M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l'amendement n° 323 rectifié.
M. Yves Daudigny. Je redis que je soutiens cet article, comme le précédent.
Ainsi que nos collègues l’ont fort bien expliqué, intégrer dans le droit commun les actes de télémédecine et de téléconsultation est une excellente option, qui, certainement, ouvrira la voie à un développement considérable de ces activités.
Sans doute ce développement appellera-t-il un certain nombre d’observations, comme celle présentée il y a quelques instants par M. le président de la commission des affaires sociales. Le débat est ouvert entre le rôle de l’assurance maladie et celui des organismes complémentaires. Il faut remonter dans notre histoire récente pour comprendre pourquoi, aujourd’hui, nous sommes en présence d’une dualité aussi marquée dont a témoigné la création de l’Union des organismes complémentaires d’assurance maladie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. L’article 36 renvoie à la négociation conventionnelle classique le soin de définir les tarifs et les modalités des actes de télémédecine ; le directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés y avait insisté lors de son audition par notre commission.
Il semble qu’il n’y ait pas lieu de prévoir, à ce stade, des modalités dérogatoires à la fixation des autres tarifs conventionnels.
Les auteurs des amendements s’inspirent du modèle de la commission créée pour les équipements matériels lourds. Il y avait en effet des enjeux particuliers pour les établissements exploitant ces appareils.
S’agissant de la télémédecine, il sera important d’associer l’ensemble des acteurs en ville et à l’hôpital ; c’est l’idée qui sous-tend les amendements, sur lesquels la commission a souhaité connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Intégrer la télémédecine dans le droit commun était une demande générale pour permettre son déploiement rapide. Il y a donc une forme de contradiction à vouloir créer une commission qui ralentirait les procédures d’inscription dans le droit commun.
L’article 36 prévoit que les modalités des actes de télémédecine seront discutées dans le cadre conventionnel, comme celles de tout acte médical. Cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas une réflexion avec les établissements de santé sur la manière dont ils s’intégreront dans le dispositif. D’autres méthodes existent pour cela : la tarification forfaitaire et la tarification au parcours permettront d’intégrer progressivement d’autres acteurs que la médecine libérale, qui fait l’objet de la négociation conventionnelle.
Pour ces raisons, je suggère aux auteurs des amendements de les retirer. Le Gouvernement y sera défavorable s’ils sont maintenus, parce que nous ne souhaitons absolument pas ralentir le processus actuel. Étant entendu que, bien entendu, nous discuterons avec les établissements et tous les autres acteurs pour préparer leur intégration progressive aux dispositifs de télémédecine et de téléexpertise.
M. le président. Monsieur Dériot, l'amendement n° 13 rectifié quinquies est-il maintenu ?
M. Gérard Dériot. Que, dans un premier temps, les règles soient fixées à l’intérieur de la convention signée avec les médecins, comme Mme la ministre l’a expliqué, cela se comprend tout à fait. Considérons qu’il s’agissait d’un amendement d’appel : il ne faudra pas, ensuite, oublier les autres professions médicales, infirmières et, bien entendu, pharmaciens…
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Ah bon ?
M. Gérard Dériot. Voyez combien vous êtes de médecins dans cet hémicycle et combien nous sommes, nous pharmaciens : il faut bien que mes confrères et moi-même défendions notre profession ! (Sourires.) Imaginez, chers collègues, que vous n’ayez pas le réseau des pharmaciens sur l’ensemble du territoire : il y aurait certainement d’autres problèmes. Je vous le dis fort de vingt-cinq ans d’activité pharmaceutique, comme pharmacien d’officine et pharmacien biologiste.
Madame la ministre, n’oublions pas, dans un second temps, d’associer les pharmaciens et les autres professions médicales !
M. le président. Il me semble, mon cher collègue, que vous n’avez pas répondu à ma question…
M. Gérard Dériot. Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 13 rectifié quinquies est retiré.
Monsieur Daudigny, l’amendement n° 323 rectifié est-il maintenu ?
M. Yves Daudigny. Je suis très sensible à l’argument de Mme la ministre : il ne faut pas ralentir la mise en œuvre du dispositif, que nous attendions avec une grande impatience et dont nous saluons l’instauration. Je retire donc mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 323 rectifié est retiré.
Madame Delmont-Koropoulis, l’amendement n° 242 rectifié quater est-il maintenu ?
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 242 rectifié quater est retiré.
L'amendement n° 597, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le 10° de l’article L. 162-16-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … Les modalités de participation des pharmaciens à l’activité de télémédecine définie à l’article L. 6316-1 du code de la santé publique. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. L’article 36 habilite les partenaires conventionnels à négocier avec l’Union nationale des caisses d’assurance maladie les modalités de réalisation et de tarification des actes de téléconsultation et de téléexpertise, tels que définis à l’article L. 6361-1 du code de la santé publique.
L’activité de télémédecine implique nécessairement une profession médicale. C’est pourquoi des négociations seront très prochainement ouvertes entre l’assurance maladie et les syndicats de médecins, pour intégrer la télémédecine dans la convention médicale.
Dans un second temps, d’autres professions, médicales ou non, seront amenées à participer au développement de la télémédecine, notamment pour organiser l’accès des patients aux soins médicaux à distance. Aussi le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit-il d’emblée une habilitation large, impliquant l’ensemble des professions conventionnées.
La convention des pharmaciens n’était toutefois pas incluse dans cet ensemble. Il faut donc rectifier le texte pour inclure les pharmaciens.
M. Gérard Dériot. Merci, madame la ministre !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Comme je l’ai indiqué en demandant à Mme Morhet-Richaud de retirer son amendement, la commission n’a pas pu examiner cet amendement du Gouvernement. Il vise à réparer l’oubli des pharmaciens à l’article 36.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 231, présenté par MM. Morisset et Mouiller, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 18
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Marie Morisset.
M. Jean-Marie Morisset. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 met fin au caractère expérimental de la télémédecine et la généralise pour partie en confiant aux partenaires conventionnels le soin de déterminer les conditions de réalisation et de tarification des actes de téléconsultation et de téléexpertise.
Si l’objectif est de prévenir les hospitalisations et les transports, de faciliter la coordination entre professionnels de santé et d’améliorer l’accès aux soins, il ne faut pas encore une expérimentation de quatre ans pour inclure la télésurveillance ! Celle-ci aussi doit entrer maintenant dans le droit commun, afin de devenir rapidement un outil au service des médecins et de leurs patients.
M. le président. L'amendement n° 366 rectifié bis, présenté par Mmes Imbert et Morhet-Richaud, M. Morisset, Mme Gruny, MM. de Legge, Pillet, Mandelli, Frassa et Paul, Mmes Berthet et Garriaud-Maylam, M. Pellevat, Mme Micouleau, MM. Poniatowski, Buffet, Pierre, Vial, Gremillet et D. Laurent, Mme Deromedi et MM. Savin et Dufaut, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
télésurveillance
insérer les mots :
et de suivi
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Les expérimentations qui pourront être menées pendant quatre ans grâce à l'article 36 ne doivent pas s’arrêter à la télésurveillance. En effet, la télémédecine doit également pouvoir permettre le suivi du patient.
M. le président. L'amendement n° 121 rectifié, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Ces expérimentations portent sur la réalisation d'actes de télésurveillance pour des patients pris en charge en médecine de ville, en établissement de santé ou en structure médico-sociale.
II. – Alinéa 14
Remplacer les mots :
Le dixième alinéa du présent IV
par les mots :
L’alinéa précédent
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Cet amendement vise à préciser le champ des expérimentations de télésurveillance, qui doivent concerner les patients pris en charge aussi bien en ville qu’en établissement de santé ou en établissement médico-social. Il procède pour cela à une coordination rédactionnelle.
M. le président. L'amendement n° 354 rectifié ter, présenté par M. Daudigny, Mme Blondin, MM. Cabanel et Iacovelli, Mme Guillemot, MM. Todeschini et Vaugrenard, Mmes Ghali et Conconne, M. Daunis, Mmes Tocqueville et Cartron, MM. Carcenac, Houllegatte et Raynal, Mme Espagnac, MM. Duran, Lalande, Boutant et Courteau, Mmes Bonnefoy et Rossignol, MM. Sutour et Mazuir, Mme Lubin et M. Jeansannetas, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le cahier des charges relatif aux expérimentations de la télésurveillance dans le domaine de l’insuffisance rénale chronique intègre la dialyse à domicile.
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Je reviens à l’insuffisance rénale chronique, sous le rapport, cette fois, de l’article 36, qui prolonge les expérimentations sur la télésurveillance pour l’année prochaine.
Ces expérimentations portent notamment sur la télésurveillance pour la prise en charge de l'insuffisance rénale chronique, mais n’intègrent pas la dialyse péritonéale à domicile, pourtant nécessaire dans cette modalité de prise en charge du patient, qui favorise son autonomie.
L’intégration de la dialyse à domicile dans ces expérimentations paraît nécessaire pour éviter les ruptures de parcours de soins et permettre le maintien d’un lien avec le médecin hospitalier qui assure le suivi du patient et, le cas échéant, l’évolution de son mode de traitement.
M. le président. L’amendement n° 122, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 17, première et dernière phrases
Remplacer le mot :
télémédecine
par le mot :
télésurveillance
La parole est à Mme la rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune.
Mme Catherine Deroche, rapporteur. L’amendement n° 122 vise à apporter une précision rédactionnelle.
L’amendement n° 231 tend à supprimer l’expérimentation de télésurveillance.
Il est vrai qu’on pourrait être tenté de sortir, y compris pour la télésurveillance, du cadre expérimental, afin d’avancer vers une tarification de droit commun. Toutefois, ce champ paraît moins mature et pose notamment des questions assez complexes de prise en charge des dispositifs médicaux innovants, sur lesquelles nous manquons parfois encore de recul.
Paradoxalement, c’est en matière de télésurveillance que les expérimentations autorisées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 en télémédecine sont les plus avancées : plusieurs cahiers des charges ont été récemment publiés pour le suivi des patients atteints d’une insuffisance cardiaque, rénale ou respiratoire chronique, de diabète ou les porteurs de prothèse cardiaque. Cela devrait permettre d’avancer plus rapidement dans les mois qui viennent, du moins le souhaitons-nous.
Sous réserve des assurances que nous donnera Mme la ministre sur l’avancement des expérimentations en télésurveillance, je demanderai le retrait de l’amendement n° 231 ; mais nous voulons d’abord entendre le Gouvernement.
En ce qui concerne l’amendement n° 366 rectifié bis, je précise que, aux termes du décret de 2010 relatif à la télémédecine, la télésurveillance a pour objet de « permettre à un professionnel médical d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient ». L’amendement nous a donc paru satisfait. J’en demande le retrait.
S’agissant enfin de l’amendement n° 354 rectifié ter, il tend à préciser que le cahier des charges relatif aux expérimentations de télésurveillance dans le domaine de l’insuffisance rénale chronique, dont nous avons déjà débattu hier, intègre la dialyse à domicile.
L’expérimentation de télésurveillance doit s’articuler avec celle, engagée par ailleurs, sur le parcours de soins de ces patients. Il est apparu à la commission qu’il n’appartient pas à la loi de fixer les modalités de ces expérimentations, mais nous demandons à connaître l’avis de Mme la ministre, qui voudra bien nous éclairer sur la place de la dialyse à domicile dans les programmes engagés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Nous sommes défavorables à l’amendement n° 231, parce que la télésurveillance est un acte beaucoup plus complexe que la téléconsultation ou la téléexpertise : elle fait souvent appel à des dispositifs médicaux, qui doivent faire la preuve d’un service médical rendu.
Nous souhaitons maintenir le cadre expérimental actuel. Je rappelle qu’un rapport au Parlement est prévu à mi-parcours, en juin 2019.
Sans conteste, la télésurveillance ne nous paraît pas encore mûre, comme l’a dit Mme la rapporteur, pour entrer dans le droit commun. Nous devons impérativement veiller à ce qu’elle apporte un service aux malades et ne soit pas potentiellement délétère.
L’amendement n° 366 rectifié bis nous paraît satisfait : ce qui est proposé est réalisable dans le cadre des expérimentations de télésurveillance. J’en demande donc le retrait, et j’y serai défavorable s’il est maintenu.
En revanche, l’avis est favorable sur l’amendement n° 121 rectifié de la commission. Nous sommes tout à fait d’accord pour couvrir l’ensemble du champ de l’offre de soins et le secteur médico-social.
S’agissant de l’amendement n° 354 rectifié ter, sur la dialyse à domicile, si nous partageons évidemment l’intérêt de M. Daudigny pour les modes de prise en charge à domicile, la définition du périmètre des cahiers des charges relatifs à la télésurveillance ne relève pas du domaine de la loi. Il n’y a pas d’expérimentation en cours, mais l’idée est naturellement très intéressante et pourrait être intégrée dans des expérimentations nouvelles. Nous allons y travailler.
Enfin, l’avis est favorable sur l’amendement rédactionnel n° 122.
M. le président. Monsieur Morisset, l’amendement n° 231 est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Morisset. Compte tenu des précisions apportées par Mme la rapporteur et des engagements pris par Mme la ministre, s’agissant notamment du rapport intermédiaire d’évaluation prévu en 2019, je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 231 est retiré.
Madame Morhet-Richaud, l'amendement n° 366 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Patricia Morhet-Richaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 366 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 121 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur Daudigny, l'amendement n° 354 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Yves Daudigny. Cet amendement n’est pas de même nature que celui adopté hier sur le même sujet de l’insuffisance rénale chronique. Compte tenu de votre engagement, madame la ministre, à prendre en considération la prise en charge à domicile de ces patients dans les expérimentations de télésurveillance, je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 354 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 122.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 479, présenté par Mme Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Une charte de bonnes pratiques relative à la télémédecine est établie en concertation avec les professionnels de santé, les centres de santé, les établissements de santé, les établissements médico-sociaux et leurs représentants.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Notre amendement vise à encadrer la pratique de la télémédecine à travers l’élaboration d’une charte de bonnes pratiques de la télémédecine, qui serait rédigée en concertation avec les professionnels de santé, les centres de santé et les établissements de santé, notamment.
Au sujet de la télémédecine, dont nous avons beaucoup parlé, nous aimerions formuler deux observations.
La première, d’ordre technique, c’est qu’on ne doit pas s’imaginer que la télémédecine résoudra le problème des déserts médicaux. Car, malheureusement, dans nos campagnes – c’est un Corrézien d’origine qui parle –, les déserts médicaux sont très souvent aussi des déserts numériques.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Pierre Ouzoulias. Or cette forme de médecine comporte des exigences techniques extrêmement contraignantes et aujourd’hui non satisfaites.
Notre seconde observation est d’ordre plutôt éthique : il faudrait éviter de déshumaniser la médecine. En effet, le praticien n’est pas un garagiste qui change des organes ; il est aussi un accoucheur des esprits. Nous avons donc besoin de maintenir un contact humain entre le praticien et son patient.
Pour cette raison, madame la ministre, nous souhaitons vivement pouvoir accompagner la réflexion à laquelle vous vous êtes engagée auprès de nos collègues du groupe GDR de l’Assemblée nationale pour mettre au point une charte de bonnes pratiques. (Mme Laurence Cohen applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. L’article 36 renvoie les discussions sur les tarifs et les modalités de la télémédecine à la négociation conventionnelle, mais Mme la ministre nous a indiqué que la Haute Autorité de santé serait également consultée sur les bonnes pratiques de télémédecine.
Un corpus de règles va donc se constituer. Aussi, il ne nous a pas semblé utile de prévoir dans la loi une telle charte, quel que soit son intérêt. Nous faisons confiance aux professionnels pour s’organiser.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le sénateur, je suis tout à fait sensible à vos arguments.
Pour ce qui est du désert numérique, nous faisons bien entendu le même constat que vous : il est urgent de travailler pour lutter contre la désertification numérique. Couvrir les territoires concernés est l’une des priorités du secrétaire d’État au numérique, Mounir Mahjoubi, en vue, notamment, de permettre le déploiement de la télémédecine.
Le code de la santé publique prévoit déjà que les acteurs d’un projet de télémédecine signent une convention entre eux, qui organise leurs relations et les conditions dans lesquelles ils mettent en œuvre les obligations qui leur incombent. Votre amendement me paraît donc satisfait.
Au-delà, je suis, comme vous, absolument convaincue que la télémédecine ne peut pas remplacer la relation singulière entre le médecin et son patient et la pratique de l’examen physique du malade. Pour cette raison, j’ai saisi la Haute Autorité de santé afin qu’elle nous aide à réfléchir à un encadrement, par exemple à l’identification des cas, des symptômes qui ne pourraient faire l’objet d’un acte de télémédecine. Les médecins présents dans l’hémicycle savent tous que, pour ausculter une personne ayant très mal au ventre, il faut lui poser une main sur le ventre – la téléconsultation est donc inenvisageable.
Nous avons besoin de travailler collectivement à une définition des bonnes pratiques pour accompagner ce virage de la télémédecine, d’où cette saisine de la Haute Autorité de santé. Votre amendement m’apparaît donc largement satisfait par les orientations prises par le Gouvernement dans ce domaine, et je vous invite à le retirer.
M. le président. Monsieur Ouzoulias, l'amendement n° 479 est-il maintenu ?
M. Pierre Ouzoulias. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 479 est retiré.
Je mets aux voix l'article 36, modifié.
(L'article 36 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 36
M. le président. L'amendement n° 481, présenté par Mme Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 36
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° de l’article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « le tact et la mesure » sont remplacés par les mots : « un plafond dont le montant est défini par décret ».
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à limiter les dépassements d’honoraires, en remplaçant « le tact et la mesure », la notion actuellement inscrite dans la loi, par un plafond défini par décret.
La négociation sur l’avenant n° 8 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie était effectivement censée encadrer la maîtrise des dépassements d’honoraires. Les signataires de la convention devaient s’engager à maintenir ou à développer leur part d’activité en tarif opposable constatée lors de la signature du contrat, mais c’est là une contrainte de faible portée pour les praticiens dont la part d’activité exercée en secteur 1 était déjà réduite. Cette contrainte leur procure d’ailleurs des avantages importants : prise en charge des cotisations sociales sur les honoraires correspondant à l’activité réalisée au tarif opposable et bénéfice des revalorisations des tarifs de remboursement applicables aux médecins exerçant en secteur 1.
La mise en œuvre de ce dispositif a démontré l’inefficacité de cette contractualisation. J’en veux pour preuve le rapport d’activité 2016 de la direction de la conciliation de l’assurance maladie : il révèle que les refus ou les problèmes d’accès aux soins ont progressé de 8 % entre 2013 et 2016, le motif le plus signalé étant celui du refus du tiers payant, suivi par les dépassements d’honoraires.
Nous proposons donc un encadrement réel de la pratique des dépassements d’honoraires, en fixant un plafond maximal par arrêté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. La notion actuelle « le tact et la mesure » nous a semblé moins rigide qu’un plafond uniforme qui serait fixé par décret. Elle permet de prendre en compte la diversité des situations, tout en protégeant les assurés. Nous demandons donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Le précédent gouvernement a mis en place une logique de régulation : le contrat d’accès aux soins. La convention médicale de 2016 a prévu une option pratiques tarifaires maîtrisées, dite OPTAM, avec une déclinaison spécifique pour les chirurgiens et les obstétriciens, afin d’attirer de nouveaux adhérents à ces contrats d’accès aux soins. Les conditions d’adhésion et de tarification à l’OPTAM se sont assouplies à plusieurs égards.
Cet accord commence à porter ses fruits : entre avril et août 2016, la tendance à l’adhésion des nouveaux médecins à ces pratiques est en hausse, avec près de 10 000 médecins qui ont adhéré à l’OPTAM et à l’OPTAM chirurgie & obstétrique.
Ce dispositif de régulation est en train de trouver sa place et les médecins adhèrent de plus en plus facilement. Il ne nous paraît donc pas opportun d’y mettre fin et de revenir sur des accords signés, ce qui pourrait provoquer des déconventionnements.
Pour ces raisons, nous proposons aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer. Sans cela, l’avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur Watrin, l’amendement n° 481 est-il maintenu ?
M. Dominique Watrin. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 480, présenté par Mme Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 36
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2° de l’article L. 4124-6 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … bis Dans le cas de non-respect du tact et de la mesure dans la fixation des honoraires ou dans le cas de méconnaissance des dispositions de l’article L. 1110-3, l’amende, dont le montant ne peut excéder 10 000 € ; ».
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement, comme celui que Dominique Watrin vient de présenter, est un amendement de repli, puisque nous sommes opposés à toute barrière financière aux soins : dépassements d’honoraires, franchises médicales et participations forfaitaires de tous genres.
Ici, nous proposons de rétablir les sanctions financières qui ont été supprimées par la loi HPST. Vous nous expliquez, madame la rapporteur, que les termes « tact et mesure » sont mieux adaptés…
Je vous donne un exemple concret, vécu voilà deux jours : pour une consultation de cinq minutes chez un ophtalmo dans le quartier du Sénat, 150 euros ! Je ne sais pas si l’on peut parler de tact et de mesure ! En tout cas, nous n’avons pas la même conception des choses, car, pour moi, ce sont là des dépassements d’honoraires exagérés.
J’évoque une expérience individuelle, mais, dans son rapport sur la sécurité sociale, la Cour des comptes a jugé inefficaces les mesures – Mme la ministre vient de les rappeler – mises en place pour lutter contre les dépassements d’honoraires. En dix ans, la proportion des spécialités installées en secteur 2 a augmenté, passant de 39,2 %, au total, des spécialistes libéraux en 2006 à 44,3 % en 2015. Pour quelques spécialités, les dépassements d’honoraires sont presque devenus la norme : 84 % des gynécologues et 69 % des ophtalmologues en pratiquent.
Nous sommes cette fois-ci d’accord avec la Cour des comptes, qui a estimé les effets du nouveau dispositif très limités, et ce pour un coût très élevé. En effet, si la hausse du taux moyen des dépassements d’honoraires a bien été enrayée, passant de 55 % en 2011 à 51 % en 2015, c’est au prix d’une forte dépense publique, puisque, pour éviter 1 euro de dépassement, l’assurance maladie a dépensé 10 euros.
La Cour des comptes a par ailleurs dénoncé la tolérance des caisses d’assurance maladie à l’égard des « gros dépasseurs » – l’exemple que j’ai mentionné entre peut-être dans cette catégorie –, avec seulement quatorze sanctions prononcées entre 2012 et la fin de l’année 2015 à l’égard des médecins refusant d’infléchir leur pratique tarifaire...
C’est pourquoi nous proposons de rétablir cette sanction pour les professionnels de santé qui ne respecteraient pas le principe du tact et de la mesure, ainsi, d’ailleurs, que pour ceux qui pratiquent des refus de soins.