Mme Jacqueline Gourault, ministre. Eh oui, si c’est un régime transitoire, il a une fin programmée !
M. Alain Marc. … et, pour certains maires, le réveil risque d’être difficile dès 2020.
En effet, la réduction des effectifs des conseils municipaux de ces 517 communes nouvelles devrait être d’environ 49 % en 2020 et d’environ 56 % en 2026, selon les estimations de l’AMF.
Cette baisse, parfois brutale, engendre, chez les élus qui ont mis en place des communes nouvelles comme chez ceux qui envisagent de le faire, la crainte d’une représentation insuffisante de certaines communes déléguées au conseil municipal de la commune nouvelle.
Par conséquent, il paraît indispensable de surmonter cette difficulté. Madame la ministre, le problème de la représentativité des communes historiques est bien réel. Aussi ne pourrait-on pas définir une nouvelle phase transitoire concernant l’effectif des conseillers municipaux des communes nouvelles composées de communes déléguées ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Je vous remercie de votre question, monsieur Marc.
Je vous répondrai que les règles du jeu étaient établies ; quand les communes ont décidé de créer une commune nouvelle, elles les avaient en main. Ainsi, elles savaient qu’il y avait une période transitoire – par définition, une période transitoire a une fin –, et que, un jour, elles passeraient de l’addition des représentants à la strate supérieure puis à la strate de la population.
Je ne peux rien vous dire de plus que cela ; franchement, le Gouvernement ne reviendra pas sur ce point, puisque c’est une commune que l’on a créée. Je ne peux que répéter ce que j’ai dit il y a quelques instants, c’est l’équilibre que vous rechercherez dans la formation des listes qui sera la réponse la plus adéquate.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour la réplique.
M. Alain Marc. Dans cette matière, madame la ministre, je crois que l’on a confondu la finalité et les moyens. Les gens ont sans doute vu comme intérêt à la constitution d’une commune nouvelle le fait de garder pendant trois ans la stabilité financière et les dotations de l’État. Ce qui compte avant tout, me semble-t-il, est effectivement de définir un projet de territoire et non de passer par les modifications de structures alors que l’on a un bon projet de territoire. Il y a peut-être d’autres façons de procéder.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Claude Requier. Il s’agira plutôt d’une réflexion, d’un constat, que d’une question. J’éviterai donc à Mme la ministre de me répondre longuement ; ainsi, je la ménagerai, parce que la séance est longue pour elle, et nous gagnerons un peu de temps.
C’est un témoignage. Je sors d’une campagne électorale, comme vous, madame la ministre, comme Alain Bertrand, comme d’autres. J’ai visité 318 communes de mon département et l’on a parlé, pratiquement partout, des communes nouvelles.
Ce qui inquiète bien des élus est le fait non pas d’appartenir à une commune nouvelle, mais que les petites communes qui se regroupent avec d’autres dans une telle commune ne soient pas représentées. Ainsi, dans la pire des situations, les petites communes n’auront plus de mairie ni de conseillers municipaux dans le futur conseil municipal.
Certes, il y a un pacte, un accord, un protocole, mais qui n’est que moral, et, si de nouveaux candidats, issus d’une nouvelle liste, arrivent, rien n’oblige ces derniers à respecter le protocole signé par les anciens.
On a donc un vrai problème. Il semblerait que les choses coincent du point de vue constitutionnel.
M. Jean-Claude Requier. Alors, comment faire pour satisfaire des besoins légitimes des élus de terrain, de base, et pour respecter le droit ?
Telle est la question que je pose à Mme la ministre, même si elle nous a déjà beaucoup répondu. Je pense que l’on tournera un peu en rond cet après-midi (Sourires.), car nous sommes confrontés à un problème que l’on ne réussit pas à résoudre. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Éric Gold applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Voilà le bon sens de M. Requier !
Votre intervention, monsieur le sénateur, me permet de rappeler tout de même quelques points.
Les anciennes communes deviennent toutes automatiquement des communes déléguées, sauf décision contraire des conseils municipaux prise avant la création de la commune nouvelle.
Le plafonnement du nombre d’adjoints au maire à 30 % de l’effectif légal du conseil municipal est aménagé, puisque la loi du 16 mars 2015 prévoit que les maires délégués exercent également les fonctions d’adjoint au maire de la commune nouvelle sans être comptabilisés dans ce plafond.
Les communes déléguées disposent de plein droit d’un maire délégué et d’une annexe de la mairie, dans laquelle sont établis les actes d’état civil concernant les habitants de la commune déléguée.
Le maire délégué est officier d’état civil et de police judiciaire de la commune déléguée ; il peut, par ailleurs, recevoir des délégations territorialisées de la part du maire de la commune nouvelle.
Il est également possible de créer un conseil de la commune déléguée, composé d’un maire délégué et de conseillers municipaux, sur décision du conseil municipal de la commune nouvelle statuant à la majorité des deux tiers de ses membres.
Le conseil municipal d’une commune nouvelle peut également instituer une conférence municipale présidée par le maire et comprenant des maires délégués, au sein de laquelle peut être débattue toute question de coordination de l’action publique sur le territoire de la commune nouvelle.
Le rapport entre la commune nouvelle et ses communes déléguées est donc vraiment souple, libéral, dirais-je, et il respecte les particularités des communes historiques.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.
M. Jean-Claude Requier. J’ai assez de temps pour dire que cela n’est qu’un régime transitoire.
Comme le disait celui que l’on appelait « le bon père Queuille »,…
M. Jean-Claude Requier. … homme politique issu de la Corrèze qui fut président du Conseil, « il n’est pas de problème qu’une absence de solution ne puisse résoudre ». (Sourires. – Mme Françoise Gatel applaudit.)
M. François Grosdidier. C’est bien pour cela que nous ne sommes pas tous radicaux !
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour le groupe Les Républicains.
Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question sur la représentation des communes déléguées sera certainement un peu redondante avec d’autres. J’aurai néanmoins quelques remarques liées à mon expérience locale.
Eu égard à ce qui est éprouvé dans certains territoires, notamment au travers des communes associées, je souhaite soulever deux écueils qui doivent être évités dans la représentation des communes déléguées au sein des communes nouvelles.
Le premier écueil consisterait à donner l’illusion du maintien d’une démocratie de proximité en maintenant une représentation à long terme des communes déléguées au sein des communes nouvelles, à l’image des communes associées de la loi du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, dite « Marcellin ». Prenons l’exemple de ma commune, Le Havre, où une commune associée persiste depuis plus de 45 ans alors qu’elle est un véritable quartier dans la ville. Elle a un maire associé, qui n’a aucun pouvoir, un budget annexe, qui n’a aucun moyen ; elle ne gère rien mais elle donne l’illusion de la démocratie en laissant en place un maire délégué,…
M. Michel Dagbert. Un maire Canada Dry !
Mme Agnès Canayer. … qui existe et qui est régulièrement présent avec son écharpe tricolore.
Reprenant la célèbre formule de ma collègue Françoise Gatel, je dirais que, pour moi, une commune nouvelle est une nouvelle commune ; elle doit permettre à terme l’intégration totale de l’ensemble de ses composantes.
Le second écueil serait la transposition d’une organisation uniforme pour toutes les communes nouvelles. En effet, cela a souvent été évoqué, la réussite de la création d’une commune nouvelle repose avant tout sur le projet, sur la structuration résultant du rapprochement des communes, et sur la volonté de travailler ensemble. Chaque commune nouvelle a ses spécificités qui doivent être maintenues. On doit faire confiance aux élus locaux pour mettre en place les conditions de l’intégration et de la représentation de l’ensemble des territoires, qui sont garants de l’équilibre de la nouvelle commune.
Là encore, je prends un exemple local, celui de l’intercommunalité chez moi. On a « cassé » l’accord local au bénéfice d’une obligation de transposition des dispositions de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe ».
Ma question est donc, madame la ministre : comment garantir, au sein des communes nouvelles, le principe de libre administration et la confiance des élus locaux ?
M. le président. Mes chers collègues, je le dis pour tous ceux qui l’ont fait, et non seulement pour vous, madame Canayer : il n’est pas possible de dépasser de quarante-cinq secondes un temps de parole de deux minutes, sauf à priver plusieurs groupes de leurs questions. Comme on ne peut dépasser le temps prévu pour un débat, je serai contraint de couper celui-ci au milieu et les derniers inscrits, qui se sont pourtant préparés à intervenir, ne pourront pas parler du tout !
Par conséquent, mes chers collègues, je le répète, respectez votre temps de parole.
Mme Brigitte Micouleau et M. François Grosdidier. Alors, faites-le respecter pour tous les groupes, monsieur le président !
M. le président. Mais oui, je le ferai pour tous les groupes ; vous le verrez.
M. Pierre-Yves Collombat. On perd du temps, là !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Je dirai deux choses.
D’abord, je suis globalement d’accord avec vous, Agnès Canayer. Je suppose que le cas que vous citez, situé à côté du Havre, doit être une commune « loi Marcellin ».
M. Mathieu Darnaud. Oui !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Elle est donc actuellement régie par la loi Marcellin mais elle pourrait constituer une commune nouvelle avec Le Havre et, dans ce cas, libre aux élus locaux de laisser des communes déléguées exister ou non – c’est ce que je rappelais voilà quelques instants. Sinon, il n’y a pas de moyen de supprimer une commune ni de la faire entrer de force ; la libre administration s’applique toujours.
Pour ce qui concerne la souplesse, je suis bien d’accord avec vous. C’est la raison pour laquelle je reviens un peu sur ce que j’ai dit précédemment, les chartes doivent rester contractuelles et ne pas entrer dans un système de normes réglementaires, qui rigidifieraient le système et qui empêcheraient la création de communes nouvelles avec une spécificité territoriale.
Par ailleurs, je suis désolée, mais je n’ai pas bien compris la fin de votre intervention portant sur la loi NOTRe.
Mme Agnès Canayer. Les accords locaux ont été « cassés » par la loi NOTRe.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ah, en ce qui concernait le nombre de représentants.
Vous savez, à ce sujet, nous avons essayé de trouver des solutions dans tous les sens, mais il y a aussi les contraintes du Conseil constitutionnel, avec le tunnel de 20 %. (M. Mathieu Darnaud s’esclaffe.)
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe La République En Marche.
M. Didier Rambaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif de mon interpellation, il me paraît important de préciser un point fondamental. Nous ne devons pas oublier que les communes déléguées n’ont pas vocation à s’ancrer dans le temps. Bien au contraire, elles ne sont qu’un instrument permettant une progression plus tranquille entre le groupement de communes et la commune nouvelle formée.
C’est cette perspective qui doit conditionner nos raisonnements. Aussi, tout dispositif visant à renforcer leur représentation au sein des communes nouvelles doit être mûrement réfléchi ; il ne doit pas entraîner de rigidité trop importante, il ne doit pas faire de la commune déléguée une sous-commune ayant des fonctions autres que celle qui consiste à assurer une période de transition progressive et fluide et à garantir un lien de proximité avec les habitants.
Inciter à la création de communes nouvelles garantit justement une certaine souplesse. À cet égard, nous pourrions justement réfléchir aux moyens d’ancrer dans le dispositif législatif le caractère intrinsèquement péremptoire de la commune déléguée, afin qu’il soit établi plus clairement que, si elles garantissent un lien de proximité étroit avec les habitants, elles n’ont pas vocation à durer dans le temps.
La législation en vigueur dispose que le « conseil municipal peut décider la suppression des communes déléguées dans un délai qu’il détermine. » On ne saurait imaginer une commune nouvelle prospérant avec, en son sein, des communes déléguées existant pour une durée parfaitement indéterminée.
Madame la ministre, quelle est votre position sur le sujet, et quel dispositif peut être, selon vous, mis en place afin de concilier la souplesse et la clarté que sollicite la législation sur ce point ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. D’abord, je suis globalement d’accord avec ce que vous venez de dire. Ce sont des dispositions transitoires qui ont été prévues dans la loi, et l’objectif est bien d’aller vers une commune nouvelle ou, cela a été dit précédemment, vers une nouvelle commune.
Je le rappelle, il n’est pas obligatoire de faire des communes déléguées. Ainsi, dès la constitution d’une commune nouvelle, on peut ne pas mettre en place le système des communes déléguées. En outre, je crois – je vérifierai cela d’ici à la fin du débat – que l’on peut supprimer à tout moment les communes déléguées.
Je pense donc qu’il n’est pas utile de légiférer sur ce point. La loi est très bien, on y avait tous beaucoup travaillé : Jacques Pélissard, son auteur, l’Assemblée nationale, le Sénat et le Gouvernement. On avait assez bien cerné le sujet. En outre, il faut toujours se méfier quand on vient de légiférer et que l’on relégifère ; souvent, on rigidifie plus qu’on ne simplifie les choses.
Je vous apporterai la réponse définitive sur la suppression des communes déléguées d’ici à la fin du débat.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre-Yves Collombat. Il est des communes nouvelles de bon sens ; il en est au moins autant qui sont nées d’un réflexe de défense contre la pénurie financière, pour pouvoir continuer d’exercer en commun des compétences orphelines, le nouvel établissement public de coopération intercommunale, ou EPCI, cessant de les exercer, ou tout simplement pour avoir l’impression d’exister au sein d’intercommunalités « XXL » ou de grandes régions.
Il en est aussi qui ont été abusées par l’illusion entretenue que les mesures temporaires permettant la survie symbolique des communes dans la commune nouvelle seraient éternelles.
Beaucoup découvrent aujourd’hui qu’il n’en est rien ; toutes les dispositions incitatives n’y changeront rien.
Ma question est la suivante : pourquoi ne pas répondre à leurs attentes ? Qu’est-ce qui s’y oppose ?
M. Pierre-Yves Collombat. À leur donner satisfaction.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur Collombat, comme vous le disiez dès le début de votre intervention, rien ne s’oppose au bon sens.
Mme Françoise Gatel. Bravo !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’ai visité beaucoup de communes nouvelles ; les gens qui se sont engagés ont mûrement réfléchi, ont fait des projets, connaissaient les règles du jeu. Je trouve curieux que vous disiez qu’ils pensaient tous…
M. Pierre-Yves Collombat. Certains !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est ce que l’on a constaté !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Eh bien, non, ça ne l’est pas.
Je remarque d’ailleurs – je me suis procuré la carte géographique des communes nouvelles – que ces communes sont très largement majoritaires dans l’ouest de la France. Cela n’est pas un hasard, cela correspond à une habitude mutualiste que l’on trouve dans cette région.
Mme Françoise Gatel. Absolument, c’est tout à fait vrai !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Bien sûr, il y en a dans d’autres régions, en Rhône-Alpes ou ailleurs, mais il y a un état d’esprit qui compte pour créer des communes nouvelles, cela fait appel à un caractère culturel, si je puis dire, dans les habitudes de travailler ensemble.
Je ne peux pas aller plus loin dans le raisonnement ; autrement, on n’atteindrait pas le but que l’on s’est fixé au départ, que se sont fixé le législateur en 2010 et la loi Pélissard.
On ne peut donc pas modifier ce modèle, qui est et restera toujours fondé sur le volontariat. (Mme Françoise Gatel applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour la réplique.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre, je constate que ce qui est permis aux métropoles devient une anomalie inacceptable pour ce qui concerne les petites communes. Une commune nouvelle n’est pas un EPCI, dites-vous, mais un EPCI, en revanche, peut cacher une commune qui ne dit pas son nom. Je pense, par exemple, à la métropole lyonnaise. Ils étaient partis pour faire un EPCI, ils se retrouvent avec une commune…
M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour le groupe Union Centriste. (Mme Françoise Gatel applaudit.)
Mme Sonia de la Provôté. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon propos va plutôt porter sur les bonnes conditions de mise en œuvre du territoire vécu ; c’est un élément aussi prégnant pour l’avenir de la commune nouvelle que celui de la représentation.
Avec la refonte territoriale, 517 communes nouvelles ont vu le jour – c’est un succès, on peut le dire –, et on en compte 37 dans le Calvados. Cette refonte bouscule nos habitudes, nos frontières du quotidien et il ne faut pas oublier que le succès des communes nouvelles a été garanti par les élus locaux qui ont veillé chaque fois à une organisation adaptée aux spécificités de leur territoire et de leurs habitants.
Cela s’est fait aussi, bien sûr, sur le fondement d’engagements financiers et contractuels de l’État, qui ont accompagné ce mouvement des communes nouvelles et qui conditionnent leur avenir.
Pour faciliter l’ancrage de la commune nouvelle, l’État doit veiller – cela a d’ailleurs souvent été le cas – à reconduire les agréments et les aides obtenus préalablement par les communes historiques.
Aujourd’hui, les élus des communes nouvelles sont inquiets de ne pas voir se maintenir les dispositifs et aides de l’État. Je pense à la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, aux zonages relatifs au logement ou encore aux dispositifs d’exonération du type Pinel, pour ne citer que ces exemples. Les discussions du projet de loi de finances pour 2018 le prouvent.
Or ces sujets ont conditionné en grande partie la nature des engagements consentis entre communes historiques pour réaliser le projet de territoire de leur commune nouvelle. Le cœur de tout cela est bien que, en vivant au quotidien la commune nouvelle, les habitants s’emparent de leur nouveau territoire et, pour cela, il faut un peu de stabilité.
Madame la ministre, on le voit bien, si la représentation est fondamentale, la sécurisation du projet du territoire de la commune nouvelle l’est tout autant, les deux sujets relevant de la même logique, celle qui vise à garantir la réussite de ces nouvelles collectivités.
Dans ces conditions, ne pourriez-vous envisager un délai de trois ans, comme le préconisait judicieusement le rapport de nos collègues Françoise Gatel et Christian Manable ? Ces trois ans donneraient le temps au projet de s’exprimer avant de modifier les agréments et les engagements de l’État qui avaient permis au projet d’origine de la commune nouvelle de réaliser un territoire cohérent.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, si j’ai bien compris, vous posez la question des problèmes financiers, dans votre premier point.
Je l’ai dit voilà quelques instants, il y a reconduction du régime, mais c’est ce qui existait qui est reconduit jusqu’au 1er janvier 2019, avec la bonification de DGF, de 5 %, pour les communes nouvelles jusqu’à 15 000 habitants ; c’est ce qui a été adopté à l’Assemblée nationale.
Vous avez aussi parlé de la DETR. Naturellement, les communes nouvelles sont des communes ; à ce titre, elles ont droit à la DETR comme à la dotation de soutien à l’investissement public local, la DSIL.
Désormais, comme le projet de loi de finances adopté à l’Assemblée nationale le prévoit, il n’y a plus de seuil. C’est cela que vous vouliez dire. Sous la précédente majorité, la DSIL, qui avait été créée pour compenser les prélèvements sur la DGF, devait être transitoire. Nous l’avons rendu pérenne, elle sera inscrite au code général des collectivités territoriales, le CGCT. En outre, nous n’avons pas prévu de seuil pour accéder au financement de la DSIL. Ainsi, la plus petite des communes, si elle a un projet structurant, pourra y avoir accès.
Il n’y a donc aucun obstacle d’aide ou de financement pour les collectivités territoriales.
Par ailleurs, nous ne pouvons donner suite à la proposition consistant à pérenniser le dispositif dérogatoire, comme vous l’avez proposé.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Joël Bigot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le département de Maine-et-Loire est fortement marqué par le phénomène de regroupement de communes, puisqu’il compte actuellement 34 communes nouvelles. Au 1er janvier 2017, il y avait 186 communes contre 358 en 2015, soit près de la moitié de communes en moins ! Les élus d’Anjou ont manifestement réussi à dépasser les clivages partisans et à faire passer l’intérêt collectif avant l’esprit de clocher.
Vous les avez d’ailleurs rencontrés dans un esprit d’ouverture, lors d’une table ronde au mois de juillet dernier. Je souhaite ici saluer le soutien apporté à cette dynamique dans le projet de loi de finances pour 2018. Même si le seuil de 10 000 habitants est discutable, le maintien de la DGF et la bonification de 5 % de la dotation forfaitaire pour les communes nouvelles sont une bonne chose.
Le rapport très instructif de nos collègues, ici présents, Christian Manable et Françoise Gatel, sur la « révolution silencieuse » des territoires avait repéré, dès 2016, un ensemble de points qui restaient à améliorer et qui demeurent d’actualité.
En augmentant la taille de sa population, la commune nouvelle peut être soumise à de nouvelles obligations en matière de construction de logements sociaux ou d’accueil des gens du voyage. Une période transitoire de trois ans a été mise en place, afin de permettre aux communes nouvelles de se mettre en conformité avec la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains dite « SRU », que la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a réaffirmée il y a peu.
Ce besoin de temps est également évoqué par les élus pour l’établissement de documents d’urbanisme communs ou encore pour la création d’un centre communal d’action sociale, la construction d’écoles ou la création de comités techniques paritaires.
Cette période de transition peut paraître trop courte pour des territoires ruraux, qui demandent une prise en compte des spécificités du terrain.
J’en arrive à ma question : le Gouvernement envisage-t-il des mesures d’accompagnement renforcé pour ces communes nouvelles, afin qu’elles puissent s’adapter à temps à leurs nouvelles obligations ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les nouvelles obligations s’imposant aux communes nouvelles franchissant un seuil de population en matière de construction d’aires d’accueil des gens du voyage – plus de 5 000 habitants – et de logements sociaux, en application de la loi SRU. Cela touche les communes frappées, je suppose, par l’article 55 de ladite loi.
Vous avez rappelé qu’il y avait déjà eu des aménagements dans la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté.
La pénalisation financière concernant les logements sociaux ne s’applique pas les trois premières années et permet donc aux communes nouvelles d’engager des projets.
Nous le savons, la demande de logements, plus particulièrement de logements sociaux, est forte dans le pays. Bien évidemment, les communes nouvelles doivent pouvoir y répondre.
S’agissant de la construction des aires d’accueil des gens du voyage, un certain nombre d’aires manquent à l’appel. S’il s’établit à 100 % dans certains territoires, le taux d’application des plans départementaux sur l’ensemble du territoire, car c’est bien à l’échelle des départements que ces plans sont définis, s’élève, si ma mémoire est bonne, à 70 %.
Il est donc important que les communes remplissent les conditions pour construire une aire d’accueil des gens du voyage. Nous en avons longuement parlé au Sénat il y a peu, lors de l’examen de proposition de loi qui avait été déposée à ce sujet.
Monsieur le sénateur, la question que vous soulevez concerne le franchissement des seuils démographiques du fait de la création des communes nouvelles. Je pense qu’il n’y aura pas d’exemption.
En revanche, je suis ouverte et prête à étudier ces situations avec les associations d’élus et en lien avec les ministères concernés, pour voir s’il faut laisser un peu plus de temps. Je ne réponds pas par l’affirmative ; je dis simplement que nous pouvons travailler sur le sujet, pour voir si cela est possible.
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains.
M. Mathieu Darnaud. Madame la ministre, je serai bref, tout ayant quasiment été dit sur le sujet à ce stade du débat.
Je me bornerai à faire deux remarques.
Premièrement, il convient de dire la vérité, toute la vérité sur la commune nouvelle et, bien sûr, sur la place des communes déléguées au sein de celle-ci.
Je crains, ainsi que Pierre-Yves Collombat l’a rappelé voilà quelques instants, que les élus qui ont fait un choix défensif pour se regrouper en commune nouvelle ne connaissent, demain, un réveil quelque peu douloureux, quand le droit commun les obligera à revenir sous la forme d’une commune tout à fait traditionnelle, puisque la commune nouvelle ne se différenciera alors pas de l’ensemble des autres communes existantes.
En cela, je suis très sceptique quant à l’amoncellement de mesures dérogatoires, qui peuvent avoir des effets largement contre-productifs.
Deuxièmement, je veux aujourd'hui vous livrer une réflexion.
Vous avez rappelé avec justesse, madame la ministre, que l’on peut distinguer les territoires selon qu’ils comportent ou non des communes nouvelles. L’exemple le plus abouti est certainement celui du Maine-et-Loire, avec 181 communes aujourd'hui contre 363 auparavant, quand le département dont je suis issu, l’Ardèche, ne compte aucune commune nouvelle. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
Je vous invite à réfléchir sur l’importance du maintien de la commune déléguée.
Vous avez raison, il existe des raisons culturelles, historiques, mais aussi territoriales qui plaident pour le maintien de celle-ci, lequel peut être incitatif s’il est nécessaire de favoriser la création intelligente de communes nouvelles, même si, j’y insiste, la création d’une commune nouvelle doit rester une initiative des élus. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)