M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. « Je veux que tous les salariés aient leur juste part quand les choses vont mieux. » Ce ne sont pas mes mots, mais ceux qui ont été prononcés par le Président de la République lors de son intervention télévisée du 15 octobre dernier. Il a souhaité rappeler la nécessité de partager les fruits de la réussite des entreprises avec les salariés, en développant des dispositifs de participation et d’intéressement.
C’est un chemin vers lequel la majorité précédente, sous l’impulsion du président Hollande, s’était engagée en abaissant, par exemple, pour les entreprises de moins de 50 salariés, le taux du forfait social de 20 % à 8 % pendant les six premières années suivant la première mise en place d’un dispositif d’épargne salariale.
Le porte-parole du Gouvernement, M. Castaner, a même prolongé la pensée du Président, en indiquant que l’objectif était de faire entrer les salariés au conseil d’administration des entreprises afin d’en transformer la gouvernance et d’améliorer le dialogue social.
Mais, en même temps, le 18 octobre, le ministre de l’économie s’est montré, de son côté, très réservé sur ce point, en indiquant que l’octroi d’un pouvoir de décision aux salariés n’était pas une évidence.
C’est à n’en plus savoir quelle est la ligne politique du Gouvernement ! S’agit-il de s’orienter vers un dispositif de codécision à l’allemande ou de louper, encore une fois, le coche de la modernisation des relations sociales en France ? Je n’ose pas croire que l’admiration de l’exécutif pour le modèle allemand ne porte que sur le pire et jamais sur le meilleur.
Les salariés doivent avoir leur mot à dire sur les dispositifs de participation dans leur entreprise. Donner du pouvoir aux salariés dans les conseils d’administration, c’est répondre à un souci de justice et d’efficacité.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous clarifier la position du Gouvernement sur sa volonté d’avancer en faveur de la démocratie en entreprise dans le cadre du projet de loi que vous avez évoqué ? (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, vous aurez du mal à trouver un ministre qui, quelle que soit sa sensibilité politique, s’oppose à la démocratie sociale dans l’entreprise ! En tout cas, dans notre gouvernement !
Vous l’avez rappelé, la philosophie du Président de la République est très simple – c’est la raison pour laquelle les Français l’ont élu : il faut que le travail paye et il faut qu’il paye mieux qu’auparavant.
La question de la gouvernance et de la participation des salariés aux organes de décision des entreprises n’est pas une nouveauté, une terra incognita du droit français. De nombreux dispositifs sont déjà prévus : par exemple, une société employant, avec ses filiales, au moins 5 000 salariés en France ou au moins 10 000 au niveau mondial doit désigner au moins deux administrateurs salariés dans les sociétés dont le nombre d’administrateurs est supérieur à douze et au moins un dans les autres. Et en 2018 s’appliquera, de manière différée, la loi Rebsamen de 2015, qui améliore ce dispositif en abaissant les seuils : le mécanisme concernera les sociétés qui emploient au moins 1 000 salariés en France ou au moins 5 000 au niveau mondial.
Par ailleurs, la réalité de la participation des salariés ne réside pas uniquement dans leur présence dans les organes que sont les conseils d’administration ou les directoires des groupes. Les salariés seront associés à la création de valeur dans l’entreprise par le biais des comités sociaux et économiques mis en place par les ordonnances « travail ».
Et comme lors des consultations engagées par Muriel Pénicaud sur ces ordonnances, nous n’avions pas d’idée préconçue en lançant le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises. Nous ouvrons des discussions et ne rejetons pas d’emblée telle ou telle idée par principe.
Enfin, considérer que le modèle de codécision à l’allemande pourrait s’appliquer en France, c’est faire fi de la manière dont nos entreprises sont organisées et de leur culture propre, qui est très différente de leurs homologues d’outre-Rhin. Je suis favorable à la reprise des bonnes idées quand elles sont applicables, mais je ne crois pas au copier-coller… (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. François Patriat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les débats de cet après-midi mettent en évidence l’importance d’apporter un regard neuf sur la question de la participation. Il faut repenser en profondeur les mécanismes d’intéressement et de l’actionnariat salarial pour augmenter le pouvoir d’achat des Français. Il faut aussi, et peut-être même surtout, en faire la publicité pour assurer leur développement rapide.
Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, il faut que le travail paye et, pour matérialiser cette réforme, que la participation financière soit effectivement visible dans le salaire mensuel de nos compatriotes. Cela pourrait faire l’objet d’une ligne supplémentaire sur le bulletin de paye, ainsi que nous l’évoquions plus tôt dans l’après-midi, en introduction de nos débats. Cette idée aurait, en outre, le mérite de changer le regard des Français sur leur paye mensuelle.
La participation financière des salariés dans l’entreprise ne fait pas débat. Je crois que nous sommes tous favorables à ce que les employés aient une place consacrée au sein de l’entreprise et qu’ils soient capables de protéger leur activité contre les délocalisations ou les réorientations d’activité. Le bilan reste cependant en demi-teinte, comme je le disais précédemment. Aussi, nous devons redoubler d’efforts.
Pour accompagner le développement de ces outils, il faut donc communiquer auprès des Français, les convaincre de la dimension positive de ces dispositifs de participation financière. Des actions de communication doivent ainsi être entreprises pour mieux faire connaître ces dispositifs. Cette politique tient sur deux jambes : d’un côté, un renforcement de l’usage de la participation financière par les entreprises ; de l’autre, une sensibilisation des employés à la pertinence de ces outils et à leur rôle de levier dans l’augmentation du pouvoir d’achat.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte donc sur la valorisation de la participation financière : quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer la communication autour de ces dispositifs ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, je suis prêt à ajouter une ligne sur le bulletin de salaire puisque nous en enlèverons deux avec les cotisations. (Sourires.) Or, comme vous le savez, nous avons fixé comme principe, avec le Premier ministre, qu’il fallait supprimer deux règles lorsqu’une nouvelle était créée. Si vous m’ajoutez une ligne, je suis donc tout disposé à y réfléchir, car, je suis d’accord avec vous, la question de l’identification, sur le bulletin de paie, de ce que représente la participation est un élément permettant à chaque salarié de se rendre compte très concrètement, à la fin de chaque mois, de ce que cela représente.
Toutes les propositions qui peuvent permettre d’identifier, de s’approprier, bref de gagner la bataille culturelle sur cette question, peuvent recevoir un accueil favorable si elles sont soumises, sous votre autorité, au groupe de travail conduit par Stanislas Guerini et Agnès Touraine.
Des campagnes de communication existent et ont vocation à être pérennisées. En 2017 s’est tenue la première édition de la semaine de l’épargne salariale. Ce n’est pas faire injure à cet événement que d’avouer qu’il m’a un peu échappé… Sans doute pouvons-nous améliorer ce mécanisme et amplifier le phénomène. Je suis certain que cette semaine de l’épargne salariale saura trouver son public.
Par ailleurs, il ne faut pas négliger les réseaux sociaux, c’est-à-dire des médias un peu différents, dans la communication pouvant être faite autour des bienfaits des mécanismes de participation et d’intéressement. Ainsi, nous pourrons cibler des publics qui ne sont pas les lecteurs de la presse économique, des journaux spécialisés ou des différents prospectus que vous pouvez trouver dans des magazines spécialisés, afin d’en faire un sujet plus populaire.
Nous sommes très ouverts pour conduire une campagne de communication offensive, différente à la fois dans le message, dans la manière de le porter et dans le support pour le diffuser. Toute idée innovante et disruptive est évidemment la bienvenue sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question porte sur un thème cher à notre président de séance, Jean-Marc Gabouty.
L’accès des salariés aux dispositifs d’intéressement, de participation et d’épargne salariale est directement lié à la taille des entreprises. En effet, ceux-ci sont obligatoires dans les entreprises de plus de 50 salariés et demeurent facultatifs dans les entreprises de moins de 50 salariés.
Dans les PME et TPE de moins de 50 salariés, seuls 16,5 % des salariés sont couverts par ces dispositifs et cette proportion a tendance à s’effriter.
Sur la totalité des sommes distribuées ou épargnées, les salariés de cette catégorie d’entreprises ne reçoivent qu’environ 500 millions sur un total de 16,9 milliards d’euros.
Pour inciter les PME et TPE à s’engager dans ces dispositifs, vous avez la possibilité soit de les rendre obligatoires, au moins pour l’intéressement, dans une nouvelle tranche d’effectif, par exemple pour les entreprises de 20 salariés à 50 salariés, soit de mettre en place des mesures plus incitatives en diminuant le niveau du forfait social ou en le rendant progressif.
Les entreprises de cette catégorie qui mettraient en place pour la première fois, et volontairement, un régime de participation ou d’intéressement pourraient être exonérées du forfait social pendant les trois premières années, puis bénéficier d’un taux de 8 % les trois années suivantes, enfin de 16 % au-delà.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement peut-il envisager pour permettre à un plus grand nombre de salariés des PME et TPE d’avoir accès au régime de participation, d’intéressement et d’épargne salariale ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, nous avons déjà eu l’occasion d’aborder cette question à maintes reprises, mais cela montre que ce sujet est probablement le plus central dans le cadre de la participation et de l’intéressement. Il s’agit d’en faire bénéficier un maximum de salariés de notre pays, quand seulement un sur deux en bénéficie aujourd’hui. Je ne reprendrai pas les chiffres que nous avons déjà égrenés, et qu’aucun parmi nous ne conteste.
S’agissant de la baisse du forfait social, donc du coût de cette mesure, je renvoie aux débats que nous aurons sur la maîtrise de la trajectoire de nos finances publiques. Vous le savez, c’est la stratégie économique qu’a retenue le Gouvernement dans la présentation du projet de loi de programmation des finances publiques. Il s’agit d’un engagement que le Président de la République a pris dans le cadre de la campagne présidentielle, et vis-à-vis de nos partenaires européens.
Lorsque le forfait social a été abaissé de 20 % à 8 %, des mécanismes incitatifs ont été prévus pour permettre à des entreprises d’entrer dans le dispositif. Nous sommes prêts, dans le cadre du groupe de travail et du plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, dans lequel nous sommes engagés avec Bruno Le Maire, à réfléchir de nouveau à ces sujets, qu’il faut néanmoins manier avec précaution pour ne pas perturber notre trajectoire de finances publiques. Celle-ci est non pas la mère de toutes les batailles, mais un sujet central en termes de crédibilité financière de notre pays à l’égard de nos partenaires et des marchés. En tout cas, ce sujet sera à l’évidence à l’ordre du jour de nos débats.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement envisage d’étendre le mécanisme obligatoire de la participation aux entreprises de moins de 50 salariés.
J’émets de fortes réserves sur ce projet. Vous parlez de simplification, mais ici, au contraire, vous créez des contraintes nouvelles, ce qui signifie encore moins de liberté au sein des TPE-PME.
Pourquoi ne pas plutôt revoir la taxation trop élevée de ce dispositif, principal obstacle à son développement ?
Ma question portera donc sur le forfait social.
Je rappelle que cette taxe est passée de 2 % en 2009 à 8 % en 2011, avant de faire un bond à 20 % en 2012, sous la présidence de François Hollande, décourageant les employeurs d’utiliser ce mode de rémunération complémentaire.
Avec la loi du 6 août 2015, Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, avait prévu le retour à un forfait social réduit à 8 %, mais uniquement pour les TPE et PME volontaires entrant pour la première fois dans le dispositif, et ce durant 6 ans. Pourquoi ne pas avoir été plus loin en exonérant totalement du forfait toutes les entreprises de moins de 50 salariés ? De plus, il a été créé une discrimination entre les sociétés ayant déjà signé un accord avant 2011 et celles qui l’on fait après 2011.
Monsieur le secrétaire d’État, si vous voulez donner de la liberté aux entreprises, si vous voulez développer l’épargne salariale, alors, chiche, allez jusqu’au bout : enlevez le forfait social pour toutes les entreprises !
Enfin, s’agissant des travailleurs indépendants, dont la rémunération est leur résultat net, allez-vous déterminer vous-même cette rémunération en ponctionnant sur le résultat une part réservée à la participation ?
Je vous remercie de bien vouloir m’apporter des réponses. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Luche applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice, j’ai eu l’occasion de dire, mais peut-être me suis-je mal fait comprendre, que je n’étais pas favorable à la coercition, donc au caractère obligatoire. Je crois à la liberté de l’entrepreneur, qu’il soit grand ou petit, d’organiser au sein de l’entreprise, avec les salariés et ses collaborateurs, la manière dont on peut répartir les fruits du travail et les bénéfices engendrés. Nous y sommes très attachés. En tout cas, c’est dans cet esprit que travailleront les deux rapporteurs sur ce sujet important de la participation et de l’intéressement. Il n’est pas question d’obliger ; nous croyons à la formule incitative.
Vous soulignez l’apport de la loi du 6 août 2015, et il faut effectivement se féliciter de la baisse du forfait de 20 % à 8 %, laquelle a permis à des petites entreprises ou des entreprises de taille moyenne d’entrer dans le dispositif. Mais cela a un coût, comme je le disais à l’instant, de l’ordre de 2 milliards d’euros pour nos finances sociales. C’est donc un coût important à prendre en considération dans une période où l’attaque sur les dépenses publiques est importante et où nous cherchons à faire des économies pour permettre de retrouver une trajectoire financière plus pérenne, en tout cas plus soutenable, compte tenu des engagements que nous avons pris vis-à-vis de nos partenaires.
C’est toujours en respectant cette forme d’équilibre que se joueront les discussions sur le sujet, sachant que les dispositifs d’épargne salariale ne s’adressent pas aux indépendants, qui recueillent, eux, directement le bénéfice de leur travail à travers la valorisation de leur propre activité. Il s’agit d’un élément à prendre en considération.
La modulation du forfait social sera à l’évidence débattue dans le groupe de travail. Je crois que nous aurons besoin de tous les talents de la direction du budget, et je ne doute pas qu’ils seront au rendez-vous, pour nous dire dans quelle proportion et sur quels types de seuil et de modulation nous pouvons réfléchir et engager des travaux, avec toujours à l’esprit le maintien de l’équilibre des finances publiques.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.
Mme Pascale Gruny. Monsieur le secrétaire d’État, si vous supprimez le forfait social, il s’agira d’un investissement, car vous rendrez du pouvoir d’achat aux salariés, qui vont donc consommer, au profit de notre économie.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, actuellement, le code du travail rend obligatoire la participation dans toutes les entreprises de 50 salariés et plus lorsqu’elles réalisent un bénéfice suffisant. Elle est un outil de partage des bénéfices, mais aussi d’épargne, qui bénéficie d’avantages fiscaux.
Le Président de la République a récemment annoncé un vaste chantier sur l’entreprise et un dialogue social redéfini, afin que tous les salariés puissent recevoir les fruits des bons résultats de l’entreprise. En effet, seuls 56 % des salariés du privé bénéficient des outils de la participation, de l’intéressement et d’épargne salariale.
Comment le Gouvernement compte-t-il prendre en compte la spécificité des très petites entreprises ?
Je voudrais rappeler les chiffres suivants : si, dans les entreprises de plus de 50 personnes, 83 % des salariés ont accès à au moins une formule d’épargne salariale, le chiffre tombe à 20 % dans les entreprises de 10 salariés à 49 salariés, et à 12 % dans les entreprises de moins de 10 salariés.
Nous connaissons les freins à ce développement : complexité de gestion des dispositifs, préférence donnée aux primes et, surtout, illisibilité des dispositions fiscales, qui sont par ailleurs imprévisibles.
Rendre le dispositif de participation obligatoire sans prendre en compte ces spécificités me paraît dangereux pour toutes ces petites entreprises qui ont le souci de développer leur activité, et où les salariés sont bien plus intéressés, si j’ose dire, que dans un grand groupe par les bons résultats de l’entreprise. (M. Dominique Théophile applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice, la question que vous posez ne doit pas nous faire perdre de vue notre objectif, qui est la simplification, en particulier pour les très petites entreprises.
Le petit entrepreneur doit se concentrer sur son activité avant de se concentrer sur l’encadrement réglementaire, législatif, comptable de son activité. En effet, s’il consacre son temps à autre chose qu’à son activité, je crains qu’il ne la développe pas. Le mécanisme de participation que l’on doit trouver pour permettre à des entreprises de moins de 50 salariés d’en bénéficier doit donc être simple, fonctionnel, opérationnel immédiatement. Il doit avoir un côté « boîte à outils » à disposition des entreprises.
C’est vraiment dans cet état d’esprit que nous allons travailler, ce qui signifie que nous n’allons pas développer l’existant sans tenir compte, par ailleurs, des intérêts spécifiques de certaines entreprises, dans certains secteurs, d’une certaine taille. Nous allons donc faire du sur-mesure, en partant du réel, tout simplement, c’est-à-dire en partant des expériences vécues.
C’est aussi l’objet des auditions de ces groupes de travail. Certes, nous auditionnerons les traditionnels corps constitués, mais nous auditionnerons aussi ceux, qui, bien souvent, ne se sentent pas représentés, ont eu des parcours entrepreneuriaux qui les ont tenus à l’écart des instances délibératives ou de coconstruction autour de projets de loi. Nous nous adressons aussi à ceux-là, afin de les entendre. Nous ne pourrons pas inscrire toutes les spécificités dans la loi, car tel n’est pas son rôle. Ce plan d’action aura évidemment une dimension législative, qui en sera la partie essentielle, mais il y aura aussi, j’en suis certain, de petits verrous réglementaires pour rendre la vie de nos petites entreprises plus simple, et leur permettre, du coup, d’avoir accès à ce type de mécanisme. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
Mme Patricia Schillinger. Merci, monsieur le secrétaire d’État !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis le début de notre jeu de questions-réponses, la participation dans l’entreprise est présentée comme un modèle vertueux qui permettrait de faire profiter les salariés des richesses créées par leur entreprise. Je voudrais m’associer à mon collègue Dominique Watrin pour regretter que l’on n’ait pas pu parler de la participation comme droit démocratique nouveau accordé aux salariés.
Je voudrais également soulever un paradoxe : aujourd’hui, le choix de cette participation justifie ou occulte pour une part le refus des employeurs de revaloriser les salaires de manière importante, tout comme, d’ailleurs, celui de l’État d’augmenter le montant du point d’indice pour les fonctionnaires.
Si la rémunération des salariés augmente par le truchement des primes liées à la participation aux résultats des entreprises, il n’est pas inutile de préciser qu’elles sont exemptes de cotisations sociales. À l’heure des saignées budgétaires dans le domaine de la santé, singulièrement au détriment des hôpitaux, on peut s’interroger sur cette exonération des entreprises concernant le financement de la sécurité sociale, d’autant que, contrairement aux salaires, les sommes versées au titre de la participation ne sont pas non plus prises en compte pour le calcul de la retraite des salariés. En réalité, la participation est une rémunération aléatoire, discrétionnaire, dont les résultats dépendent du bon vouloir des dirigeants des entreprises.
Par exemple, alors que les salariés participent au quotidien à la production des richesses, leurs salaires ne vont augmenter que de 1,8 % en 2017, tandis que les entreprises du CAC 40 ont réalisé 50 milliards d’euros de bénéfices au premier semestre 2017, soit une hausse de 24 % par rapport à 2016.
N’y a-t-il pas, monsieur le secrétaire d’État, une forme d’hypocrisie à geler les salaires des fonctionnaires et le SMIC tout en encourageant la participation dans l’entreprise ? (M. Dominique Watrin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Je constate qu’il y a encore des antagonismes entre, d’un côté, la fonction publique et, de l’autre, les salariés, comme si nous avions deux France qui ne se parlent pas, même si je pense que telle n’est pas réellement votre vision, madame la sénatrice.
J’assume parfaitement le fait que la participation permette à des salariés d’avoir des revenus importants. Dans certaines entreprises, des mécanismes de répartition et de participation originaux ont été mis en place tout en bas de l’échelle des salaires, avec une clé de répartition non pas égalitaire, mais quasiment. Ainsi, le cadre supérieur et une personne ayant une fonction support bénéficient à la fin de la même chose.
Plus largement se pose la question, déjà évoquée tout à l’heure, de la révision de la formule du calcul de la participation pour en faire un instrument plus juste et plus équitable de répartition des fruits du résultat de l’entreprise. À la fin, quand l’entreprise est bénéficiaire, qu’elle a des résultats importants, c’est grâce à la totalité des personnes qui la composent.
Nous sommes ouverts à une réflexion qui permettrait une répartition plus juste entre les différentes échelles de la grille salariale dans l’entreprise, les fonctions dites support devenant aussi bénéficiaires que les autres. Je dois vous dire que j’ai connu ce cas de figure, quand j’ai travaillé pour un fameux grand groupe du CAC 40 souvent pointé du doigt, où des mécanismes de participation conduisent à des montants relativement différents selon les fonctions occupées dans l’entreprise. Je pense que l’on peut travailler à y remédier, de manière sereine, sans opposer le monde de la fonction publique et celui du salariat.
Enfin, ouvrir la question de la participation et de l’intéressement dans la fonction publique est aussi, sans doute, un moyen de la faire évoluer, de la moderniser, d’y attirer des nouveaux talents, et de changer le rapport à leur métier de nos millions de fonctionnaires, dont chacun, j’en suis certain, salue ici le dévouement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique, en 10 secondes !
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, 10 secondes, c’est peu.
J’ai bien entendu M. le secrétaire d’État, mais je persiste à dire que cela n’occulte ni la nécessité de revaloriser les salaires, ni la nécessité d’une participation démocratique des salariés, ni la nécessité de réfléchir à l’élimination des temps partiels, qui sont le plus souvent imposés. Il s’agit d’un débat crucial que nous devons avoir ensemble dans cet hémicycle.
M. le président. Vous avez eu 10 secondes élargies. (Sourires.)
Mme Laurence Cohen. Merci, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Luche.
M. Jean-Claude Luche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la participation dans une entreprise peut avoir plusieurs origines. Elle peut parallèlement atteindre plusieurs objectifs. Il existe un véritable problème dans notre pays : la transmission des entreprises.
Quand on est chef d’entreprise et que l’on veut transmettre son entreprise pour cause de départ à la retraite ou pour raisons personnelles, cela relève parfois du parcours du combattant.
Dans certains cas, un ou plusieurs salariés, ou même un tiers, seraient intéressés pour reprendre une entreprise à laquelle ils sont très attachés. Pourtant, ces salariés se voient bien souvent refuser un crédit par les banques, faute d’apport suffisant.
La participation plus importante du salarié dans l’entreprise pourrait constituer une première ébauche de la reprise de cette même entreprise. Il s’agirait en quelque sorte de l’anticiper.
Or ce dispositif d’incitation manque dans notre législation. Ce mécanisme pourrait être une solution de reprise des entreprises par des acteurs qui limiteraient le risque de défaillance.
Cette solution pourrait être élargie à des tiers à l’entreprise. Le rachat progressif des capitaux par la participation dans le capital favoriserait l’entrée dans l’entreprise d’un repreneur qui augmenterait ses parts peu à peu.
Dans nos zones rurales, la transmission d’entreprise est difficile parce que les repreneurs locaux ne sont pas si nombreux. Alors, cette participation pourrait favoriser les acteurs locaux et limiter ainsi les risques de délocalisation et de fermeture.
Une autre solution réside dans la confiance des banques et l’existence d’outils spécialement adaptés pour la reprise d’entreprises. Les organismes bancaires proposaient voilà quelques années ce que l’on appelait des Codevi. Investir et soutenir nos entreprises peut intéresser un grand nombre de nos concitoyens qui souhaitent apporter leur épargne dans le tissu économique local. C’est certainement un concept à imaginer ou à réimaginer.
Vous comprenez, monsieur le secrétaire d’État, que cette question de la transmission d’entreprise me tient particulièrement à cœur. Il est toujours cruel de voir les entreprises de son territoire fermer ou partir, alors que des personnes locales auraient pu reprendre si l’on avait su anticiper cette cession. J’espère que vous tiendrez compte de cette contribution dans votre prochaine réflexion concernant la participation dans les entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)