Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par M. Revet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À la demande de la personne morale de droit privé mentionnée ci-dessus, le préfet de région peut déroger, par décision motivée, au seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles lorsque l’acquisition ou l’apport concourt à un projet compatible avec un plan, schéma, programme ou document de planification.
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. L’article L. 143-15-1 du code rural et de la pêche maritime, créé à l’article 1er, tend à réserver l’acquisition de terres agricoles au-delà de certains seuils, soit directement, soit par rétrocession, aux seules structures juridiques – sociétés, associations, établissements – dont l’objet principal est la propriété agricole.
Ce faisant, certains projets d’aménagement, publics ou privés, comme leurs équipements liés, pourraient être empêchés, faute de maîtrise foncière suffisante.
Cette atteinte à la propriété et à la liberté d’entreprendre doit être strictement encadrée. Or le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles, qui varie d’un département à un autre, peut se révéler très restrictif.
La lutte contre l’accaparement des terres agricoles doit s’articuler avec les besoins d’aménagement et ne doit pas entraîner une trop forte raréfaction du foncier. Il est donc utile d’autoriser chaque préfet de région à déroger au seuil fixé par le schéma directeur régional pour permettre la réalisation de certains projets.
Lors de l’examen de la proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique a été évoquée la question des stations d’épuration, que l’on ne pouvait pas construire sur le littoral. On se retrouve ici dans une situation comparable, avec des difficultés qui peuvent se poser pour les collectivités. Il faudrait faire en sorte que, dans des situations bien précises, le préfet puisse intervenir pour que les projets se réalisent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement vise à étendre le champ de l’exception à l’obligation de créer une structure dédiée de portage foncier en cas d’achat de terres agricoles par une société.
Cette obligation ne s’applique pas aux petites opérations, inférieures au seuil de contrôle des structures, qui est fixé dans chaque région.
L’amendement tend à ce que le préfet de région puisse, au cas par cas, déroger à cette obligation, lorsque l’acquisition de terres s’effectue dans le cadre d’un plan, d’un schéma ou d’un document de planification.
Cette proposition crée de la complexité dans le nouveau dispositif.
L’obligation de créer une société de portage foncier n’est pas insurmontable pour les opérations importantes, qui sont précisément visées. Par exemple, si le seuil est fixé à 20 hectares, ce qui est très faible – la plupart des seuils sont bien plus élevés –, au prix moyen des terres libres aujourd’hui, l’opération d’achat concernant une telle superficie représentera déjà 120 000 euros. Le coût de la création d’une société dédiée au portage ne sera donc pas très significatif dans le montant global de l’opération.
En outre, la rédaction retenue pour le nouvel article L. 143-15-1 du code rural et de la pêche maritime n’empêche pas de fixer des seuils spécifiques pour l’application de cette nouvelle obligation de filialisation. C’est aux acteurs locaux qui élaborent le schéma directeur régional des exploitations agricoles d’en décider.
Néanmoins, l’amendement de Charles Revet a le mérite de soulever une question qui devra être traitée dans la réflexion globale que nous devrons mener à bien dans le cadre d’une grande loi foncière.
Dans l’intervalle, j’émets un avis défavorable sur cet amendement, compte tenu de la portée très limitée du texte que nous examinons aujourd'hui, lequel concerne une situation très particulière.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Personne n’évoque jamais la part de la compétitivité de l’agriculture française liée au coût du foncier. Or, aujourd'hui, dans certains pays européens, le foncier coûte trois fois plus cher que chez nous !
Il fut un temps où l’achat d’une ferme en France équivalait au coût des seuls quotas laitiers aux Pays-Bas. C’est d'ailleurs pour cette raison qu’un certain nombre de Néerlandais sont venus s’installer dans le sud-ouest de la France.
Il faut donc faire bien attention aux conséquences que pourrait avoir la remise en cause du système des SAFER, qui permet des préemptions. Il ne faudrait pas laisser penser que la seule arrivée de capitaux pourrait régler le problème de l’installation des jeunes agriculteurs. Si l’on renchérit le foncier de manière inconsidérée, sans politique de préemption et sans SAFER, on prend le risque de limiter leur installation. Moi qui suis ministre pour encore quelques semaines (Exclamations.), je tenais à vous alerter sur ce point.
Je rappelle que les SAFER ont acquis plus de 10 300 biens, pour une surface totale de 83 000 hectares, d’une valeur totale de 1 milliard d’euros. Elles ont exercé 1 200 préemptions, pour une surface de 6 000 hectares et pour une valeur de 54 millions d’euros. Leur rôle est bien réel !
D'ailleurs, leur gouvernance a été modifiée en fonction des préconisations du rapport de la Cour des comptes. De fait, il y avait des choses à changer.
Cela dit, que chacun prenne ses décisions ! Pour ce qui me concerne, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Monsieur le ministre, mon amendement ne vise pas à remettre en cause le rôle des SAFER.
M. Charles Revet. Il s’agit de régler certaines difficultés qui peuvent se poser, par exemple, pour l’implantation d’un silo. Rien n’est plus lié à un silo à blé que la collectivité agricole ! Que le préfet puisse intervenir pour autoriser des exceptions me semblerait tout à fait justifié.
Bien entendu, je souhaite que les jeunes agriculteurs puissent s’installer et je suis très favorable à une bonne protection des terres agricoles. Toutefois, il faut aussi prendre en compte les autres activités.
M. le rapporteur a indiqué que nous pourrions réexaminer la question à l’occasion d’un prochain texte. Je l’ai bien entendu. Si j’en crois vos propos, monsieur le ministre, vous n’occuperez alors peut-être plus vos fonctions…
M. Charles Revet. En tout état de cause, je retire mon amendement. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Bertrand. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 10 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 11, présenté par M. Revet, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
limitée
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, ou une association dont l'objet principal est la propriété agricole, ni aux acquisitions effectuées par les sociétés dont l’objet principal est l’extraction de substances minérales. Il en est de même des apports effectués à ces sociétés, groupements et associations.
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Cet amendement va dans le même sens que le précédent.
Les entreprises dont l’activité est l’extraction des substances minérales pourraient se trouver dans l’incapacité de constituer les réserves foncières indispensables à leurs professions – terrains qu’elles n’utiliseraient pas forcément tout de suite, du reste.
Il faut rappeler que cette activité n’empêche pas l’affectation agricole des terrains que ces sociétés acquièrent à titre de réserve tant que les documents d’urbanisme et les autorisations d’exploiter n’en permettent pas la mise en service.
Enfin, à terme, cette activité n’a pas pour effet d’artificialiser les sols.
Pour ces motifs, il est proposé d’exclure l’activité d’extraction des substances minérales du champ de la mesure.
Les espaces concernés par cet amendement ne sont pas extrêmement importants, mais il faut tenir compte des activités diverses – quelquefois liées à l’agriculture – qui peuvent se développer.
Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par MM. Cabanel et Montaugé, Mme Bataille, MM. M. Bourquin, Courteau, Daunis et Duran, Mmes Espagnac et Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4, deuxième et troisième phrases
Rédiger ainsi ces phrases :
Il en est de même des apports effectués à ces sociétés, groupements et associations. Il ne s’applique pas non plus aux acquisitions, par des sociétés, de terres agricoles sur lesquelles ces sociétés sont titulaires d'un bail depuis au moins six ans ou mises à leur disposition, depuis au moins six ans, dans les conditions prévues par les articles L. 411-2 ou L. 411-37.
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Cet amendement vise à compléter le dispositif, adopté en commission, sur l’initiative du rapporteur, qui exclut de l’obligation de création d’une société de portage les sociétés titulaires d’un bail ou locataires.
Nous proposons d’ajouter une dérogation en cas de détention ou de mise à disposition du bail depuis au moins six ans.
En effet, cette condition de durée permet de s’assurer que la société est réellement impliquée dans la gestion des terres concernées et que l’obligation de création d’une société de portage n’est pas détournée par ce biais.
À cet égard, la durée de six ans, qui correspond aux deux tiers de la durée minimale d'un bail rural, nous semble un bon compromis.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Premièrement, les collectivités siègent au conseil d’administration des SAFER. Au reste, l’extension récente du rôle de celles-ci leur permet de travailler aux côtés des territoires, ce qui n’était pas possible auparavant.
M. Charles Revet. C’est important !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Deuxièmement, pour qu’il y ait préemption, il faut l’accord du commissaire du Gouvernement.
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. On ne part donc pas de rien. Les ingrédients assurant une certaine lisibilité de l’action territoriale sont réunis.
Comme le précédent, l’amendement de notre collègue Charles Revet ouvre un débat intéressant, mais n’a pas sa place au sein du présent texte. Le dispositif proposé n’empêche absolument pas la création d’une société pour l’acquisition de patrimoine foncier au-delà du seuil de contrôle.
Monsieur le ministre, le grand texte sur le foncier que je viens d’évoquer viserait à remettre le statut de l’agriculteur au centre du débat, et non pas uniquement à revisiter les SAFER ! Le dossier est bien plus complexe : il faut tout revoir de fond en comble.
Dès lors, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 11.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 4, je rappelle que le statut du fermage reconnaît le droit de préemption. L’amendement vise à conditionner ce droit à une durée minimale de six ans, faute de quoi c’est la SAFER qui en bénéficierait.
Pour notre part, nous proposons que le droit de préemption revienne à tous les locataires et seulement à ceux-ci.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, mais cela fait partie des discussions que nous pourrons avoir en commission mixte paritaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je suis défavorable à l’amendement n° 11. La création d’une société de portage doit être obligatoire pour toute société dont l’activité est d’extraire des minerais.
L’amendement n° 4 vise à prévoir une durée minimale obligatoire de location de terres pour pouvoir bénéficier de l’avantage lié au statut de propriétaire de terres agricoles. Il s’agit d’exiger une mise en location d’au moins six ans, la durée moyenne des baux étant de neuf ans, pour s’assurer de la réalité de l’engagement du propriétaire à mettre ses terres à disposition des agriculteurs et, ainsi, pour éviter des choix spéculatifs. Je suis plutôt favorable à cette idée.
D'ailleurs, c’est la même idée qui prévaut pour certains prêts existant dans le secteur locatif : le propriétaire doit s’engager à louer son bien pour bénéficier des avantages liés à la propriété.
L’idée d’obliger les sociétés qui louent du foncier agricole, qu’elles n’exploitent pas elles-mêmes, à s’engager pour une durée minimale de six ans me paraît plutôt saine. J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
Au reste, on pourrait discuter de la durée à retenir !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bertrand, pour explication de vote.
M. Alain Bertrand. M. le rapporteur, qui connaît bien le sujet, a déclaré que c’est le conseil d’administration et le commissaire du Gouvernement qui gouvernaient dans les SAFER. Il commet une erreur !
C’est le conseil d’administration qui prend l’initiative de préempter. Le commissaire du gouvernement intervient sur un aspect purement technique (M. le rapporteur le conteste.) : il émet un avis, favorable ou défavorable, sur la valeur vénale du bien, dont la « normalité » est définie de manière comparative, cette valeur vénale s’entendant comme celle que donnent au bien un acquéreur normalement disposer à acquérir et un vendeur normalement disposé à vendre.
Le commissaire du Gouvernement, qui, souvent, est un cadre supérieur du ministère des finances, ayant reçu délégation de son directeur départemental des services fiscaux, ne prend jamais l’initiative de préempter. Je le sais, puisque j’ai moi-même été commissaire du Gouvernement pendant plus de vingt ans… (Exclamations.) Eh oui ! Et j’ai aussi été inspecteur des domaines.
Ce qui compte, ce sont aussi les moyens que l’on donne à nos SAFER pour suivre la totalité du marché foncier agricole – soit des centaines de transactions – dans leur périmètre d’action, qui peut recouvrir un – comme en Lozère – ou plusieurs départements, grâce à des agents fonciers présents sur le terrain. En outre, les SAFER interviennent, en vertu de conventions avec les collectivités territoriales, dans la création de zones d’activité, la construction d’ouvrages…
Cependant, leurs financements sont très modestes : elles se rémunèrent par un pourcentage sur les actes.
Une prochaine loi devrait s’intéresser au financement du droit de préemption et aux retraits de la vente – ces derniers, trop nombreux, découragent le droit de préemption des SAFER. Il y va de l’avenir de celles-ci.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. J’ai l’impression que l’on se raconte des histoires.
Monsieur le ministre, vous avez raison, les SAFER ont notamment été inventées, dans les années soixante, pour favoriser l’installation des jeunes agriculteurs. Ce n’est plus du tout vrai.
Vous le savez mieux que quiconque, les agriculteurs n’arrivent plus à vivre de leur métier. Bien évidemment, ils ne pourront jamais acheter d’hectares ! C’est encore plus vrai pour les jeunes agriculteurs, et les SAFER ne servent donc plus du tout à les aider à s’installer.
Elles servent à essayer de répartir les terres pour que les exploitations s’agrandissent et pour éviter l’accaparement en termes non pas de propriété, mais de location.
Depuis la fin des années quarante, les exploitations agricoles bénéficient du statut du fermage, qui est merveilleux… pour les agriculteurs. De fait, les propriétaires sont quelque peu dépossédés de leur bien, mais c’est un autre sujet et il faut profiter de ce statut. Je vous en parle en connaissance de cause. En effet, comme je l’ai dit tout à l'heure, je suis un agriculteur locataire à 100 %. Je ne suis propriétaire de rien. Je bénéficie, naturellement, du statut du fermage.
J’ai siégé pendant des années dans une SAFER, non seulement au conseil d’administration, mais surtout au comité technique. C’est là que tout se passe ! Les vrais patrons, ce sont les deux commissaires (M. le rapporteur opine.), singulièrement le commissaire des finances, qui a autorité sur le commissaire agriculture. Je suis désolé, monsieur le ministre, mais c’est le premier qui décide, en fonction du prix, des moyens de la SAFER, de sa situation financière…
Ne nous racontons pas d’histoire : à la fin des fins, il y a toujours une question d’argent !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Comme cela a été rappelé par Bruno Sido, le rôle historique des SAFER était de favoriser l’installation des jeunes agriculteurs.
Pour avoir fait partie du comité technique d’une SAFER voilà quelques années, je peux témoigner que c’est là que tout se passe. Ce comité réunit des représentants des collectivités territoriales et des représentants des organisations agricoles, pour lesquels les problèmes de terrain sont des réalités quotidiennes. Les deux commissaires du Gouvernement jouent eux aussi un rôle tout à fait objectif.
Le conseil d’administration des SAFER a également un rôle important à jouer. L’objectif est de prendre en considération l’ensemble des préoccupations du monde rural, qui évolue, dont on connaît les contraintes et les difficultés, notamment en termes de coût du foncier, sans oublier le volet relatif à l’aménagement rural.
Sur ce dossier, je salue le travail de nos collègues de la commission des affaires économiques, notamment celui du rapporteur, qui travaille sur ces sujets avec beaucoup de passion. Je me rallierai naturellement à son avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je suivrai l’avis du rapporteur sur ces deux amendements.
Monsieur Revet, je comprends vos préoccupations. Toutefois, des représentants des collectivités siègent désormais au sein des SAFER. La procédure d’utilité publique peut permettre à une collectivité de se porter acquéreur, mais peut-être pas de constituer des réserves foncières, en vue d’une utilisation future.
Dans mon département, la SAFER a joué le jeu dans ce domaine, puisqu’elle a accepté de mettre à disposition de l’intercommunalité, dont j’étais le président, les terres dont celle-ci avait besoin pour faciliter des échanges.
Je pense que M. le rapporteur et M. le ministre en ont bien conscience, mais je veux rappeler que la principale mission dévolue aux SAFER lors de leur création était d’assurer la régulation du marché foncier agricole. (M. le ministre et M. le rapporteur opinent.)
Nous pouvons redouter que le pouvoir d’achat des investisseurs étrangers n’entraîne une explosion du prix du foncier, laquelle plongerait les agriculteurs français dans des difficultés très sérieuses.
Monsieur le ministre, je veux rebondir sur les propos de Bruno Sido : j’estime que ce gouvernement comme ses successeurs devront se demander comment les Danois parviennent à être compétitifs avec des terres à 50 000 euros l’hectare, quand nous ne nous en sortons pas avec un prix moyen de 6 000 euros… Il y a certainement d’autres problèmes ailleurs !
M. Bruno Sido. Voilà !
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote sur l'amendement n° 11.
M. Charles Revet. Je voudrais dire à M. Vasselle que, dans mon département aussi, nous travaillons beaucoup avec la SAFER pour faire avancer les choses. C’est parfois un peu difficile, mais, globalement, cette collaboration a permis de le faire.
J’ai cependant bien entendu la suggestion du rapporteur d’examiner ces questions dans un texte spécifique au foncier, raison pour laquelle je retire mon amendement.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Je remercie M. Revet d’avoir retiré son amendement. Cette question mérite en effet d’être abordée dans un autre cadre.
Monsieur Bertrand, nous allons nous rejoindre ! Ce sont effectivement les agriculteurs qui demandent à la SAFER d’intervenir sur tel ou tel secteur, mais la décision finale, comme l’a souligné Bruno Sido, revient bien au comité technique, en présence des commissaires du Gouvernement. Je peux vous affirmer que, même en cas d’unanimité des organisations agricoles pour préempter, dès lors que le commissaire du Gouvernement s’y oppose, il n'y a pas de préemption !
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Telle est la réalité du fonctionnement des SAFER. Il ne s’agit pas d’une critique : je veux simplement que les choses soient dites clairement dans cet hémicycle.
S’agissant de l’amendement de M. Cabanel, là encore, monsieur le ministre, pardonnez-moi de vous dire que vous vous trompez. En application du droit en vigueur, donc sans même qu’il soit nécessaire de légiférer, si un propriétaire accepte de vendre à son locataire, ce dernier a l’obligation d’exploiter les terres pendant neuf ans pour bénéficier de son droit de préemption, en tant qu’agriculteur et en tant que fermier. Il ne peut donc faire ce qu’il veut au bout de trois mois, six mois ou un an !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Si, monsieur le ministre, c’est la même chose. Nous parlons bien du droit de préemption.
De plus, vous ne pouvez bénéficier du droit de préemption que si vous êtes locataire depuis au moins trois ans. J’ai répondu en commission à Henri Cabanel, qui propose de faire passer ce seuil à six ans, que nous pourrions en discuter en commission mixte paritaire, mais, sans que l’on y touche, la loi prévoit déjà qu’on ne peut faire valoir son droit de préemption qu’au bout de trois ans et qu’à la condition de s’engager à exploiter les terres pendant neuf ans. Les choses sont claires !
M. Bruno Sido. Très claires !
Mme la présidente. L'amendement n° 13, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement vise à différer l’entrée en vigueur de l’article 1er de six mois après la promulgation du texte. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l’amendement n° 14, que je présenterai tout à l'heure.
Nous voulons que la mise en œuvre de l’ensemble du nouveau dispositif se fasse en même temps : extension du droit de préemption des SAFER à l’article 3, obligation de conserver cinq ans les parts correspondant à des apports de terre en société à l’article 4 et obligation de créer une filiale de portage foncier pour les achats de terres par des sociétés à l’article 1er, ainsi que d’autres dispositions de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Le rapporteur, dans un souci de cohérence générale, souhaite reporter de six mois l’application du texte…
Il est impératif de lutter contre les accaparements ou les achats spéculatifs de terres. Reporter de six mois l’application de l’ensemble du dispositif ne me semble pas aller dans le bon sens. Appliquons tout de suite ce qui doit être appliqué tout de suite !
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
I. – Le chapitre II du titre II du livre III du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° La deuxième phrase de l’article L. 322-2 est supprimée ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 322-22 est supprimé ;
3° L’article L. 322-24 est abrogé.
II. – Le 4° du 1 de l’article 793 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Aux premier et dernier alinéas, les références : « , L. 322-23 et L. 322-24 » sont remplacées par la référence : « et L. 322-23 » ;
2° À l’avant-dernier alinéa, la référence : « L. 322-24 » est remplacée par la référence : « L. 322-23 ».
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.
M. Michel Le Scouarnec. À l’occasion de cet article, je souhaiterais rappeler l’importance des SAFER dans la gestion du foncier agricole.
Selon Emmanuel Hyest, président de la Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, « la SAFER n’empêche pas, elle permet ».
Avec une meilleure gestion du foncier agricole, nous permettrons aux jeunes de s’installer en reprenant des exploitations.
Aujourd’hui, l’investissement est trop lourd par rapport à la rentabilité. Dans ce cadre, les SAFER peuvent accompagner le futur retraité agricole dans le portage du foncier tout en s’assurant que l’exploitant conserve la maîtrise des décisions.
Comme nos débats ont pu le montrer, l’accès au foncier est de plus en plus délicat. Depuis quatre à cinq ans, le modèle d’agrandissement n’est plus parcellaire. La taille moyenne des exploitations cache des disparités énormes : dorénavant, c’est l’écart type qui compte.
Face à l’appétit des spéculateurs, il nous faut des structures de contrôle et de surveillance. Les SAFER, dans leurs missions, peuvent répondre à ces objectifs, mais elles doivent posséder des moyens financiers et humains adaptés aux enjeux.
À l’échelle de notre pays, nous ne pouvons construire notre modèle d’alimentation sur un modèle financier, ce qui nous ferait courir un vrai risque.
Il serait ainsi paradoxal de ne plus avoir d’outils de régulation du foncier, alors qu’il existe une forte demande en la matière. Un outil de régulation, ce n’est pas un outil qui empêche, mais un outil qui permet, comme je l’ai déjà souligné.
Les SAFER permettent le développement de l’agriculture et rappellent que beaucoup de filières n’existeraient pas s’il n’y avait pas des femmes et des hommes derrière.
N’oublions pas, mes chers collègues, que sans moyens et sans des SAFER fortes, la régulation que nous appelons de nos vœux ne s’exercera pas complètement.
L‘idée d’une loi spécifique au foncier, impliquant SAFER et établissements publics fonciers régionaux, me semble une piste d’avenir, comme l’a indiqué Franck Montaugé voilà quelques instants.
Je vous l’ai dit en discussion générale : la terre devrait d’abord appartenir à ceux qui la travaillent. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du RDSE.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
Le sixième alinéa de l’article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elles peuvent également, pour le même objet ainsi que pour le maintien et la consolidation d’exploitations agricoles, exercer leur droit de préemption en cas de cession partielle des parts ou actions d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole, lorsque l’acquisition aurait pour effet de conférer au cessionnaire la majorité des parts ou actions ou une minorité de blocage au sein de la société, sous réserve, le cas échéant, de l’exercice des droits mentionnés aux articles L. 322-4 et L. 322-5 par un associé en place depuis au moins dix ans. »