M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. L’avis est défavorable, car cet amendement est inconstitutionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’observation est la même. Il nous semble que la persistance d’une règle d’incompatibilité après que le mandat est parvenu à son terme serait difficilement justifiable.
Par ailleurs, le risque de conflit d’intérêts disparaît nécessairement au moment où cessent les fonctions.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Monsieur Joël Labbé, l’amendement n° 186 rectifié est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Monsieur le président, mon amendement étant inconstitutionnel, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 186 rectifié est retiré.
L'amendement n° 195 rectifié, présenté par MM. Labbé et Cabanel et Mmes Benbassa, Archimbaud et Bouchoux, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les trois derniers alinéas de l’article 18-2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique sont supprimés.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. La loi n° 2016–1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II, a apporté une définition des « représentants d’intérêts ».
Aux termes de l’article 25 de cette loi, « sont des représentants d’intérêts, au sens de la présente section, les personnes morales de droit privé, les établissements publics ou groupements publics exerçant une activité industrielle et commerciale, les organismes mentionnés au chapitre Ier du titre Ier du livre VII du code de commerce et au titre II du code de l’artisanat, dont un dirigeant, un employé ou un membre a pour activité principale ou régulière d’influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire en entrant en communication » avec des responsables politiques.
Toutefois, cet article prévoit un certain nombre d’exceptions. Cet amendement tend à les supprimer, sauf dans le cas des élus dans l’exercice de leur mandat, et des partis et groupements politiques dans le cadre de leur mission.
Les exceptions que nous souhaitons supprimer sont les suivantes : « c) les organisations syndicales de fonctionnaires et, dans le cadre de la négociation prévue à l’article L. 1 du code du travail, les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs » ; « d) les associations à objet cultuel, dans leurs relations avec le ministre et les services ministériels chargés des cultes » ; « e) les associations représentatives des élus dans l’exercice des missions prévues dans leurs statuts ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je ne partage pas cette forme d’idéalisme parlementaire dans lequel nous devrions faire notre travail en évitant absolument d’être contaminé par tout contact impur avec les représentants de la société civile. (M. Antoine Lefèvre rit.)
À un moment, derrière cette forme de puritanisme, on peut suspecter la fausse dévotion et la tartufferie. Nous ne pouvons pas légiférer en chambre – nous légiférons naturellement entre les deux chambres. Nous avons besoin de parler et d’écouter les représentants de la société civile.
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous procédons à de très nombreuses auditions. Les intérêts économiques ont vocation à être entendus, comme les intérêts sociaux. Les organisations syndicales de fonctionnaires, les associations à objet cultuel, les associations représentatives des élus dans l’exercice des missions prévues dans leur statut, visées par l’amendement de notre collègue Labbé, sont des organisations qui ont été, à dessein, exclues au cours d’un travail parlementaire très approfondi qui date de moins de six mois. Je rappelle que notre assemblée n’a pas changé de composition depuis et s’est exprimée très clairement sur ce sujet. Je ne vois pas pourquoi on remettrait en cause notre propre vote six mois après.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement estime que le législateur est arrivé à un équilibre par la loi de décembre 2016.
Par ailleurs, il est prématuré de revenir sur certaines exceptions qui, pour les raisons expliquées par M. le rapporteur, nous semblent pleinement justifiées.
C'est la raison pour laquelle, aucune nécessité n’apparaissant immédiatement, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Labbé, l'amendement n° 195 rectifié est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Non, je vais le retirer, monsieur le président, mais je voudrais donner, si vous me le permettez, une réponse à M. le rapporteur.
J’ai beau m’appeler Labbé, me parler d’excès de puritanisme et de fausse dévotion ne me convient pas du tout, monsieur Bas. (Sourires sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Vous indiquez qu’il est normal que l’on ait des contacts avec la société civile, c’est-à-dire avec le monde économique ou associatif ; en effet, on doit en avoir. La question que je pose, c’est celle du lobbying organisé, vous l’aurez compris. Il ne s’agit pas de puritanisme mais de veiller à retrouver la confiance de nos concitoyens, car force est de dire qu’on l’a quelque peu perdue et qu’il faut la retrouver.
Cela dit, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 195 rectifié est retiré.
L'amendement n° 150, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 5° de l’article 18-3 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les projets d’amendement, de proposition de loi, de proposition de résolution transmis à des membres du Parlement. »
La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Cet amendement a pour objet d’imposer aux représentants d’intérêts, dans le cadre prévu par la loi dite Sapin II, de déclarer à la Haute Autorité les projets d’amendement, de proposition de loi ou de résolution transmis à des parlementaires. Cet amendement vise ainsi à imposer la transparence aux relations entre les représentants d’intérêts et les parlementaires dans le cadre de la confection de la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. J’aimerais beaucoup être agréable au président Zocchetto, auteur de cet amendement et c’est donc à regret que je vais émettre un avis défavorable.
En effet, je ne voudrais pas que, au fil de ce débat, nous en arrivions à faire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie politique une sorte de Léviathan devant traiter des questions les plus diverses,…
M. André Reichardt. Très bien !
M. Philippe Bas, rapporteur. … alors que sa vocation est d’enregistrer nos déclarations de patrimoine et d’intérêts ainsi que celles des présidents d’exécutifs locaux, et de s’assurer que, pendant notre mandat, nous ne nous sommes pas enrichis de manière illicite.
M. Alain Chatillon. Très bien !
M. Philippe Bas, rapporteur. De grâce, ne mettons pas cette Haute Autorité à toutes les sauces ! Elle a pris le temps de se mettre en place, il a été difficile pour elle de réunir les moyens nécessaires à son activité. Progressivement, elle atteint son régime de croisière.
Elle n’a donc pas vocation à servir à tout, même si, je le reconnais, il serait extrêmement intéressant pour chacun d’entre nous, comme pour le public en général, que l’origine des amendements rédigés par les groupes d’intérêts soit tout simplement rendue publique. Personnellement, je n’y verrais que des avantages. (Marques d’assentiment sur quelques travées des groupes Les Républicains et CRC.) Cela dit, ne mettons pas dans tout cela la Haute Autorité.
S’il vous plaît, ma chère collègue, transmettez à M. Zocchetto le vœu que je formule : que, au retour de ce texte au Sénat, on puisse mettre en œuvre cette mesure de transparence sans y mêler la Haute Autorité. (MM. André Reichardt et Marc Laménie applaudissent.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. C’est également un avis défavorable, pour les raisons que j’ai indiquées voilà quelques instants et qui rejoignent celles du rapporteur. Cela n’entre pas dans les missions de la Haute Autorité. Nous estimons donc que cet amendement n’est pas pertinent.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Cet amendement pose non seulement la question des compétences de la Haute Autorité mais encore celle de la preuve qu’un amendement provient ou non d’un lobby. Il s’agit là d’un amendement destiné à se faire plaisir, mais, au-delà, on n’arrivera jamais à déterminer la provenance d’un amendement.
Mme Nathalie Goulet. Nous retirons cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 150 est retiré.
L'amendement n° 227, présenté par Mme Aïchi, MM. Delcros, Luche, Capo-Canellas, Médevielle et Kern et Mme Doineau, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 18-4 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les députés et les sénateurs dont la déclaration prévue à l’article L.O. 135-1 du code électoral fait apparaître des activités professionnelles exercées dans un pays étranger ou des participations dans un organisme public ou privé ou dans une société situés dans un pays étranger ne peuvent être membres du groupe interparlementaire d’amitié portant sur ce pays. »
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 227 est retiré.
L'amendement n° 193 rectifié, présenté par MM. Labbé et Cabanel et Mmes Benbassa, Archimbaud et Bouchoux, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 18-4 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il ne peut être attribué aux représentants d’intérêts une habilitation permanente pour l’accès aux enceintes des assemblées parlementaires. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. La police des assemblées relève, depuis le coup d’État du 18 brumaire an VIII, de la compétence de leurs présidents respectifs. Ce sont ces derniers qui sont chargés de fixer les règles d’accréditation et d’entrée au sein de leurs chambres respectives.
Cet amendement a pour but d’inciter le Sénat et l’Assemblée nationale à prohiber, dans leurs règlements, l’attribution d’un accès permanent à des représentants d’intérêts. (M. Charles Revet s’exclame.)
En effet, il n’est pas justifiable que des lobbies ou des représentants de lobbies se promènent dans nos couloirs sans avoir pris rendez-vous avec un parlementaire, dans l’unique but de glaner des informations ou d’exercer des pressions. (M. Alain Fouché s’exclame.) Il y a des gens dont le métier consiste à représenter les groupes d’influence qui ont les moyens de les payer. Cela n’est pas dirigé contre le travail de ces gens-là, mais contre le fait qu’ils le fassent à l’intérieur du palais du Luxembourg ou de l’Assemblée nationale. Cela est inéquitable par rapport aux groupes qui auraient aussi des choses à dire mais n’ont pas les moyens de se payer des lobbyistes.
Il est important de faire en sorte que ces accréditations soient supprimées, dans le cadre, là encore, d’une véritable transparence, pour que nous soyons assurés que nous prenons nos décisions en notre âme et conscience, après être allés chercher les informations que nous voulons auprès de nos partenaires, qu’ils soient du monde économique, financier ou encore associatif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fouché. Favorable, je suppose ?… (Sourires sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas, rapporteur. En ce qui me concerne, mon âme et ma conscience ne sont pas exposées au moindre risque quand je rencontre des représentants de groupements d’intérêts.
M. Charles Revet. Heureusement !
M. Philippe Bas, rapporteur. J’ajoute que, si les groupements d’intérêts continuent d’être licites, et je note que vous n’avez pas présenté d’amendement visant à les interdire, monsieur Labbé, il faut bien qu’ils servent à quelque chose et qu’ils représentent les intérêts légitimes des secteurs économiques ou des professions qu’ils défendent.
Au sein de notre assemblée, l’organisation du travail parlementaire relève non de la loi mais du bureau. Nous admettons la présence, en certains lieux, de représentants de groupements d’intérêts, ce qui offre la possibilité de les rencontrer. Ces rencontres sont légitimes (M. Jean-Paul Émorine opine.), chacun en France a le droit d’approcher le Parlement.
Ce qui est interdit, ce sont la corruption, la prévarication, les conflits d’intérêts. Pour ma part, je revendique la possibilité de représenter les intérêts des forces vives et donc de ne pas leur interdire l’accès au Sénat et à l’Assemblée nationale.
C’est pourquoi je suis, sur le fond, tout à fait hostile à cet amendement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel, ainsi que MM. Yvon Collin et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
M. Alain Fouché. Bravo !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’avis est également défavorable. Sans vouloir prolonger les débats, je dois dire que le Gouvernement estime que les règles relatives à la prévention des conflits d’intérêts et à la publicité des représentants d’intérêts nous semblent suffisantes.
Par ailleurs, nous estimons également que cela relève de la compétence des assemblées.
MM. Yvon Collin et Gérard César. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Je partage évidemment l’analyse portant sur le caractère législatif de telles propositions, la loi n’a pas à intervenir sur ce terrain. Le sous-texte de ces amendements, qui s’appuient sur de très bonnes intentions, est de contester la responsabilité des assemblées à l’égard de leur fonctionnement.
Il reste peu d’espace au travail parlementaire, mes chers collègues.
M. Charles Revet. Il en a de moins en moins !
Mme Catherine Tasca. Ce n’est pas à nous de rogner constamment le champ de la responsabilité propre de chaque assemblée. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Hermeline Malherbe et M. Pierre-Yves Collombat applaudissent également.)
Un sénateur du groupe Les Républicains. Absolument !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. On peut comprendre la motivation de notre collègue Joël Labbé lorsqu’il défend cet amendement, ainsi que, d’une certaine manière, ses inquiétudes.
Néanmoins, je crois que, à un moment donné, il faut aussi rendre possible un esprit d’initiative et de liberté. En outre, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, les séances sont publiques, ce qui permet à des personnes extérieures au Parlement d’y assister.
Chacun d’entre nous est sollicité pour des rendez-vous les plus divers avec des représentants du monde économique, social ou associatif, mais il faut quand même garder un esprit d’initiative et j’irai tout à fait dans le sens du président de la commission. Il ne faut pas tout ficeler, verrouiller. Gardons une certaine souplesse tout en ayant un esprit très rigoureux ; c’est le but de chacun d’entre nous. (Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Je me sens obligé d’expliquer un peu plus précisément mon propos. (M. Éric Doligé s’exclame.)
M. Jackie Pierre. Pas la peine, on a compris !
Mme Éliane Assassi. Laissez-le parler ! Il a le droit de s’exprimer, tout de même !
M. Joël Labbé. Je parlais des accréditations permanentes des personnes dont le travail consiste à faire du lobbying. Par exemple, les questions agricoles et alimentaires font débat au sein de notre assemblée. C’est logique car la situation de notre agriculture et, surtout, de nos agriculteurs est très préoccupante.
M. Alain Fouché. Celle de l’industrie aussi !
M. Joël Labbé. Un certain syndicat – je fais un constat, je ne veux stigmatiser personne (Si ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) – dispose d’une personne véritablement chargée de faire du lobbying auprès des groupes politiques. Une autre organisation syndicale, qui a aussi des choses à dire (M. Alain Fouché s’exclame.), est, à mon sens, insuffisamment entendue et écoutée au sein des deux assemblées. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
C’est véritablement un amendement d’appel à l’attention du futur bureau du Sénat, c’est pourquoi je le maintiens et je le maintiendrais même si j’étais seul à le voter.
Mme Éliane Assassi. Nous aussi, nous allons le voter !
M. le président. L'amendement n° 235 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Arnell et Castelli, Mme Costes, M. Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La liste des déplacements en France et à l'étranger des parlementaires dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions est publiée par chaque assemblée.
La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Dans un souci de transparence, et afin de rendre compte à nos concitoyens, je souhaiterais que l’on donne chaque année la liste des voyages faits par les parlementaires dans le cadre des groupes de travail, des groupes d’étude, des groupes d’amitié, des rapports ou des missions. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
En effet, pour avoir été maire et vice-président de région, je crois qu’il arrive que l’on dise que les élus se promènent aux frais de la princesse,…
M. Jean-François Husson. Aux frais du prince !
M. Alain Bertrand. … ou du prince. (Sourires.)
M. Éric Doligé. Mais non !
M. Alain Bertrand. Pour éviter cela, on pourrait prendre une mesure très simple : publier annuellement les voyages faits, dans le cadre de leurs fonctions, par tous les parlementaires.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Cela existe déjà !
M. Alain Bertrand. Je pense que ce serait une bonne chose. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)
Par exemple, personnellement, je trouve qu’il y a trop de voyages dans tous les sens en Europe, y compris pour rendre visite au Comité européen des régions, et je n’y suis pas très favorable. Une liste annuelle des voyages des parlementaires faits dans le cadre de leurs fonctions irait donc dans le sens de la transparence et de la confiance redonnée.
M. Alain Fouché. Cela est déjà connu ! C’est de l’inquisition !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Défavorable également.
Je pense qu’il n’est pas utile d’ajouter de telles complexités pratiques. En outre, ce serait une obligation disproportionnée pour les parlementaires. Enfin, ce n’est pas du niveau de la loi.
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. le président. Monsieur Bertrand, l'amendement n° 235 rectifié est-il maintenu ?
M. Alain Bertrand. Comme il est juste, efficace et qu’il va emporter la majorité, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Cette obligation existe depuis longtemps…
M. Jean-Paul Émorine. Exact !
Mme Nathalie Goulet. … et elle est satisfaite par chacun d’entre nous quand il a un déplacement à l’étranger. Je ne vois vraiment pas ce que peut apporter cet amendement.
Dans notre maison, nous déclarons déjà ces voyages, l’information est en ligne et consultable par n’importe qui. Il suffit de se rendre sur le site du Sénat, qui, par ailleurs, est remarquablement conçu.
M. André Reichardt. Effectivement !
M. le président. Je salue la présence, dans nos tribunes, de notre ancien collègue Daniel Hoeffel, qui a longtemps présidé un groupe et qui a été vice-président du Sénat pendant de nombreuses années. (Applaudissements.) L’Alsace se reconnaîtra en lui.
L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme Lienemann et M. Leconte, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les emplois et fonctions pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce dans les conditions fixées au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution sont incompatibles avec le fait d’exercer ou d’avoir exercé, au cours des trois dernières années, les fonctions de dirigeant, de salarié ou de conseiller d’une société contrôlée, supervisée, subordonnée ou concernée par l’institution, l’organisme, l’établissement ou l’entreprise auquel cet emploi ou fonction se rattache.
II. – Aucune personne exerçant les emplois et fonctions mentionnés au I ne peut participer à une délibération concernant une entreprise ou une société contrôlée, supervisée, subordonnée ou concernée par l’institution, l’organisme, l’établissement ou l’entreprise dans laquelle elle a, au cours des trois années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat.
Les personnes exerçant les emplois et fonctions mentionnés au I ne peuvent, directement ou indirectement, détenir d’intérêts dans une société ou entreprise mentionnée au I.
L’article 432-13 du code pénal est applicable aux personnes visées au I, après la cessation de leur emploi ou de leur fonction.
Le non-respect de cet article est passible des sanctions prévues à l’article 432-13 du code pénal.
Un décret en Conseil d’État fixe le modèle de déclaration d’intérêts que chaque personne doit déposer au moment de sa désignation.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je suis également heureuse de saluer M. Hoeffel, qui a accompagné le président Mitterrand lors de sa dernière visite officielle ; celle-ci avait lieu dans la commune dont j’étais le maire, Athis-Mons. Nous avons donc des souvenirs en commun.
Le présent amendement vise à combattre les conflits d’intérêts des hauts fonctionnaires, en particulier ceux qui sont nommés en conseil des ministres par le Président de la République. Le I de cet amendement se justifie par son texte même. Le II précise que, lorsque l’on a travaillé dans un tel organisme plus de trois ans avant son entrée en fonctions, il n’est tout de même pas possible de participer aux délibérations qui le concernent.
Il ne vous a en effet pas échappé qu’un certain nombre de hauts fonctionnaires, quels que soient d’ailleurs les Présidents de la République et les gouvernements, ont été nommés après avoir travaillé, par exemple, dans une grande banque, et qu’ils se retrouvent ainsi à un poste leur donnant le contrôle de cette banque. C’est très fréquent dans le secteur de la finance.
Il serait injuste de considérer que les conflits d’intérêts ne touchent que les politiques. Il existe parfois, hélas, dans la haute fonction publique, des rapports avec certains intérêts puissants de ce pays, qui sont nuisibles à la crédibilité de l’action publique et au sentiment que les hauts fonctionnaires chargés de diriger et de contrôler sont probes.
C’est dans cet esprit que je propose cette disposition, qui existe d’ailleurs dans certains domaines. Ainsi, la loi du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite « HADOPI », prévoit un mécanisme du même ordre pour la nomination des membres de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, la HADOPI. C’est aussi le cas pour la Commission de régulation de l’énergie. Il y a donc des domaines où cette contrainte s’impose.
Pourtant,tous les champs ne sont pas pris en compte, c’est très restreint, en particulier le secteur des banques et de la haute finance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Cet amendement soulève une série de questions délicates. Quand on le lit, on voit que le I prévoit que l’on ne peut être nommé dans une fonction exigeant une nomination en conseil des ministres si l’on a été dirigeant d’une institution, d’un organisme ou d’une entreprise auxquels cet emploi ou cette fonction se rattache. Or, dans le II, on prévoit que, une fois nommée, la personne ne peut délibérer sur les questions intéressant une société dans laquelle elle a exercé des fonctions au cours des trois années précédant la délibération. Donc le I et le II sont parfaitement contradictoires et ne pourraient être appliqués.
M. Philippe Bas, rapporteur. En dehors de cette difficulté, déjà dirimante par elle-même, si l’on prend des cas pratiques au lieu de considérer les choses de manière théorique, on atteint des résultats non souhaitables. Par exemple, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations est nommé en conseil des ministres, conformément à l’article 13 de la Constitution ; or cette disposition interdirait que l’on choisisse quelqu'un qui a dirigé une filiale de la Caisse des dépôts et consignations pour en être le directeur général. On serait donc pratiquement obligé de prendre un haut fonctionnaire du ministère des finances ou quelqu'un qui, de préférence, ne connaîtrait rien aux missions de cet organisme.
Ainsi, il y a un certain nombre d’effets pervers qu’il faudrait essayer d’éviter.
Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission sur cet amendement est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?