Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à confier à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique les compétences sur le pantouflage aujourd’hui dévolues à la commission de déontologie de la fonction publique.
Notre souci est de rendre plus efficace le contrôle de compatibilité qui affiche aujourd’hui certaines lacunes.
Si les détenteurs d’un mandat électif, les animateurs de notre vie politique, se doivent d’être exemplaires, les plus hauts décisionnaires de l’appareil étatique, tels que les hauts fonctionnaires, doivent également l’être.
Il est assez scandaleux de constater que de plus en plus de diplômés de l’ENA ou de l’École polytechnique, pour ne citer que celles-là, pantouflent dans les entreprises sans même avoir respecté leur engagement de dix ans au service de l’État.
Nous nous devons de lutter contre ce qui peut s’apparenter à une forme blanche de corruption. Le pantouflage pose de sérieux problèmes éthiques et déontologiques liés au mélange des sphères privée et publique et des sphères de l’intérêt général et des intérêts particuliers ou de ceux des grandes entreprises. Il est source de situations de conflits d’intérêts.
C'est la raison pour laquelle nous proposons également, au travers de l’amendement n° 90, d’assortir le non-respect de l’engagement de dix ans au service de l’État pour ces hauts fonctionnaires de la radiation de la qualité de fonctionnaire, ainsi que du remboursement d’une partie des frais de scolarité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces différents amendements ?
M. Philippe Bas, rapporteur. L’amendement n° 162 rectifié de M. Vasselle reprend le dispositif d’un amendement adopté par le Sénat lors du débat sur la loi relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, mais qui n’avait pas été retenu en commission mixte paritaire.
Cet amendement soulève un certain nombre de difficultés. Tout d’abord, la Haute Autorité pour la transparence de la vie politique ne traite aucune question de fond. Elle se borne à recevoir des déclarations d’intérêts et de patrimoine et à vérifier qu’il n’y a pas eu d’enrichissement illicite au cours du mandat des élus.
Charger la Haute Autorité du contrôle de la mobilité des fonctionnaires – qui plus est dans des termes étendant ce contrôle aux fonctionnaires de catégorie B ou C – équivaudrait à une transformation radicale de la nature et des compétences de la Haute Autorité. Ce ne serait plus la même entité.
Mes chers collègues, si voulez réformer la commission de déontologie, parce que vous estimez qu’elle n’offre pas suffisamment de garanties, il va falloir procéder autrement.
C'est pourquoi, tout en comprenant les motifs qui inspirent les auteurs de cet amendement qu’a présenté M. Retailleau, je demande à M. Vasselle de bien vouloir le retirer.
L’amendement n° 259 rectifié de M. Collombat tend à allonger de trois à cinq ans le délai au-delà duquel la commission de déontologie n’a plus à examiner la compatibilité entre l’activité du fonctionnaire dans le secteur privé et son activité antérieure dans l’administration.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Il ne semble pas opportun de revenir sur une question qui vient d’être tranchée dans la loi relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 239 rectifié de M. Collombat qui vise à rendre publics les avis de la commission de déontologie. Encore une fois, nous avons nous-mêmes tranché ce point voilà à peine un an, lors de l’examen de la loi relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
En outre, je rappelle que la commission peut déjà décider de rendre ses avis publics, bien sûr après avoir recueilli les observations de l’agent concerné.
La commission est défavorable à l’amendement n° 185 rectifié bis de M. Labbé et à l’amendement n° 257 rectifié, qui visent à modifier la composition de la commission de déontologie de la fonction publique en permettant la présence d’un magistrat.
La commission demande le retrait de l’amendement n° 89 rectifié bis ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles que j’ai évoquées à l’amendement n° 162 rectifié.
La commission est défavorable aux amendements nos 237 rectifié et 258 rectifié qui ont été présentés en même temps. Il ne paraît pas possible de définir dans la loi un plafond des effectifs des fonctionnaires mis en disponibilité. En effet, les disponibilités varient d’un corps à l’autre et ne sont pas toutes prises pour réaliser une mobilité vers le secteur privé. Elles peuvent, par exemple, être utilisées par des fonctionnaires pour des années sabbatiques. On ne peut savoir à l’avance le nombre de mises en disponibilité justifiées. Il faut s’efforcer de garder une certaine souplesse de gestion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Si je peux, par certains aspects, partager les objectifs que visent les auteurs de ces amendements, les dispositions qui s’attachent à la fonction publique ou à la magistrature n’ont pas de lien avec le texte que nous examinons aujourd’hui.
Il s’agit en réalité de cavaliers, que le Gouvernement ne peut soutenir, raison pour laquelle je demande à leurs auteurs de bien vouloir les retirer ; à défaut, je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Retailleau, l’amendement n° 162 rectifié est-il maintenu ?
M. Bruno Retailleau. Le président Bas nous ayant convaincus, nous retirons cet amendement, en accord avec Alain Vasselle, après une longue délibération et, bien évidemment, dans la douleur. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Cela reste supportable ! (Même mouvement.)
M. le président. L’amendement n° 162 rectifié est retiré.
Monsieur Pierre-Yves Collombat, l’amendement n° 259 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre-Yves Collombat. Moi, le président Bas ne m’a pas convaincu.
Il m’a d’autant moins convaincu que l’affaire était tranchée. Dans ce texte, on ne modifie rien de moins que la définition du conflit d’intérêts par rapport à la loi précédente, et là tout le monde trouve cela très bien. Dès lors, pourquoi ne pourrait-on revenir sur des dispositions, même récentes ? Et si on ne peut le faire, à quoi bon siéger dans cet hémicycle ?
Sans rentrer dans les détails, je constate que le pantouflage a de beaux jours devant lui, et de solides amis. Tant qu’on refusera de s’attaquer notamment à cette plaie, on ne pourra restaurer la confiance dans nos institutions.
Le pantouflage, c’est le conflit d’intérêts permanent ! Le problème, ce n’est pas la question du déport du gouverneur de la Banque de France sur tel ou tel dossier en relation avec sa banque d’origine, peut-être la Société générale ; le problème, c’est que des hauts fonctionnaires confondent l’intérêt des banques et des entreprises avec celui de la France. Il s’agit sans doute d’une option, mais cela se discute… Et je crains qu’aux yeux de nos concitoyens cela ne se discute de plus en plus. C’est tout ce que j’avais à dire !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. Mon propos vaut pour mes autres amendements que j’ai présentés : il n’est pas nécessaire que je me répète.
M. le président. Monsieur. Joël Labbé, l’amendement n° 185 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. M. Collombat a raison, le pantouflage est une plaie.
Pour rétablir la confiance dans l’action publique, comme le veut l’intitulé de ce texte, il faut des signes forts.
Comme vous le savez, je m’intéresse aux questions agricoles et alimentaires.
M. Jean-François Husson. Nous aussi !
M. Joël Labbé. Retrouver dans les services du ministère de l’agriculture des personnes qui sont passées dans les grosses firmes agricoles, cela pose question. Inversement, quand des fonctionnaires du ministère de l’agriculture passent dans ces mêmes firmes, cela pose aussi question.
Ces amendements qui prévoient de réguler un peu les choses, il faut les entendre !
M. le président. Madame Gonthier-Maurin, souhaitez-vous vous exprimer sur l’amendement n° 89 rectifié bis ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Non, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 185 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 163 rectifié ter, présenté par MM. Genest, Allizard, G. Bailly, Bonhomme, Bouchet et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Chaize, Charon, Chasseing, Chatillon, Commeinhes, Cuypers et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. Doligé, Mme Duchêne, MM. Dufaut et Duvernois, Mme Estrosi Sassone, MM. Frassa et Frogier, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, M. Guené, Mme Hummel, M. Huré, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mmes Mélot, Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nègre, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Paul, Pierre et Poniatowski, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Rapin, Retailleau et Revet, Mme de Rose et MM. Savin, Vaspart, Vasselle, Vogel et Perrin, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 25 decies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article 25 … ainsi rédigé :
« Art. 25-… – Il est interdit à tout ancien fonctionnaire ou agent public d’exercer une activité de conseil qui a trait directement ou indirectement aux missions de service public attachées à ses anciennes fonctions pendant un délai de trois ans. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre VI
Dispositions relatives à la déontologie des fonctionnaires
La parole est à M. Jacques Genest.
M. Jacques Genest. Cet amendement a pour objet de prévenir l’utilisation à des fins lucratives d’un réseau ou d’une clientèle constituée dans le cadre de l’exercice et pour l’objet d’une mission de service public, en introduisant un délai de trois ans pendant lequel un ancien fonctionnaire ne peut exercer une activité de conseil liée à ses anciennes missions de service public.
Cette mesure limite provisoirement la mobilité des anciens fonctionnaires vers le secteur privé, permettant de s’assurer de leur plein dévouement à leur mission de service public et de restaurer ainsi la confiance des citoyens dans l’action publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’avis est défavorable. (Marques d’étonnement sur les travées du groupe Les Républicains.)
De mon point de vue, ces dispositions qui portent sur la fonction publique, et dont je ne préjuge nullement la légitimité ou l’intérêt, sont sans rapport avec les dispositions initiales du texte. Il s’agit donc d’un cavalier.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 bis.
L'amendement n° 164 rectifié bis, présenté par MM. Genest, Allizard, G. Bailly, Bonhomme, Bouchet et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Chaize, Charon, Chasseing, Chatillon, Commeinhes, Cuypers et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. Doligé, Mme Duchêne, MM. Dufaut et Duvernois, Mme Estrosi Sassone, MM. Frassa et Frogier, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, M. Guené, Mme Hummel, M. Huré, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot, Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nègre, de Nicolaÿ, Panunzi, Paul, Pierre et Poniatowski, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Rapin, Retailleau et Revet, Mme de Rose et MM. Savin, Vaspart, Vasselle, Vogel et Perrin, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 25 decies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article 25 … ainsi rédigé :
« Art. 25 … – Il est interdit à tout ancien fonctionnaire ou agent public en disponibilité et ayant exercé des fonctions pour le compte d’une entreprise publique ou privée ou pour une société de conseil d’occuper une fonction impliquant une mission de service public ou l’exercice de prérogatives de puissance publique directement ou indirectement liés aux secteurs d’activités dans lesquels il est intervenu pendant un délai de trois ans. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre VI
Dispositions relatives à la déontologie des fonctionnaires
La parole est à M. Jacques Genest.
M. Jacques Genest. Cet amendement fait défense aux anciens fonctionnaires ou agents publics en disponibilité, et ayant exercé des fonctions pour le compte d’une entreprise publique ou privée ou pour une société de conseil, d’occuper une fonction impliquant une mission de service public ou l’exercice de prérogatives de puissance publique dans un même secteur d’activité, pendant un délai de trois ans.
Madame la garde des sceaux, je suis un ancien fonctionnaire, la moralisation vaut autant pour les fonctionnaires que pour les élus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’avis est défavorable, pour les raisons que j’ai déjà évoquées auxquelles j’ajoute une petite mention.
Je le redis ici : il ne s’agit pas d’un texte de moralisation, mais de règles d’éthique. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Mais cela vaut pour l’ensemble du texte.
Par ailleurs, je vous le redis, de mon point de vue, ces dispositions sont hors du champ de la loi. Je ne vais pas me répéter indéfiniment, mais je crois que cela vaut pour un certain nombre d’amendements.
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. « Confiance dans l’action publique », dit l’intitulé du projet de loi initial. Ce n’est pas nous qui avons choisi ce titre – nous, nous préférerions un autre intitulé, nous en reparlerons à la fin de l’examen du texte. Vous affirmez que la fonction publique n’est pas l’objet de la loi. Or la fonction publique, c’est de l’action publique.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Éric Doligé. Donc, cela couvre toute l’action publique et, dans l’action publique, tous ceux qui ont une fonction publique sont concernés. Selon moi, on est tout à fait dans le cadre du texte en présentant ce type d’amendements – je félicite mon collègue Genest de proposer de tels amendements. Sinon, il faut modifier l’intitulé du texte,…
M. Jean-François Husson. Eh oui !
M. Éric Doligé. … mais nous vous le proposerons à la fin.
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je n’accepte pas l’idée selon laquelle, pour restaurer la confiance dans l’action publique, il ne faudrait s’attacher qu’au comportement des élus ! (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains.)
C’est un choix politique fondé sur le postulat que le fonctionnement de l’État et de la fonction publique ne pose pas problème.
Si je défends la fonction publique avec constance et sans mollir, je défends une fonction publique pérenne, indépendante, porteuse de l’intérêt général, dont le statut est le garant. Le spoil system qui semble se profiler constitue un choix politique différent : la fonction publique ne sera plus protégée des pressions extérieures.
Si l’administration est chargée d’exécuter les décisions du pouvoir politique, elle n’a pas à y concourir. Elle n’est pas liée à ce pouvoir politique. Or, avec un spoil system à l’américaine, qu’importe la prétendue neutralité des élus, on nomme des hauts fonctionnaires qui viennent du privé et qui, de ce fait, seront évidemment bien plus efficaces et compétents que les fonctionnaires d’État.
Toutefois, leur emploi n’étant pas garanti dans la durée, et même si l’on peut espérer que la vertu est spontanément partagée par tous, ces fonctionnaires se soucieront de leur avenir une fois l’alternance en place. Dès lors, leur indépendance aura moins de prix…
Le choix du Gouvernement d’étanchéifier les politiques taxés de corruption – ce qui a pu être parfois vrai et qui l’est peut-être encore, comme l’ont montré certains dysfonctionnements récents –, mais d’épargner la haute administration rompt avec notre tradition républicaine. Nous ne devons pas y prêter main-forte.
C'est pourquoi j’approuve les amendements qui viennent d’être présentés. J’en avais moi-même déposé sur ce sujet. Oui, le pantouflage est une plaie pour notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains – MM. Joël Labbé et Jean Desessard applaudissent également.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 bis.
L'amendement n° 165 rectifié bis, présenté par MM. Genest, Allizard, G. Bailly, Bonhomme, Bouchet et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Chaize, Charon, Chasseing, Chatillon, Cuypers et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. Doligé, Mme Duchêne, M. Duvernois, Mme Estrosi Sassone, MM. Fouché, Frassa et Frogier, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, M. Guené, Mme Hummel, M. Huré, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot, Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nègre, de Nicolaÿ, Panunzi, Paul, Pierre et Poniatowski, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Rapin, Retailleau et Revet, Mme de Rose et MM. Savin, Vaspart, Vasselle, Vogel et Perrin, est ainsi libellé :
I. – Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 9° de l’article 18-5 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie politique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° S’abstenir d’exercer toute action pour le compte ou auprès d’une personne morale de droit public dont il aurait été le fonctionnaire ou l'agent public dans les trois dernières années. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre VI
Dispositions relatives à la déontologie des fonctionnaires
La parole est à M. Jacques Genest.
M. Jacques Genest. Cet amendement a pour objet de limiter la possibilité pour les anciens fonctionnaires ou agents publics de devenir des représentants d’intérêts auprès ou pour le compte d’une personne morale de droit public dont ils auraient fait partie.
Le délai de carence de trois ans introduit dans cet amendement permet de prévenir les situations potentielles conduisant à des prises illégales d'intérêts au sens de l’article L. 432–12 du code pénal et de rétablir ainsi la confiance des citoyens dans l’action publique.
Ce dispositif n’interdit pas l’exercice par l’ancien fonctionnaire ou agent public de la fonction de représentant d'intérêts, mais lui impose simplement un délai de trois ans pour le faire auprès de son ancien employeur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’avis est défavorable (Oh ! sur quelques travées du groupe Les Républicains.), pour les mêmes raisons que celles que j’ai évoquées aux amendements précédents.
Je voudrais en l’occurrence apporter une précision. Le propos du Gouvernement, et je réponds aux observations de Mme Lienemann, n’est pas de vouloir signifier que la fonction publique serait hors du champ éthique dont nous parlons.
Le titre de ce texte, qui fait effectivement référence à l’action publique, est une chose ; ce qui importe, c’est la cohérence des articles du projet de loi initial. Or ils ne contiennent aucune disposition relative à la fonction publique. (Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et du groupe CRC – Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste également.)
Mme Maryvonne Blondin. Et le rôle du Parlement !
M. Jean-François Husson. On ne peut pas discuter ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. De ce point de vue, il me semble que les dispositions proposées, si elles étaient adoptées, apporteraient des éléments totalement dirimants. (Mêmes mouvements.)
Mme Éliane Assassi. Que faites-vous des droits du Parlement ?
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie.
La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Vous parlez de cohérence, madame la garde des sceaux. Mais cette cohérence existe-t-elle dans l’intitulé – d’ailleurs assez prétentieux, et puisque ce n’est pas vous qui l’avez rédigé, je me permets de vous le dire sans avoir la crainte de vous vexer (Mme la garde des sceaux sourit.) – de ce texte ?
M. Jean-François Husson. Non, elle n’y est pas !
M. Michel Raison. Pour redonner confiance dans l’action publique, il faut une addition de choses incommensurable. Il faut commencer, par exemple, par tenir la parole donnée au cours d’une campagne électorale. Nous venons d’en débattre lors des questions d’actualité au Gouvernement : quelques jours seulement après une élection, il est devenu coutumier de revenir sur les promesses de campagne. Comment, dès lors, redonner confiance dans l’action publique ?
Pour revenir au texte dont nous débattons, il est évident que des règles identiques doivent s’appliquer aux élus et aux fonctionnaires. Quand j’étais maire, je disais toujours aux fonctionnaires communaux : si nous n’avons pas le même statut, nous avons la même mission.
Mme Maryvonne Blondin. Exact !
M. Michel Raison. Seuls le rôle et le statut diffèrent, mais les règles sont les mêmes.
Les fonctionnaires sont là pour appliquer les décisions des élus, même si on a pris l’habitude de voir l’inverse dans notre pays… (Sourires sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Bercy, par exemple, a dit qu’on ne pouvait plus réformer la taxe d’habitation, avant que le Président de la République ne dise que c’était possible… (Sourires.)
Notre statut est différent, mais notre mission est la même. Nous avons tous, collectivement, pour mission de redonner confiance. Et ce n’est pas une loi – et surtout pas un texte comme celui-ci – qui rétablira la confiance, mais notre comportement à tous. (M. Jackie Pierre applaudit.)
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. Michel Raison. Vous pouvez édicter toutes les règles que vous voulez, la morale, l’honnêteté, cela ne s’invente pas et ne se décrète pas non plus dans une loi ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Michel Raison. Nous examinerons à la fin de la séance un amendement visant à changer l’intitulé si incohérent de ce texte. Nul doute que vous serez d’accord, madame la garde des sceaux, puisque vous prêchez la cohérence.
M. le président. Mes chers collègues, je vous invite à respecter le temps de parole.
M. Charles Revet. Mais c’est important, ce qui vient d’être dit !
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Le Gouvernement veut restreindre le champ de ce texte aux seuls parlementaires, alors que nous souhaitons, comme l’a très bien rappelé Éric Doligé, qu’il englobe l’ensemble du champ de l’action publique et de tous ceux qui peuvent y concourir, membres du Gouvernement et fonctionnaires.
Par ailleurs, madame la garde des sceaux, dans la mesure où nous serons amenés à nous revoir dans cet hémicycle, tolérez notre droit d’amendement.
M. Jean-François Husson. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. Ce n’est pas parce que le Gouvernement présente un texte que les parlementaires sont obligés de se plier à sa logique.
Mme Maryvonne Blondin. Exactement !
M. Bruno Retailleau. C’est notre liberté que de le modifier quand nous le jugeons nécessaire, sans pour autant nous en prendre à la liberté du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – Mmes Claudine Lepage, Maryvonne Blondin et Sylvie Robert applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur Retailleau, je n’ai ni le désir ni le pouvoir de restreindre la liberté du Parlement, soyez-en sûr, et je respecte absolument tous les amendements qui peuvent être déposés.
Je fais simplement part d’une réticence d’ordre juridique, en soulignant que, au regard des dispositions initiales du projet de loi, celles que vous évoquez sur la fonction publique, indépendamment de leur pertinence et de leur légitimité, n’ont pas leur place dans ce texte. (Marques de désapprobation sur de nombreuses travées.) C’est tout ce que je voulais dire !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Nos collègues Michel Raison et Bruno Retailleau ont parlé d’or !
Je rappelle que nous avons adopté un texte, dont j’étais le rapporteur – M. le président de la commission des lois m’avait fait confiance –, relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. J’avais veillé à introduire un véritable parallélisme des formes entre les mesures prises dans le cadre du texte relatif à la transparence de la vie publique concernant les membres du Gouvernement et celles qui s’appliquaient aux parlementaires et aux fonctionnaires. J’avais d’ailleurs proposé un amendement similaire à celui que Bruno Retailleau a retiré à propos du rapprochement de la Commission de déontologie de la fonction publique et de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP. Nous avions alors considéré qu’il était trop tôt pour aller en ce sens.
Madame la garde des sceaux, si le Gouvernement a éprouvé le besoin de faire examiner par le Parlement des dispositions concernant les parlementaires dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, il a paru tout à fait naturel à l’ensemble des membres de la Haute Assemblée de veiller à ce qu’il y ait un véritable parallélisme des formes avec les différentes mesures concernant les fonctionnaires dans leur ensemble. Il n’est donc en rien choquant que des dispositions ayant précédemment été approuvées le soient de nouveau grâce à l’adoption de l’amendement de M. Genest. En fait, c’est vous-même qui avez levé le lièvre !