M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, cher Mathieu Darnaud, il faut toujours dire la vérité, et il faut bien évidemment toujours donner tous les éléments aux élus qui constituent une commune nouvelle. Effectivement, si c’est l’opportunisme financier qui inspire la création d’une commune nouvelle, celle-ci risque de ne pas durer très longtemps. Je suis d’accord avec vous.
Cela étant dit, dans mon département, la création de communes nouvelles est toujours précédée d’une réflexion longue et sereine.
Je veux réagir à votre réflexion, ce qui me permettra d'ailleurs aussi de répondre à mon interlocuteur de tout à l'heure. Les communes déléguées sont pérennes. On peut les garder aussi longtemps qu’on le souhaite, comme on peut les supprimer à tout moment, à la majorité simple.
On peut donc, avant de créer une commune nouvelle, décider que l’on crée ou non des communes déléguées, que l’on peut garder ou supprimer à tout moment. Aussi, le système est quand même assez souple.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe La République En Marche.
Mme Patricia Schillinger. Madame la ministre, la fin de la période de transition prévue par le régime juridique des communes nouvelles suscite de nombreuses inquiétudes auprès des élus locaux, en raison de la diminution progressive de l’effectif des conseils municipaux des communes nouvelles.
En l’état du droit, la représentation des communes déléguées au sein des communes nouvelles à l’occasion des prochains renouvellements n’est, en effet, ni organisée ni obligatoire.
Pour autant, l’introduction de contraintes spécifiques dans la constitution des listes municipales en fonction du lieu de résidence des candidats conduirait à une rigidité excessive et méconnaîtrait la philosophie sous-jacente à la création des communes nouvelles.
Au contraire, il faut continuer d’encourager les élus impliqués à bâtir des communes nouvelles à partir de projets de territoire ambitieux.
Dans cette optique, madame la ministre, serait-il envisageable de modifier l’article 7 de la loi 90–1103 du 11 décembre 1990 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, qui implique, afin d’éviter les redécoupages électoraux tardifs, qu’aucune commune nouvelle ne pourra être créée à compter de mars 2019 ?
Mon collègue Arnaud de Belenet a ainsi proposé, par amendement, de prendre en compte la date de prise de l’arrêté créant la commune nouvelle plutôt que sa date d’effet, afin de pouvoir créer une commune nouvelle au 1er janvier 2020, dès lors que l’arrêté serait pris avant mars 2019.
Nous souhaiterions connaître l’avis du Gouvernement sur cette proposition, qui est assurément de nature à encourager la création de communes nouvelles, en allant dans le sens de l’action gouvernementale.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, chère Patricia Schillinger, vous proposez de permettre la création de communes nouvelles jusqu’au 1er janvier 2020, soit quelques semaines avant le renouvellement général des conseils municipaux et donc de déroger aux dispositions de l’article 7 de la loi du 11 décembre 1990, qui prévoit qu’« il ne peut être procédé à aucun redécoupage des circonscriptions électorales dans l’année précédant l’échéance normale de renouvellement des assemblées concernées. »
Si, dès 1990, le législateur a prévu une année blanche dans le redécoupage des circonscriptions électorales avant l’échéance normale de renouvellement, c’est avant tout dans un souci de lisibilité pour les électeurs. En effet, le délai d’un an garantit à nos concitoyens de connaître précisément le ressort territorial de l’élection à venir.
Permettre la création de communes déléguées jusqu’au 1er janvier 2020 aurait pour conséquence que les électeurs concernés votent dans un ressort créé seulement trois mois auparavant.
Je veux par ailleurs rappeler que le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une réactivation du dispositif de maintien de la DGF pour les communes nouvelles créées au plus tard au 1er janvier 2019, en s’appuyant, bien sûr, sur les calendriers actuels.
Dans ces conditions et pour toutes ces raisons, il ne nous paraît pas opportun de revenir sur l’existence de cette année blanche, garantie de lisibilité pour nos concitoyens, mais aussi pour ceux qui envisagent de se présenter aux élections sur un territoire municipal.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cécile Cukierman. Madame la ministre, depuis 2010, la France a connu la création de 542 communes nouvelles, regroupant 1 830 communes et près de 1,8 million d’habitants.
La mise en place d’un assouplissement du régime juridique a participé à l’essor de ces rassemblements de communes, tout comme la création du statut de commune déléguée, qui a permis aux communes ayant fusionné à la fois de conserver leur propre identité historique et de mettre en commun leurs moyens.
Cependant, nous sommes en droit de nous interroger sur la finalité de ces communes déléguées, comme l’ont fait d’autres interlocuteurs avant moi.
Il paraît tout de même illusoire de donner à penser aux maires des futures communes déléguées que leur commune survivra à la fusion après 2020. Il faut, bien au contraire, faire preuve de transparence et d’honnêteté intellectuelle.
Ne nous y trompons pas : la fusion vise, à terme, à réunir des communes au sein d’une nouvelle commune, qui englobera définitivement les anciennes communes après une période de transition définie, en outre le rôle des communes déléguées.
Dès lors, la question de la représentation de ces communes déléguées au sein des communes nouvelles doit être clarifiée. Il doit s’agir d’une démarche volontaire des élus locaux. Ceux-ci doivent recevoir toutes les informations sur l’avenir de leur commune devenue déléguée et vouée, de fait, à disparaître à terme.
Les incitations financières de l’État ne semblent pas aller dans ce sens. Pourquoi maintenir les incitations fiscales s’il s’agit d’un choix local et d’une démarche libre ? L’argumentation idéologique sous-jacente repose, bien entendu, sur la diminution du nombre de communes et sur un alignement de notre pays sur les autres modèles européens.
Aussi, madame la ministre, que comptez-vous mettre en place pour que chaque maire ayant à prendre la décision d’intégrer ou non sa commune au sein d’une commune nouvelle ait tous les éléments objectifs à sa disposition afin de pouvoir faire un choix éclairé sur le devenir de sa commune, sans avoir à se fonder uniquement sur les avantages financiers proposés ? (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, chère Cécile Cukierman, je sais que l’enfer est pavé de bonnes intentions, mais je crois que l’esprit qui a présidé à la création des communes nouvelles, que ce soit en 2010 ou, ensuite, lors de la réforme engagée par Jacques Pélissard, était constructif : il s’agissait d’aider des communes qui, au fond, ne pouvaient plus faire face seules à l’évolution de notre pays, sur la base du volontariat.
Je ne crois pas que l’on puisse accuser Jacques Pélissard d’avoir voulu supprimer les communes. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
Mme Françoise Gatel. Effectivement !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je me demande même si sa démarche n’était pas, au contraire, de conforter les communes…
Mme Françoise Gatel. Tout à fait !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … à partir du moment où elles étaient suffisamment grandes pour répondre à la demande des populations, avec, comme vous le savez, une population urbaine de plus en plus importante, mais aussi avec des ruraux de plus en plus exigeants : ayant parfois passé une partie de leur existence à la ville, ils reviennent dans des zones plus rurales avec des exigences fortes en termes de conditions de vie, de loisirs, etc.
D'ailleurs, trois majorités se sont succédé depuis 2010 et, au fond, tout le monde a toujours trouvé que l’idée des communes nouvelles permettait, sur la base du volontariat, de répondre à un vrai problème d’aménagement du territoire.
Naturellement, ce n’est pas pour l’argent qu’il faut créer une commune nouvelle.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour le groupe Union Centriste.
Mme Françoise Gatel. Madame la ministre, je voudrais remercier le RDSE de sa question pertinente. Hélas, la réponse qu’il y apporte l’est un peu moins…
Mon collègue Christian Manable et moi-même avons eu l’occasion de constater la révolution silencieuse qu’est la création de communes nouvelles, qu’il convient de faciliter.
J’ai moi aussi une proposition très précise à formuler, non pas pour remettre en cause le principe général, mais pour faciliter la création des communes nouvelles : elle consiste à allonger la période transitoire, de manière à endiguer une diminution brutale du nombre d’élus.
Je prends l’exemple de la commune nouvelle de La Hague, qui regroupe 19 communes. En 2020, les 234 élus municipaux ne seront plus que 35. Autrement dit, 80 % des élus auront purement et simplement disparu !
Je propose donc qu’après la période de création, qui permet de cumuler les conseillers municipaux, lors du renouvellement général des conseils municipaux de 2020, les communes nouvelles puissent avoir un nombre de conseillers municipaux égal à trois fois le nombre de leurs communes, soit, pour La Hague, 57 conseillers municipaux au lieu de 35, ce qui est un élément facilitant pour la création de communes nouvelles, qui va devenir un exercice difficile, un an avant les élections.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, chère vice-présidente de l’Association des maires de France, vous voulez, pendant la deuxième période de l’histoire des communes nouvelles, augmenter le nombre de représentants.
Je crois que cela n’est pas possible, pour plusieurs raisons. Pour reprendre une expression qui a été utilisée à la fois par Mathieu Darnaud et par Pierre-Yves Collombat, il faut dire la vérité.
Les communes nouvelles sont de nouvelles communes. On ne peut leur appliquer éternellement un régime transitoire. Les règles me semblent tout de même assez simples. Au reste, la création repose sur le volontariat.
M. Pierre-Yves Collombat. Et les métropoles ne sont pas des EPCI !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ce n’est pas le sujet, monsieur Collombat ! Pour une fois, n’opposez pas le rural et l’urbain. De fait, les communes nouvelles peuvent être créées en milieu urbain comme en milieu rural.
Mme Françoise Gatel. Absolument !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Pour aller vite, madame la sénatrice, je crois donc que le Gouvernement n’ira pas dans ce sens. La réponse que je vous apporte est donc négative.
À la vérité, personne n’oblige à la création des communes nouvelles. Les élus sont libres de choisir ou non cette option.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour la réplique.
Mme Françoise Gatel. Madame la ministre, j’ai passé une merveilleuse matinée avec vous et avec M. Gérard Collomb au congrès des maires. Nous avons débattu de l’organisation territoriale, de l’agilité et de la souplesse du Gouvernement, et de la confiance que celui-ci accorde, à juste titre, aux élus locaux.
Vous savez très bien que je défends l’idée de la commune nouvelle bâtie sur un projet d’avenir. Il ne s’agit pas de faire de la colocation de communes.
Toutefois, je pense qu’il faut parfois savoir faire preuve d’un peu de souplesse pour faciliter les choses et permettre leur réussite.
Tel est le sens de ma proposition.
M. le président. La parole est à M. Christian Manable, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Christian Manable. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’essor récent des communes nouvelles marque un tournant riche d’enseignements.
Cet essor peut s’expliquer par différentes raisons.
Je suis coauteur, avec ma collègue Françoise Gatel, sénatrice d’Ille-et-Vilaine, du rapport parlementaire intitulé Les communes nouvelles, histoire d’une révolution silencieuse : raisons et conditions d’une réussite, qui a été cité à plusieurs reprises dans l’hémicycle cet après-midi. Nous avons pu identifier quelques ressorts et quelques leviers, confirmés notamment par les différents témoignages recueillis auprès des élus concernés.
Le succès de ces regroupements est dû à la conception même de la loi du 16 mars 2015, largement inspirée par les débats au sein de l’Association des maires de France. Je veux insister sur les termes « conçu par et pour le terrain » : le mouvement a été amorcé par les élus eux-mêmes, sur la seule base du volontariat.
Or, si le succès des communes nouvelles est réel, il n’est pas uniforme en France. Alors que certains départements comptent jusqu’à 36 communes nouvelles créées au 1er janvier 2017, comme c’est le cas de la Manche, le meilleur exemple reste toutefois le Maine-et-Loire, dont près de 50 % de 360 communes se sont regroupées, aucune commune nouvelle n’ayant été créée dans d’autres départements – près du tiers d’entre eux.
Mon département de la Somme, qui, avec 782 communes, détient la médaille de bronze du nombre de communes en France, derrière l’Aisne et le Pas-de-Calais, ne comporte malheureusement que deux communes nouvelles. Je le déplore.
C’est parfois dans les départements qui en auraient le plus besoin, où se trouvent plusieurs communes rurales isolées, dépeuplées et sans moyens, que les chiffres sont décevants.
Permettez que je prenne un autre exemple tiré de mon département de la Somme. Ce dernier compte de nombreuses micro-communes. L’une d’entre elles, Épécamps, compte 5 habitants et un conseil municipal de 7 élus. Autant dire que, le soir du premier tour des élections, tout le monde est sûr de boire le champagne…
M. Bruno Sido. Et alors ?
M. Christian Manable. Le budget de cette micro-commune rurale s’élève à moins de 10 000 euros par an.
Le jour où le maire devra refaire la toiture de l’église, il devra s’endetter pendant plusieurs siècles !
M. Bruno Sido. C’est ridicule !
Mme Cécile Cukierman. Et alors ? Si ça marche…
M. Christian Manable. L’État doit jouer son rôle d’accompagnateur et de facilitateur dans la création des communes nouvelles.
D’ailleurs, dans les départements où le nombre de communes nouvelles est important, on constate une action importante de la part des services de l’État.
Madame la ministre, j’en viens à ma question,…
M. Bruno Sido. Votre temps est écoulé !
M. Christian Manable. … à laquelle vous avez d'ailleurs déjà partiellement répondu dans vos propos liminaires : afin de mieux accompagner ces territoires, peut-on envisager le renouvellement de l’incitation financière antérieure,…
M. le président. C’est terminé, mon cher collègue !
M. Christian Manable. … soit le maintien des dotations, ou une disposition nouvelle du même type (M. Jean-Paul Émorine manifeste son impatience.), comme le fléchage et la priorisation de la DETR ?
M. le président. Vous avez dépassé votre temps de parole de 50 secondes, mon cher collègue ! Cela fait beaucoup pour un temps de parole de deux minutes, et, je le rappelle, cela risque de pénaliser certains de nos collègues, qui ne pourront pas s’exprimer tout à l’heure.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l’intérieur. Je vais tâcher de faire court.
J’ai bien entendu votre réflexion, monsieur le sénateur Manable.
Premièrement, soit on maintient le volontariat, soit on instaure un autre système. Je crois qu’aujourd’hui la majorité des élus souhaitent le maintien du volontariat.
Deuxièmement, vous dites que l’État doit accompagner. J’en suis absolument convaincue ! Je crois à la vertu de la pédagogie. D’ailleurs, dans l’esprit des Premières assises nationales des communes nouvelles organisées par l’AMF, je vous propose de me rendre moi-même dans votre département de la Somme, pour y expliquer ce qu’est une commune nouvelle.
Nous maintenons les incitations financières jusqu’en 2019, afin de tenir compte de l’année blanche. Nous légiférerons de nouveau dans les futurs projets de loi de finances.
Au reste, il n’est pas non plus interdit de réfléchir à l’accompagnement qui pourrait être envisagé. Un groupe de réflexion sur ce sujet pourrait ainsi être créé dans le cadre de la Conférence nationale des territoires.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour le groupe Les Républicains.
M. Philippe Bas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les départements de l’Ouest en particulier ont eu assez largement recours à ce nouvel instrument qu’est la commune nouvelle, que l’Association des maires de France avait voulu mettre en place.
Aujourd’hui, le développement des communes nouvelles connaît des freins. Certains ont déjà été évoqués depuis le début du débat, mais il en existe d’autres.
Dans nos départements, de très grandes intercommunalités se sont mises en place, avec des conseils communautaires très nombreux et avec des compétences d’autant plus grandes que certaines de ces grandes intercommunalités rurales ont le statut de communauté d’agglomération, comme s’il s’agissait de grands territoires urbains.
Si nous voulons, demain, à la fois faire réussir ces très grandes intercommunalités et préserver la vitalité de la commune comme cellule de base de la démocratie, il faut trouver le bon équilibre entre l’infiniment grand et l’infiniment petit.
Cela suppose certainement que, pour encourager la création de communes nouvelles, sans jamais la forcer, on crée un système qui leur soit plus favorable, avec toutes les réserves qui ont pu être exprimées sur la nécessité de toujours dire la vérité sur ce qu’est la commune nouvelle.
Pourrait-on cependant envisager, madame la ministre, que ces grandes communautés d’agglomération puissent rétrocéder des compétences de proximité que la loi a malheureusement rendues obligatoires au niveau communautaire aux communes nouvelles – par exemple à l’échelle de nos anciens cantons ruraux ou d’une partie de ceux-ci, autour d’un bourg-centre – pour inciter à la création de celles-ci ? Nous pourrions y travailler ensemble.
Cela permettrait que les communes se retrouvent de nouveau en capacité d’exercer ces compétences et que les intercommunalités se consacrent à l’essentiel, comme le développement économique, l’aménagement du territoire et l’urbanisme ou la gestion des ordures ménagères. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Philippe Bas, je reconnais bien la finesse de votre raisonnement.
Je suis d’accord avec vous : je pense que l’on a commis une erreur lorsque l’on a abaissé le seuil de création des communautés d’agglomération. Avouons toutefois que ce seuil avait été pensé pour rendre service à une ou deux personnes, à certains endroits de France… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Cécile Cukierman. Comment ?
M. Pierre-Yves Collombat. Voyons ! Ce n’est pas possible…
Mme Jacqueline Gourault, ministre. C’est la vérité.
De fait, il y a aujourd'hui des communautés d’agglomération rurales, ce qui est assez amusant.
Par ailleurs, des communes nouvelles se sont naturellement créées pour entrer ou pour peser davantage dans les grandes intercommunalités. Cela a été l’une des raisons de leur création. (Oui ! sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
J’ai vu, par exemple, des communautés de communes rurales qui se sont transformées en commune nouvelle pour peser davantage dans l’intercommunalité et pour récupérer, en tant que grande commune, les compétences que l’intercommunalité ne voulait pas exercer.
Vous introduisez, monsieur le sénateur, une idée nouvelle, consistant à « retransférer » des compétences de l’intercommunalité vers les communes nouvelles. Cela ferait évidemment entrer les communes nouvelles en compétition avec les intercommunalités. Ce sujet mérite une large réflexion ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Janssens, pour le groupe Union Centriste.
M. Jean-Marie Janssens. Madame la ministre, depuis la réforme territoriale de 2010 et la création du statut de commune nouvelle, plus de 500 – 517 exactement – communes nouvelles ont été créées en France, regroupant près de 2 millions d’habitants.
On le voit, le modèle communal français est en mutation. Oui, la France des 36 000 communes a vécu.
Cette réalité ne signifie pas la mort des petites communes et de l’action de proximité. Au contraire, la commune est et doit rester le socle et le ciment de notre République française.
Pour cela, il faut que les communes nouvelles soient valorisées dans leur rôle de protectrices de l’action locale de proximité.
Afin d’encourager les communes à se regrouper en communes nouvelles, l’État a mis en place un dispositif d’incitation financière en 2015. Un pacte financier n’est cependant pas suffisant.
Ce que nous réclamons, nous, les représentants des communes, c’est un vrai pacte de proximité passé entre l’État et les communes nouvelles, oui, un pacte qui garantisse aux communes nouvelles le maintien des services publics de proximité et des services de l’État, la sanctuarisation des dotations de l’État, à commencer par la DETR, indispensable à l’investissement local, l’aide au maintien des commerces, un accompagnement dans la revitalisation des bourgs, un soutien efficace dans la lutte contre la baisse de la démographie médicale. Tout cela est particulièrement nécessaire dans les territoires ruraux, qui traversent de grandes difficultés financières et démographiques.
Ce pacte de proximité doit être plus qu’une incitation. Il doit consacrer la relation de confiance qui unit l’État aux communes, quelle que soit leur taille.
Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer aujourd’hui que l’État ne se désengagera pas vis-à-vis des communes et qu’il continuera à encourager la création de communes nouvelles en leur offrant des garanties durables en matière de services publics de proximité ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Jean-Marie Janssens, je sais bien de quoi vous parlez. Vous avez vous-même créé une commune nouvelle dans le Loir-et-Cher.
Au fond, ce que vous dites au sujet des communes nouvelles est vrai de toutes les communes, à savoir que la commune reste la cellule de base de la République.
Je rappelle que la clause de compétence générale est maintenue au seul niveau de la commune et que, naturellement, l’État doit accompagner les communes nouvelles comme toutes les communes de France, pour que les services publics soient assurés.
Si j’ai bien compris votre raisonnement, vous aimeriez que l’on flèche encore davantage les dotations – notamment la DETR et la DSIL – vers les communes nouvelles, nonobstant le bonus déjà concédé sur la DGF et les autres dotations.
Je vous rappelle que tout cela s’opère au sein d’une même enveloppe normée et que donner aux uns revient alors à prendre aux autres.
Votre réflexion est intéressante. Après tout, pourquoi ne pas favoriser la création de communes nouvelles en leur assortissant une partie de la DSIL ou de la DETR ? Il s’agirait d’une mesure incitative, sur laquelle, après tout, on peut réfléchir.
M. Philippe Bas. Nous réfléchissons beaucoup, avec vous, madame la ministre ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Franck Montaugé. La « commune nouvelle » apparaît dans notre paysage institutionnel comme une nouvelle forme d’organisation susceptible, pour les élus qui ont voulu s’en saisir, de répondre de façon plus efficiente aux besoins de leur population.
Ce débat nous amène à repenser la place de la commune dans la République. Je suis de ceux pour qui la commune doit rester l’entité de base de notre démocratie républicaine, et ce pour trois raisons au moins.
La première raison est liée à l’engagement de citoyens qui se mettent au service de l’intérêt général – c’est l’enjeu démocratique.
La deuxième raison tient au coût des services : organisés au niveau communal, ils sont bien moins onéreux qu’à l’échelle supracommunale – c’est l’enjeu financier.
La troisième raison tient particulièrement aux petites communes : il s’agit de la qualité de la relation des élus avec leurs administrés – c’est l’enjeu social.
La « commune nouvelle » ne doit pas amoindrir ou remettre en question ces trois enjeux, qui sont autant de principes à préserver, voire à développer. Elle doit même les rendre possibles, les conforter.
Alors que la plupart des élus locaux vivent très mal – et ils nous le disent ! – le déclassement de la commune et l’expression au plus haut niveau d’un dédain à l’égard de leur engagement bénévole – mais je devrais plutôt parler de « sacerdoce » –,…
M. Philippe Bas. Très bien !
M. Franck Montaugé. … le Gouvernement envisage-t-il d’organiser l’élection des présidents d’intercommunalité au suffrage universel direct ? (Oh ! sur quelques travées du groupe Les Républicains.) Le jour où ce sera le cas, il en sera terminé des communes !
M. Philippe Bas. Exactement !
M. Franck Montaugé. Les « communes nouvelles » ont-elles vocation à se substituer aux communes à la faveur, par exemple, de mécanismes financiers qui obligeraient, sans le dire, et c’est déjà le cas, les communes à se regrouper ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. J’entends bien vos préoccupations, monsieur Montaugé.
Oui, la commune est aujourd’hui la collectivité territoriale la plus proche des citoyens, et nous savons combien ces derniers sont attachés à leur commune et à leur maire. Au fond, la commune est le cœur de notre identité nationale et républicaine. Elle demeure, aux yeux du Gouvernement, cette entité de base, comme je viens de le rappeler.
L’incitation financière est là pour faciliter la création des communes nouvelles, mais toujours sur la base du volontariat – je tiens à le souligner.
Le Gouvernement n’a aucune intention d’organiser l’élection des présidents d’intercommunalité au suffrage universel direct. Ce n’est pas au programme. Cette mesure ne vaut que pour certaines métropoles, en raison de leur statut particulier. Aujourd’hui, seule celle de Lyon est concernée.
Le Gouvernement a dit qu’il souhaitait une pause dans les réformes territoriales, et cette pause concerne aussi bien les structures que la manière dont elles sont élues.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains.
Mme Catherine Deroche. Ma question rejoindra celle de M. Philippe Bas.
Dans mon département, le Maine-et-Loire, certaines communes nouvelles ont une taille suffisante pour exercer les compétences dévolues aux communautés de communes antérieures dont elles occupent parfois le même périmètre.
Une intercommunalité « XXL » pourrait exercer les compétences en matière de développement – comme M. Philippe Bas l’a souligné –, d’économie, de tourisme, de déchets ou d’habitat, par exemple… De leur côté, les communes nouvelles pourraient continuer de gérer des compétences de proximité.
Or, pour conserver la DGF bonifiée, les intercommunalités sont tentées de prendre le plus de compétences possible.