Mme Catherine Deroche. Il n’est pas le seul !
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État. Certes, mais je le connaissais auparavant, alors que je n’avais pas le plaisir de vous connaître personnellement.
Vous nous encouragez, sur cette ordonnance, à n’être ni de gauche ni de droite. Nous essayons effectivement de trouver un subtil équilibre, ce qui a été fait surtout avec le monde économique et les associations environnementales et le choix de recourir aux ordonnances répond aussi à cette préoccupation. Accessoirement, écouter le monde agricole, par exemple, n’a rien d’invraisemblable dans le cadre de la préparation d’ordonnances de ce type ; il en va de même pour le monde économique, comme pour les associations environnementales qui font un travail citoyen quotidien dans les territoires. Ce choix n’est ni de gauche ni de droite, il vise surtout à coller au plus près à la réalité de la société civile sur le terrain.
J’apprécie que vous souligniez, une fois de plus, l’effort de simplification important réalisé dans le cadre de ces ordonnances pour les élus locaux, puisque j’en suis un moi-même. C’est d’ailleurs en cela qu’elles intéressent directement le Sénat.
J’ai déjà répondu sur l’articulation entre le code de l’urbanisme et le code de l’environnement, entre ce qui relève de la loi et ce qui relève du règlement. Je vous propose donc, monsieur le président, d’entamer la discussion des amendements, ce qui me permettra de répondre aux différents points soulevés par certains de vos collègues.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes et n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement
Article 1er
(Non modifié)
Sont ratifiées :
1° L’ordonnance n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes ;
2° L’ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
I. – Le titre II du livre Ier du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° A L’article L. 121-1 est ainsi modifié :
a) La dernière phrase du troisième alinéa du I est ainsi rédigée :
« Ce débat ou cette concertation porte également sur les modalités d’information et de participation du public après sa clôture. » ;
b) Au dernier alinéa du même I, les mots : « plans ou programmes » sont remplacés par les mots : « , plan ou programme » ;
c) À la première phrase du deuxième alinéa du II, après le mot : « d’ », sont insérés les mots : « études techniques ou d’ » ;
1° Le premier alinéa du III de l’article L. 121-1-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il veille à la diffusion de l’ensemble des études techniques et des expertises présentées par le public au cours de la procédure de participation. » ;
1° bis Au début du premier alinéa de l’article L. 121-2, la mention : « I. – » est supprimée ;
1° ter Au début de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 121-6, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Les dépenses relatives à l’organisation matérielle du débat public ou de la concertation préalable sont à la charge du maître d’ouvrage ou de la personne publique responsable du projet, du plan ou du programme. » ;
1° quater La section 3 du chapitre Ier est ainsi modifiée :
a) Le V de l’article L. 121-8 est ainsi rédigé :
« V. – La présente section n’est pas applicable au schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris, auquel est applicable la procédure de débat public prévue à l’article 3 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris. » ;
b) Après le 2° de l’article L. 121-9, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Lorsqu’un débat public ou une concertation préalable est organisé pour un projet qui devrait être soumis à une concertation obligatoire au titre de l’article L. 103-2 du code de l’urbanisme, le même article L. 103-2 n’est pas applicable ; »
c) L’article L. 121-10 est ainsi modifié :
– à la première phrase du premier alinéa, après la première occurrence du mot : « sur », sont insérés les mots : « l’élaboration d’ » ;
– au dernier alinéa, les mots : « , du plan ou du programme susmentionnés » sont remplacés par les mots : « mentionnée au premier alinéa » ;
d) À la seconde phrase de l’article L. 121-12, les mots : « concertation préalable avec le » sont remplacés par les mots : « participation du » ;
2° La section 4 du chapitre Ier est ainsi modifiée :
a) L’article L. 121-15-1 est ainsi modifié :
– après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Les projets mentionnés au II de l’article L. 121-8 pour lesquels une concertation préalable est menée par le maître d’ouvrage en application du même II ; »
– au 2°, les mots : « ne donnant pas lieu à saisine » sont remplacés par les mots : « ne relevant pas du champ de compétence » ;
– au 3°, les mots : « ne donnant pas lieu à saisine » sont remplacés par les mots : « ne relevant pas du champ de compétence » ;
– après le même 3°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La concertation préalable permet de débattre de l’opportunité, des objectifs et des caractéristiques principales du projet ou des objectifs et principales orientations du plan ou programme, des enjeux socio-économiques qui s’y attachent ainsi que de leurs impacts significatifs sur l’environnement et l’aménagement du territoire. Cette concertation permet, le cas échéant, de débattre de solutions alternatives, y compris, pour un projet, son absence de mise en œuvre. Elle porte aussi sur les modalités d’information et de participation du public après la concertation préalable. » ;
– au début du cinquième alinéa, est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Lorsqu’une concertation préalable est organisée en application des 1° ou 1° bis du présent article pour un projet qui devrait être soumis à une concertation obligatoire au titre de l’article L. 103-2 du code de l’urbanisme, le même article L. 103-2 n’est pas applicable. » ;
– au même cinquième alinéa, le mot : « toutefois » est supprimé et les mots : « telle concertation » sont remplacés par les mots : « concertation préalable en application des 2° ou 3° du présent article» ;
a bis) (nouveau) À la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 121-16, après les mots : « Le maître d’ouvrage », sont insérés les mots : « ou la personne publique responsable » ;
b) L’article L. 121-16-1 est ainsi modifié :
– au I, après la référence : « L. 121-8 », est insérée la référence : « , L. 121-9 » ;
– après la référence : « L. 121-17, », la fin du même I est ainsi rédigée : « la personne publique responsable ou le maître d’ouvrage demande à la Commission nationale du débat public de désigner ce garant parmi ceux inscrits sur la liste nationale de garants mentionnée au I de l’article L. 121-1-1. » ;
– après le premier alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il est saisi d’une demande tendant à la réalisation d’une étude technique ou expertise complémentaire, le garant motive, le cas échéant, sa décision de ne pas transmettre cette demande à l’examen de la Commission nationale du débat public. » ;
– à la fin du premier alinéa du III, les mots : « un site internet » sont remplacés par les mots : « le site internet prévu pour la concertation préalable » ;
– à la seconde phrase du premier alinéa du IV, après les mots : « les évolutions du projet », sont insérés les mots : « , plan ou programme » ;
– au dernier alinéa du même IV, après les mots : « rendu public par le garant », la fin de l’alinéa est supprimée ;
c) La sous-section 4 est ainsi modifiée :
– à la fin du 1° de l’article L. 121-17-1, la dernière occurrence du mot : « montant » est remplacée par le mot : « seuil » ;
– au premier alinéa du I de l’article L. 121-18, les mots : « porteur de projet » sont remplacés par les mots : « maître d’ouvrage » ;
– à la première phrase du dernier alinéa du I de l’article L. 121-19, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « quatre » et la référence : « I » est remplacée par la référence : « II » ;
3° (Supprimé)
4° La section 1 du chapitre II est ainsi modifiée :
a) L’article L. 122-1-1 est ainsi modifié :
– après le mot : « éviter », la fin de la deuxième phrase du deuxième alinéa du I est ainsi rédigée : « les incidences négatives notables, réduire celles qui ne peuvent être évitées et compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites. » ;
– au dernier alinéa du III, les mots : « , réduire et, lorsque c’est possible, compenser ces incidences notables » sont remplacés par les mots : « les incidences négatives notables, réduire celles qui ne peuvent être évitées et compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites » ;
a bis) Au deuxième alinéa de l’article L. 122-1-2, les mots : « d’échange d’informations » sont supprimés ;
b) Après le mot : « éviter », la fin du c du 2° du II de l’article L. 122-3 est ainsi rédigée : « les incidences négatives notables probables sur l’environnement, réduire celles qui ne peuvent être évitées et compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites ; »
c) À l’article L. 122-3-2, les mots : « du pétitionnaire ou » sont supprimés ;
5° La section 2 du chapitre II est ainsi modifiée :
a) (nouveau) À l’intitulé, le mot : « documents » est remplacé par le mot : « programmes » ;
b) La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 122-6 est ainsi rédigée :
« Ce rapport présente les mesures prévues pour éviter les incidences négatives notables que l’application du plan ou du programme peut entraîner sur l’environnement, les mesures prévues pour réduire celles qui ne peuvent être évitées et les mesures prévues pour compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites. » ;
c) (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 122-8, après le mot : « européenne », sont insérés les mots : « ainsi que les rapports sur les incidences environnementales de ces derniers » ;
d) (nouveau) Au quatrième alinéa du 2° du I de l’article L. 122-9, le mot : « document » est remplacé par le mot : « programme ».
6° La sous-section 2 de la section 1 du chapitre III est ainsi modifiée :
a) À la dernière phrase du I de l’article L. 123-13, après le mot : « propositions », sont insérés les mots : « parvenues par voie électronique » ;
b) L’article L. 123-16 est ainsi modifié :
– au deuxième alinéa, après le mot : « chapitre », sont insérés les mots : « ou que la participation du public prévue à l’article L. 123-19 » ;
– le troisième alinéa est supprimé.
I bis. – (nouveau) La section 1 du chapitre IX du titre Ier du livre II du même code est ainsi modifiée :
1° À la fin du deuxième alinéa de l’article L. 219-2, la référence : « L. 120-1 » est remplacée par la référence : « L. 123-19-1 » ;
2° À la fin du second alinéa de l’article L. 219-3, la référence : « L. 120-1 » est remplacée par la référence : « L. 123-19 ».
II. – (Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par M. Gontard, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Au second alinéa du IV de l’article L. 120-1, les mots : « , du secret industriel et commercial » sont supprimés ;
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Par cet amendement, nous proposons de revenir sur la notion même de « participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement ». En effet, selon l’article 7 de la Charte de l’environnement, charte ayant acquis valeur constitutionnelle, « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».
L’ordonnance que nous devons ratifier aujourd’hui prévoit les conditions et les modalités de cette participation. Notamment, selon les termes du nouvel article L. 120-1 du code de l’environnement, la participation du public s’applique « dans le respect des intérêts de la défense nationale et de la sécurité publique, du secret industriel et commercial et de tout secret protégé par la loi. Le déroulement de la participation du public ainsi que les modalités de sa conduite peuvent être adaptés en conséquence ».
Nous estimons que limiter le principe constitutionnel de participation du public au respect des intérêts de la défense nationale et de la sécurité publique peut s’entendre, même s’il conviendrait d’apporter davantage de précisions. En revanche, limiter le principe de participation au respect du secret industriel et commercial nous semble exagéré et ouvre la voie à de nombreux contentieux, car ce qui relève du secret industriel et commercial peut-être entendu de manière extrêmement large. Pour cette raison, nous proposons de supprimer cette mention, qui porte une atteinte trop importante en l’état à l’objectif affiché de renforcer la démocratie environnementale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le respect du secret industriel et commercial de la liste des paramètres qui peuvent nécessiter une adaptation du principe de la participation du public. Or cette précision est un élément important du dispositif, qui assure un équilibre dans la mise en œuvre de la participation du public. Elle vise à assurer aux maîtres d’ouvrage, notamment aux industriels, que la participation du public ne donnera pas lieu à la diffusion d’informations concurrentielles.
L’article L. 120-1 du code de l’environnement prévoit bien qu’il ne s’agit que d’une faculté, qui devra être justifiée par un maître d’ouvrage, sous l’égide de la CNDP ou du garant. Il sera dans l’intérêt de tous que les informations pertinentes pour le public soient diffusées et que les éventuelles adaptations soient proportionnées aux enjeux économiques. J’ajoute que ce point n’a pas été soulevé lors des contacts que nous avons eus avec les différentes parties prenantes.
Revenir sur cette disposition remettrait fortement en cause l’équilibre trouvé sur le texte pour les porteurs de projet.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État. Cet avis est également défavorable.
Le secret est parfois utile, même s’il ne s’agit pas, bien évidemment, d’éloigner le public. Pour toutes les raisons qu’a indiquées M. le rapporteur, les porteurs de projet ont aussi besoin de garanties et de protections, sans quoi le débat n’aura pas lieu de manière complètement libre et sincère. Une fois de plus, nous vivons dans une économie compétitive et concurrentielle, je vous le rappelle, monsieur le sénateur, et nous devons donc protéger également les porteurs de projet.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Bonnecarrère, Cabanel, Raison et Kern, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 13 à 16
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéas 29 à 31
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Henri Cabanel, Michel Raison, Claude Kern et moi-même vous proposons de tester la logique de simplification et la logique de convergence entre le code de l’urbanisme et le code de l’environnement.
Aujourd’hui, si vous menez un projet de zone d’aménagement concerté ou un projet de type ANRU dans un quartier relevant de la politique de la ville ou de procédures ANRU, vous allez dérouler une procédure de concertation définie par le code de l’urbanisme. Avec les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale, qui vont au-delà de ce qui était prévu par les ordonnances, pourtant à forte sensibilité environnementale, vous ne pourrez pas entamer la procédure de concertation prévue par le code de l’urbanisme, mais vous devrez vous adresser à la CNDP, qui aura deux mois pour vous dire s’il vaut mieux suivre la procédure de concertation définie par le code de l’urbanisme ou celle définie par le code de l’environnement.
Cette modification appelle deux réflexions.
Premièrement, on crée un délai supplémentaire. D’autres éléments du texte, que je ne mentionne pas pour me limiter à l’essentiel, ajoutent également des délais, mais le texte adopté par l’Assemblée nationale allonge clairement l’opération de deux mois.
Deuxièmement, poser cette question à la CNDP revient à lui demander s’il n’y a pas lieu de privilégier la concertation prévue par le code de l’environnement. En d’autres termes, vous raisonnez sur le fait que cette concertation diffère de celle prévue par le code de l’urbanisme, parce que les deux ne sont pas soumises aux mêmes règles. Par ailleurs, on crée une sorte de « supériorité hiérarchique », si vous me permettez la formule, en privilégiant la concertation du code de l’environnement par rapport à celle prévue par le code de l’urbanisme, alors que les situations sont normalement équivalentes et que chacune des concertations offre normalement le même niveau de garantie.
Autrement dit, on ajoute des délais et on fait diverger les définitions des études de concertation. C’est la raison pour laquelle nous proposons de revenir au texte de l’ordonnance, en supprimant l’ajout de l’Assemblée nationale. Nous testerons ainsi la volonté de réduire les délais et de faire converger les deux codes.
M. le président. L’amendement n° 19, présenté par M. Fouché, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 15
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
b) L’article L. 121-9 est ainsi modifié :
– après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
II. – Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
– la première phrase du 3° est complétée par les mots : « du présent code » ;
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 3 rectifié.
M. Alain Fouché, rapporteur. L’amendement n° 19 est purement rédactionnel.
L’amendement n° 3 rectifié vise à revenir sur l’articulation adoptée à l’Assemblée nationale entre le code de l’environnement et le code de l’urbanisme en matière de concertation, pour un même projet.
En substance, l’Assemblée nationale a choisi de faire prévaloir les dispositions du code de l’environnement, qui peuvent alors dispenser un projet des obligations de concertation au titre du code de l’urbanisme.
La solution apportée par les députés nous semble pertinente, dès lors que les dispositions du code de l’environnement sont indiscutablement mieux définies que celles du code de l’urbanisme grâce aux ordonnances que nous examinons aujourd’hui.
Par ailleurs, cette question ne se posera que dans des situations bien particulières : lorsqu’un même projet relève des deux régimes. Seule une partie de la quinzaine de projets qui sont soumis à la CNDP chaque année sera concernée.
Autrement dit, il s’agit, pour chaque année, d’une poignée de projets de grande ampleur, dont l’importance justifie qu’une possible concertation soit envisagée sous l’égide de la CNDP. On peut notamment penser à de grands équipements sportifs ou commerciaux, si tant est qu’ils relèvent également du code de l’urbanisme.
L’adoption de cet amendement supprimerait cette faculté de concertation sous l’égide de la CNDP, alors que de tels projets gagnent à faire l’objet d’une discussion substantielle en amont. J’ajoute que cette étape de saisine de la CNDP ne dure que deux mois, au maximum, ce qui semble raisonnable pour des projets d’une telle ampleur.
La commission demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État. Sur l’amendement n° 3 rectifié, j’émets le même avis que M. le rapporteur.
Si la CNDP décide d’engager un débat public sur un projet au titre du droit de l’environnement, on ne va pas imposer en plus une concertation au titre du droit de l’urbanisme, sinon tout ce que nous disons depuis tout à l’heure en matière de simplification tombe de facto. Dans le cas présent, il ne s’agit pas de converger, mais bel et bien de distinguer, car cette distinction permet justement de mieux protéger le porteur de projet.
On ne simplifie peut-être pas grand-chose, monsieur le sénateur, mais je me tiens à votre disposition dans le cadre du travail sur l’articulation entre code de l’environnement et code de l’urbanisme. En attendant, je vous propose de retirer votre amendement, sinon l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Sur l’amendement n° 19, l’avis du Gouvernement est favorable.
M. le président. Monsieur Bonnecarrère, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Bonnecarrère. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Je soutiens bien sûr l’amendement n° 3 rectifié. En 2015, la commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique, présidée par notre collègue Alain Richard, avait mis en avant le sérieux et la qualité des concertations prévues par le code de l’urbanisme : elles portent sur la révision de SCOT, la création des zones d’aménagement concerté, les projets et les opérations d’aménagement modifiant substantiellement le cadre de vie, les projets de renouvellement urbain.
La disposition introduite à l’Assemblée nationale s’inscrit au contraire dans une logique de défiance, dès lors qu’elle ajoute une saisine de la Commission nationale du débat public. Cette saisine conduit à un temps d’attente qui peut déboucher ou non sur l’enclenchement d’une concertation relevant du code de l’environnement. Dès lors, cette dernière apparaît seulement redondante : il semble bien qu’il y ait là une complexification.
Nous entrons alors en contradiction avec un rapport sénatorial beaucoup plus récent, du mois de mai dernier, issu des travaux de la mission d’information à laquelle a fait référence notre collègue Bonnecarrère et que j’ai eu l’honneur de présider. La proposition n° 7 de ce rapport vise à simplifier les procédures applicables à la création d’infrastructures, en coordonnant davantage le droit de l’environnement et le droit de l’urbanisme.
En commission, il a été dit contre cet amendement que seul un petit nombre de très grands projets serait concerné et qu’il était donc pertinent de mieux encadrer ces projets.
S’agissant des très grands projets, nous savons surtout qu’ils sont pleinement scrutés par tous les acteurs concernés et que la qualité du débat les concernant doit tenir au fait que ces acteurs se concentrent sur les nombreux enjeux de fond et non sur les chausse-trapes d’un grand nombre de procédures.
Sur le fond, je crois utile de préciser ce que signifie pour moi la simplification, car j’entends les craintes qui s’expriment. Je vais prendre un exemple qui me tient à cœur, celui de l’artificialisation des terres agricoles.
Je m’inscris pleinement contre cette artificialisation et je veux avoir les moyens de la combattre si un projet proposé n’est pas pertinent. Le terrain sur lequel je me place est bien celui de la pertinence du projet dans son environnement humain et naturel, telle qu’elle est discutée dans une concertation du type de celle prévue par le code de l’urbanisme. Si le projet ne me paraît pas pertinent, je veux le contrer pour une bonne raison, pour une raison de fond, et non pas parce que je pourrais avoir à ma disposition plusieurs procédures permettant de faire traîner les choses ou de soulever des vices de pure forme dont un magistrat devra préciser la portée.
Pour moi, l’efficacité démocratique et la garantie des droits vont de pair avec la clarté des procédures que vise précisément cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je crois qu’une explication de M. le rapporteur et du Gouvernement serait nécessaire.
Tout d’abord, M. Bonnecarrère a raison de tenir au maintien de la distinction entre les deux codes, qui ont chacun un champ d’application clair et distinct – cette question est clarifiée par la jurisprudence depuis longtemps. Un projet soumis à une autorisation d’urbanisme, c’est une chose, un projet soumis à une autorisation d’environnement, c’en est une autre !
Aujourd’hui, cela a été vérifié en particulier par la Commission supérieure de codification, à laquelle nous sommes quelques-uns à participer, le degré de garantie d’information et de participation du public dans les deux procédures est équivalent. Il est donc logique de conserver la séparation tant qu’il y a deux codes.
Selon l’explication donnée par notre rapporteur, dans le cas des projets soumis d’office à la CNDP, c’est-à-dire des projets d’un montant supérieur à 300 millions d’euros ou, sur option, à 150 millions d’euros, dont le nombre est vraiment limité, il est logique de donner à la CNDP le pouvoir d’orienter la suite de la concertation. Simplement, si je lis bien le texte, on a ajouté à ces projets ceux qui relèvent du 1° bis de l’article L. 121-15-1 du code de l’environnement. Or ces projets ne correspondent pas à ceux pour lesquels la saisine de la CNDP est obligatoire. Je crains donc que, pour une nouvelle série de cas, à savoir « les projets pour lesquels une concertation préalable est menée par le maître d’ouvrage, en application du II [de l’article L. 121-8] », c’est-à-dire qui relèvent de la concertation préalable simple, il n’y ait une erreur de raisonnement.
Il n’est pas logique de rompre la limitation claire entre les champs d’application des deux codes, en accordant à la CNDP le droit d’orienter la suite de la concertation dans les cas visés par le 1° bis de l’article L. 121-15-1. Il me semblerait judicieux de vérifier ce point avant la fin de la séance. En effet, si le sujet n’est pas traité aujourd’hui, il ne pourra pas être abordé par la commission mixte paritaire.