M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, je suis particulièrement heureux que vous soyez heureux dans votre nouveau groupe ! (Sourires.)
La question que vous posez est pertinente et concerne l’avenir et le fonctionnement des conseils citoyens. Il n’est pas facile de mettre en place de telles structures et de les faire fonctionner, mais c’est une bonne initiative. Aujourd’hui, on dénombre 1 157 conseils citoyens, soit environ 15 000 membres. Vous connaissez le système du tirage au sort et vous savez les difficultés pratiques de renouvellement.
Il faut aujourd'hui tirer le bilan du fonctionnement des conseils citoyens. Pour avoir rencontré depuis quatre mois un certain nombre de membres de conseils citoyens – souvent des représentants particulièrement engagés et volontaires –, je mesure tout à fait l’intérêt de permettre le meilleur fonctionnement possible de ces instances.
La question de la formation me paraît particulièrement importante. En effet, il n’est pas forcément facile de se retrouver du jour au lendemain dans un conseil citoyens. Certes, un système de formation existe déjà, mais l’État doit développer cette capacité. En effet, aujourd’hui, sur le territoire, ainsi que l’attestent mes déplacements, les résultats sont hétérogènes : certains conseils citoyens fonctionnent très bien, d’autres ont du mal à trouver leur équilibre ou sont très silencieux.
Nous avons pour volonté de renforcer l’animation des conseils citoyens avec, si c’est possible, un rapprochement des acteurs en place, de prolonger la dynamique impulsée avec les formations – cela me paraît essentiel –, et de favoriser la mise en réseau des conseils citoyens.
Pour que la politique de la ville réussisse, nous avons intérêt à permettre aux conseils citoyens d’être le plus actifs possible…
M. le président. Il faudrait conclure !
M. Jacques Mézard, ministre. … et d’être un élément de représentation de ces quartiers, sans toutefois entrer en concurrence avec les structures de démocratie représentative. (M. Yvon Collin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.
M. Joël Labbé. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Vous dites vouloir renforcer l’encadrement et l’animation des conseils citoyens pour faire avancer la démocratie citoyenne. La réponse se trouve dans l’intitulé de notre débat aujourd’hui : « Politique de la ville : une réforme bien engagée, mais fragilisée par un manque de moyens ».
M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour le groupe Les Républicains.
M. Serge Babary. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique de la ville vise à réduire les écarts de développement au sein des villes, à restaurer l’égalité républicaine dans les quartiers défavorisés et à améliorer les conditions de vie de leurs habitants.
À l’occasion des quarante ans de la politique de la ville, le 6 octobre dernier, le Gouvernement a souhaité donner un nouvel élan à la politique de la ville et s’est engagé à augmenter de 1 milliard d’euros le financement du nouveau programme national de rénovation urbaine, le NPNRU. Cette annonce s’inscrit dans le cadre de l’engagement présidentiel de porter le NPNRU de 5 milliards d’euros à 10 milliards d’euros.
En parallèle, l’article 52 du projet de loi de finances pour 2018 impose, en contrepartie de la baisse des APL de 60 euros dans le logement social, une réduction des loyers de solidarité, qui sera finalement étalée sur trois ans.
Pour l’année 2018, la baisse des loyers correspondra toutefois à une perte de 822 millions d’euros. Cette perte devra être absorbée par les offices publics de l’habitat, qui détiennent 2,5 millions de logements. Cette mesure, qui intervient en pleine négociation du futur NPNRU pour les années 2018–2024, a des effets directs sur la capacité d’autofinancement des organismes d’HLM et va nécessairement fragiliser la politique locale en faveur du logement social.
Je m’inquiète donc de la capacité des bailleurs à investir au cours des prochaines années dans les quartiers prioritaires et des incidences de ces mesures sur la réalisation des projets engagés dans le cadre du NPNRU.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, me préciser aujourd’hui les contreparties qui seront données aux bailleurs sociaux afin de limiter l’impact de ces mesures sur l’ensemble de la chaîne de production de logements ? Les engagements de l’État en matière de rénovation urbaine pourront-ils être tenus ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Babary, je n’engagerai pas un nouveau débat sur l’article 52 du projet de loi de finances.
Ce que je peux vous dire, c’est que nous travaillons avec les bailleurs sociaux afin de trouver une solution acceptable et consensuelle. Je ne doute pas que nous y parviendrons dans les semaines qui viennent.
Sans remettre sur le tapis la question de la restructuration du secteur, je rappellerai que, d’un point de vue financier, 1 milliard d’euros sur l’ANRU, cela correspond, d’ici à 2031, à 65 millions par milliard, c’est-à-dire que 2 milliards d’euros correspondent à 130 millions d’euros par an, le déclenchement, je l’ai rappelé il y a quelques instants, par rapport à l’année 2018, dépendant des signatures et du lancement des projets sur le terrain.
Je pense donc que nous arriverons à boucler le budget du NPNRU, car c’est l’intérêt général. C’est l’intérêt bien sûr des collectivités locales, mais aussi des bailleurs sociaux.
Vous avez évoqué les contreparties. Nous sommes justement en train de finaliser un certain nombre de propositions qui me permettent, là aussi, de vous adresser un message rassurant.
M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour la réplique.
M. Serge Babary. Je vous remercie, monsieur le ministre.
Je serai évidemment attentif à vos propositions. Pour un territoire que je connais bien, la métropole de Tours, qui compte cinq quartiers d’intérêt national, la perte pour les six bailleurs sociaux qui suivent le projet ANRU est de 21 millions d’euros par an. Je ne suis donc pas certain que les engagements qui ont été pris lors du protocole de préfiguration pourront être honorés. Je le dis en présence du directeur général de l’ANRU.
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe La République En Marche.
M. Frédéric Marchand. Monsieur le ministre, parmi les dix objectifs de la politique de la ville fixés par l’Observatoire national de la politique de la ville figure en sixième position : « Garantir la tranquillité des habitants par les politiques de sécurité et de prévention de la délinquance. »
En tant qu’élus locaux, nous savons que certains de nos quartiers inscrits en QPV sont, hélas ! devenus des zones de non-droit dans lesquelles la tranquillité des habitants est contrariée, pour ne pas dire mise à mal, par nombre d’actes délictueux et des commerces illicites. Le trafic de stupéfiants en est certainement l’illustration la plus parlante, une réelle économie parallèle s’installant même dans ces quartiers. De véritables filières sont mises en place et il n’est pas rare de voir de nombreux mineurs pris dans un engrenage infernal.
Combien sommes-nous à avoir tenté de faire entendre raison à ces jeunes, à leur avoir proposé des parcours de vie et d’insertion et à nous être entendus répondre que leur activité était sans doute beaucoup plus lucrative que tel ou tel parcours ?
Dans les cellules de veille auxquelles nous participons, nous mesurons que le droit à la tranquillité et à la sécurité n’est pas forcément le même pour tous.
Le Président de la République a insisté sur ce sujet lors de son déplacement dans la métropole lilloise le 14 novembre dernier, en évoquant le lancement d’une expérimentation de la police de sécurité du quotidien dans ces quartiers dès 2018. Cette présence policière est fortement attendue par nos concitoyens et par les élus locaux.
Ce déploiement se fera dans le cadre d’une stratégie de sécurité partagée par les élus locaux et par les associations, stratégie qui repose à la fois sur la prévention et la répression.
Dans le Nord, et plus particulièrement dans la métropole lilloise, l’appétence est grande pour expérimenter ce dispositif et des demandes ont été faites dans ce sens.
Monsieur le ministre, pour répondre aux attentes et aux interrogations des élus locaux, pouvez-vous nous préciser les contours des missions qui seront dévolues à cette police dans les QPV, les moyens spécifiques leur seront dédiés et la date à laquelle les sites retenus seront annoncés ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, vous avez raison, dans un certain nombre de quartiers, la sécurité au quotidien est devenue un véritable problème. Nous avons déjà évoqué les raisons de cette situation, en particulier l’évolution démographique. J’ai parlé d’un certain mouvement perpétuel s’agissant du renouvellement de population. Nous sommes au cœur du sujet.
Vous l’avez rappelé, le Président de la République a indiqué que la politique de sécurité du quotidien serait fléchée prioritairement sur un certain nombre de quartiers fragiles que nous connaissons tous et dans lesquels nous commencerons l’action dès l’année 2018.
La concertation est en cours sous l’égide du ministre d’État, ministre de l’intérieur. L’expérimentation sera réalisée en 2018. Il s’agit in fine de la création de 10 000 postes, ce qui n’est pas neutre. Un nombre important d’entre eux, mais pas tous, seront affectés dans les quartiers prioritaires. Les sites retenus seront annoncés en fin d’année. Je ne doute pas, monsieur le sénateur, que vous saurez faire part au ministre de l’intérieur de l’intérêt de flécher un certain nombre de ces postes sur les quartiers que vous connaissez particulièrement.
J’ajoute qu’un certain nombre de dispositifs doivent par ailleurs être également développés. C’est ainsi le cas des centres de loisirs et de la jeunesse de la police nationale, qui fonctionnent bien. C’est également le cas des délégués à la cohésion police-population, dont le rôle doit être renforcé. Ces policiers à la retraite consacrent une partie de leur temps à remplir ce rôle et à établir un lien nécessaire entre la police et la population. On pourrait parler aussi des EPIDE, les établissements pour l’insertion dans l’emploi, qui sont un réel succès et dont l’action me paraît tout à fait utile.
En tout cas, il est tout à fait indispensable de faire de la sécurité une priorité. Il est aussi de notre intérêt à tous de changer l’image de ces quartiers.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, pour ma part, je considère que les annonces du Président de la République ne sont pas très fortes. J’ai cherché le renouveau, mais je n’ai trouvé que des recettes un peu usées ! Et il ne s’agit pas là d’une caricature ou d’une posture, monsieur le ministre.
La mobilisation prioritaire des politiques de droit commun en faveur des quartiers, la construction partenariale des projets avec les villes, les expérimentations : tout cela figurait déjà dans la loi Lamy. Il n’y a rien de nouveau !
Renvoyer le renouveau à des politiques contractuelles entre l’État et les collectivités est, me semble-t-il, le plus sûr moyen de ne pas disposer des crédits nécessaires. Ayons ensemble la lucidité de regarder l’état des contrats de ville : ils sont mort-nés, faute de moyens suffisants.
En outre, une telle approche individualise le rapport entre ces communes et l’État, alors qu’il convient de mener une politique nationale.
Je suis conscient qu’il faut territorialiser la réparation. Je parle bien de « réparation ». L’État doit réparer, il ne peut donc pas contractualiser avec les communes où, nous en avons tous fait le diagnostic, une intervention est nécessaire. La meilleure intervention, c’est de rétablir l’égalité.
Le Président de la République nous dit que les habitants veulent la République, rien que la République. Nous disons tous cela ! Mais il faut reconnaître que la République est déficiente. Elle l’est encore davantage avec le budget qui nous est présenté.
Par ailleurs, alors que nous faisons tous le même constat, je suis étonné que la seule mesure concrète qui soit annoncée soit la création d’emplois francs. On crée encore des aides destinées aux entreprises alors que l’efficacité des zones franches dans ces quartiers n’a jamais été démontrée. Je pourrais vous citer des exemples, mais je n’en ai pas le temps. J’ai consulté Les Échos, les études de la Banque de France, celles de l’INSEE, soit un spectre très large : l’efficacité de ce dispositif n’a pas été démontrée.
M. le président. Il faudrait conclure !
M. Pascal Savoldelli. Enfin, comme mes collègues, je m’interroge, monsieur le ministre : allez-vous sanctuariser les dotations des collectivités qui comptent des quartiers prioritaires et ne pas renvoyer cette question à une date ultérieure en septembre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, j’aurais été étonné que vous trouviez dans les dispositions préconisées par le Président de la République un quelconque point positif ! (M. Pascal Savoldelli s’exclame.) Ce n’est pas grave. Nous avons l’habitude, les uns et les autres, de ce type de débat.
Dès la rentrée, je me suis rendu dans les zones classées REP+ pour voir le résultat du dédoublement des classes. Je rappelle que 2 500 classes ont été dédoublées dès cette année : ça, c’est du concret ! La police de sécurité du quotidien et les moyens nouveaux qui seront mis en œuvre sont un plus, c’est également du concret, et cela intéresse nos concitoyens.
Vous doutez de l’utilité des emplois francs au motif, si j’ai bien compris, que l’argent est fléché vers les entreprises. Je rappelle que de très petites entreprises peuvent avoir recours à ces emplois et qu’elles en sont satisfaites. En réponse à la question qui m’a été posée précédemment, j’indique que 20 000 emplois francs seront créés dès l’année 2018 dans des quartiers représentant 25 % de la population.
Vous dites, monsieur le sénateur, que la République est déficiente. La République n’est certes pas parfaite, mais nous sommes tous responsables de cet état de fait, y compris les collectivités locales. L’État n’est pas toujours responsable, quel que soit le gouvernement au pouvoir. Les responsabilités sont parfois sur le terrain, comme je l’ai constaté un certain nombre de fois en tant qu’élu local. C’est trop facile de flécher les responsabilités de cette manière !
Nous voulons construire ensemble pour améliorer la situation. C’est la volonté du Gouvernement. Ceux qui voudront participer à cet effort seront les bienvenus, les autres nous apporteront un concours efficace par leurs observations.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour le groupe Union Centriste.
Mme Valérie Létard. Monsieur ministre, j’ai écouté toutes les interventions. Beaucoup de questions ont été posées. Il convient maintenant de revenir au sujet central, à savoir l’annonce faite à l’Assemblée nationale du doublement de l’enveloppe, la contribution de l’État de 1 milliard d’euros consacrés au NPNRU, les 4 milliards d’euros apportés par d’autres acteurs du monde du logement et dont nous avons besoin de connaître les périmètres.
J’aimerais avoir votre avis, monsieur le ministre, sur un point symbolique.
En 2017, les autorisations d’engagement pour l’ANRU s’élevaient à 150 millions d’euros, les crédits de paiement à 15 millions d’euros. Cette année, les autorisations d’engagement s’élèvent à 15 millions d’euros et les crédits de paiement à 15 millions d’euros. C’est bien, car nous sommes en phase d’amorçage, nous n’en demandons pas plus, mais est-ce une bonne chose symboliquement ? Ma question porte en fait sur l’ambition de l’État de remettre en route sa contribution.
Par ailleurs, cela a été dit, contrats de ville et NPNRU : même combat ! Ils sont destinés aux gens, il faut donc mettre les moyens.
On parle du droit commun. Que met-on dans le droit commun ? Comment, dans le cadre de la mission que le Président de la République a confiée à Jean-Louis Borloo, ces nouvelles ambitions seront-elles mises en musique ? Comment seront-elles coordonnées ? À quels publics s’adressent-elles ?
À titre d’exemple, j’évoquerai les emplois francs. On voit bien que ce ne sont pas tous les publics de la géographie prioritaire qui sont concernés. Pourtant, cette mesure a déjà été expérimentée. Comment et à quel rythme sera-t-elle généralisée, si elle a vocation à perdurer ?
Pour terminer, j’attire votre attention, monsieur le ministre, sur les questions qui ne manqueront pas de se poser en lien avec ce qui se passe sur le budget du logement. Je sais votre investissement sur cette question et le travail que le Sénat est en train de mener, mais, attention, la vente de patrimoine et toutes ces questions risquent de poser des problèmes en termes de mixité dans ces quartiers. En effet, vendre du patrimoine, c’est réduire la production de logements, au risque de ne plus pouvoir obtenir la mixité attendue. Quel est votre avis sur cette question, monsieur le ministre ? (Mme Fabienne Keller applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Valérie Létard, je commencerai par répondre à votre dernière question sur les ventes de logements.
Les réponses qui ont été apportées à cette question ce matin lors de la signature du protocole avec Action Logement, à laquelle vous avez assisté, sont parfaitement claires. Le Gouvernement et Action Logement souhaitent développer la vente de logements du parc HLM. Aujourd'hui, seuls 7 000 à 8 000 logements sont vendus chaque année, soit 0,2 % du parc, et ce pour des raisons techniques que vous connaissez comme moi, mais aussi du fait du manque d’enthousiasme, et c’est un euphémisme, qu’entraînent ces difficultés.
Dès lors que les choses sont calées, que l’on vend aux locataires et qu’on les protège, le système est vertueux. C’est d’ailleurs l’un des meilleurs systèmes pour relancer ensuite la construction de logements sociaux. La réticence de certains bailleurs sociaux, mais pas tous, est originale. Les filiales d’Action Logement vont, elles, s’investir très fortement dans ces ventes, comme vous l’avez clairement entendu.
Pour le reste, la symbolique, c’est très joli, mais ce qui compte dans un budget, vous le savez comme moi, c’est ce qui est concret. Nous avons dit très clairement que nous serions au rendez-vous des besoins du NPNRU et je maintiens que cet engagement sera tenu.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le ministre, j’attire votre attention sur l’un des aspects de la loi Lamy, qu’il convient, à mon sens, de conforter d’urgence.
Lors de la nouvelle définition des quartiers relevant de la politique de la ville, un certain nombre de quartiers ont été sortis du zonage prioritaire : l’article 13 de la loi a prévu de consolider la situation de ces territoires par la mise en place d’un dispositif de veille active. Certains de ces quartiers ont été inclus dans des contrats de ville, mais pas tous. Par ailleurs, certains autres contrats de ville ont identifié de nouveaux quartiers qui n’étaient pas intégrés, mais dont la situation sociale ou économique paraissait malheureusement suffisamment dégradée pour justifier une veille active d’un autre type afin qu’ils ne deviennent pas de futurs quartiers prioritaires.
Il semble que ces quartiers aient du mal à bénéficier des moyens de droit commun alors qu’ils ne peuvent évidemment plus accéder aux moyens de la politique de la ville. Je dirai, si vous me permettez cette expression, que c’est « le double effet Kiss Cool ». Ces quartiers peuvent se retrouver dans une situation extrêmement difficile et qui se dégrade.
Ma question porte sur la politique de veille active. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour éviter de nouveaux décrochages de ces quartiers ? Un suivi plus attentif, avec des indicateurs sociaux pertinents, permettant de mettre en œuvre des aides ciblées, ne pourrait-il pas être mis en œuvre ? Il nous semble extrêmement important d’éviter de nous retrouver dans quelques années dans des situations dégradées susceptibles de provoquer de nouvelles difficultés.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, je connais la situation des quartiers de veille active, car j’en ai un dans ma ville.
Mme Sophie Taillé-Polian. Moi aussi !
M. Jacques Mézard, ministre. La politique du Gouvernement sur ce sujet n’a pas changé par rapport à ce qui a été mis en place par la loi Lamy et à ce qui a été fait au cours des deux ou trois dernières années. Un processus de collaboration entre les collectivités locales et l’État a été mis en place. Les difficultés des quartiers que vous suivez particulièrement doivent évidemment être traitées en collaboration et en concertation avec les services déconcentrés de l’État. En tout cas, il n’y a pas, bien sûr, de volonté de ne pas veiller de manière attentive à ces quartiers.
Si certains d’entre eux ne relèvent plus du dispositif de veille active, c’est parce que des ministères précédents ont considéré qu’ils n’avaient plus vocation à en faire partie. Il serait désagréable en effet qu’ils y reviennent. Ce n’est vraiment pas le but du jeu.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour la réplique.
Mme Sophie Taillé-Polian. Vous avez dit voilà quelques instants à notre collègue le sénateur Corbisez que l’on ne pouvait pas revoir la géographie prioritaire, que cette révision était prévue en 2020. En revanche, monsieur le ministre, vous avez les moyens de mettre en œuvre de manière plus forte la politique de veille active. Cela relève de votre responsabilité !
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour le groupe Les Républicains.
Mme Fabienne Keller. Monsieur le ministre, j’évoquerai la question de l’emploi. Le travail est bien sûr un élément très important dans le parcours de vie des personnes habitant les quartiers fragiles. À cet égard, vous allez certainement nous présenter votre projet d’emplois francs, qui est une belle idée, tout à fait intéressante.
Les activités dans les quartiers relevant de la politique de la ville assurent la présence de commerces, d’artisans, d’entreprises, cette exemplarité du travail au cœur des quartiers sensibles. C’est un objectif poursuivi depuis de longues années par les zones franches urbaines, qui sont l’objet, monsieur le ministre, de ma question.
Je tiens d’ailleurs à témoigner ici de leur efficacité, contrairement à ce qui a pu être dit, notamment lorsqu’elles sont associées à la rénovation urbaine, à un programme d’aménagement permettant l’installation des entreprises dans de bonnes conditions de sécurité, d’organisation et d’efficacité. Cela a été le cas en particulier au Neuhof, ce quartier très fragile de France, où plusieurs zones artisanales ont été installées.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer le maintien des zones franches urbaines ? Comme vous le savez, la visibilité et la stabilité de ces dispositifs est essentielle à leur efficacité.
Par ailleurs, est-il envisageable d’abaisser le seuil à partir duquel une réduction de l’impôt sur les sociétés ou d’impôt sur le revenu est possible ? Aujourd’hui, les entreprises installées en zone franche doivent recruter une personne sur deux dans les quartiers de politique de la ville pour bénéficier de cette réduction. Ne peut-on pas abaisser ce seuil à une personne sur trois afin que plus d’entreprises soient créées dans ces quartiers ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Fabienne Keller, j’entends vos réflexions sur les zones franches urbaines, mais force est de constater que tout le monde ne partage pas votre avis. Il m’est ainsi arrivé d’entendre parler d’entreprises « boîtes aux lettres » dans ces zones.
Cela étant dit, je pense que le dispositif a globalement porté ses fruits, à en croire Bercy, puisque les exonérations fiscales se sont tout de même élevées à 234 millions d’euros en 2016, ce qui n’est pas neutre. On peut donc considérer aujourd’hui que le bilan global est assez positif. Pour l’heure, il n’entre pas dans nos intentions de revenir fortement sur ce dispositif, si c’est la question que vous me posiez.
Favoriser l’emploi des habitants de ces quartiers dans le cadre des dispositifs existants ou que nous allons mettre en place est bien sûr une priorité. C’est l’un des enjeux fondamentaux de la politique de la ville dans les quartiers prioritaires.
Comme je l’ai déjà indiqué, nous allons créer 20 000 emplois francs en 2018, l’objectif étant qu’ils soient réellement créés. Les moyens seront là, mais il faut arriver, pour éviter certains échecs antérieurs, à mettre en place un dispositif permettant la création de ces 20 000 emplois francs. J’ai dit qu’il s’agissait d’une expérimentation, mais elle a vocation à être développée en fonction du bilan que nous en tirerons.
Je partage vos préoccupations, madame la sénatrice, et je sais le soin que vous apportez à ce dossier.
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour la réplique.
Mme Fabienne Keller. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
J’insiste sur la complémentarité pour les jeunes entre les emplois francs et les zones franches urbaines. Il s’agit de leur permettre d’effectuer des stages et de trouver du travail au cœur des quartiers sensibles.
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Patrick Kanner. Monsieur le ministre, la rénovation urbaine et le renforcement de l’article 55 de la fameuse loi SRU, qui impose la construction de logements sociaux, sont les deux facettes d’une même problématique au service de la solidarité et du renouvellement urbain. Pour lutter contre les ghettos, l’enfermement, il est nécessaire d’avoir un rythme de construction de logements sociaux partout dans notre pays. La loi SRU sert à cela.
Il y a deux semaines, le délégué interministériel à la mixité sociale dans l’habitat, M. Thierry Repentin, vous a remis un rapport extrêmement intéressant sur l’application de la loi SRU. Si, dans son rapport, le délégué interministériel encourage à poursuivre le travail engagé avec succès lors du précédent quinquennat, il émet aussi plusieurs recommandations.
Ainsi la commission nationale SRU relève-t-elle que 523 communes n’ont pas respecté leurs engagements. Ce chiffre est en forte hausse, cette hausse étant liée aussi aux nouvelles conditions de mise en œuvre de la loi SRU.
Parmi les communes pouvant être sanctionnées, les préfets ont proposé de n’en carencer cette fois-ci que 36 % sur la période 2014–2016, alors que la proportion était de 56 % sur 2011–2013, seul bilan réalisé pendant le quinquennat précédent.
Le constat est le même s’agissant de l’utilisation des moyens mis à disposition des préfets : la commission est contrainte de constater que le niveau et la nature des sanctions envisagées contre les communes proposées à la carence ne correspondent pas à l’éventail à disposition des préfets. Enfin, elle établit des disparités régionales très fortes, les majorations d’amendes variant du simple au triple en fonction des régions.
Monsieur le ministre, je connais votre engagement sur le sujet. Quelles suites allez-vous donner à ce rapport, s’agissant notamment du renforcement des moyens mis à disposition des préfets ? Vous avez écrit à ces mêmes préfets afin que leur action puisse être développée. Nous souhaitons être rassurés sur cette volonté politique qui va dans le sens de la solidarité territoriale. (Mme Sophie Taillé-Polian applaudit.)