M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. La suppression prévue par l’amendement n° 18 rectifié conduirait à porter atteinte, d’une manière disproportionnée, aux droits acquis. Pour respecter l’avis du Conseil d’État, nous avons eu à cœur que le texte ne revienne pas sur ces droits. Nous sommes donc défavorables à cet amendement.
Pour répondre à votre interrogation, madame Férat, il y aura effectivement quelques « gouttes », comme je les appelle : certaines concessions iront au-delà de 2040. Elles sont peu nombreuses – il y en a cinq. C’est la raison pour laquelle la porte n’est pas totalement étanche. Nous sommes dans l’état d’esprit, réclamé précédemment par certains, de ne pas mettre des acteurs économiques en difficulté au regard de droits qui leur ont été accordés.
Pour contribuer à des objectifs climatiques, notamment l’axe 9 du plan Climat, nous nous sommes fixé comme but de laisser les hydrocarbures dans le sous-sol. Vous proposez un décalage de la date à 2050. Compte tenu du temps que nous avons perdu et de la petite fenêtre de tir que nous avons, cette proposition ne peut recueillir notre accord. Nous sommes donc défavorables à l’amendement n° 7 rectifié.
M. le président. Madame Férat, l’amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Férat. J’ai entendu les propos de M. le ministre d’État, et je lui fais toute confiance quant à son engagement. Je retire donc mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par M. Poniatowski, Mme Chain-Larché, MM. Savary et Cuypers, Mme Gruny, MM. Chatillon, Revet, Laménie, Mandelli, Mouiller et D. Laurent, Mme Thomas, MM. Chaize et Danesi, Mme Bories, M. Milon, Mme Estrosi Sassone et MM. Cambon, Longuet, del Picchia et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation, une région d’outre-mer peut, dans le cadre de la compétence prévue par l’article L. 611-31 concernant les titres miniers en mer, renouveler une concession après 2040 et délivrer un permis exclusif de recherches ou une autorisation de prospection préalable sous réserve du respect des conditions prévues par le présent code.
La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Cet amendement a pour objet de permettre aux régions ultramarines de délivrer de nouveaux permis d’exploitation en mer et de prolonger sans date butoir les concessions existantes.
Monsieur le ministre d’État, je vous rappelle que, dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État indiquait qu’il était utile de prendre en compte la spécificité des régions ultramarines au regard de leur moindre développement économique et de leur très faible contribution au réchauffement climatique, alors même que la part des énergies renouvelables du mix énergétique dans ces régions est importante. Par exemple, en Guyane, les énergies renouvelables – photovoltaïque, hydraulique et biomasse – représentent 61 % de la production d’électricité locale.
Je reprends cet extrait de l’avis du Conseil d’État, car la Guyane est davantage, et avant les autres, concernée par votre projet de loi, qui est un peu un coup de couteau dans le dos des régions ultramarines.
Vous connaissez la situation locale : cette région est très particulière et le sous-sol marin a un potentiel très intéressant – le Conseil d’État le savait lorsqu’il a rendu son avis.
Dans l’ex-Guyane hollandaise, le Suriname, et dans la zone du Brésil située juste à côté, il est procédé à des explorations qui semblent vraiment intéressantes. Dans la Guyane anglaise, le Guyana, du pétrole et du gaz ont été découverts, et des investissements ont été lancés pour les exploiter. Le sous-sol de notre Guyane est le même : il constitue donc forcément un potentiel très intéressant.
Alors, monsieur le ministre d’État, je connais votre réponse : « J’ai été formidable avec la Guyane, j’ai autorisé le groupe Total à avoir une petite zone d’exploitation. » Certes, Total explorera et, en cas de découverte, exploitera, mais en 2040 vous fermez le robinet, alors que les voisins continueront à exploiter ! Ces régions ont besoin d’un soutien financier et de projets économiques, et leurs populations de travail. Cette ressource est vraiment intéressante.
M. le président. Il faut conclure, monsieur Poniatowski !
M. Ladislas Poniatowski. C’est la raison pour laquelle nous demandons une dérogation pour les régions ultramarines.
M. le président. L’amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Patient, Karam et Hassani, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 111-8-… – Par dérogation aux dispositions précédentes, une région d’outre-mer peut, dans le cadre de la compétence prévue par l’article L. 611-31 concernant les titres miniers en mer, renouveler une concession après 2040 et délivrer un permis exclusif de recherches ou une autorisation de prospection préalable sous réserve du respect des conditions prévues par le présent code.
L’amendement n° 91 rectifié, présenté par MM. Patient, Karam et Hassani, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions précédentes, le département de Mayotte, les régions de Guadeloupe et de La Réunion, les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique peuvent jusqu’au 1er janvier 2040, dans le cadre de la compétence prévue par l’article L. 611-31 concernant les titres miniers en mer, accorder un permis exclusif de recherches ou une autorisation de prospections préalables en vue de la recherche ou une concession en vue de l’exploitation portant sur une ou des substances mentionnées au premier alinéa de l’article L. 111-6 sous réserve du respect des conditions prévues par le présent code.
La parole est à M. Georges Patient, pour présenter ces deux amendements.
M. Georges Patient. L’amendement n° 32 rectifié est pratiquement le même que celui de M. Poniatowski, dont je partage l’argumentation. Je n’insisterai donc pas.
En revanche, concernant le second amendement, de repli ou de conciliation, j’aimerais que M. le ministre d’État en tienne compte, d’autant que le Président de la République, quand il s’est rendu en Guyane il y a dix jours, s’est engagé pour que le processus entamé aille à son terme, c’est-à-dire que les permis d’exploration débouchent sur des permis d’exploitation.
Dans le rapport de la commission, j’ai lu avec plaisir, madame la rapporteur, que vous laissiez entendre que cette interdiction d’exploration n’aurait pas de sens si l’exploration et l’exploitation ont lieu dans les pays avoisinants. C’est tout à fait le cas dans lequel se trouve la Guyane. Tous ces éléments devraient donc concourir à permettre l’adoption de cet amendement, d’autant que la Guyane est exemplaire en ce qui concerne le bilan carbone, avec un mix énergétique qui fait la part belle aux énergies renouvelables.
Monsieur le ministre d’État, je vous demande de nous laisser cette opportunité de développement endogène de la Guyane, au moins jusqu’en 2040, la date butoir que vous avez vous-même choisie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. J’entends les arguments des auteurs des amendements consistant à dire qu’il serait absurde, au vu de la situation économique et sociale de ces territoires, de se priver d’exploiter des ressources dont la présence est très probable, au moins au large de la Guyane, et dont les retombées économiques pourraient être importantes.
S’agissant de la Guyane, je rappellerai que, pour ce qui concerne les permis exclusifs de recherches valides ou pour lesquels une demande est en cours d’instruction, ces amendements seraient en réalité largement satisfaits. Comme vous le savez, le Gouvernement a déjà prolongé, par un arrêté du 14 septembre dernier, le permis « Guyane Maritime » détenu par Total, qui avait pris fin le 1er juin 2016 ; il court désormais jusqu’au 1er juin 2019. À l’issue de cette phase, Total pourra demander, si les réserves identifiées le justifient, l’attribution d’une concession, qui ne pourra lui être refusée en vertu du droit de suite.
J’ajoute que la nouvelle rédaction de l’article 2 adoptée par la commission permettra également que deux autres permis portant sur deux autres zones au large de la Guyane – « Guyane Maritime Shelf » et « Guyane Maritime Udo » – soient attribués, puis prolongés et, en cas de découverte, que l’on aboutisse à l’attribution de concessions selon le même schéma.
Ainsi, en combinant la prolongation déjà accordée par le Gouvernement et le texte adopté par votre commission, plusieurs concessions d’hydrocarbures pourraient être accordées au large de la Guyane si le potentiel de réserves était confirmé. Pour ces raisons, je demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. Monsieur Poniatowski, je suis un peu chagriné de vous avoir entendu dire que j’ai planté un couteau dans le dos des territoires ultramarins. Ma préoccupation, qui ne se situe peut-être pas sur la même échelle de temps mais qui fait l’objet de ma démarche de longue date, est de protéger les territoires ultramarins, qui sont déjà affectés par les conséquences des changements climatiques. Aucun territoire ne sera épargné !
Je comprends néanmoins ce que vous avez voulu me dire, car je ne suis pas ignorant et encore moins insensible – j’espère que vous me croyez – aux difficultés économiques de ces territoires. J’aurais préféré qu’ils se tournent vers les filières d’avenir plutôt que vers celles du passé, mais j’avais immédiatement accordé le permis « Guyane Maritime ».
Pour le reste, permettez-moi de vous dire que si j’accordais, pour les raisons que vous évoquez et qui sont parfaitement nobles et légitimes, une dérogation à nos territoires ultramarins, alors que d’autres États océaniens s’imposent eux-mêmes la contrainte de ne pas utiliser les énergies fossiles pour aller directement vers les énergies renouvelables, je perdrais un certain nombre d’arguments.
Je dis simplement que l’arrêt des activités de recherche et d’exploitation vaut dans toutes les zones de juridiction française, à terre comme en mer, en métropole comme dans les territoires. Je suis donc défavorable à l’amendement n° 15 rectifié bis et, dans le même esprit, à l’amendement n° 32 rectifié. Pour ce qui concerne l’amendement n° 91 rectifié, sur le report de l’application de la loi au 1er janvier 2040, j’y suis également défavorable, parce que j’essaie de protéger autant que faire se peut l’intégrité de cette loi et ses effets.
M. le président. Monsieur Poniatowski, l’amendement n° 15 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Ladislas Poniatowski. Je ne le retire évidemment pas, monsieur le président.
J’ai senti, monsieur le ministre d’État, votre gêne, parce que vous êtes conscient des arguments économiques, notamment concernant la Guyane. Je sais que vous connaissez bien ces territoires.
Ce serait une véritable erreur. Pourquoi vouloir sanctionner ce territoire qui n’est pas favorisé ? C’est une zone défavorisée, et mon collègue guyanais a repris presque mot pour mot, virgule après virgule, le même texte pour son amendement, parce qu’il en est bien conscient. Il défend même mieux son territoire que moi,…
M. Gérard Longuet. C’est normal !
M. Ladislas Poniatowski. … ce qui est en effet normal.
C’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement, et j’espère que nos collègues seront nombreux à nous soutenir.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Il nous arrive, avec mon collègue Poniatowski, d’être d’accord. Je voudrais d’ailleurs rafraîchir la mémoire de Mme Lamure : c’est un amendement que j’ai déposé avec Mme Jouanno qui a permis l’augmentation de la contribution carbone énergie ; il avait été soutenu par un certain nombre de membres de la commission des affaires économiques du Sénat. Nous avions travaillé ensuite avec M. Chanteguet à l’Assemblée nationale. C’est ainsi que les choses se sont faites s’agissant de l’augmentation de la contribution carbone énergie. Je referme cette parenthèse en forme de rappel historique.
Les trois derniers ouragans ont coûté aux Caraïbes 230 milliards de dollars de dégâts. Ce qui tue aujourd’hui les Antilles, c’est non pas de ne pas avoir droit au pétrole, mais d’être les premières victimes du réchauffement climatique. J’y insiste, 230 milliards en trois ouragans en une seule année !
Vous avez avancé le chiffre de 100 milliards de recettes espérées pour un gisement dont on n’est pas certain. Nous sommes dans le non-sens, car on voit bien que cela ne marche pas : d’un côté, pour gagner des sommes non négligeables et avec un impact économique que nul ne conteste, on voudrait continuer sur cette voie ; de l’autre, on sait que des économies entières, notamment celles de ces territoires, sont en train de s’effondrer, en particulier sur le plan touristique. Donc, cela ne marche pas !
Derrière cette loi, qui est un symbole fort, il y a un seul enjeu pour le lobby pétrolier : la Guyane. Le reste, il s’en fout ! La Haute-Marne et l’est du bassin parisien passeront par pertes et profits, sans états d’âme. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je le dis parce que c’est ainsi !
Le seul enjeu pour le lobby pétrolier, ce sont les permis d’exploitation de la Guyane. Jouer le développement des territoires ultramarins, qui sont les premières victimes du réchauffement climatique, pour justifier que le lobby puisse encore un instant toucher des dividendes et des recettes, ce n’est pas correct !
La réalité du monde, c’est cette souffrance-là. Ce qu’on essaye de faire aujourd’hui – c’est notre responsabilité de parlementaire –, c’est sortir d’une machine infernale qui va tout broyer. Néanmoins, aujourd’hui, un certain nombre d’acteurs considèrent effectivement, de manière cynique, qu’il faut sacrifier le futur au présent, continuer sur un modèle qui est condamné le plus longtemps possible, quitte à ce que les Antilles soient balayées.
Mais qu’on le fasse au nom des territoires ultramarins, même s’il y a des enjeux très forts de développement de la Guyane – je serai le premier à soutenir un développement durable de ce territoire –, ce n’est pas politiquement correct !
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, pour explication de vote.
M. Antoine Karam. Je pensais que c’était une légende de dire que les Français étaient fâchés avec la géographie. Or, dès la classe de sixième, on apprend que la géographie n’est pas uniforme. Je ne veux donc pas que l’on confonde les Antilles et la Guyane.
M. Ronan Dantec. Ce n’est pas ce que j’ai fait !
M. Antoine Karam. Il y a une tendance à confondre les Antilles, qui font partie de la Caraïbe, et la Guyane, qui est en Amérique du Sud…
Cela a été dit, nous sommes dans une zone où il y a du pétrole partout. Ce qui est bon pour le Guyana, le Suriname, le Brésil – un pays de 200 millions d’habitants – ne serait donc pas bon pour la Guyane ?
En fait, la Guyane est considérée comme une Belle au bois dormant qui vit sur un potentiel de richesses. Notre collègue a évoqué les richesses minières de notre sous-sol, qui sont exploitées de façon illégale, puisque douze tonnes d’or quittent clandestinement la Guyane quand une tonne y reste. Voilà la réalité de la Guyane ! Mme la rapporteur, qui est venue en Guyane à notre invitation avec la délégation sénatoriale aux entreprises, a pu constater nos réalités.
Une fois pour toutes, il faut en finir avec ces clichés : qui mieux que nous peut savoir ce que nous voulons pour nos territoires ? Plutôt que de procéder à des transferts sociaux, plutôt que de vivre d’assistanat, nous voulons nous aussi en finir avec l’économie de comptoir et développer notre territoire. Venez voir ce qui se passe dans nos territoires plutôt que de faire perdurer ces clichés qui ne correspondent pas à la réalité de nos pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour explication de vote.
M. Georges Patient. Puisqu’on parle beaucoup de pollution, il ne faut tout de même pas oublier que c’est en Guyane que se situe notre base spatiale. Or quand les fusées décollent, elles déversent sur toute la population guyanaise des tonnes et des tonnes de kérosène, et cela n’émeut personne ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. M. Karam a parfaitement raison d’expliquer la géographie : la Guyane, ce n’est pas les Antilles, elle ne subit pas les ouragans, etc. Surtout, ce département a énormément de potentialités qui ne sont malheureusement pas exploitées, ce qui fait que les Guyanais n’en profitent pas. On sait ou on imagine qu’il y a du pétrole au large de la Guyane. Or on va supprimer la possibilité de l’exploiter. Concernant les mines d’or, là encore, comme il y a beaucoup d’or mais que peu de permis d’exploitation minière sont délivrés, on observe beaucoup d’activités illégales. Quant à la forêt, qui couvre, je crois, 90 % du territoire, elle est primaire, et donc n’y touchons pas !
Il faut garder à l’esprit la réalité de ce département très particulier. Nous aimerions bien pouvoir, par nos arguments, apporter un peu plus de richesse aux Guyanais. Je ne pense pourtant pas que c’est ici que nous pourrons résoudre le problème de la crise qui perdure en Guyane. Je tiens simplement à exprimer ma solidarité avec ce département, que nous avons en effet visité : nous avons vu ces réalités.
Quant à la question qui nous est posée aujourd’hui sur l’exploitation des hydrocarbures, j’ai donné la position de la commission en indiquant que la demande était en partie satisfaite, à la fois par le permis « Guyane maritime » et par l’article 2 du projet de loi.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 32 rectifié et 91 rectifié n’ont plus d'objet.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Gay et Gontard, Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, M. Foucaud, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Collombat, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Rétablir l’article L. 111-8-1 dans la rédaction suivante :
« Art. L. 111-8-1. – Chaque titre minier d’exploration ou d’exploitation délivré, étendu ou prolongé est accompagné par un cahier des charges qui précise les prescriptions particulières qui s’imposent au titulaire minier.
« Le cahier des charges doit, si la protection de l’environnement, de la sécurité et de la santé publiques ou d’autres usages existants ou planifiés du sol ou du sous-sol le justifient, interdire le recours à certaines techniques d’exploration ou d’exploitation sur tout ou partie du périmètre du titre. Il doit également, pour les mêmes motifs, limiter les formations géologiques auxquelles le titre s’applique.
« Les conditions spécifiques mentionnées au premier alinéa du présent article sont publiées avec l’avis de mise en concurrence d’une demande de titre ou, si leurs demandes ne sont pas mises en concurrence, portées à la connaissance du ou des candidats. Les conditions spécifiques peuvent être complétées par l’autorité administrative compétente pour délivrer le titre minier au regard des résultats de la procédure de participation du public et de l’instruction locale, ainsi que de l’évaluation environnementale ou de l’enquête publique. Les conditions spécifiques modifiées sont alors portées à la connaissance du ou des demandeurs avant la délivrance du titre.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Par cet amendement, nous souhaitons revenir sur la question du cahier des charges.
L’Assemblée nationale, sur l’initiative de son rapporteur, a introduit un article nouveau au sein du code minier, qui donne à l’administration la possibilité d’imposer le respect d’un cahier des charges lors de la délivrance, de l’extension ou de la prolongation d’un titre d’exploration ou d’exploitation dans les cas où « la protection de l’environnement, de la sécurité et de la santé publiques ou d’autres usages existants ou planifiés du sol ou du sous-sol » l’exigent. Nous partageons la volonté ici exprimée de renforcer l’encadrement des activités d’exploration et d’exploitation autorisées après l’entrée en vigueur de la loi et de limiter au maximum leur impact sur l’environnement local.
Notre commission a fait le choix de supprimer ces dispositions au nom de la complexification administrative qui pourrait en résulter. Bien évidemment, nous le regrettons. Nous considérons que, dans l’attente de la refonte du code minier qu’a annoncée M. le ministre d’État, la définition d’un cahier des charges pourrait constituer un moyen efficace pour mieux prendre en compte les impératifs environnementaux et la participation du public. Aujourd’hui, nous le savons tous, le code minier est largement lacunaire dans ces domaines.
Nous allons même plus loin, en transformant la faculté en obligation. Ainsi, pour chaque titre minier octroyé, l’administration se verrait dans l’obligation de réaliser un cahier des charges. Nous allons toujours dans le même sens en souhaitant que ce cahier des charges puisse mentionner l’interdiction du recours à certaines techniques et limiter les formations géologiques auquel le titre s’applique. Vous l’aurez compris, il s’agit de prendre en compte les avancées de l’article 3, qui élargit la définition des pratiques interdites en mettant fin à l’exploration et à l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels.
Par ce cahier des charges, nous souhaitons donc encadrer plus fortement, lors de leur prolongation ou de leur extension, les permis existants qui ne sont pas visés expressément par les dispositions de l’article 3, et ce sans plus attendre.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 44 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec et Requier, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes et MM. Gabouty, Gold, Guérini, Menonville et Vall.
L’amendement n° 61 rectifié bis est présenté par MM. Guillaume, Courteau et Bérit-Débat, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 21
Rétablir l’article L. 111-8-1 dans la rédaction suivante :
« Art. L. 111-8-1. – Si la protection de l'environnement, de la sécurité et de la santé publiques ou d'autres usages existants ou planifiés du sol ou du sous-sol le justifient, un cahier des charges précise les prescriptions particulières qui s'imposent au titulaire du titre minier.
« Le cahier des charges est établi par l'autorité administrative compétente pour délivrer un titre minier d'exploration ou d'exploitation d'hydrocarbures, ou accorder son extension ou sa prolongation. Il tient compte du résultat de l'instruction administrative de la demande de titre minier, de son extension ou de sa prolongation et, dans le cas où cette demande a nécessité la mise en œuvre d'une procédure de participation du public, l'autorité administrative peut compléter le cahier des charges pour prendre en compte les résultats de la procédure de participation du public. Le cahier des charges est porté à la connaissance du demandeur.
La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 44 rectifié.
M. Joël Labbé. Le présent amendement vise à rétablir une disposition introduite en séance publique lors de l’examen du projet de loi par l’Assemblée nationale et supprimée par notre commission des affaires économiques.
Loin de représenter une nouvelle complexité administrative, la possibilité pour l'autorité administrative d’établir un cahier des charges précisant les prescriptions particulières nécessaires pour tenir compte de la protection de l’environnement, de la sécurité et de la santé publiques constitue une avancée. En effet, cette disposition permet de renforcer l’encadrement des activités de recherche et d’exploitation des hydrocarbures pour mieux prévenir leurs impacts environnementaux.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 61 rectifié bis.
M. Roland Courteau. Notre amendement exprime les mêmes préoccupations que celui qui a été défendu à l’instant par Joël Labbé : nous souhaitons réintroduire des dispositions adoptées par les députés et supprimées par notre commission des affaires économiques.
Imposer un cahier des charges, si la protection de l’environnement, de la sécurité et de la santé publiques l’exige, lors de la délivrance ou de la prolongation d’un titre minier d’exploration ou d’exploitation d’hydrocarbures, ne nous paraît pas être une mesure disproportionnée dans un domaine où, par définition, les activités sont risquées et peuvent avoir des impacts environnementaux importants. Il s’agit donc de faire œuvre de prévention en renforçant l’encadrement des activités d’exploration et d’exploitation autorisées après l’entrée en vigueur de ce projet de loi.
Ce cahier des charges permettra également de tenir compte, le cas échéant, du résultat de la procédure de participation du public. C’est une avancée importante à l’heure où la démocratie participative progresse. Notre amendement tend donc à répondre à de très justes préoccupations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Notre commission a supprimé la disposition que vise à réintroduire l’amendement n° 19 rectifié, car elle a considéré que celle-ci n’avait fait l’objet d’aucune concertation et que ses contours comme ses conséquences éventuelles sur la délivrance des titres n’avaient pas été explicités. Au surplus, les intérêts visés sont déjà protégés par le code minier, en particulier par la police des mines, et l’autorité compétente a déjà toute liberté pour arrêter les modalités d’instruction des titres, sans qu’il faille mobiliser pour cela un nouveau concept qui serait source de complexification administrative, au mieux, et d’insécurité juridique, au pire.
Par ailleurs, nous avons considéré que, si cette notion devait perdurer, elle ne pourrait trouver à s’appliquer aux seuls hydrocarbures et devrait être examinée dans le cadre de la réforme du code minier annoncée pour le courant de l’année 2018.
J’ajoute que les auteurs de cet amendement vont bien au-delà du simple rétablissement du texte de l’Assemblée nationale, puisqu’ils prévoient, d’une part, que ce cahier des charges serait obligatoire et, d’autre part, qu’il pourrait aller jusqu’à interdire l’usage de certaines techniques. La commission a donc émis un avis défavorable.
Notre avis sur les amendements identiques nos 44 rectifié et 61 rectifié bis est également défavorable, pour des raisons similaires.