M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le sujet dont traiterait cet éventuel rapport est tout à fait central ; cela a également été évoqué par Jean-François Husson. En effet, cette trajectoire représente un impact de 46 milliards d’euros entre 2018 et 2022.
Quelle que soit la finalité de la fiscalité écologique – à cette heure tardive, nous n’allons pas débattre de ce point –, il est indéniable qu’elle a un impact réel sur le pouvoir d’achat des Français. Qu’on l’assume ou non, dans tous les cas, les chiffres sont là : l’impact sera de 79 euros par ménage en 2018, et de 313 euros en 2022.
Dès lors, demander un rapport pour étudier cette importante question n’est pas forcément une idée saugrenue, et la commission considère cette proposition d’un œil plutôt favorable.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Nos débats de ce soir se termineront sans doute sur cet amendement, alors même que la suite de la discussion est en parfaite cohérence avec les sujets que nous abordons en ce moment.
Je suis moi aussi favorable à cet amendement, même si je suis en règle générale peu enclin aux rapports, d’autant que l’État n’a pas un suivi extrêmement respectueux des demandes de rapport qui lui sont adressées par nos votes.
Je voudrais par ailleurs compléter le propos que nous avons tenu tout à l’heure sur la mobilité. Telle qu’elle est prévue aujourd’hui, la trajectoire carbone affecte vraiment les mobilités du quotidien. Les gens qui ne peuvent se permettre de vivre dans les centres-villes et qui peinent à investir dans les véhicules les plus récents et les plus performants en paieront une part importante, tout comme ceux qui n’ont pas les moyens de changer leur chaudière au fioul. Cela affecte vraiment la vie quotidienne.
Par ailleurs, le succès dépendra de la capacité qu’auront, ou non, les territoires d’accompagner ces gens. J’entends bien votre argument, monsieur le ministre, et je vous soutiens, tout comme j’avais défendu l’écotaxe jusqu’au bout. Selon vous, on investit lourdement sur le transport ferroviaire et, notamment, sur plusieurs grands trains d’équilibre. Toutefois, le problème du quotidien reste un enjeu majeur, y compris par rapport aux annonces faites ce matin par MM. Hulot et Mézard sur la rénovation énergétique des bâtiments. Si les territoires ne sont pas là pour appliquer vos dispositifs, cela ne marchera pas.
Or votre proposition comporte vraiment, aujourd’hui, un trou énorme : il manque un discours territorial. Le contrat de transition écologique est spécifique et ne porte que sur quelques territoires. En outre, comme M. Husson l’a pointé, aucun discours n’est tenu sur la mise en place des plans climat-air-énergie territoriaux, qui sont au cœur du sujet. Je crois donc qu’il faut absolument que vous donniez un signal de rééquilibrage.
Pour ma part, je ne suis pas du tout contre la montée de la taxe carbone ; je l’ai défendue dans d’autres lieux. Toutefois, si vous ne tenez pas ce discours d’équilibre et que vous ne remettez pas les territoires au cœur du dispositif, cela ne passera pas ! Demain matin, le Sénat votera sur l’amendement proposé par Jean-François Husson ; hélas, je ne pourrai être présent ici pour le soutenir comme je l’aurais voulu, ayant d’autres engagements relatifs, justement, au climat.
Cela dit, si l’on ne rééquilibre pas les choses, cela ne passera pas ! Nous ne sommes pas ici ce soir pour vous stigmatiser, monsieur le ministre, mais pour vous alerter et pour sortir de cette discussion avec un projet cohérent.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Je ne suis pas non plus un chaud partisan des rapports. Néanmoins, cet amendement a au moins le mérite de s’inscrire dans la logique de nos propositions. Il s’agit d’accepter, dès 2018, que l’on examine, année après année, si la trajectoire est respectée.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous nous répétez à l’envi que ce budget est en faveur du pouvoir d’achat. Or nous avons repris quelques tableaux, que vous pouvez consulter dans notre rapport.
Prenons le cas d’un ménage qui habite dans un territoire rural, possède un véhicule et l’utilise beaucoup. En 2022, compte tenu de la trajectoire carbone indexée sur vos propositions, l’augmentation prévue de ses dépenses est de plus de 500 euros ! Vous évoquez le chèque énergie, mais vous évaluez celui-ci en moyenne, aujourd’hui, à 200 euros. Vous voyez donc que le compte n’y est pas.
Je m’excuse de vous voir presque désolé, monsieur le ministre, de tous les raccourcis que je fais. Toutefois, ce sont des réalités, et ces chiffres nous sont fournis par les services mêmes de votre ministère ! De deux choses l’une : soit vous renvoyez ces experts, parce qu’ils sont incompétents, soit vous écoutez ce que vous disent les représentants de la Nation, ici au Sénat, parce que, tout comme d’autres, ils ont des compétences, des yeux et des oreilles. Je n’ai d’ailleurs pas l’impression que M. Dantec soit un affreux libéral ! (Sourires. – M. Ronan Dantec s’esclaffe.)
Quoique nous soyons de sensibilités politiques différentes et que nous siégeons sur des travées différentes, nous appelons à un effort commun et partagé. De toute façon, monsieur le ministre, que vous ou moi ayons tort ou raison, la seule vérité sera de tenir le cap. C’est pourquoi je vous le répète : avec l’écotaxe, nous avons été servis ; il ne faut pas renouveler l’expérience !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je m’exprimerai à la fois sur cet amendement et sur l’article, parce qu’il se pose vraiment un problème.
Des amendements ont été déposés par des sénateurs qui connaissent bien le monde agricole et y vivent au quotidien. Comme cela a été rappelé, il faut aussi soutenir les biocarburants et la recherche qui est faite en la matière. En effet, selon moi, ces nouvelles technologies ont leur place dans la lutte contre le gâchis et la pollution de l’air. Il s’agit vraiment d’un enjeu de société que, même si c’est un débat budgétaire, nous devons largement prendre en compte.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne voudrais pas manquer de répondre à M. Husson ! D’abord, monsieur le sénateur, les personnes qui travaillent pour le ministère de l’économie, des finances ou pour celui de l’action et des comptes publics sont très compétentes.
Je pense aussi que vous faites semblant de ne pas voir que le projet de loi de finances est un tout. Voilà qui est bien dommage dans la discussion que nous avons.
Plaçons-nous donc, en imagination, dans cinq ans, en 2022. Nous en sommes encore un peu trop éloignés pour saisir l’ampleur de la transformation que chacun va connaître. Imaginons alors que vous ayez raison et que les Français continuent dans cinq ans d’acheter des voitures diesel.
M. Jean-François Husson. Je n’ai pas dit cela !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce n’est déjà plus tellement le cas, mais faisons cette hypothèse pour une meilleure démonstration, puisque c’est pour ces véhicules que la différence de fiscalité sera la plus forte.
Imaginons donc que la politique de transformation ne fonctionne pas – vous n’avez pas cité la prime de 2 000 euros – et que ces ménages ne changent pas de véhicule. Ce serait un échec, puisque 50 % des véhicules nouveaux ne sont déjà plus des véhicules diesel. Enfin, imaginons quand même que la fiscalité en question n’ait conduit à aucun changement dans la vie de nos concitoyens et qu’on puisse appliquer exactement en 2022 le tableau que vous évoquez.
Vous faites semblant, monsieur le sénateur, de croire qu’il n’y a pas d’autre mesure de pouvoir d’achat pour nos concitoyens. Ils auront pourtant bénéficié de la disparition totale de leur taxe d’habitation. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Taillé-Polian s’exclame.) Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un fait ! Que vous ne vouliez pas mettre en œuvre cette suppression, on l’a compris, mais ils en bénéficieront quand même.
De même, nos concitoyens auront aussi bénéficié d’une augmentation de pouvoir d’achat par le biais de leur salaire. Les heures supplémentaires seront affranchies de cotisations, mesure que vous ne vouliez même plus voir figurer dans votre programme économique. Ils ne subiront pas non plus l’augmentation de deux points de la TVA que vous auriez adoptée !
Dès lors, monsieur le sénateur, on peut démontrer de manière assez efficace que, quand bien même la fiscalité écologique s’appliquerait immédiatement à quelqu’un qui ferait un plein par semaine et qui persisterait à ne pas changer de comportement, et quand bien même les transformations technologiques n’auraient pas lieu – avouez que ce n’est pas une vision très optimiste du monde –, nous pourrions tout de même dresser ensemble un tableau, comme nous l’avons déjà fait au cours de ce débat, montrant qu’il s’agit d’un budget de pouvoir d’achat !
Ne vous en déplaise, monsieur le sénateur, les citoyens français, notamment, ceux qui travaillent, vont voir leur pouvoir d’achat augmenter de manière très importante. Vous évoquez la CSG, mais cela ne les concerne pas en l’occurrence ; vous combattez d'ailleurs cette augmentation de pouvoir d’achat pour des raisons que je respecte, mais qui ne sont pas celles qui nous intéressent aujourd’hui. Toujours est-il, monsieur le sénateur, que ce sera un budget de pouvoir d’achat.
Je serai à la disposition du Sénat demain matin pour examiner les amendements de la représentation nationale, et avec joie !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-563.
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 122 amendements au cours de la journée ; il en reste 383.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
3
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, samedi 25 novembre 2017, à neuf heures trente-cinq, à quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :
Projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale (n° 107, 2017-2018) ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n° 108, 2017-2018) ;
Avis fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 109, 2017-2018), tomes I à VIII ;
Avis fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 110, 2017-2018), tomes I à XI ;
Avis fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 111, 2017-2018), tomes I à VIII ;
Avis fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 112, 2017-2018), tomes I à VI ;
Avis fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 113, 2017-2018), tomes I à IX ;
Avis fait au nom de la commission des lois (n° 114, 2017-2018), tomes I à XIV ;
Suite de l’examen des articles de la première partie.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 25 novembre 2017, à zéro heure trente-cinq.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD