M. le président. La parole est à M. Pierre Louault.
M. Pierre Louault. Monsieur le ministre, je suis d’accord avec vous : depuis plus de quinze ans, l’aménagement du territoire est devenu le parent pauvre des politiques publiques ; cela ne date donc pas d’aujourd'hui.
Le développement économique se concentre autour des pôles métropolitains aux dépens des pôles d’équilibre plus modestes. C’est la réalité dans toute la France.
Nos territoires ruraux sont, de fait, devenus le tiers-monde de la France, avec un flux migratoire vers les villes – ce n’étaient pas des sans-papiers, mais ils sont partis –, qui sera bientôt épuisé par manque d’habitants.
Les derniers indigènes n’en peuvent plus des contraintes sans contrepartie. Ils attendent plus de souplesse ; ils attendent l’engagement du Président de la République leur permettant de prendre des initiatives. Il faut redonner de l’espoir et la possibilité de travailler aux élus ruraux.
Beaucoup a été dit sur les territoires ruraux ; je n’y reviendrai pas. Néanmoins, on paie un abonnement de mobile 39 euros, quand il s’élève à 19 euros en ville, alors que l’utilisateur doit monter sur la colline pour bénéficier de la téléphonie mobile ! Le haut débit n’est toujours pas là, et ce n’est pas le discours prononcé cet après-midi par le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, qui va nous rassurer.
Pourtant, une politique ambitieuse d’aménagement des territoires est possible. Elle est indispensable pour notre pays et requiert une volonté des élus. Mais il convient de ne pas les désespérer et de leur laisser de la liberté et de l’initiative. Il faut mettre en place des outils et trouver des moyens financiers. En l’espèce, nous avons des marges de manœuvre. Selon la Cour des comptes, les territoires ruraux ont trois à quatre fois moins de dotations que les pôles urbains.
Il faut créer des dotations spécifiques, ajouter de la péréquation, se doter d’une politique d’aménagement du territoire qui mobilise les moyens de l’Europe, de l’État et des régions. C’est le prix à payer, car une politique sans financement ne vaudra rien !
Quels sont les moyens financiers que vous envisagez de mobiliser pour faire avancer une politique d’aménagement du territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, il ne s’agit pas, en tout cas, d’engager moins de moyens que le Gouvernement précédent. La situation, vous l’avez rappelé, est très diverse. Pour ma part, je ne peux pas considérer que tous les territoires ruraux sont en situation d’abandon, car ce n’est pas la réalité.
Certains connaissent une forte progression démographique, notamment ceux qui bénéficient d’un afflux de population résultant du retour de nombre de nos concitoyens confrontés aux difficultés de la vie quotidienne dans les métropoles.
D’autres vivent la situation comme un abandon, car ils sont enclavés, éloignés des métropoles, et rencontrent des problèmes particuliers. Ils vivent aussi une mutation considérable de l’agriculture, qui génère la disparition – ce phénomène s’accentue avec les problèmes laitiers – de très nombreuses exploitations agricoles. Un certain nombre de villes moyennes se trouvent dans une situation délicate, du fait d’une perte de population : leurs concitoyens partent s’installer non pas seulement dans la métropole, mais souvent aussi dans leur périphérie immédiate, créant de nouvelles difficultés.
Quelles sont les réponses ? Du côté de l’État, avec les dotations dont je viens de parler, mais également avec des contrats spécifiques pour les villes moyennes, les petites villes et la revitalisation des centres-bourgs. Il faut aussi revoir les dispositifs concernant les zones de revitalisation rurale. Si je suis interrogé sur ce point, j’apporterai un certain nombre de précisions.
Je citerai également la péréquation, comme vous l’avez fait, car il ne faut pas se voiler la face. En effet, à côté de la péréquation verticale, il existe la péréquation horizontale. Je peux entendre par exemple que les conseils départementaux reprochent à l’État de devoir prendre à leur charge un certain nombre de difficultés propres aux mineurs ou aux allocations de solidarité. Néanmoins, leurs ressources connaissent une grande diversité. Quand on voit l’augmentation considérable des DMTO, les droits de mutation à titre onéreux, dans certains départements, des efforts de péréquation horizontale, outre ceux de l’État, doivent être développés. Or là, souvent, on est beaucoup plus discret,…
M. René-Paul Savary. Normal !
M. Jacques Mézard, ministre. … car les territoires riches n’ont pas souvent envie de contribuer davantage aux besoins des territoires pauvres ; nous l’avons fréquemment constaté lors des discussions budgétaires.
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Monsieur le ministre, je reviens sur la question des territoires à énergie positive pour la croissance verte, car la réponse que vous avez apportée à mon collègue Guillaume Gontard me semble insuffisante.
Vous n’êtes pas sans connaître l’engouement de nos collectivités pour ce pertinent et structurant dispositif que l’on ne peut pas considérer comme étant une usine à gaz, pour reprendre votre propre expression.
La très récente circulaire adressée aux préfets par M. le ministre d’État Nicolas Hulot prévoit en effet de réduire de 46 % les crédits de paiement du programme TEPCV, soit 350 millions d’euros des engagements pris, sur les 750 millions d’euros contractualisés sur trois ans.
Première question : s’agissant de conventions pluriannuelles, il suffirait, dans les deux années à venir, de prévoir deux fois 175 millions d’euros. Les crédits inscrits à ce jour permettent d’honorer la première année d’exécution de ces conventions.
Deuxième question : ne pouvant heureusement remettre en cause la signature de l’État, votre collègue propose quatre règles de gestion très contraignantes, voire dissuasives et décourageantes pour les collectivités. Il s’agit d’une remise en cause a posteriori des règles du jeu. Je cite, par exemple, l’idée d’une règle de dégressivité et de pénalités de retard pour des projets engagés au-delà du 31 décembre 2017, alors que les conventions courent sur trois années. Malheureusement, ce n’est pas qu’une idée, puisque c’est écrit dans la circulaire.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous revenir sur ces décisions et inscrire au budget les sommes correspondantes ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous faire une réponse différente de celle que je viens d’apporter à votre collègue.
M. Olivier Jacquin. Je suis déçu !
M. Jacques Mézard, ministre. Moi aussi, je peux être déçu, sans entrer dans une polémique stérile, par cette situation : nombre de signatures ont été données sans le moindre financement pour les honorer. Cela représente, sur le budget 2017, plusieurs milliards d’euros.
Effectivement, nous nous trouvons face à nombre d’engagements qui n’ont pas été financés ; c’est la réalité budgétaire. Mais je n’ai pas l’habitude, et je ne commencerai pas aujourd’hui, de faire le procès systématique des uns ou des autres, car je considère que, sur tous ces dossiers, la responsabilité est collective.
Aucun gouvernement passé n’a de leçon budgétaire à donner à l’actuel gouvernement. Nous assistons effectivement depuis dix ans à l’augmentation du déficit, quasiment à son doublement, et au recours systématique à l’endettement pour gérer les problèmes du quotidien au niveau budgétaire. Je ne pense pas que cette solution ait été la meilleure pour l’équilibre de la République et pour construire un budget qui puisse être considéré comme satisfaisant par les uns et les autres.
Certaines règles ont été rappelées par le ministre d’État Nicolas Hulot, dont vous savez l’attachement qu’il accorde à la transition écologique. Je lui ai fait part des remontées du terrain. Nous réfléchirons à la façon d’adapter les choses, mais je ne mettrai pas en cause la politique qu’il mène.
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour la réplique.
M. Olivier Jacquin. J’ai envie de réagir en deux mots : cohérence et confiance.
Vous me parlez finances, moi aussi : aucun euro n’est mieux investi que dans la transition énergétique et les économies intelligentes qu’elle procure.
Je vous parle de confiance, celle qu’a évoquée le Président de la République envers les collectivités. La remise en cause a posteriori des règles du jeu, cette méthode, je la trouve sournoise. Ce n’est rien moins que la parole de l’État qui est en question. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Selon l’article 1er de la Constitution, la République française est indivisible. Et pourtant, il existe aujourd’hui plusieurs France. Les sociologues, les politologues, les géographes et surtout les électeurs le disent.
Oui, la France est rongée par une fracture territoriale qui se révèle un des défis les plus compliqués et les plus urgents à relever : d’un côté, on l’a dit, une France dynamique, moderne, ouverte, connectée, celle des métropoles et des grandes villes, une France 2.0 qui n’a pas peur de la mondialisation et qui est armée pour l’affronter ; de l’autre, une France en souffrance, celle des ruralités et des périphéries, une France enracinée qui ne veut pas mourir et qui se sent déclassée, délaissée, notamment par l’État. Car quand une classe, une poste, une perception, une usine ferment, neuf cas sur dix frappent cette France profonde.
Certes, vous l’avez dit, monsieur le ministre, cette situation n’est pas nouvelle. À cet égard, vous avez pointé avec une grande énergie les responsabilités de vos prédécesseurs. Mais plusieurs décisions très récentes du Gouvernement laissent sceptiques quant à sa réelle volonté de rétablir un minimum d’équité territoriale, sans parler des annulations de crédits aux collectivités : pourquoi donc avoir mis en pause le canal Seine-Nord, le barreau Picardie-Roissy et tant d’autres grands chantiers structurants et porteurs d’espoir pour nos territoires ?
Par ailleurs, n’est-il pas incohérent, et même indécent, de se glorifier du dédoublement des classes de CP dans les réseaux d’éducation prioritaire alors qu’on a souvent des double ou triple niveaux à plus de vingt élèves en zone rurale ? On ne peut se satisfaire de voir des discriminations positives aggraver des discriminations négatives.
Monsieur le ministre, avez-vous réellement un cap en matière d’aménagement du territoire ? Avez-vous tout simplement une boussole ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, la polémique à ce niveau ne justifie pas une réponse de fond, car nous sommes tous responsables, nous avons tous la volonté de faire avancer ce pays, que l’on appartienne au Gouvernement ou que l’on se trouve dans l’opposition. Il n’est pas constructif, au sens premier du terme, de me demander si j’ai une boussole ; je me demande moi si vous savez regarder vers le Nord…
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.
M. Olivier Paccaud. J’ai une certaine idée de la France, mais aussi de la République. La République, c’est non seulement l’égalité des droits, mais aussi l’égalité des chances, et donc un idéal d’équité territoriale. À ce titre, j’espère sincèrement que la devise qui orne les 36 000 frontons de nos mairies ne sera pas, au cours des années qui viennent, vide de sens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Monsieur le ministre, le désert médical avance, inexorablement et depuis des années déjà. Les élus locaux ont investi du temps, de l’énergie et de l’argent, en l’occurrence de l’argent public. Or les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes, parce que les élus de bonne volonté se sont heurtés à la dure réalité : les médecins ne veulent pas venir, tout simplement !
Les fortes incitations financières ont créé une dérive insupportable. Certains effets sont désastreux. Ils aboutissent à une mise en concurrence des territoires, à ce qui pourrait s’apparenter à une perversion de l’engagement sincère au service des autres : quid du serment d’Hippocrate ?
On baisse l’aide personnalisée au logement, l’APL, pour les personnes aux revenus modestes ; on va ponctionner les retraites au nom des économies à faire ; et on continuerait à verser des primes d’installation de 50 000 euros, à exonérer d’impôt pendant cinq ans des professionnels aux revenus plus que confortables, ayant leur patientèle toute faite dès lors qu’ils s’installent ?
Nos concitoyens sont excédés. Ils demandent une solution rapide, efficace et durable.
Rappelons que les études de médecine sont gratuites et que notre système repose sur la sécurité sociale.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à agir vraiment, à déconventionner les médecins s’installant en zone de surdensité et même, de manière plus radicale, à instaurer comme il le faudrait un service médical obligatoire de cinq ans pour tout nouveau médecin ? C’est une question de citoyenneté, une leçon d’humanité, voire d’humilité pour les nouveaux praticiens. Ne sont-ils pas censés avoir la vocation ?
Nous sommes face à une situation d’urgence absolue, qui exige du courage et de la détermination. Le problème est national. La prise en charge doit être assurée par l’État, car il s’agit de santé publique. L’État doit protéger les citoyens et donc faire en sorte qu’il y ait des médecins et des spécialistes en nombre suffisant sur tout le territoire national. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, je ne ferai pas le procès des médecins dans leur ensemble. Au cours de ma vie familiale, j’ai été entouré de médecins généralistes, installés, en particulier, dans le département du Lot. Je crois donc connaître cette problématique et le dévouement dont ceux qui y sont confrontés font souvent preuve au service de leurs concitoyens.
Bien sûr, je ne prétends pas que tout va bien ! Mais, en imposant aux praticiens un service médical de cinq ans, c’est-à-dire en procédant par la contrainte, je ne crois pas que l’on puisse résoudre le problème juste que vous soulevez.
Des efforts sont accomplis et vont être entrepris pour rétablir un équilibre – c’est bien ce dont il s’agit – entre, d’une part, des zones où la surdensité médicale est réelle et où il y a d’ailleurs souvent beaucoup de soleil, et, de l’autre, un certain nombre de territoires où les installations sont manifestement plus rares.
Dans ce cadre, il importe que nous trouvions des solutions actives. Mais je doute que les déconventionnements systématiques et, plus largement, les mesures contraignantes encouragent nombre de médecins à choisir cette voie.
M. Hervé Maurey, président de la commission. Essayons !
M. Jacques Mézard, ministre. Vous l’avez dit, nous avons besoin de spécialistes. Nous avons également besoin que, dans les départements ruraux, nos hôpitaux régionaux et nos centres hospitaliers puissent rayonner. Telle est l’une des propositions faites par Mme la ministre des solidarités et de la santé, afin d’éviter la désertification médicale. Je précise que cette dernière ne prend pas la même forme dans tous les territoires ruraux.
On peut également parler du numerus clausus : à ce titre, si des mesures sont prises aujourd’hui, elles feront effet dans dix ans. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas agir à ce titre, mais c’est une réalité ! Si, pendant cinq ans, le gouvernement précédent ne l’a pas fait, cela ne signifie pas qu’il n’a rien fait. Simplement, il n’a pas choisi cette voie-là. Il en a été de même pendant les cinq années précédentes. Personnellement, je ne crois pas qu’en la matière la contrainte systématique soit la bonne solution.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.
Mme Angèle Préville. Monsieur le ministre, la solution que je propose est économe et véritablement durable : il s’agit de rendre tout son sens à ce que nous avons en partage, c’est-à-dire la santé. Globalement, nos concitoyens se soignent moins. Or personne ne doit être laissé de côté !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos propos introductifs concernant les négociations avec les opérateurs, notamment vos projets de très haut débit fixe, qui vont de pair avec le chantier du très haut débit mobile : il s’agit là de deux technologies complémentaires.
Vous le savez, dans la région Grand Est, nous avons mis sur pied un nouveau modèle : le modèle du XXIe siècle, lequel permet de déployer un réseau d’initiative publique pour un ensemble de 900 000 prises et pour un montant total d’environ 1,3 milliard d’euros. Plusieurs opérateurs ont répondu à ce projet : l’investissement sera assuré à hauteur de 85 % par le privé.
En conséquence, le différentiel sera moindre entre, d’une part, les villes, qui sont couvertes à 100 % par les opérateurs, donc par l’argent privé – c’est normal : ces territoires comptent de nombreux usagers, donc des recettes – et, d’autre part, les campagnes, qui auparavant, au titre du très haut débit fixe, étaient couvertes à 100 % par de l’argent public.
Jusqu’à présent, on observait une rupture entre les territoires. Désormais, je le répète, on dispose d’un modèle garantissant, pour l’investissement dans les campagnes, 85 % d’argent privé : ainsi, on assure véritablement un meilleur équilibre. Il n’est pas non plus illogique que les collectivités territoriales interviennent, étant donné les dépenses supplémentaires qu’impliquent les distances à couvrir.
Monsieur le ministre, ma question est très précise. À présent que ce projet est réalisé, un opérateur privé entend faire concurrence au réseau d’initiative publique, lequel a été mis sur pied par suite des carences du privé. Allez-vous faire en sorte qu’en pareil cas il ne soit pas possible, pour le privé, de concurrencer les actions déployées par le public ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Sébastien Leroux. Très bonne question !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Savary, vous avez parfaitement raison, et j’ai moi-même été conduit à adresser un message précis aux opérateurs : il n’est pas question de laisser ces derniers remettre en cause, à travers les réseaux d’initiative publique, le travail accompli par les collectivités territoriales.
Je connais le projet mené dans le Grand Est, et nous ferons en sorte qu’il ne soit pas mis en danger par un autre opérateur.
M. Hervé Maurey, président de la commission. Très bien !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour la réplique.
M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette précision et de l’appui que vous exprimez. J’insiste, il faut véritablement clarifier les choses, faute de quoi l’on risque d’aboutir à une situation ubuesque. Dans certains territoires, nos concitoyens n’ont toujours pas accès à la téléphonie mobile, donc au très haut débit mobile : et ils verraient deux réseaux de fibre se déployer devant chez eux !
Merci de prendre à cœur cette affaire : il y va de l’équilibre des territoires et de la pérennité de ce modèle novateur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Nadia Sollogoub et Michèle Vullien applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Sébastien Leroux.
M. Sébastien Leroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le département de l’Orne, territoire rural, la moitié des médecins généralistes vont partir avant la fin du quinquennat. Certains espaces sont déjà totalement démunis.
Nous ne sommes plus devant une situation d’inquiétude, mais face à une mise en danger de notre population. Le traitement classique du problème de la démographie médicale n’est plus à la hauteur de l’enjeu, et des mesures d’urgence doivent être prises pour faire face aux nécessités de l’heure.
En tant que juriste, monsieur le ministre, vous savez que les pouvoirs publics peuvent, si nécessaire, s’affranchir momentanément de la réglementation ordinaire, surtout quand cette dernière se révèle contre-productive. Ne pensez-vous pas que le moment est venu de le faire ?
Nous avons tous déjà mis en place ces financements de structures, notamment de maisons pluridisciplinaires, annoncés dans le plan gouvernemental. S’ils sont indispensables, ces outils ne peuvent, à eux seuls, répondre au défi auquel nous sommes confrontés : un cabinet neuf sans praticien ne permet pas de soigner la population.
Le plan du Gouvernement prévoit une possibilité accrue de cumul emploi-retraite pour les médecins libéraux. Cette solution en forme de compagnonnage entre générations peut permettre, à l’échelle d’un département, en synergie avec les médecins en exercice, de pallier l’urgence.
Toutefois, pouvez-vous me confirmer que ces médecins retraités ne subiront aucun effet négatif administratif et financier ? Autoriserez-vous les conseils départementaux à créer des organisations de cette nature, avec l’Ordre des médecins, en veillant eux-mêmes à ce qu’aucune tracasserie administrative ou financière ne vienne frapper ces médecins de bonne volonté ?
Enfin, une autre piste semble possible : mettre en place un service sanitaire, non pas de trois mois, comme nous avons pu l’entendre, mais d’une année, afin que les jeunes médecins puissent apporter leurs forces vives à une population aujourd’hui en abandon de soins. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, je vous le confirme : le cumul emploi-retraite, qui existe déjà, sera non seulement encouragé, mais développé dans le cadre du plan proposé par Mme la ministre des solidarités et de la santé. Le dispositif actuel concerne environ 15 000 médecins. Nous prévoyons de doubler ce chiffre.
De plus, je tiens à vous rassurer quant aux conséquences pour ceux qui choisiraient cette voie : le plan présenté par Agnès Buzyn prévoit le rehaussement du plafond d’exonération des cotisations de retraite de 11 500 à 40 000 euros, ce qui devrait faciliter considérablement les choses.
Dans ce cadre, le partenariat de l’Ordre des médecins est tout à fait essentiel à l’échelle locale. Nous avons d’ores et déjà lancé des travaux afin de faciliter les démarches des praticiens auprès du conseil de l’Ordre, notamment en cas d’exercice d’un professionnel de santé dans une zone sous-dense, en dehors de son cabinet principal.
Tel est l’objet de concertations que la ministre des solidarités et de la santé mène, à l’heure actuelle, avec les représentants du conseil de l’Ordre des médecins. Les réponses apportées à ce titre vont tout à fait dans le sens de la question que vous avez posée.
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier.
Mme Marie Mercier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. le Premier ministre a déclaré que chaque citoyen devait avoir accès à une médecine de qualité, quel que soit l’endroit où il vit. À cet égard, l’enjeu de santé publique rejoint clairement celui de l’aménagement de notre territoire.
En géographie de la santé, la question de l’inégalité dans l’accès à l’offre de soins est au cœur des débats. Mme la ministre des solidarités et de la santé a tracé les grandes lignes de sa politique qui sont de bon augure : campagnes de vaccination, lutte contre les déserts médicaux, usage de la télémédecine, etc.
S’il est un autre sujet sensible, c’est ce que l’on appelle les grandes urgences vitales, notamment cardiovasculaires. Ces dernières exigent une prise en charge rapide. À ce titre, les experts ont énoncé des recommandations sur la base des délais au-delà desquels se réduisent les chances de survie.
Or, en la matière, l’inégalité territoriale existe bel et bien dans notre pays. Pour y remédier, il faut soutenir les unités de soins intensifs, investir dans des plateaux techniques appropriés et permettre aux équipes médicales spécialisées d’offrir des soins de qualité à toutes les populations. Le projet de plateau technique d’angioplastie du centre hospitalier de Chalon-sur-Saône, qui concerne 350 000 habitants, en est un exemple concret.
Mme la ministre des solidarités et de la santé veut, avec raison, « faire confiance aux acteurs des territoires pour construire des projets et innover dans le cadre d’une responsabilité territoriale. » Cette responsabilité passe par le respect des recommandations médicales, la vie des hommes restant la première des priorités.
Aussi, monsieur le ministre, je souhaite connaître les moyens que vous comptez mobiliser, face à ces situations d’urgence vitale, pour répertorier les inégalités territoriales et surtout favoriser les projets en mesure d’y mettre fin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, je réponds avec d’autant plus de conviction à votre interrogation que je suis conscient de cette réalité : les questions de grande urgence ne sont pas traitées de la même manière selon les territoires, ne serait-ce que pour conduire un malade dans un service de soins intensifs.
On l’observe notamment, à l’échelle régionale, pour la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux, les AVC. On le sait, une réponse rapide est indispensable pour sauver les personnes ainsi frappées. En la matière, nous avons demandé aux agences régionales de santé, les ARS, de faire davantage, en lien avec le 15, pour coordonner l’action des professionnels de santé. Plusieurs améliorations doivent être apportées. Elles ont été visées par Mme la ministre des solidarités et de la santé. L’enjeu, c’est de différencier les niveaux d’urgence.
La question que vous posez, à savoir celle de la grande urgence, est une priorité : il faut y répondre avec les moyens adaptés.
Vous avez rappelé un certain nombre de mesures que Mme la ministre des solidarités et de la santé a lancées. Je les considère comme des initiatives courageuses, qu’il s’agisse de la vaccination ou de la lutte contre le tabagisme. (Mme Marie Mercier opine.)
Il est également nécessaire de continuer à former nos concitoyens, pour qu’ils soient à même de reconnaître les situations d’urgence. À ce titre, nous avons encore beaucoup de travail à accomplir. M. le ministre de l’intérieur a d’ailleurs annoncé hier le lancement d’une nouvelle campagne, en lien avec les sapeurs-pompiers. Le but est de faciliter la détection de ces situations et, ainsi, de permettre une réponse plus rapide.
Comme vous l’avez signalé, il est impératif de réagir dans les meilleurs délais : tout se joue, sinon en quelques minutes, du moins en quelques heures, pour sauver celles et ceux qui se trouvent dans des situations de grande urgence. Sachez que le travail engagé par Mme la ministre des solidarités et de la santé va tout à fait dans ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)