Mme la présidente. Il faut conclure !
M. Jean-Luc Fichet. C’est pourquoi mon groupe politique s’opposera à l’adoption de ces dispositions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, de nombreux maires subissent chaque année des occupations illicites de terrains par des gens du voyage et, faute de disposer des moyens de lutter efficacement contre ces pratiques, ils ne peuvent que constater l’impunité dont bénéficient leurs auteurs.
L’exaspération des élus locaux se fait entendre de plus en plus, leur sentiment d’abandon et de solitude aussi… Ils sont totalement désemparés lorsqu’ils voient que les lois de la République ne sont pas respectées.
Une telle situation est inacceptable ! Qui peut la nier aujourd’hui ? Quel sénateur, quelle que soit la famille politique à laquelle il appartient, peut affirmer qu’il n’a jamais été alerté par des élus de son département sur les désordres qu’engendrent les occupations illicites, sur les intimidations à l’égard des représentants de l’ordre public et de la population, sur les destructions, les dégradations ou les détériorations de biens publics ou privés ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Absolument !
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Dany Wattebled. Mes chers collègues, si nous voulons pacifier les relations entre les Français sédentaires et les gens du voyage, il faut donc donner plus de droits aux communes et plus de moyens juridiques à leurs élus afin d’équilibrer les droits et devoirs des gens du voyage, d’une part, et ceux des communes, d’autre part.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Dany Wattebled. En application des dispositions de la loi dite « Besson 2 » du 5 juillet 2000, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale ont dû engager de lourds investissements afin d’accueillir les gens du voyage. Ainsi, toutes les communes de plus de 5 000 habitants ont été placées dans l’obligation de mettre en place une aire permanente d’accueil. En outre, en application des prescriptions du schéma départemental, elles ont pu se voir imposer la mise en place d’une aire de grand passage.
Pour information, en 2018, la métropole européenne de Lille, dont je suis élu, a pour objectif de créer 310 places d’aire permanente d’accueil et 200 places d’aire de grand passage, ce qui représente une dépense de plus de 4 millions d’euros en investissement et de 3 millions d’euros en fonctionnement, pour une recette globale de 1 million d’euros. Quand on sait que ces dépenses d’investissement accroissent les besoins de financement des collectivités, on peut s’interroger sur leur réalisation si l’article 10 du projet de loi de programmation des finances publiques est voté et appliqué dans sa rédaction actuelle, sachant que les collectivités territoriales respectent déjà des règles financières strictes en matière d’équilibre budgétaire. Mais nous aurons l’occasion d’en parler lors d’un prochain débat, mes chers collègues.
Les deux propositions de loi réunies en une seule par la commission des lois qui nous occupent tendent à permettre un meilleur équilibre, en matière de droits et de devoirs, entre les gens du voyage et ceux qui les accueillent.
M. Jean-Claude Carle. Merci !
M. Dany Wattebled. Leurs dispositions prévoient tout d’abord de clarifier le rôle de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements dans leur mission d’accueil des gens du voyage ; ensuite de moderniser les procédures d’évacuation des stationnements illicites ; enfin de renforcer et de rendre plus effectives les sanctions en cas d’installation illégale en réunion sur un terrain public ou privé.
Dans le texte issu des travaux de la commission, l’article 7, s’inspirant de l’article 3 de la proposition de loi de notre collègue Loïc Hervé, vise à créer, à l’article 322-3 du code pénal, une circonstance aggravante applicable au délit de destruction, de dégradation ou de détérioration d’un bien appartenant à autrui prévu à l’article 322-1 du code pénal.
Ainsi, les peines encourues seraient de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende en cas de destruction, de dégradation ou de détérioration d’un bien appartenant à autrui à l’occasion d’une installation illicite. Ces peines pourraient être portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsque le bien détruit, dégradé ou détérioré est destiné à l’utilité ou à la décoration publique et appartient à une personne publique ou chargée d’une mission de service public. Enfin, en cas de récidive, ces peines pourraient être doublées.
Même si la question de l’imputabilité de ces infractions demeure, je suis favorable à ces dispositions. Renforcer les sanctions pénales, c’est envoyer un signal fort aux magistrats, pour leur dire que les infractions commises par les gens du voyage doivent être sanctionnées. Sans sanction, il n’y a pas de dissuasion, et l’on consacre alors une impunité réservée à certains citoyens !
Je voudrais également dire un mot sur le schéma d’accueil des gens du voyage.
Actuellement, le dispositif d’accueil est défini à l’échelle départementale. Ce schéma est élaboré conjointement par le préfet et le président du conseil départemental. On peut regretter l’absence de concertation ou de discussion globale entre départements limitrophes sur ce sujet. Je pense que la mise en place d’un schéma interdépartemental d’accueil des gens du voyage constituerait une solution pertinente.
Enfin, je souhaite attirer votre attention sur les délais de procédure en matière d’évacuation en cas d’occupation illicite. Je regrette que les délais de la procédure administrative soient plus longs qu’en matière civile, tout comme je regrette que le parquet renonce trop souvent à poursuivre en cas de destruction, détérioration ou dégradation de biens…
Pour conclure, je dirai que ce texte répond aux attentes des élus locaux, qui sont confrontés tous les ans au déséquilibre entre les droits et les devoirs des gens du voyage et ceux des collectivités. Il constitue un cadre en vue de parvenir à restaurer cet équilibre, condition nécessaire pour assurer une cohabitation apaisée entre sédentaires et gens du voyage. Aussi le groupe Les Indépendants le votera-t-il. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, une fois de plus, le législateur se penche sur la question de l’accueil des gens du voyage, qui, régulièrement, plonge dans le désarroi les maires de nos communes et nos concitoyens.
Car, face à cette question, l’État, comme souvent, ne prend pas ses responsabilités. Il transfère à l’échelon local des compétences et lui laisse sur les bras la charge financière des installations, en ayant le toupet d’exiger la réalisation de toujours plus d’aires d’accueil tout en diminuant sans cesse les subventions qu’il alloue en la matière.
Rappelons tout de même que le coût de réalisation d’une place d’aire d’accueil est de 35 000 euros. Pour les plus grandes aires, cela peut représenter plusieurs millions d’euros !
On exige des installations qui sont boudées par les bénéficiaires eux-mêmes, s’installant trop souvent où bon leur semble.
Ainsi, dans la région de Toulouse, deux aires de grand passage ouvertes l’été dernier n’ont été utilisées que par trois groupes, neuf autres préférant s’installer ailleurs.
Alors, plutôt que de brandir des menaces fiscales contre des communes qui font, la plupart du temps, de gros efforts financiers, l’État devrait faire régner l’ordre et la sécurité.
Les occupations illicites sont innombrables et provoquent des tensions entre « accueillants » et « accueillis », voire des affrontements avec la police, comme cela a été encore le cas le 26 octobre dernier. Le blocage de l’autoroute A1 au mois d’août 2015 est également dans toutes les mémoires.
Les gens du voyage sont des citoyens français et, comme cela a été opportunément rappelé, ils ont des droits, mais aussi des devoirs. Or, si l’État exige toujours plus d’aires d’accueil, l’expérience montre que, dans beaucoup trop de cas, ces communautés n’ont que faire des terrains qui leur sont préparés et s’installent en toute illégalité sur des terrains privés ou communaux.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas l’État qui exige, c’est la loi !
M. Stéphane Ravier. Très souvent, ces terrains sont laissés par la suite à l’abandon dans un état pitoyable, comme cela a été encore le cas voilà quelques mois dans le 11e arrondissement de Marseille, où un terrain de sport a été totalement dévasté, et comme c’est le cas chaque année lors du traditionnel rassemblement des Saintes-Maries-de-la-Mer.
Je le dis sans haine, mais avec fermeté : il faut que les communautés de gens du voyage cessent de se croire partout chez elles. Les maires ne doivent pas être les seuls à respecter la loi !
Plusieurs éléments positifs apparaissent cependant dans ce texte : le caractère facultatif, dans certains schémas départementaux, de la réalisation d’aires d’accueil de faible dimension sur le territoire de communautés de communes rurales qui ne comportent, parmi leurs membres, aucune commune de plus de 5 000 habitants ; la conservation par le maire de son pouvoir de police municipale ; l’accélération des procédures administratives d’évacuation des stationnements illicites ; enfin, le renforcement des sanctions pénales en cas d’occupation illicite d’un terrain.
Je suis favorable à l’aggravation des peines, car il est intolérable que de tels agissements ne soient pas sévèrement sanctionnés.
Mais il ne suffit pas, mes chers collègues, de prononcer des peines : encore faut-il avoir la volonté de les faire appliquer ! Comme dans beaucoup d’autres domaines, il faudrait commencer par appliquer la loi existante.
Face aux installations anarchiques des gens du voyage, le fond du problème, c’est un État lâche, volontairement impuissant à lutter contre une violation de la loi et du droit de propriété. Que des moyens soient donnés aux maires ainsi qu’aux forces de l’ordre afin que la loi, rien que la loi, mais toute la loi, soit appliquée ! L’accueil des gens du voyage ne pourra qu’en être mieux assuré et mieux accepté.
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, les questions abordées par les deux propositions de loi de nos collègues Loïc Hervé et Jean-Claude Carle sont éminemment sensibles et hautement clivantes.
S’affrontent, parfois violemment, la liberté d’aller et venir des uns et le droit de propriété des autres, l’aspiration à la tranquillité des riverains et les atteintes à l’ordre public.
Disons-le d’emblée, la République ne saurait faire de distinction entre ses citoyens autres que celles qui sont fondées sur le mérite. Elle l’a pourtant fait jusqu’à très récemment au détriment des gens du voyage, les soumettant à un statut administratif exorbitant du droit commun et à d’importantes limitations de leurs libertés publiques.
Cette même République ne saurait davantage accepter qu’une partie de la population se détourne de l’application de la loi.
Je connais, comme tous ceux qui ont exercé des fonctions exécutives locales, les implications sur le terrain, dans nos collectivités, de l’accueil des gens du voyage. Nous avons tous en tête des exemples de bonne cohabitation entre gens du voyage et riverains ou, a contrario, des cas d’occupation illicite et répétée de propriétés publiques ou privées.
Certains élus se sentent aujourd’hui désarmés, voire abandonnés par l’État et ses services, lorsqu’ils se retrouvent confrontés à des occupations illégales et à des dégradations d’ouvrages publics.
Mais il est tout aussi inacceptable que certaines communes s’affranchissent de leurs obligations légales en termes de réalisation d’aires d’accueil.
Ceux qui, comme moi, ont un peu d’expérience se souviennent de la loi Besson de 2000, et des retouches qui y ont été apportées en 2003 et en 2007.
J’ai également le souvenir des nombreux rapports de la Cour des comptes, de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, du Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD, de parlementaires en mission ou de missions d’information, instituées à l’Assemblée comme au Sénat…
Il y a de cela quelques mois à peine, dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, nous avons eu à examiner plusieurs articles qui abordaient plus globalement l’épineuse question de la place des gens du voyage dans notre société.
Cette loi Égalité et citoyenneté a été publiée au Journal officiel à la fin de janvier 2017. À ce jour, toutes ses dispositions ne sont pas encore entrées en vigueur, et je m’interroge donc sur la pertinence de vouloir, avec tant d’empressement, remettre l’ouvrage sur le métier. En d’autres termes, ce qui vaut pour l’art poétique selon Nicolas Boileau vaut-il aussi pour l’écriture de la loi ?
Sur certaines travées, d’aucuns parmi nos collègues estiment que la loi Égalité et citoyenneté ne va pas assez loin. Je suis, pour ma part, plutôt enclin à laisser à la nouvelle loi le temps de s’appliquer. Nous pourrons, ultérieurement, procéder à son évaluation – je pense, par exemple, au mécanisme de consignation – et proposer éventuellement des améliorations.
En effet, nous le savons, en matière d’accueil des gens du voyage, le principal écueil réside dans les difficultés à faire appliquer la loi, toute la loi.
En outre, les lois de 2000 et de 2017 reposent sur un équilibre, imparfait sans doute, mais qui prévoit le respect, par chacun, de ses droits et de ses devoirs : par les collectivités locales, tout d’abord, auxquelles la loi confère la responsabilité de l’accueil des gens du voyage ; par les gens du voyage, ensuite, qui doivent s’engager à être respectueux, dans leur comportement, des règles collectives et du droit ; par l’État, enfin, qui doit être le garant de cet équilibre et affirmer la solidarité nationale.
Or, il n’en va pas de même du texte que nous examinons aujourd’hui. Celui-ci n’est pas sans rappeler la proposition de loi de Pierre Hérisson, dont nous avions entamé l’examen fin 2013 et début 2014, opportunément quelques mois avant les élections municipales ! Je retrouve dans le texte qui nous est aujourd’hui soumis une continuité d'inspiration : il vise essentiellement à renforcer les sanctions prévues contre les occupations illicites.
Pour ces raisons, les sénateurs du RDSE ont accueilli ces deux propositions de loi avec circonspection, pour ne pas dire de fortes réserves.
Certaines des dispositions contenues dans le chapitre Ier, notamment celles visant à mieux prendre en compte les nouvelles compétences des intercommunalités, peuvent recueillir notre assentiment.
Il n’en va pas de même des articles qui remettent en cause les grands équilibres que j’évoquais. Je pense, notamment, à ceux qui prévoient d’alourdir les sanctions pénales – nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion des amendements.
Nous abordons donc l’examen de ce texte en étant pleinement conscients des problématiques qu’il soulève et convaincus qu’elles doivent être abordées avec responsabilité et dans un esprit de concorde.
Quant au vote final des membres du RDSE, il dépendra, vous l’aurez compris, du sort réservé aux amendements qu’ils ont déposés. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chers Jean-Claude Carle et Loïc Hervé, quelle quête que celle de l’équilibre entre mode de vie des itinérants et respect de la réglementation, particulièrement, du stationnement des résidences mobiles ! Le législateur s’y attache régulièrement et la présente proposition de loi s’inscrit dans cette démarche.
Les plus hautes juridictions s’y sont engagées également. Le Conseil d’État, en 1983, avait eu l’occasion de consacrer le droit pour les gens du voyage d’être accueillis sur le territoire des communes où ils viennent s’établir et de reconnaître leurs véhicules comme des domiciles dont l’inviolabilité est constitutionnellement garantie.
Le Conseil constitutionnel a pu rappeler, le 9 juillet 2010, que la liberté d’aller et venir constituait également une liberté constitutionnellement garantie.
Toutefois, cet équilibre demeure précaire, marqué pour les élus locaux de difficultés liées aux stationnements illicites. Les orateurs précédents ayant dirigé ou dirigeant encore des exécutifs locaux ont dit le quotidien des maires, leur exaspération et parfois même leur mise en danger.
Les schémas d’accueil prévus par la loi Besson se concrétisent peu à peu. Dix-sept départements ont déjà atteint leurs objectifs. La Seine-et-Marne, elle aussi attractive, pour d’autres raisons que la Haute-Savoie, et soumise à de nombreuses tensions, notamment l’été, figure parmi les bons élèves, avec 811 places déjà construites sur les 1 214 places prescrites. La maîtrise du calendrier par le préfet reste, évidemment, une question.
La Cour des comptes constate un taux d’occupation des places disponibles de 55 % à 60 %, qu’elle explique par une « implantation géographique inadaptée » ou, bien évidemment, par la non-acceptation de ces équipements par la population dans les zones sous tension. La dernière raison avancée par la Cour des comptes est la faible mobilité des gens du voyage due à la scolarisation des enfants – celle-ci reste au demeurant bien trop faible –, à leur plus grande précarité financière, à la fragilité juridique de leur installation et à l’absence de garantie de retrouver une place sur leur terrain d’élection.
L’effort des collectivités ne répond pas encore aux besoins et ne suffit pas à endiguer les occupations illicites qui exaspèrent tant.
Si nous ne pouvons que partager les objectifs affichés, nous nous interrogeons sur la mise en œuvre, l’efficacité, voire la constitutionnalité, de plusieurs dispositions.
Il nous semble ainsi difficile d’exclure du dispositif 45 % des intercommunalités de la Nation, celles qui ne comptent aucune commune de plus de 5 000 habitants, comme le prévoit l’article 1er.
Le caractère dissuasif du doublement des peines encourues prévues à l’article 322-4-1 du code pénal en cas d’occupation illicite peine, hélas, à convaincre quand on sait que soixante condamnations seulement ont été prononcées en 2016 pour ce délit, dont cinq à des peines d’emprisonnement ferme. Ce peut être, effectivement, un signal à destination des magistrats, mais il nous semblerait plus adapté d’envisager une aggravation des peines applicables quand l’installation illicite sur un terrain s’accompagne de destructions, de détériorations ou de dégradations.
S’agissant de l’article 5, certaines de ses dispositions comportent des risques d’inconstitutionnalité, même si la commission en a levé certains concernant le droit à un recours effectif et la liberté d’aller et venir.
L’article 6, qui vise à étendre la confiscation des véhicules prévue par l’article 322-4-1 du code pénal à ceux destinés à l’habitation paraît difficilement conciliable avec le principe constitutionnel d’inviolabilité du domicile et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
L’article 8, qui prévoit la création d’un délit de fraude d’habitude d’installation sur le terrain d’autrui, soulève quelques difficultés d’application, sans pour autant être dépourvu de fondement.
Cela étant, nous soutenons sans réserve plusieurs objectifs et dispositifs de la proposition de loi tels qu’elle a été amendée. Par exemple, nous saluons le fait qu’elle tire les conséquences du transfert aux intercommunalités des compétences « création, aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil des gens du voyage et des terrains familiaux » prévu par la loi NOTRe, la comptabilisation en tant que logements sociaux au sens de la loi SRU des emplacements des aires permanentes – c’est une mesure incitative et équitable –, ou encore la création, à l’article 3, d’un mécanisme d’information obligatoire pour faciliter l’organisation de l’accueil des gens du voyage lors des grands passages et des grands rassemblements. Nous soutenons aussi l’article 4, qui prévoit notamment d’étendre aux maires des communes dotées d’une aire d’accueil conformément aux prescriptions du schéma départemental le pouvoir d’interdire le stationnement des résidences mobiles même si l’établissement public de coopération intercommunale auquel elles appartiennent n’a pas satisfait à l’ensemble de ses obligations.
Enfin, bien évidemment, nous soutenons particulièrement l’innovation que représenterait la création d’une amende forfaitaire délictuelle, mécanisme prévu à l’article 6 qui peut s’avérer efficace.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Arnaud de Belenet. Le groupe La République En Marche se retrouve dans l’approche décrite par Mme la ministre et apporte un soutien pragmatique au texte, tout en souhaitant qu’un certain nombre d’améliorations lui soient apportées. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’accueil des gens du voyage est un véritable casse-tête et une source de conflits et de difficultés permanente pour les élus locaux qui en ont la responsabilité, comme en témoignent les deux propositions de loi synthétisées dans celle de la commission des lois.
À ce jour, trois textes règlent les conditions d’accueil des gens du voyage par les collectivités : les lois Besson, MAPTAM et NOTRe, auxquelles s’est ajoutée la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.
Comme vous le savez, c’est la loi Besson du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage qui a posé les bases de la législation, en attribuant la compétence en matière d’aires d’accueil des gens du voyage aux collectivités territoriales et en inscrivant dans la loi l’obligation, pour les communes de plus de 5 000 habitants inscrites au schéma départemental d’accueil des gens du voyage, de créer des aires d’accueil. Les lois MAPTAM et NOTRe attribueront par contre aux EPCI, en tant que compétence obligatoire, celle de l’aménagement, de l’entretien et de la gestion de ces aires d’accueil.
À mon sens, les difficultés actuelles tiennent, premièrement, aux retards dans l’élaboration et la mise en œuvre des schémas départementaux – en 2014, 35 % des aires d’accueil permanentes restent encore à réaliser, et 18 % de celles qui existent ne répondent pas complètement aux obligations prévues –, et, deuxièmement, à la difficulté de faire respecter la loi par un nombre non négligeable de gens du voyage, les préfets, généralement, ne manifestant pas un grand enthousiasme pour faire évacuer par la force publique les contrevenants qui s’installent là où bon leur semble, parfois même quand existe une aire d’accueil réglementaire sur le territoire de la commune.
Ces retards, voire ces absences de réaction de la part des pouvoirs publics sont source d’incompréhension pour les élus, si ce n’est de rejet par le voisinage, qui en vient à se demander s’il n’y a pas deux catégories de citoyens : ceux que l’on sanctionne quand ils ne respectent pas la loi et ceux qui peuvent se le permettre en toute impunité.
Notre sentiment est que nous ne sortirons de l’impasse qu’en faisant respecter la loi Besson par les uns et par les autres : par les collectivités en facilitant la réalisation des aires d’accueil, par les gens du voyage en facilitant la police des grands rassemblements ainsi que l’évacuation des terrains occupés illégalement dans les EPCI respectant la loi Besson et en renforçant les sanctions pénales en cas d’occupation illicite d’un terrain.
Afin de faciliter la mise en œuvre des schémas d’accueil, outre le rétablissement des financements de l’État – on peut toujours espérer… –, il convient de clarifier la réglementation existante. À cet égard, il ne me semble pas suffisant de mieux distinguer les compétences relevant des communes de celles relevant des EPCI, comme le prévoyait l’une des propositions de loi initiales. Pourquoi ne pas, plus radicalement, confier aux EPCI l’ensemble de la compétence, comme l’a suggéré la commission ? Aucune raison ne s’y oppose. Cela répond à la vocation des intercommunalités – assumer à plusieurs ce qu’on ne peut pas faire seul – et devrait favoriser la création d’aires d’accueil. Le texte de la commission va dans ce sens, son seul tort, à mon goût, étant qu’il le dit de manière si compliquée que personne n’y comprend rien ! (Sourires.) Le premier amendement que nous avons déposé vise donc à clarifier les choses en récrivant l’ensemble de l’article 1er de la proposition de loi initiale.
Par souci de cohérence, notre deuxième amendement tend à rétablir la consignation des fonds prévue par la loi Égalité et citoyenneté à l’encontre des collectivités qui ne respecteraient pas le schéma départemental d’accueil. Certaines n’ont absolument aucune envie de le faire !
L’objet des autres articles du texte de la commission est de faciliter l’application effective des mesures d’ordre public dans les communes appartenant à des EPCI ayant satisfait à leurs obligations en matière d’accueil des gens du voyage. Mais si nous souscrivons aux dispositions qui visent à répondre à la situation, nous refusons celles qui sont inutilement répressives, et donc inefficaces.
À quoi bon durcir les sanctions, multiplier les procédures expéditives quand on n’est pas capable d’appliquer celles qui existent, faute de volonté ? Quand vous aurez saisi les véhicules servant d’habitations, ce qu’exclut actuellement le code pénal, que ferez-vous des gens qui les occupent ?
M. Jean-Pierre Sueur. Très bonne question !
M. Pierre-Yves Collombat. Quant à la possibilité de retirer le permis de conduire à ceux qui contreviennent à la législation relative aux gens du voyage, elle n’aboutira, selon moi, qu’à l’augmentation du nombre de conducteurs sans permis, qui sont déjà beaucoup trop nombreux !
Vous l’aurez compris, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera le texte si les propositions de bon sens qu’il formule sont acceptées. Dans le cas contraire, il ne l’approuvera pas. Mais comme vous allez naturellement adopter nos amendements, je suis sûr que nous pourrons voter favorablement ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – MM. Jean-Luc Fichet, Patrick Kanner et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.