Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 116 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2242-20 du code du travail est abrogé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Au travers de cet amendement, nous souhaitons supprimer une disposition introduite par la première loi Travail dans ses articles 16 et 21.
En effet, l’article L. 2242-20 du code du travail, issu des débats de l’été dernier, permet l’adaptation des règles de négociation par voie d’accord d’entreprise et ainsi de déroger au droit commun défini par l’article L. 2242-1 du code du travail.
Vous le savez, nous ne sommes pas tellement favorables à ces possibilités de dérogation qui engendrent, si elles ne sont pas encadrées par le principe de faveur, une fragilisation des droits des salariés.
Ainsi, par ces dispositions nouvelles, la périodicité de l’obligation de négociation peut être modifiée pour passer d’une obligation annuelle à une obligation triennale, et ce sur tous les sujets des négociations prévues à l’article L. 2242-1 : non seulement la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise, mais aussi l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes – point sur lequel je vous avais déjà alertée, madame la ministre – et la qualité de vie au travail. Il ne s’agit donc pas de sujets mineurs.
En supprimant l’article L. 2242-20, nous faisons disparaître toute possibilité de revenir, dans l’accord d’entreprise, sur la périodicité de ce type de négociations dont nous estimons qu’elles doivent se dérouler chaque année, dans l’intérêt des salariés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cette faculté, ouverte par la loi Travail du 8 août 2016, est bien encadrée : elle suppose l’accord des partenaires sociaux dans l’entreprise et la signature d’un accord sur l’égalité professionnelle ou, à défaut, d’un plan d’action. Par ailleurs, toute organisation signataire d’un accord modifiant la périodicité de la négociation sur les salaires peut revenir sur cette décision et demander qu’elle soit engagée selon la périodicité traditionnelle.
Placé entre les mains et de l’employeur et des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise, cet outil permettra de mettre l’accent sur les problématiques essentielles qui doivent être traitées annuellement, tandis que les thématiques secondaires, ou plus consensuelles, pourront voir leur périodicité décalée.
Mais surtout, madame Cohen, cette question est déjà traitée à l’article 1er : notre commission a donné son accord à ce que les ordonnances puissent adapter la périodicité et le contenu des consultations et des négociations obligatoires.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. J’ai un peu de mal à comprendre votre réponse, madame la ministre. J’ai aussi un peu de mal à comprendre celle du rapporteur, que j’aime beaucoup (Sourires.), mais qui s’en remet aux ordonnances pour un dispositif qu’il semble trouver intéressant. Je croyais pourtant qu’il était opposé aux ordonnances, comme il l’a écrit dans son rapport…
Ce que j’ai compris de leur amendement, c’est que nos collègues communistes veulent que la négociation ait lieu chaque année et non tous les trois ans. C’est net !
En revanche, je ne comprends pas votre position, madame la ministre. Vous me direz que ne pas être compris des écologistes, ce n’est pas si grave. Certes, mais ce que vous dites est contradictoire : vous réclamez davantage de dialogue social dans l’entreprise – les branches c’est bien, mais les entreprises, plus proches des gens et de leur quotidien, c’est mieux ! – et demandez que l’on accélère les choses pour passer de 36 à 24 mois. C’est donc que trois ans, c’est très long !
M. Alain Néri. Exactement !
M. Jean Desessard. Comment peut-on vouloir favoriser le dialogue dans l’entreprise et considérer que ce dernier pourra s’épanouir en ayant seulement lieu tous les trois ans ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe CRC. – Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Martial Bourquin applaudissent également.) Voilà qui me semble incohérent, madame la ministre !
Mais vous pouvez changer d’avis et, après un temps de réflexion, décider d’émettre un avis favorable sur cet amendement qui vise justement à renforcer la négociation dans l’entreprise. (M. Maurice Antiste applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. J’abonde dans le sens de Jean Desessard : quand on veut favoriser le dialogue social, on ne dit pas que les négociations, notamment celles qui portent sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou sur la rémunération, doivent être triennales.
Vous disiez, monsieur le rapporteur, que les thèmes importants vont pouvoir être débattus selon la volonté des organisations syndicales et de l’entreprise. Mais je ne suis pas certaine que les thèmes importants soient les mêmes selon que l’on se trouve du côté de l’entrepreneur ou de celui du salarié.
Si chacun lutte, in fine, pour le maintien de l’emploi, certains cherchent à maintenir un emploi de qualité sur le même territoire, quand d’autres veulent maintenir un emploi, ici ou ailleurs, qui leur rapporte un peu plus.
Nous vivons tous cette situation, mes chers collègues. Je suis persuadée que chacun d’entre vous est aux côtés des salariés quand une entreprise ferme un site dans son territoire pour en ouvrir un nouveau dans un autre pays ou même dans une autre région de France.
On ne peut tout à la fois vouloir favoriser le dialogue social dans les entreprises et déclarer que des négociations triennales sont bien suffisantes.
Au travers de cet amendement, madame la ministre, nous ne faisons que réclamer un peu de cohérence dans vos propos, comme l’a si bien souligné Jean Desessard.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Desessard. Oh là là, qu’est-ce que je vais prendre ! (Sourires.)
M. Alain Milon, rapporteur. Je n’ai pas dit, cher collègue et ami Desessard, que j’étais contre les ordonnances. J’ai dit que le recours aux ordonnances n’était pas une procédure démocratique.
M. Alain Néri. Très bien !
M. Alain Milon, rapporteur. En revanche, il s’agit d’une procédure républicaine, que tous les gouvernements, de gauche comme de droite, ont utilisée, je pense notamment aux lois Auroux.
Par ailleurs, je vous rappelle que nous sommes dans le cadre d’une loi d’habilitation. Notre rôle consiste donc à habiliter ou non le Gouvernement à adapter la périodicité et le contenu des consultations et des négociations. Nous n’avons pas à décider que les négociations auront lieu tous les mois, tous les six mois ou tous les ans. C’est l’ordonnance qui le dira.
Nous pourrons rediscuter de ces questions dans le cadre de la loi de ratification.
M. Alain Néri. Les ordonnances, c’est votre métier, docteur Milon !
M. Alain Milon, rapporteur. J’en ai délivré beaucoup dans ma carrière, monsieur Néri. Si vous le souhaitez, je vous en fais une pour laisser parler les autres ?
Je le répète, dans le cadre d’un projet de loi d’habilitation, le Parlement n’est pas là pour écrire les ordonnances, mais pour tracer des frontières à l’action du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Ma réponse un peu courte manquait manifestement de pédagogie.
La loi Rebsamen du 17 août 2015 a mis en place la possibilité, par accord des parties et non unilatéralement, d’adapter le délai de négociation selon les sujets, avec des garde-fous. Il ne s’agit donc pas d’une nouveauté.
En deux ans, il ne semble pas que cela ait diminué les droits des salariés. Ce sont surtout les entreprises pratiquant un dialogue social renforcé qui souhaitent pouvoir traiter certains thèmes chaque année et d’autres de manière pluriannuelle, mais avec des engagements. En général, ces sujets font plutôt l’objet de plans d’action pluriannuels.
La position du Gouvernement est donc cohérente : nous faisons de nouveau confiance au dialogue social. Tout ce qui relève du supplétif demeure dans le cadre d’une négociation annuelle. Le garde-fou instauré par la loi joue donc bien son rôle.
En revanche, quand les parties s’accordent pour dire qu’un sujet peut être négocié sur deux ou trois ans, avec une mise en perspective, pourquoi pas. Il faut leur faire confiance !
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je voudrais abonder dans le sens de Mme la ministre. On ne négocie pas mieux parce qu’on négocie beaucoup.
En Europe du Nord, modèle de dialogue social, il est fréquent que l’on revoie les accords tous les trois ans. Dans certains cas, cela donne plus de visibilité pour l’entreprise et pour les salariés. Cela fonctionne très bien.
Mme la présidente. L'amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au quatrième alinéa du III de l’article L. 2254-2 du code du travail, les mots : « L’accord peut prévoir » sont remplacés par les mots : « L’accord prévoit ».
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Martial Bourquin a évoqué il y a quelques instants les profits scandaleux et, surtout, l’augmentation des revenus d’un certain nombre des plus riches de nos concitoyens qui n’en avaient sans doute nul besoin.
Cette situation est d’autant plus scandaleuse qu’un certain nombre d’entre eux bénéficient d’augmentations ou s’accordent des augmentations, alors que leurs entreprises sont en difficulté, certains lorsque l’entreprise commence à licencier, d’autres lorsqu’ils demandent à leurs salariés de baisser leur salaire pour essayer de sauver l’entreprise, en se gardant bien, eux, de s’appliquer les mêmes règles.
L’article L. 2254-2 du code du travail dispose que « Lorsqu'un accord d'entreprise est conclu en vue de la préservation ou du développement de l’emploi, ses stipulations se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération et de durée du travail. […]
L’accord peut prévoir les conditions dans lesquelles fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux autres salariés : les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l'accord ; les mandataires sociaux et les actionnaires, dans le respect des compétences des organes d'administration et de surveillance. »
Cet amendement vise à ce que les dirigeants, les mandataires sociaux et les actionnaires des entreprises concernées fassent un effort proportionnel à ceux qui sont consentis par les salariés, ce qui est bien le moins. Cela aura un effet d’entraînement.
Nos concitoyens n’acceptent plus ces indécentes augmentations, alors que leur pouvoir d’achat est tout juste maintenu, sinon diminué.
Je souhaite donc que cet amendement soit adopté afin que ce soit désormais une obligation qui figure dans la loi.
M. Martial Bourquin. Très bien !
M. Jean Desessard. Excellent !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. J’entends bien le discours de nos collègues du groupe CRC sur les profits scandaleux. Ils peuvent en parler en toute sérénité puisque, n’ayant pas été au pouvoir depuis des années, ils n’ont pas eu l’occasion de revenir sur cette situation.
Vous, chers collègues socialistes, avez été au pouvoir de 2012 à 2017 – vous en sortez d’ailleurs avec peu de lustre et peu de réussite au niveau de la population. (M. Alain Néri s’exclame.) Les profits scandaleux existaient déjà. Ne venez pas reprocher à ceux qui sont au pouvoir depuis un mois de ne pas avoir fait ce que vous n’avez pas fait durant cinq ans ! (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et Union Centriste.)
M. Philippe Mouiller. Très bien !
M. Alain Néri. Il me semble que vous étiez au pouvoir avant nous !
M. Alain Milon, rapporteur. Tout à fait, mon cher collègue, mais la baisse des profits ne figurait pas dans notre programme !
Mme la présidente. Monsieur Néri, je vous en prie, un peu de sérénité.
M. Alain Milon, rapporteur. Je comprends la motivation des auteurs de cet amendement qui souhaitent s’inspirer d’un mécanisme déjà prévu pour les accords de maintien de l’emploi que nous avons évoqué voilà quelques instants.
Je voudrais toutefois souligner que les syndicats qui négocient un accord de préservation et de développement de l’emploi, ou APDE, peuvent très bien obtenir des efforts de la part des dirigeants et des actionnaires avec les règles actuelles.
Ensuite, si l’on prévoit trop de contraintes juridiques pour les APDE, ils risquent justement de connaître le même destin funeste que les accords de maintien de l’emploi, les AME.
Il convient de trouver un équilibre dans le régime juridique de l’APDE afin de donner de la souplesse à l’entreprise, sans apparaître comme un repoussoir pour les syndicats et les salariés.
Je crois que les règles actuelles sont équilibrées, restons-en là. Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je n’ai rien à ajouter sur le fond.
Quant au processus, j’ai dit il y a quelques instants que nous souhaitions harmoniser les différents accords. Il me semble donc prématuré de vouloir projeter un élément d’un accord dans les autres.
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. L’argumentation du rapporteur me surprend. Il nous dit que nous n’avons rien pu faire quand nous étions au pouvoir.
M. Jean Desessard. M. Macron était aussi au pouvoir !
M. Martial Bourquin. Le Président de la République a longtemps été…
M. Jean Desessard. … ministre de l’économie !
M. Martial Bourquin. J’allais le dire ! Monsieur Desessard me sert de souffleur. (Sourires.)
Tout de même, monsieur le rapporteur, nous opposer de tels arguments quand on a créé le bouclier fiscal et que l’on s’apprête à supprimer en partie l’ISF…
Mme Sophie Primas. Le rapporteur n’y est pour rien !
M. Martial Bourquin. Ne pensez-vous pas qu’il y a une certaine indécence à diminuer l’APL, à ponctionner les retraités, à mettre en place une politique complètement antisociale, alors que les inégalités sont la cause de la croissance molle ?
Bien sûr, aujourd’hui, les temps sont durs, notre continent a ses règles ; malgré tout, n’est-il pas indécent de demander des sacrifices à ceux qui ont le moins ? Alphonse Allais, certes, disait qu’« il faut prendre l’argent là où il se trouve : chez les pauvres. D’accord, ils n’en ont pas beaucoup, mais ils sont si nombreux ! »
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Martial Bourquin. Ça rapporte plus !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Martial Bourquin. Là est notre désaccord fondamental, madame la ministre. C’est cette logique qu’il faut changer ! Ce projet de loi d’habilitation à prendre des ordonnances est fait pour que vous puissiez travailler pendant le mois d’août à des révisions terribles qui risquent de remettre en cause le code du travail, tout ça parce qu’on ne veut pas s’attaquer à l’évasion fiscale et aux vrais privilèges !
M. Bruno Retailleau. Quelle caricature !
M. Martial Bourquin. Essayons, au moins ! Ayons le courage de nous attaquer à ces privilèges ! Mais, madame la ministre, c’est précisément la raison pour laquelle vous souhaitez procéder par ordonnances : pour ne pas passer devant le Parlement et ne pas avoir le débat que nous avons aujourd’hui ! (Mmes Gisèle Jourda et Anne-Lise Dufour-Tonini applaudissent.)
Mme Nicole Bricq. Que sommes-nous en train de faire ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je veux dire tout à fait amicalement à notre président-rapporteur qu’il nous a habitués à de meilleurs raisonnements. Il est vrai que, pendant cinq ans, aucun remède n’a été apporté à une situation qui était difficile à accepter. Mais nombreuses sont les choses qui n’ont pas été faites, que ce soit pendant les cinq ans ou pendant les dix ans qui viennent de s’écouler ! Pour autant, le fait de n’avoir pas fait nous condamne-t-il éternellement à ne faire jamais ? (Mme Françoise Gatel s’exclame.)
M. Martial Bourquin. Très bien !
M. Alain Milon, rapporteur. Certes !
M. Jean-Louis Tourenne. D’ailleurs, si nous avions réalisé tout ce qui doit l’être, que nous resterait-il à faire ? Les assemblées deviendraient inutiles ; on pourrait se contenter de gérer de façon administrative ! Nous aurons toujours des choses à faire : c’est inévitable !
S’agissant du caractère dissuasif d’une telle mesure, j’en doute un peu. Quel encouragement pour l’ensemble des salariés de savoir que tout le monde participe à l’effort nécessaire au redémarrage de l’entreprise ! C’est sans doute en partie parce que tel n’est pas le cas – les efforts ne sont pas partagés – qu’un certain nombre de nos concitoyens salariés répugnent à accepter les conditions qui leur sont proposées.
Dans le cas des accords Smart, je n’ai pas le souvenir que les actionnaires aient fait, eux, des efforts analogues à ceux que les salariés devaient consentir. Quant à Peugeot, si les salariés ont accepté de voir stagner leur pouvoir d’achat, les dirigeants, eux, n’ont fait aucun effort.
Les Français ne comprennent plus ce déséquilibre ;…
M. Roland Courteau. Bien sûr !
M. Jean-Louis Tourenne. … il nous faut donc changer cette vision des choses, en cessant de craindre en permanence le départ des entreprises. Pour un certain nombre d’entre elles, elles restent sur le territoire, pour d’autres raisons. Ce pays dont on dit tant de mal, avec ses 35 heures et ses charges sociales, reste un pays d’implantation des entreprises parmi les premiers dans le monde.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Louis Tourenne. Il faut arrêter de pleurnicher sur notre situation ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Bruno Retailleau. Tout va bien, alors !
Mme Sophie Primas. Oui, et il n’y a pas de chômage !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je compléterai l’intervention de mon collègue Tourenne en disant que je ne comprends pas l’argument selon lequel l’application de notre proposition aurait un effet dissuasif sur la signature d’accords.
Mes chers collègues, comme moi, vous entendez les chefs d’entreprise vous expliquer que ce qui compte pour eux, c’est l’avenir de leur entreprise. Ils seraient même, disent-ils, les seuls vrais défenseurs de l’intérêt de l’entreprise, cette préoccupation étant, poursuivent-ils, totalement absente chez les salariés. En réalité, la plupart du temps, les salariés sont bien plus menacés que les chefs d’entreprise eux-mêmes lorsque leur entreprise disparaît. (Exclamations sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Quoi qu’il en soit, puisque ces derniers prétendent – pour une part d’entre eux, de bonne foi – que seule compte pour eux leur entreprise, la moindre des choses, lorsque l’entreprise a besoin d’efforts, est bien qu’ils en prennent leur part ! Ou alors, c’est qu’ils font passer leur intérêt personnel…
Mme Annie David. … avant celui de l’entreprise !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … au-dessus de celui de l’entreprise ! C’est légitime, mais qu’ils le disent ! Qu’ils ne s’appellent plus « représentants de l’entreprise », mais « représentants de la défense des patrons », (Nouvelles exclamations sur quelques travées du groupe Les Républicains.) ce qui n’est pas du tout la même chose !
De ce point de vue, il me semble tout à fait légitime que les dirigeants, comme les actionnaires, lorsqu’il s’agit d’assurer l’avenir de leur entreprise, de la sauver ou de la développer, prennent leur part des efforts nécessaires.
Mme Sophie Primas. Qu’est-ce que vous croyez ? C’est ce qu’ils font !
Mme Annie David. S’ils le font déjà, inscrivons-le dans la loi !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Oui ! S’ils font déjà des efforts, quel mal à le faire figurer dans la loi ?
Les salariés aussi font des efforts. Et, madame la ministre, vous avez inscrit dans la loi l’obligation pour eux d’accepter certains de ces efforts. Inscrivez alors dans la loi, de manière symétrique, l’obligation pour les patrons, pour les propriétaires du capital, de prendre eux aussi leur part des efforts ! C’est cela, la négociation sociale !
Vous nous parlez de confiance ? Que les patrons montrent aux salariés qu’ils peuvent avoir confiance, en faisant les mêmes efforts que ceux qu’ils leur demandent d’accepter ! (Mme Gisèle Jourda applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Cet article s’inscrit parfaitement dans la pratique républicaine, apanage de notre pays, telle qu’en particulier l’article II de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en fixe les termes. Il y est expressément dit, en effet, que chaque citoyen doit contribuer aux dépenses de la Nation à raison de ses capacités.
M. Bruno Retailleau. C’est l’article XIII !
M. Alain Néri. Lorsqu’il s’agit de sauver l’entreprise, il faut donc que chaque membre de l’entreprise, qu’il soit ouvrier, salarié ou actionnaire, participe en fonction de ses capacités audit sauvetage ! C’est pourquoi, en outre, l’actionnaire doit produire un effort plus important. Je ne suis pas favorable, en effet, à un effort proportionnel, mais à un effort progressif ! Il existe un impôt qui n’est pas très juste, mais qui est certainement le moins injuste : l’impôt sur le revenu, créé par Caillaux, fondé sur l’idée que chacun doit contribuer aux dépenses de la Nation par un effort non pas proportionnel mais progressif. Parce qu’il est progressif, il est progressiste !
Si j’ai bien compris, madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous souhaitez promouvoir un dialogue progressiste dans l’entreprise. Vous êtes donc avec nous pour voter cet amendement ! (Mme Gisèle Jourda applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame la ministre, nous vivons un moment important. Je suis désolé, mes chers collègues, mais votre amendement est timide : « L’accord peut prévoir » serait remplacé par « L’accord prévoit ». Quelle audace ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Évidemment, nos collègues de la majorité sénatoriale défendent les intérêts du patronat ; nous le savons bien. (Exclamations amusées sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Mais vous, madame la ministre ? Vous appartenez à un gouvernement dont nous voudrions connaître les objectifs. J’ai entendu M. Macron, et d’autres à sa suite, dire qu’il y a deux France : nous l’avons vu au moment des élections législatives, disait-il ; il faut les rassembler ; il est hors de question de laisser sur le carreau des gens sans emploi, abandonnés à la pauvreté, dans des territoires délaissés. Nous devons faire quelque chose, concluait-il !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et en même temps… (Sourires.)
M. Jean Desessard. Et en même temps, nous attendons des gestes en ce sens !
Madame la ministre, vous nous parlez du dialogue social dans l’entreprise, mais vous ne semblez pas gênée par l’augmentation de 11 % des versements de dividendes aux actionnaires et des plus hauts salaires ! Personnellement, je pense qu’une telle augmentation appauvrit les gens ! Les inégalités n’enrichissent ni les territoires ni la majorité de la population. Au contraire, elles aggravent leur situation ! Certains peuvent se permettre d’acheter des appartements, et beaucoup d’autres choses, facilement ; les autres ont la vie plus difficile.
M. Alain Néri. Et les APL !
M. Jean Desessard. On attendrait donc, dans le cadre du dialogue social, que l’effort soit partagé. Nous attendons, madame la ministre, que vous définissiez les objectifs sociaux de ce gouvernement. Nous n’en avons pas connaissance !
Jusqu’à maintenant, les citoyens français vous ont accordé leur confiance, sur le mode suivant : « Que les choses changent, c’est bien ; allez-y, faites ce qui n’a pas été fait et aurait dû l’être ! » Promouvoir le dialogue social au niveau de l’entreprise, pourquoi pas. Mais pour quelle raison refuser que les actionnaires, dont, je le rappelle, les dividendes ont augmenté de 11 % cette année, consentent à participer aux efforts lorsque l’entreprise va mal ? Ce refus de la contribution des plus hauts salaires me paraît quand même incompréhensible ! (M. Bruno Retailleau s’exclame.).
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 28 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin de mettre en place une nouvelle organisation du dialogue social dans l’entreprise et de favoriser les conditions d’implantation syndicale et d’exercice de responsabilités syndicales, applicables aux salariés de droit privé, en :
1° Fusionnant en une seule instance les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et en définissant les conditions de mise en place, les seuils d’effectifs à prendre en compte, la composition, les attributions et le fonctionnement de cette instance, y compris les délais d’information-consultation, la formation de ses membres, les moyens, et les modalités de contrôle de ses comptes et de choix de ses prestataires et fournisseurs, et en fixant à trois le nombre maximal de mandats électifs successifs des membres de l’instance ainsi que les conditions et modalités de recours aux expertises, notamment la sollicitation obligatoire de devis auprès de plusieurs prestataires ;
2° Déterminant les conditions dans lesquelles l’instance mentionnée au 1° exerce, sauf accord majoritaire contraire, les compétences en matière de négociation des conventions et accords de groupe, d’entreprise ou d’établissement, en disposant des moyens nécessaires à l’exercice de ces prérogatives ;
3° et 4° (Supprimés)
5° Renforçant le dialogue social par la possibilité pour le salarié d’apporter au syndicat de son choix des ressources financées en tout ou partie par l’employeur, par le renforcement de la formation des représentants des salariés, par l’encouragement à l’évolution des conditions d’exercice de responsabilités syndicales ou d’un mandat de représentation et la reconnaissance de ceux-ci dans le déroulement de carrière et les compétences acquises en raison de ces responsabilités, ainsi que par l’amélioration des outils de lutte contre les discriminations syndicales ;
6° Définissant, pour certaines entreprises dont l’effectif est inférieur à un seuil, les conditions et modalités selon lesquelles les employeurs peuvent être exonérés pour tout ou partie de leur contribution au fonds paritaire prévue à l’article L. 2135-10 du code du travail ;
7° (Supprimé)
8° Modernisant les dispositions du chapitre Ier du titre VIII du livre II de la deuxième partie du code du travail afin de favoriser le droit d’expression des salariés, notamment par le développement du recours aux outils numériques.