aide personnalisée au logement – APL –, d’autant que l’on sait que cette aide peut engendrer une hausse des loyers. Mais parmi ces mesures, on compte aussi la mise en place d’une fiscalité plus attractive pour les propriétaires qui mettent sur le marché des terrains constructibles. Ce serait donc, dans ce contexte, un contresens que d’accepter cet amendement. C’est la raison pour laquelle nous y sommes défavorables.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Honnêtement, monsieur le secrétaire d’État, je ne crois pas que vous ayez bien prêté attention à mon amendement. Imaginez-vous vraiment que le choc de l’offre se fera sur des terrains estimés à 10 000 euros du mètre carré ? Je propose en effet de taxer les transactions supérieures à ce seuil. Or ce sont quand même rarement des terrains qui atteignent ce prix, mais bien du bâti. Cela ne concernerait pas non plus du bâti insalubre à reconvertir ou des logements vacants qui vont soudainement revenir sur le marché. Ces logements sont souvent vacants, mais ce ne sont pas eux qui vont alimenter le choc de l’offre. Très franchement, cet argument ne tient pas !
Par ailleurs, cette contribution ne serait pas comparable à l’ISF. En effet, je n’entends pas taxer la propriété ou le patrimoine ; je propose plutôt, comme la Fondation Abbé Pierre et de nombreuses associations, de taxer des transactions au moment où elles sont conclues.
Or c’est justement au moment de la transaction que, dans ces secteurs, les hausses de prix ont été les plus significatives. Ces hausses ne sont pas partout identiques : plus les prix au mètre carré sont élevés, plus elles sont importantes, du fait d’un effet spéculatif de placement et d’attractivité. Dès lors, refuser d’imposer une taxe de 10 % dans les endroits où l’augmentation des prix est supérieure à la moyenne revient à se priver d’une recette de solidarité mais aussi d’efficacité économique. En effet, cela ne nuirait en rien à l’attractivité de Paris ou au marché global ; cela aurait même plutôt un effet régulateur.
Permettez-moi donc de vous dire, monsieur le secrétaire d’État, que je ne comprends toujours pas pourquoi l’on refuse cette manne, sinon pour des raisons idéologiques. Quant à vous, monsieur le rapporteur général, ce n’est pas le patrimoine immobilier dont vous parlez qui est menacé par cette taxe. Celui que j’entends viser est certes résiduel, mais il est en même temps un marqueur extrêmement clair de personnes qui ont une grande richesse et qui contribuent à la hausse globale et déséquilibrée des prix de l’immobilier.
Mme la présidente. L’amendement n° I–387 rectifié, présenté par MM. Capus, Malhuret, Bignon et A. Marc, Mme Mélot et MM. Chasseing, Wattebled, Decool, Guerriau, Fouché et Lagourgue, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au premier alinéa de l’article 787 C du code général des impôts, le taux : « 75 % » est remplacé par le taux : « 100 % ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Cet amendement vise à exonérer complètement de la valeur des droits des biens retenus les transmissions familiales des exploitations agricoles. En effet, ce mode de transmission est aujourd’hui accompagné d’un abattement aux trois quarts de la valeur des droits des biens retenus.
L’exploitation agricole n’est pas une entreprise comme une autre et les pouvoirs publics doivent donc accompagner résolument les transmissions familiales de ces structures agricoles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. M. Capus cherche à améliorer les conditions de l’abattement dit « Dutreil ». Théoriquement, il s’agit d’un abattement de 75 % sur les transmissions d’entreprises familiales. Néanmoins, dans la pratique, les dispositifs d’abattement se combinent ; rappelons ainsi que les droits sont encore réduits de 50 % lorsque le donateur est âgé de moins de 70 ans. En fin de compte, le taux effectif d’imposition peut être réduit à 3-4 %. L’abattement total réel peut donc dépasser les 95 %.
Cet amendement vise à le porter à 100 %. Le problème est que la jurisprudence du Conseil constitutionnel est assez claire sur un abattement total. Dans sa décision en date du 31 juillet 2003, le Conseil a suggéré que les droits à acquitter ne sauraient être réduits à néant sans que cela conduise à une rupture caractérisée du principe d’égalité devant les charges publiques.
Dès lors, mon cher collègue, afin d’éviter une censure de ce dispositif, je vous invite à bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. L’avis est défavorable, même si je comprends l’intention de M. Capus. Nous parlions il y a quelques instants de la détention de biens agricoles. La lecture qui est faite par nos services soulève cependant une difficulté. M. Capus veut exonérer les transmissions d’entreprises agricoles. Or la rédaction actuelle de l’amendement aurait pour conséquence d’exonérer la totalité des transmissions. Les documents budgétaires font déjà état d’un coût de 500 millions d’euros, ce qui n’est pas rien ! Sans compter le problème constitutionnel qui vient d’être évoqué. Aussi, monsieur le sénateur, je vous invite à retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur Capus, l’amendement n° I–387 rectifié est-il maintenu ?
M. Emmanuel Capus. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° I–387 rectifié est retiré.
L’amendement n° I–388 rectifié, présenté par MM. Capus, Malhuret, Bignon et A. Marc, Mme Mélot et MM. Chasseing, Wattebled, Decool, Guerriau, Fouché et Lagourgue, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 787 C du code général des impôts, il est inséré un article 787 … ainsi rédigé :
« Art. 787 … – Les propriétaires de vignes louées par bail à métayage champenois tiers-franc et quart-franc sont réputés avoir une activité agricole éligible aux bénéfices des dispositions des articles 787 B et 787 C du code général des impôts. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Emmanuel Capus.