M. Roger Karoutchi. C’est trop !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Monsieur Requier, je vous remercie également. Je constate que l’on peut toujours compter sur ses amis, encore plus sur ses amis politiques. Cela fait plaisir…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Des amis, mais pas des féaux !
M. Roger Karoutchi. Oh là !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je regrette qu’elle soit de moins en moins une vertu cardinale, même parmi les membres du RDSE. Les métropoles sont une de vos spécialités ; il y en a d’ailleurs beaucoup dans le Lot. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Pozzo di Borgo sourit également.).
Vous regrettez que le Sénat n’ait pu apporter sa pierre à l’édifice et que le débat n’ait pas lieu, mais, dans le même temps, vous annoncez que vous ne voterez pas contre la motion tendant à opposer la question préalable. Voilà qui n’est pas très cohérent. En politique, j’aime bien la cohérence (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), en plus de la fidélité, de la loyauté et de l’amitié.
Enfin, concernant les métropoles, je le rappelle : j’ai été convaincu par un certain nombre d’élus, de droite comme de gauche, qui sont venus plaider avec talent, détermination et passion la cause de leur métropole.
Monsieur Pozzo di Borgo, la campagne sénatoriale n’autorise pas tout ! Vous avez fait à cette tribune un numéro formidable. (M. Jackie Pierre s’exclame.)
M. Roger Karoutchi. Impeccable !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Tout le monde a pu apprécier le spectacle. Cependant, je doute que ce soit la bonne manière pour légiférer et faire avancer les textes.
Quant à la métropole francilienne ou la métropole Île-de-France que vous avez évoquée, comme M. Karoutchi,…
M. Philippe Dallier. Elle s’appelle « Grand Paris » !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. … elle n’est pas tout à fait une réalité. Pour ma part, je ne sais pas ce que cela veut dire. S’il faut qu’une majorité, quelle qu’elle soit, reprenne les textes le moment venu et y réfléchisse, pourquoi pas ? Mais parler aujourd’hui de métropole Île-de-France, c’est quelque peu osé et hâtif, et, là encore, peu cohérent.
Monsieur Charon, nous nous connaissons depuis longtemps. Je ne cède pas à la panique : ce n’est pas dans ma nature.
Par ailleurs, pourquoi vous aurais-je attaqué ? Si les propos que j’ai tenus à l’Assemblée nationale vous ont heurté, je vous présente mes excuses, ici même, dans cet hémicycle.
Le débat politique est une chose, mais nous n’avons pas à nous accuser. Je ne veux ni heurter ni vexer et demande le même respect à mon endroit.
Nathalie Kosciusko-Morizet ayant, à quatre ou cinq reprises, évoqué vos interventions dans le débat au Sénat, j’ai fini par lui rappeler que je n’avais pas souvenir que vous étiez intervenu en séance – vous m’en aviez d’ailleurs donné les raisons. Cependant, il faut tout de même vous mettre d’accord entre élus de Paris, députés et sénateurs ! Affirmer à l’Assemblée nationale qu’il n’est pas exact de soutenir que vous êtes intervenu dans ce débat n’est pas attenter à votre honneur. Il n’était pas question pour moi de manquer d’élégance à votre égard, pas plus qu’à l’égard de quiconque.
Quant aux propositions de vos collègues de l’Assemblée nationale, elles n’ont pas été très nombreuses. Sur ce point, je vais beaucoup arrondir les angles, étant donné la façon dont s’est déroulé le débat à l’Assemblée nationale. Les élus de Paris n’étaient pas très présents ce soir-là, pour ne pas dire qu’ils étaient totalement absents ! Quoi qu’il en soit, j’ai bien entendu vos propositions et j’en prends acte.
Monsieur Sueur, avec le talent que chacun vous connaît, vous avez plaidé pour le bicamérisme et souligné l’incohérence qu’il y avait à présenter cette motion tendant à opposer la question préalable.
Vous avez également défendu les métropoles. Votre région est un très bon exemple : socialiste, vous soutenez la métropole, main dans la main, avec le maire d’Orléans et le président de la métropole,…
M. Jean-Pierre Sueur. Mais oui !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. … alors que vous n’avez pas la même couleur politique. C’est bien la preuve que, au lieu d’essayer de toujours opposer les uns aux autres et d’opposer métropole et ruralité, il est possible, avec un peu de bonne volonté, d’œuvrer pour l’intérêt général.
Monsieur Dominati, vous avez rendu hommage à presque tous les présidents de la République successifs, sauf à celui qui est encore en exercice. Vous avez également prétendu que François Mitterrand avait voulu dépecer Paris. François Mitterrand, c’est les grands travaux : le Grand Louvre, la pyramide, la Grande bibliothèque, la Grande Arche, La Défense. Je connais votre propension naturelle à chercher la polémique, mais vous ne pouvez pas verser dans le révisionnisme ou modifier l’histoire : François Mitterrand a beaucoup fait pour Paris. Il est d’ailleurs certainement celui qui a le plus fait pour Paris. C’était sa volonté.
Vous avez employé l’expression de tripatouillage électoral. Je ne peux pas laisser passer cela. Et si vous voulez parler de tripatouillage électoral, je vais vous répondre de la même manière : les faux électeurs de Paris, ce n’est pas la gauche !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est de la préhistoire !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Non, M. Dominati est remonté au général de Gaulle, cet épisode est bien ultérieur ! Je suis favorable aux débats raisonnés et raisonnables, mais, quand on est excessif, il faut accepter que l’on vous réponde !
Il s’est passé beaucoup de choses graves à Paris, qui sont le fait non de la gauche, mais de la majorité de l’époque, à savoir la droite ! Vous le savez, sinon vous vous seriez révoltés, les modifications que nous apportons ne changent rien aux équilibres électoraux actuels.
M. Philippe Dominati. Mais si ! C’est du tripatouillage ! Ce mot vous gêne !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Et si l’on entre dans le détail en effectuant un calcul à la décimale près, le résultat ne change qu’à votre avantage, pour un siège.
Il ne s’agit donc pas d’une question électorale. Vous n’êtes tout simplement pas capable de mener un débat politique sans parler de tripatouillage ou de honte !
M. Philippe Dominati. C’est difficile d’être le ministre d’un gouvernement illégitime !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Or la honte, c’est la manière dont vous, vous vous exprimez !
Vous parlez de mépris, de manque de légitimité.
Quand s’arrête la légitimité d’un maire, d’un président de conseil départemental, d’un président de conseil régional ou d’un gouvernement sinon le jour où, par un vote démocratique, les électeurs ont fait un autre choix ? Jusqu’à cette échéance, ils sont chargés de traiter les dossiers et d’expédier les affaires.
M. Philippe Dominati. Je comprends votre gêne !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. C’est ce que nous faisons. C’est ce que vous avez fait avant nous.
Monsieur Dominati, je regrette que vous soyez incapable de mener le moindre débat (Oh ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) sans basculer immédiatement dans la polémique et dans l’outrance.
M. Philippe Dominati. C’est vous qui faites un tripatouillage, pas les autres !
M. Patrick Chaize. Quel discours pour rien !
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Darnaud, au nom de la commission, d'une motion n° 7.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain (n° 315, 2016–2017).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur, pour la motion.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, M. Sueur a raison : nous avons beaucoup de choses à dire ici, au Sénat et, fait aggravant, nous les avons dites, puisqu’elles figurent dans le texte que nous avons voté en première lecture. Le drame, c’est que l’Assemblée nationale n’a pas à cœur de les entendre et c’est ce qui motive notre initiative aujourd’hui.
Monsieur le ministre, le procès que vous faites à l’endroit de notre assemblée n’est pas fondé ; qui plus est, il est injuste. J’en veux pour preuve ce qui s’est passé hier lors de la réunion de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l’égalité réelle des outre-mer : alors que l’Assemblée nationale a examiné ce texte en premier, le Sénat a montré sa capacité à proposer des rapprochements et à satisfaire la demande exprimée par le Gouvernement, l’ensemble des sénateurs ultramarins et des parlementaires.
Nous ne cherchons nullement ici à nous tirer une balle dans le pied, mais nous tenons à manifester que nous avons l’ardente obligation d’observer le plus strict respect à l’égard du travail que nous menons. Oui, je le dis avec force, on ne peut pas, à chaque fois, affirmer que le texte que nous examinons concerne les collectivités et voir l’Assemblée nationale tout effacer d’un revers de manche pour ne retenir que ce qu’elle souhaite, à quelques rares exceptions près.
Il est temps de redire notre vision du bicamérisme, laquelle implique de prendre en compte l’avis et le travail du Sénat, surtout lorsqu’il s’agit d’un texte qui concerne les collectivités. Or, comme je l’ai rappelé au cours de la discussion générale, nous constatons malheureusement un fossé très important entre le texte voté au Sénat et la version adoptée à l’Assemblée nationale, surtout pour qui ce qui concerne les deux piliers de ce texte : le statut de Paris – chacun en a fait la démonstration ici – et le statut métropolitain.
Cher collègue Sueur, il ne s’agit nullement d’opposer ruralité et monde urbain. Il convient de savoir – c’est un préalable – comment opérer intelligemment une redistribution des richesses et comment faire en sorte que des intercommunalités – métropoles, communautés urbaines… – parviennent à établir une juste péréquation. De ce point de vue, à l’exception de la métropole de Lyon pour laquelle des mécanismes sont figés dans la loi, rien n’existe encore. Nous avons cette intention.
Nous ne cherchons pas à dénoncer et à nous opposer, par jeu politique, à ceux qui ont une vision de leur territoire. Quand on parle de métropole, il faut définir ce que l’on entend : la métropole du Grand Paris, celle de Marseille ou celle de Lyon, ce n’est pas celle de Dijon ou celle d’Orléans. La démographie suffit à expliquer ce décalage. En revanche, pour les départements, pour les régions, les enjeux sont réels. Par conséquent, il aurait fallu prendre le temps d’examiner dans un texte la question spécifique des métropoles.
Je ne reviens pas sur l’expression de « texte fourre-tout » que certains ont employée, pas plus que sur la procédure accélérée, point que vous avez évoqué, monsieur le ministre. Encore une fois, nous ne sommes pas dans la posture : nous défendons une juste vision du bicamérisme. Cette motion ne vise pas à nous soustraire à un débat et à nous épargner des efforts à quelques jours d’une longue suspension des travaux parlementaires. Nous voulons montrer notre réprobation devant une attitude aussi fermée.
La porte de la négociation est toujours ouverte au Sénat, particulièrement lorsqu’il s’agit de réfléchir à l’organisation des collectivités, où se joue une partie importante du dynamisme et des solidarités dans nos territoires. Le Sénat l’a montré sur des textes difficiles, hier encore, lors de la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour l’égalité réelle des outre-mer, qui comptait bien des pierres d’achoppement.
Nous ne laisserons donc pas le Gouvernement et sa majorité poursuivre la comédie d’un scénario écrit à l’avance. Puisqu’ils ont refusé de voir dans le Sénat un partenaire, qu’ils n’espèrent pas faire de lui un complice ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, contre la motion.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai écouté très attentivement l’intervention de notre collègue Mathieu Darnaud, mais je n’y ai pas trouvé d’argument justifiant le dépôt de la motion de procédure qui nous est aujourd'hui présentée. Pourquoi ?
D’abord, mon cher collègue, en évoquant dans la seconde partie de votre intervention un certain nombre de sujets, comme la péréquation, les métropoles, les départements, les régions, vous êtes de fait entré dans le débat, montrant ainsi que celui-ci était utile. S’il était inutile de débattre, ce n’était pas la peine de dire ce que vous avez dit dans cette partie de votre intervention. Puisque vous pensez qu’il faut débattre, vous plaidez contre la motion tendant à opposer la question préalable. Tout le monde comprend cet argument.
Ensuite, vous dites, mon cher collègue, que les positions de l’Assemblée nationale et du Sénat sont différentes. Certes, mais cela a très souvent été le cas au cours de l’histoire. Ayant été un temps député et étant sénateur depuis quelque temps, je peux parler de cette question en connaissance de cause. Si on devait voter une motion chaque fois que l’Assemblée nationale et le Sénat ont une position différente… Franchement, ce raisonnement ne tient pas !
Heureusement que les positions sont différentes, heureusement aussi qu’elles convergent parfois, et plus souvent qu’on ne le pense, mais ce n’est pas parce qu’il y a des différences qu’il ne faut pas débattre. Personne ne comprend cet argument.
Vous déplorez, comme moi du reste, l’engagement de la procédure accélérée, mais faites les comptes : vous verrez qu’on y a eu trop souvent recours, sous différents gouvernements, au cours de l’actuel quinquennat, mais aussi du précédent. Cette procédure est dénoncée tant à l'Assemblée nationale qu’au Sénat. Mais en quoi est-ce une raison de ne pas délibérer ?
Nous sommes saisis d’un texte après l’échec d’une commission mixte paritaire. Dans ce cas, la Constitution prévoit deux lectures : une à l'Assemblée nationale, l’autre au Sénat. Pourquoi donc ne pas faire cette lecture au Sénat, d’autant plus que vous avez montré, les uns et les autres, que vous aviez beaucoup de choses à dire sur Paris et qu’il y en a aussi beaucoup à dire sur les métropoles ? Tout le monde le sait.
Il serait beaucoup plus efficace d’entrer dans le débat, d’essayer d’argumenter encore, d’améliorer le texte, puis l’Assemblée nationale fera ce qu’elle veut en dernière lecture, comme le prévoit la Constitution. Le Gouvernement peut en effet demander à l'Assemblée nationale de dire le dernier mot. C’est une situation extrêmement banale de la vie parlementaire qui ne justifie en rien de ne pas débattre.
Si nous refusons de débattre, nous ôtons au Parlement, dont le rôle est de discuter de sujets qui intéressent la Nation, beaucoup de sa raison d’être, s’agissant surtout d’un texte portant sur les collectivités locales. À cet égard, la Constitution nous donne en effet un mandat particulier.
Mes chers collègues, je ne comprends vraiment pas votre position. Les trente ou quarante amendements que vous aviez rédigés avant le dépôt de la motion, et que j’ai gardés précieusement, attestent que vous aviez une furieuse envie d’amender le texte. Le dépôt de cette motion est un acte qu’il est difficile de comprendre, et comme je ne le comprends pas, malgré mes efforts, j’annonce que le groupe socialiste et républicain a demandé un scrutin public de telle manière que chacun prenne ses responsabilités.
Notre groupe votera évidemment contre la motion tendant à opposer la question préalable, n’ayant pas entendu le début du commencement d’un argument justifiant le recours à cette procédure. (Mme Stéphanie Riocreux applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement est naturellement défavorable à cette motion.
Voir le Sénat, quelle que soit l’opinion de la majorité des sénateurs, refuser d’étudier un texte sur les collectivités territoriales, c’est vraiment navrant. C’est la négation de la vocation du Sénat. C’est envoyer là un mauvais signal à nos concitoyens, mais aussi aux adversaires du Sénat – et vous savez qu’il en est ! –, lesquels ne manqueront pas d’utiliser cet argument supplémentaire pour dire qu’une réforme des institutions est nécessaire et pour démontrer que le Sénat ne remplit pas son rôle.
Pour ma part, je le regretterai, monsieur le président Bas, car, vous le savez, je suis un ardent défenseur du bicamérisme, et du Sénat en particulier, qui m’a accueilli si longtemps. Je le répète : je ne pense pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous soyez dans votre rôle en agissant de la sorte et que votre refus d’examiner le texte soit une bonne chose pour le Sénat. Bien naturellement, il vous appartient, en application des textes en vigueur, de prendre vos décisions en toute indépendance.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Nous débattons aujourd'hui du dernier texte du quinquennat portant sur les collectivités territoriales. C’est le troisième texte dans lequel il est question des métropoles, après la loi MAPTAM et la loi NOTRe.
Dans l’intitulé du projet de loi – projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain –, il y a comme un oxymore : « Paris » et « métropoles ». Il n’est pas question dans cet intitulé de la « métropole du Grand Paris ».
Il est dommage que Roger Karoutchi soit parti, mais je ne bouderai cependant pas mon plaisir. Au bout de dix ans de bataille sur ce sujet, Roger Karoutchi a fini par admettre que l’on aurait effectivement dû, en 2007, poser la question institutionnelle en même temps que celle des projets. Nous ne l’avons pas fait. Je le regrette.
Les gouvernements qui se sont succédé, monsieur le ministre, se sont saisis du sujet, mais pour quel résultat au bout du compte ? À cet égard, je dois dire que je partage l’avis de notre collègue Pozzo di Borgo : nous avons une métropole qui en porte le nom, mais qui n’en est pas véritablement une. Cela étant dit, elle ne sera pas la seule dans ce cas. Je pense à Dijon ou à Orléans…
Ce dernier texte aurait sans doute pu être l’occasion de donner de la force à la métropole du Grand Paris, mais tel ne sera pas le cas. Vous avez préféré traiter le cas de Paris sans reparler de la métropole.
Personne ne l’a dit, mais pour ma part, je soutiens que ce projet de loi est un texte contre la métropole du Grand Paris, comme l’atteste le fait de traiter le cas du département de Paris, mais pas celui des départements de la petite couronne. Par ailleurs, le texte permet de traiter également, en tous les cas pendant un certain temps, les problèmes budgétaires de la Ville de Paris, que l’on voit arriver progressivement. Mais là n’est pas l’essentiel.
L’essentiel, c’est que nous aurons eu trois occasions de construire une véritable métropole du Grand Paris et que nous ne l’aurons pas fait. Aussi, une période d’incertitude s’ouvre. Certains dans mon camp pensent qu’il faut la supprimer, que la région va devenir la métropole. Mme le maire de Paris, on le voit bien, ne veut pas non plus de la métropole du Grand Paris.
Je regrette, mes chers collègues, que, au terme de ce quinquennat, nous n’ayons pas eu le courage politique – je dis bien : le courage politique, car il en fallait – de mettre en œuvre cette métropole. Pour notre part, nous en avons manqué lorsque nous étions au pouvoir, parce que la métropole du Grand Paris dérangeait des chapeaux à plumes à droite et à gauche, mais vous ne l’avez pas plus eu, chers collègues de l’opposition sénatoriale.
Ce dernier texte est un texte pour rien. Je le regrette. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la commission nous propose de voter une motion tendant à opposer la question préalable. Nous aurions préféré continuer le travail constructif que le Sénat avait amorcé en première lecture, mais les députés, appuyés par le Gouvernement, ont refusé la main tendue.
J’ai insisté lors de la discussion générale sur les éléments que le Sénat avait introduits dans le texte et qui ont été supprimés à l'Assemblée nationale.
Mais au-delà, les députés ont aussi ajouté des éléments nouveaux dans le texte que nous ne pouvons évidemment pas accepter. J’en citerai un pour conclure : la création de la Foncière solidaire prévue à l’article 37 ter. Je rappelle que cet article est issu d’un amendement du Gouvernement, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. Nous sommes fermement opposés à ce projet de longue date. Je rappelle que le Gouvernement avait déjà tenté de faire adopter ce dispositif dans la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, mais qu’il avait été battu.
Nous sommes contre la Foncière solidaire, car elle constitue une recentralisation sans précédent de la politique du logement. Il est incroyable que ce projet soit aujourd'hui défendu par un ministre issu d’un parti décentralisateur ! La Foncière solidaire entraînera en outre une déstabilisation du marché immobilier, des établissements publics fonciers et, à travers eux, du travail des élus de terrain.
Si l’on met cela en lien avec la création des sociétés publiques locales d’aménagement d’intérêt national, prévues à l’article 36, on obtient une politique du logement entièrement pilotée à l’échelon national, monsieur le Girondin Baylet. Nous y sommes fermement opposés.
Pour l’ensemble de ces raisons, notre groupe votera en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. Comme je l’ai précisé au cours de mon intervention dans la discussion générale, nous voterons contre la motion déposée par la commission.
Il ressort très clairement des discussions en première lecture, mais aussi des interventions aujourd'hui, que ce texte n’a pas été suffisamment discuté et qu’il n’a pas été assez irrigué par les avis des citoyens et des élus locaux.
Notre collègue Philippe Dallier vient d’évoquer le débat sur la métropole et la région. La responsabilité n’incombe pas au seul Gouvernement. Comme vous le savez, les désaccords sur ce sujet sont profonds, y compris au sein de l’opposition de droite. Ainsi, il y a aujourd'hui un abîme entre la vision de la métropole et de la région de M. Ollier et celle de Mme Pécresse. Je ne suis pas persuadé qu’il aurait été possible de parvenir aujourd'hui à un texte positif sur l’évolution de la région-capitale.
Nous sommes d’autant plus opposés à cette motion que, comme cela a été rappelé, le Sénat est constitutionnellement l’assemblée représentative des collectivités territoriales. Avec l’adoption de cette motion, mes chers collègues, vous allez laisser à l'Assemblée nationale la responsabilité de finaliser ce texte.
Nous considérons par ailleurs qu’il s’agit là d’une faute politique. Je regrette d’autant plus le dépôt de cette motion qu’un certain nombre d’amendements, déposés par des élus de la majorité ou de l’opposition sénatoriale, auraient pu faire l’objet d’un consensus dans cet hémicycle. Ainsi, la discussion de ce texte aurait pu être l’occasion d’avancer sur l’amélioration de la conduite des opérations d’aménagement du Grand Paris, sur le développement et la démocratisation de la gestion du quartier d’affaires de La Défense ou même sur le renforcement de la libre administration des communes. Les habitants et les élus de l’agglomération parisienne auraient pu bénéficier de ces améliorations, or il n’en sera rien.
Quoi qu’il en soit, les sénateurs du groupe CRC continueront bien évidemment de travailler en faveur d’une vision solidaire et coopérative de l’agglomération parisienne et d’être une force de proposition s’agissant de ce qu’il convient d’appeler « une nouvelle décentralisation ». Cette décentralisation qui reste à construire devra être fondée sur le respect non seulement des communes, de leur libre administration, mais aussi des départements et des régions, pour s’engager sur la voie d’une nouvelle République, que, je l’espère, nous pourrons bâtir.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 7, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 96 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 142 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain est rejeté.