M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après cinq jours de débats très denses sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, nous avons la confirmation que notre système de protection sociale fait l’objet d’une véritable destruction de la part du Gouvernement. L’équipe Philippe-Macron amplifie les choix antérieurs, dont on a pourtant pu constater les effets désastreux, de la loi HPST à la loi Touraine.
Durant cette semaine, ce sont en réalité deux visions de l’avenir de notre système de sécurité sociale qui se sont affrontées, voire deux projets de société diamétralement opposés.
La vision, que vous avez présentée, madame la ministre, avec « tact et mesure », pour plagier les termes de l’article du code de la santé publique censé lutter contre les dépassements d’honoraires – dispositions notoirement insuffisantes –, consiste à transformer la sécurité sociale en un système étatique et fiscalisé qui prendrait en charge uniquement les prestations sociales des plus précaires : les familles monoparentales, les privés d’emploi, ou encore les retraités les plus fragiles.
Les autres n’auront d’autre choix que de recourir à un système assuranciel qui les protégera en fonction de ce qu’ils peuvent payer. On est loin du principe : « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins. » Ce projet de privatisation de la santé rejoint totalement celui de la droite.
Notre vision est aux antipodes de ces choix : nous défendons un système de protection sociale pour toutes et tous. Certes, il doit évoluer, mais il faut continuer à le faire reposer sur ses principes fondateurs : la solidarité, l’universalité des prestations, la gestion démocratique et le financement par la cotisation sociale.
Dans ce projet de loi, vous raisonnez en termes de restrictions budgétaires, donc, malgré votre refus de le reconnaître, d’affaiblissement du service public de santé.
Ainsi, madame la ministre, lorsque je suis intervenue pour dénoncer le niveau de l’ONDAM hospitalier, fixé à 2,3 % pour 2018, et jusqu’en 2020, soit un manque à gagner de 4 milliards d’euros par an, vous m’ave z répondu : « Le système dysfonctionne, non par manque d’argent, mais parce que nous n’avons pas fait les réformes nécessaires. Je souhaite un changement de philosophie. Je vous propose une réforme de fond qui réduira la gabegie et concentrera les dépenses sur les soins utiles. » Malheureusement, contrairement à ce qu’a dit mon collègue, il n’y a pas de consensus : le groupe CRCE, et lui seul, a voté contre cet ONDAM.
Nous accueillons aujourd’hui, dans les tribunes de notre hémicycle, des femmes et des hommes qui travaillent au quotidien à l’hôpital avec des moyens en baisse ; ils jugeront ! Malgré votre refus de voir la réalité en face, madame la ministre, ils vous diront qu’ils subissent le non-remplacement des départs à la retraite et les fermetures des services.
Ainsi, au CHU Henri-Mondor de Créteil, de lourdes menaces pèsent sur les services de chirurgie cardiaque et hépatique, six ans après une lutte emblématique qui avait permis de sauver le premier. Ces personnels soignants, toutes catégories confondues, sont en souffrance, car on leur demande de faire toujours plus avec moins !
Ils subissent les suppressions de lits, la vétusté du matériel, la pression hiérarchique des gestionnaires, qui suppriment les 35 heures, la réduction du nombre des jours de réduction du temps de travail – les jours de RTT. C’est vrai sur tout le territoire, des hôpitaux de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l’AP-HP, à l’hôpital de Bastia, en Corse. Vous dites qu’il faut réduire la « gabegie » quand ces agents parlent de « pénurie ». Là encore, ils apprécieront vos propos !
Refuser obstinément d’aller chercher des recettes nouvelles, notamment en mettant un terme aux exonérations de cotisations patronales et en taxant la finance, c’est ne pas créer les conditions pour désengorger les urgences, ne pas desserrer l’étau asphyxiant les hôpitaux, ne pas revitaliser et améliorer la psychiatrie de secteur, ne pas lutter contre les renoncements aux soins, ne pas combattre les déserts médicaux, ne pas garantir le suivi des personnes en perte d’autonomie, ne pas assurer un maillage territorial comprenant, pour le moins, un hôpital public de proximité, une maternité, un établissement médico-social, un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD, et un centre de santé par bassin de vie.
Madame la ministre, pourquoi n’êtes-vous pas aussi sévère avec les entreprises, qui bénéficieront en 2019 du versement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, ou CICE, dû au titre de 2018 et des réductions de cotisations pour environ 25 milliards d’euros ? Ne pensez-vous pas que le terme « gabegie » est plus approprié ici ?
Vous menez une politique des « deux poids, deux mesures ». Aucun article de ce PLFSS n’est consacré aux moyens de combattre la fraude patronale, qui s’élève pourtant à 20 milliards d'euros, tandis que vous traquez la fraude sociale sans commune mesure. Le Défenseur des droits a d’ailleurs mis en garde sur ce qui serait des erreurs de déclaration, plus que des volontés intentionnelles de fraude.
Tandis que vous justifiez la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune pour les 100 foyers les plus riches, soit une perte de 3,4 milliards d’euros pour satisfaire les biens communs, vous vous acharnez sur les salariés et les retraités, en augmentant la contribution sociale généralisée, la CSG, de 1,7 %.
Nos amendements, conjugués à d’autres, ont permis de limiter un peu cette injustice. Ainsi, la Haute Assemblée, bien qu’elle n’ait hélas pas voté sa suppression, a tout de même rejeté la hausse de la CSG sur les pensions de retraite et d’invalidité, pour les personnes dédommagées au titre de la prestation de compensation du handicap et pour les artistes auteurs.
Malheureusement, ces avancées, ainsi que les reculs que nous avons évités sur les articles portant sur la politique familiale risquent d’être balayés à l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, comment ne pas regretter que la généralisation du tiers payant soit remise à plus tard ou que vous n’ayez pas entendu, madame la ministre, les nombreux Français qui auraient préféré un débat plus approfondi sur les conditions de l’extension vaccinale avant d’être mis devant le fait accompli ?
Enfin, nous serons très vigilants, dans les mois à venir, sur les engagements que vous avez pris concernant la limitation des prix des médicaments.
Mes chers collègues, en 2017, il n’est pas utopique, pour permettre une prise en charge à 100 % de tous les soins pour toutes et tous, de vouloir mettre à contribution le capital… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Oui, mes chers collègues, le capital !
M. Jean Bizet. Le grand capital !
Mme Laurence Cohen. Il n’est pas utopique non plus de répondre aux besoins de santé de nos concitoyens, comme nous l’avons démontré avec mon collègue Dominique Watrin tout au long de ces débats.
Toutefois, ni le gouvernement Philippe-Macron ni la droite sénatoriale – on l’entend avec le brouhaha qui règne dans l’hémicycle – n’en ont la volonté politique.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour le groupe Union Centriste.
J’en profite pour le remercier du travail qu’il a mené, en qualité de rapporteur général de la commission des affaires sociales, au côté du président Alain Milon. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après les débats le plus souvent constructifs du premier PLFSS du quinquennat (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) – j’ai assisté à tous les travaux de la semaine et puis donc vous le certifier, mes chers collègues –, plusieurs remerciements s’imposent.
Ils vont tout d’abord à mes collègues rapporteurs et aux administrateurs pour leur travail de préparation, ainsi qu’à M. le président de la commission, Alain Milon. Néanmoins, je vous en adresse aussi, madame la ministre, pour votre disponibilité et votre écoute, deux qualités essentielles pour conduire vos missions avec votre autorité bienveillante.
M. Philippe Bas. Fayot ! (Rires.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Non, je dis très simplement ce que tout le monde a ressenti lors de ces débats, indépendamment, d’ailleurs, de la place occupée dans l’hémicycle. (M. Philippe Bas fait un signe d’excuse.)
Enfin, je remercie évidemment l’ensemble de mes collègues présents d’avoir abordé, la semaine dernière, des sujets souvent passionnants, mais qui appellent des réponses très techniques.
Dans sa majorité, madame la ministre, le groupe Union Centriste du Sénat a reçu votre projet de loi avec un a priori positif. En effet, nous nous retrouvons en grande partie dans la vision de la politique sociale que vous comptez mener tout au long de ce quinquennat. Nous soutenons l’impératif d’équilibre des comptes sociaux, avec un ONDAM maîtrisé et, surtout, les objectifs et la méthode pour y parvenir. Ceux-ci tiennent en quelques mots : pertinence des actes, prévention et innovation. J’y ajouterai la révision de la tarification à l’acte à l’hôpital.
Le plan de lutte contre les déserts médicaux et l’attention que vous portez aux enfants et aux publics les plus fragiles, avec l’augmentation de l’allocation aux adultes handicapés – l’AAH – et du minimum vieillesse, sont ici partagés par tous.
L’approbation que nous apportons à votre politique générale trouve néanmoins ses limites avec l’article 7. Le Sénat dans sa grande majorité et notre groupe en particulier se sont opposés à la taxe additionnelle à la CSG pour les pensions des retraités supérieures au SMIC.
En effet, si nous souscrivons à la politique et à la philosophie générale de l’article consistant à redonner du pouvoir d’achat aux actifs, sa mise en œuvre apparaît très complexe et la participation des retraités ne nous semble pas opportune. En tout cas, elle est plutôt perçue comme injuste par les retraités eux-mêmes.
Plusieurs solutions de substitution ont été envisagées. Le groupe centriste avait notamment proposé de la remplacer par une légère hausse de la TVA, ce qui aurait permis de faire contribuer les consommateurs étrangers au financement de notre système de protection sociale. Pour ma part, je regrette que l’on ait laissé passer l’occasion de faire converger le taux normal de CSG applicable aux actifs et aux retraités pour un même niveau de revenus, bien sûr en exonérant les pensions de la taxe additionnelle.
Au-delà de cette question, madame la ministre, il faut poursuivre la réflexion sur la diversification des sources de financement de la sécurité sociale, car nous ne pourrons pas éternellement augmenter la CSG ou baisser les cotisations sociales.
Nous avons également supprimé, sur l’initiative de notre collègue rapporteur Élisabeth Doineau, l’article 26 relatif à la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE.
Par la suppression de cette mesure, qui ne revêtait aucun caractère d’urgence, nous avons souhaité en appeler à une réflexion d’ensemble sur la politique familiale de notre pays.
Le principe d’universalité a été remis en cause par votre prédécesseur, madame la ministre. Vous avez souhaité engager une réflexion sur la politique familiale : nous en attendons les fruits avec impatience.
Nous avons supprimé deux mesures, certes parmi les plus emblématiques, de votre PLFSS, mais nous regrettons aussi les votes négatifs du Sénat survenus, contre l’avis des rapporteurs et de la commission, sur certaines dispositions des articles 7 et 8.
Nous avons soutenu l’article 8 et, à cet article, les mesures de transformation du CICE en diminution des charges sociales en faveur des entreprises. Ces dernières pourront ainsi renouer durablement avec la compétitivité.
Nous vous avons également soutenue, madame la ministre, dans votre projet de supprimer le régime social des indépendants, le RSI, qui avait perdu la confiance des assurés depuis ses débuts, il faut le dire, chaotiques.
Toutefois, le Gouvernement n’a pas le droit à l’erreur et nous vous remercions d’avoir accepté plusieurs amendements pour garantir un portage politique fort en la matière et un pilotage efficace pour que cette réforme offre de meilleures conditions de recouvrement, notamment aux assurés.
Enfin, je voudrais de nouveau affirmer notre soutien sur trois axes de votre projet de loi : la prévention, l’encouragement des innovations et la pertinence des actes.
La prévention est essentielle, car elle permet d’éviter de nombreuses pathologies chroniques et, parfois, des épidémies. C’est ainsi que nous avons soutenu l’obligation de vaccination. Nous vous invitons surtout à renforcer la médecine scolaire, qui est dans une situation alarmante.
L’innovation est au cœur de votre politique : en matière d’organisation des soins, avec la promotion de la télémédecine, par exemple, ou pour lutter contre les déserts médicaux. Pour éviter les 30 % d’actes inutiles ou redondants que vous dénoncez, il faut espérer que cette année verra la mise en œuvre du dossier médical personnel, le DMP, permettant aux acteurs de terrain de proposer les soins les plus pertinents et les plus économiques.
Madame la ministre, mes chers collègues, la situation des finances sociales de notre pays s’améliore, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Je vous rappelle que la dette se situe toujours à un niveau très important, dépassant les 150 milliards d'euros, malgré la qualité de la gestion de la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, et du Fonds de réserve pour les retraites, le FRR.
Le Gouvernement ouvre de nombreux chantiers : stratégie nationale de santé, lutte contre les déserts médicaux, politique familiale et réforme systémique des retraites – celle-ci devra rassurer les 40 % des Français qui craignent de ne pas percevoir à l’avenir de retraite. Notre groupe sera un partenaire exigeant. Nous vous soutiendrons de manière constructive, si la concertation avec le Parlement s’affirme encore plus.
Le présent PLFSS, premier chapitre de cette relation, en est une bonne illustration et un bon gage pour l’avenir. Par conséquent, le groupe Union Centriste le votera, dans sa version modifiée par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, quel regard le groupe socialiste et républicain porte-t-il sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, à l’issue d’une semaine de débats où des visions bien différentes de l’avenir de notre protection sociale se sont dessinées ? Un regard contrasté, mêlant satisfaction, déception et interrogation.
Nous sommes effectivement satisfaits quand le Sénat supprime la hausse de 1,7 point de la CSG applicable aux retraités – nous avions déposé un amendement identique à celui qui a été adopté –, mais aussi quand les personnes dédommagées au titre de la prestation de compensation du handicap sont exonérées et qu’une compensation de cette hausse de CSG est mise en place pour les artistes auteurs.
Notre satisfaction est grande, encore, quand le Sénat réaffecte les ressources de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, majorant ainsi la part de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, attribuée au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA.
Dans la troisième partie du projet de loi, relative aux recettes, nous nous félicitons de décisions obtenues, soit avec notre appui, soit sur notre initiative.
Je citerai la fin de l’inégalité de traitement devant les charges sociales des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, pour les tâches effectuées au domicile de personnes âgées ou en situation de handicap ; la possibilité de rendre cumulable le dispositif d’année blanche avec le dispositif d’exonérations partielles applicables aux jeunes agriculteurs ; l’offre « service emploi association » accessible aux entreprises de moins de 20 salariés ; l’exonération de la taxe sur les véhicules de société pour les véhicules fonctionnant au superéthanol E85 ; l’exclusion des médicaments génériques – c’est un point important – de la taxe sur le chiffre d’affaires des grossistes répartiteurs.
Je mentionnerai enfin plusieurs points déterminants dans la quatrième partie relative aux dépenses : la suppression de la baisse de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, qui avait été envisagée par alignement du montant et des plafonds de ressources de l’allocation de base sur ceux du complément familial ; la réforme de la tarification de la dialyse, très attendue par les personnes concernées, à travers un forfait unique, adapté au profil de chaque patient, dispositif qui permettra le développement de la dialyse à domicile ; la suppression du dispositif d’ajustement à la baisse, au-delà d’un plafond de dépenses, des prix et tarifs des dispositifs médicaux et des prestations associées ; le rejet d’un amendement de la majorité sénatoriale visant à supprimer le pécule constitué par le cumul des allocations de rentrée scolaire des enfants confiés aux services d’aide sociale à l’enfance.
En revanche, je voudrais revenir sur quatre motifs de déception et de vive opposition à travers des rejets d’amendements.
Tout d’abord, le tiers payant généralisé, devenu généralisable. C’était, madame la ministre, un signe fort adressé aux familles ayant des revenus modestes, un instrument facilitant l’accès aux soins, déjà en place dans de nombreux pays européens. Nous serons attentifs au suivi du rapport qui sera remis en mars prochain.
Parmi ces sujets de déception ou d’opposition, figurent aussi la revalorisation du niveau minimum des pensions de retraite des exploitants agricoles, le report de la date de revalorisation des pensions de retraite du 1er octobre au 1er janvier, l’abaissement de 30 % à 20 % du taux des cotisations patronales sur la distribution d’actions gratuites par les grandes entreprises.
Nous confirmons, madame la ministre, notre soutien à l’ensemble des mesures de prévention. S’agissant de la forte augmentation du prix du tabac, elle exigera, dans le même temps, une lutte déterminée contre la contrebande et les contrefaçons. En ce qui concerne la taxe sur les boissons sucrées, nous avons compris que des négociations étaient encore en cours avec les fabricants. À ces mesures, s’ajoutent la consultation gratuite de prévention du cancer pour les femmes âgées de 25 ans et l’obligation vaccinale portée à 11 vaccins, que nous approuvons.
Nous confirmons aussi notre appui attentif aux mesures d’expérimentations organisationnelles et à l’inscription de la téléconsultation et de la télé-expertise dans le champ ordinaire de l’assurance maladie.
Enfin, le caractère universel de notre protection sociale, confirmé en 2016 avec la protection universelle maladie, est accentué par la disparition du RSI.
J’en viens à deux motifs d’inquiétude, mes chers collègues : l’hôpital et les autorisations temporaires d’utilisation – les ATU.
Tout d'abord, il y a urgence à redonner du sens et des moyens à l’hôpital public, réorganisé dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire, les GHT, et dont le forfait hospitalier est porté à 20 euros : vous avez affirmé – à plusieurs reprises, je crois – que l’hôpital n’était pas une entreprise, madame la ministre. Dix-huit ans après la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la loi HPST, toutes les conséquences doivent en être tirées en matière de gouvernance, modes de rémunération, liens avec la ville, organisation des urgences et financement des investissements.
Ensuite, il existe un risque de déstabilisation de notre système des ATU, qui est pourtant envié dans le monde entier, car il permet un accès rapide des malades aux médicaments en innovation de rupture. Madame la ministre, nous suivrons, avec beaucoup d’attention, votre prise en main de ce dossier.
Mes chers collègues, nous ne sommes ni dans la majorité présidentielle ni dans la majorité sénatoriale ; notre jugement ouvert sur les propositions formulées nous conduira à nous abstenir sur le vote final de ce projet de loi.
Ce projet de loi de financement n’est pas un acte isolé. Il doit être lu en miroir avec d’autres décisions ou positionnements. J’ai en tête, d’un côté, les déclarations radicales du président de Goldman Sachs, de l’autre, un étonnant rapport récent du FMI, que je vous invite à lire, mes chers collègues, ou encore un communiqué du Défenseur des droits, tirant la sonnette d’alarme sur la situation des enfants vulnérables et l’urgence d’un plan de lutte contre la pauvreté.
Entre le libéralisme ultime, qui ignore la dimension humaine, et un pays refermé sur lui-même, nous croyons fortement qu’il existe un espace politique pour affronter les réalités d’un monde global, en gardant les fondations de solidarité, de justice sociale et de lutte contre les inégalités. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, notre assemblée se réunit aujourd’hui pour donner un avis final sur l’ensemble du PLFSS pour 2018, au travers duquel sont proposées la maîtrise des dépenses de sécurité sociale, la mise en place d’innovations et d’expérimentations pour la résorption des déserts médicaux, enfin l’anticipation des transformations techniques et numériques de la santé.
Notre groupe soutient les objectifs de renforcement de l’accompagnement des plus fragiles et de retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale en 2020 et de la CADES en 2024.
Le Gouvernement envisage un effort de limitation de l’augmentation des dépenses de sécurité sociale à 2,1 % pour l’année prochaine, avec une diminution du déficit global à 2,2 milliards d'euros, contre 5,2 milliards d'euros en 2017. C’est une première étape sur la route d’un équilibre des comptes en 2020, et vous avez, madame la ministre, notre entier soutien dans cette démarche.
L’article 7 porte sur l’allégement – 3,5 points – des cotisations sociales des salariés : c’est une véritable mesure en faveur du pouvoir d’achat !
En contrepartie, une hausse de 1,7 point de la CSG est prévue. Notre groupe a souhaité proposer un amendement tendant à réduire la hausse de la CSG sur les pensions de retraite à 1,2 point. Cette mesure avait un coût – 1,3 milliard d'euros –, mais nous est apparue comme un entre-deux raisonnable, un juste équilibre entre l’effort demandé par le Gouvernement et l’amendement tendant à abroger cette hausse de CSG sur les pensions de retraite, avec une perte de recette de 4,5 milliards d'euros qui, d’après nous, créerait des difficultés pour l’équilibre financier du texte.
Deux propositions de cet article 7 vont dans le bon sens : l’exclusion de la hausse de la CSG pour les personnes qui perçoivent la PCH et la suppression du remplacement du taux de cotisation maladie des exploitants agricoles par un taux progressif en fonction du revenu.
L’article 8, relatif au soutien aux entreprises, transforme le CICE et le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, le CITS, en un allégement pérenne des charges patronales, dans la limite de 2,6 SMIC.
Nous avons soutenu la proposition d’autoriser les EPCI à bénéficier de l’exonération des charges sociales en contrepartie du travail au domicile des personnes âgées et handicapées. Nous avons aussi soutenu les exonérations des cotisations sociales des vendangeurs.
Nous avons voté en faveur de la fusion de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, et de la contribution supplémentaire à la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C4S, ainsi qu’en faveur de l’extension du dispositif chèque emploi service universel, le CESU, de la mise en place d’une année blanche pour tous les créateurs d’entreprises, du doublement du plafond des microentreprises ou de l’adossement du RSI au régime général. Toutes ces mesures nous semblent favorables aux entreprises.
Après l’article 9 du projet de loi, nous soutenons la mesure visant à exonérer partiellement de cotisations vieillesse les médecins retraités exerçant en zone sous-dense et, ainsi, à lutter contre les déserts médicaux.
Nous soutenons également les mesures de prévention du cancer du sein, cancer colorectal et cancer de l’utérus. Notre amendement relatif à la prévention du cancer de la prostate n’a pas été voté.
À l’article 12, portant sur l’augmentation des droits de consommation applicables au tabac, nous avons appuyé la mesure proposée par le Gouvernement. Néanmoins, nous nous inquiétons des effets d’une telle mesure sur les ventes parallèles et sur la situation des buralistes. Nous attirons donc l’attention du Gouvernement sur une hausse des droits prélevés sur les ventes de produits de la Française des jeux, afin de soutenir la profession.
À l’article 13, nous souhaitons saluer la mise en place de 11 vaccins obligatoires. C’est une mesure courageuse et importante pour la protection individuelle et collective.
Ainsi, mes chers collègues, la poliomyélite, qui faisait encore 4 000 morts en 1957, a été complètement jugulée par une vaccination à près de 100 %. Mais la couverture vaccinale dans le cas d’autres infections est encore insuffisante pour une protection collective. Je rappelle la gravité de la coqueluche chez le nouveau-né : dix morts ont été recensés en 2015. Nous soutenons donc totalement cette initiative.
La suppression du tiers payant était évidente, sauf pour les personnes en affections de longue durée – ALD –, les bénéficiaires de la couverture maladie universelle – la CMU – et les femmes enceintes. Actuellement, un tel dispositif est effectivement complètement inapplicable.
À l’article 13, nous sommes d’accord avec la nouvelle fiscalité sur les boissons sucrées.
Quant à la politique familiale, nous avons été sensibles à la proposition faite à l’article 25 de majorer le complément du mode de garde de 30 % pour les familles monoparentales et nous avons voté, par la suite, l’amendement de Mme Élisabeth Doineau tendant à conserver le statu quo de 2017.
Concernant l’allocation aux adultes handicapés et l’augmentation du minimum vieillesse, nous sommes bien sûr en phase avec les mesures adoptées.
Nous soutenons aussi les mesures portant sur la branche médico-sociale – personnes âgées et personnes handicapées –, dont le quatrième plan autisme.
Notre groupe a étudié avec intérêt les propositions d’expérimentations pour l’innovation de notre système de santé. Nous fondons beaucoup d’espoirs sur l’article 35, qui prévoit une série d’expérimentations pour l’hôpital, notamment les relations ville-hôpital, mais aussi pour nos territoires – projet de présence médicale accrue et pérenne, coconstruction avec les acteurs de terrain, consultations avancées en maison de santé, médecins spécialistes et médecins partagés, téléconsultation.
Comme vous, madame la ministre, nous ne souhaitons pas de coercition pour les jeunes médecins. Mais l’État doit avoir un objectif : un médecin à plein-temps ou à temps partiel dans chaque maison de santé. C’est un enjeu de santé publique et de viabilité de nos territoires ruraux !
Notre souhait porte donc aussi sur la mise en place d’un internat par faculté, le maintien de tous les centres hospitaliers universitaires, les CHU, et l’augmentation du numerus clausus.
Les propositions du Gouvernement vont dans le bon sens. Nous avons voté en faveur de la dernière partie du texte, relative aux nouvelles dépenses de sécurité sociale pour 2018. Néanmoins, la suppression pure et simple de la hausse de la CSG sur les pensions de retraite, représentant un manque à gagner de 4,5 milliards d'euros, peut entraîner des difficultés quant à l’équilibre du PLFSS et du PLF.
Notre groupe proposait une solution intermédiaire pour éviter cette impasse financière et nous espérons que la commission mixte paritaire permettra de conclure un accord équilibré entre la nécessaire maîtrise des dépenses publiques et le souci de moduler la charge des retraités dans le cadre de leur participation à l’effort de redressement des comptes publics.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra à l’unanimité pour le vote final de ce PLFSS. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)