M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour le groupe UDI-UC.
M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Monténégro a déclaré, après une consultation référendaire, son indépendance voilà onze ans. L’enjeu du projet de loi dont l’examen nous réunit ce matin consiste donc à affirmer l’ancrage démocratique, libéral, au sens premier du terme, et occidental de ce pays d’Europe orientale.
Le Monténégro a réalisé en une décennie un travail important pour affirmer son autonomie et sa viabilité en tant que nation indépendante. Les dernières élections législatives, tenues en octobre 2016, semblent avoir entériné cette évolution par la défaite de l’opposition, hostile à l’adhésion à l’OTAN. Cette opposition est d’ailleurs pleinement associée à la vie politique du pays dans un cadre institutionnel qui avance à grands pas vers les standards modernes de la démocratie. Dans cette région, cela doit être souligné.
À cet égard, je rappelle que le Monténégro, qui a affirmé son souhait d’adhérer à l’Union européenne dès 2008 est officiellement entré en négociation avec l’Union européenne il y a un peu plus de quatre ans. À ce stade, les principaux chapitres de négociation ont été ouverts. Le dialogue semble être constructif. Il s’accompagne d’ailleurs déjà d’un plan de soutien financier. Toutefois, M. le rapporteur l’a bien indiqué à l’instant, il s’agit d’un sujet distinct, d’un élément de contexte.
Au-delà de la reconnaissance symbolique de la maturité de l’État du Monténégro dans le concert européen, cette adhésion présenterait un double avantage. Pour l’OTAN, intégrer le Monténégro facilite le travail de stabilisation des tensions récurrentes dans les Balkans – nous sommes plusieurs, sur diverses travées, à siéger à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN et nous y constatons que les choses sont mûres du point de vue parlementaire et démocratique. Pour le Monténégro, cette adhésion est un stimulus indéniable pour la modernisation de son outil de défense. Nous sommes ainsi confrontés à un accord clairement gagnant-gagnant.
Cet accord est d’autant plus stratégique sur le plan de la pure géopolitique que l’adhésion du Monténégro permettrait d’assurer la continuité territoriale de l’Alliance sur la côte Adriatique, de l’Albanie à la Croatie, tout en ouvrant des capacités d’intervention pour l’Alliance au Kosovo, en Bosnie et en Serbie.
Cette adhésion doit néanmoins nous conduire à une réflexion sur l’OTAN, son rôle et son périmètre géographique. Notre commission a beaucoup travaillé sur les enjeux stratégiques en Europe orientale. Nos conclusions nous amènent à considérer que l’OTAN ne saurait désormais s’étendre dans la région au-delà du Monténégro, sauf à constituer une provocation à l’égard de notre voisin russe, qui voit dans l’OTAN, aujourd’hui encore, une menace pour sa sécurité.
Dans ces conditions, il semble urgent de veiller, en Europe orientale, à la stabilisation des frontières de l’Alliance afin de ne pas nous engager dans des mécaniques contraires à la garantie de la sécurité collective en Europe.
En ce qui concerne, plus généralement, le rôle de l’OTAN, le repli américain, auquel nous pouvons désormais nous attendre et qui a d’ailleurs été engagé avant même l’arrivée de M. Trump à la présidence, nous oblige à trouver une voie spécifiquement européenne pour donner corps à la défense continentale, tant à l’intérieur de l’OTAN qu’à ses côtés. Nous ne sommes évidemment pas dans la naïveté : nous devons réfléchir à ce sujet, et je profite de votre présence, monsieur le secrétaire d’État, pour vous interroger sur cette question.
Quoi qu’il en soit, le groupe UDI-UC votera en faveur de l’adhésion du Monténégro à l’OTAN. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour le groupe écologiste.
Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen du projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession du Monténégro, qui nous occupe aujourd’hui, intervient dans un contexte particulièrement compliqué, tant pour l’Union européenne et sa cohésion que pour les relations transatlantiques et l’incertitude dans laquelle elles se trouvent.
D’une part, les propos virulents tenus par Donald Trump contre le modèle européen, mais également contre l’OTAN nous obligent à nous interroger sur le futur positionnement stratégique des États-Unis.
D’autre part, dans le contexte de tensions exacerbées que nous traversons, notamment pour ce qui touche aux relations entre l’Union européenne et la Russie, l’intégration du Monténégro au sein de l’OTAN est-elle pertinente et souhaitable ? Si son impact est jugé relativement limité, la question des répercussions de cette adhésion et du message qu’elle tend à véhiculer se pose tout de même, surtout quand on sait que la Russie a qualifié cette intégration de « provocation » et que l’on connaît les relations étroites qu’elle entretient avec le Monténégro.
Il ne faut évidemment pas fermer la porte à toute évolution positive pour le Monténégro, marqué aujourd’hui encore par la corruption et la criminalité organisée, et les partenariats existants à la fois avec l’OTAN au travers du partenariat pour la paix et avec l’Union européenne au travers du partenariat oriental poussent le pays à se réformer non seulement militairement, mais aussi du point de vue de l’État de droit et doivent, selon nous, être poursuivis et renforcés.
Cela dit, c’est la stratégie de fond que sous-tend ce protocole qui appelle notre attention, dans la mesure où celui-ci vise à asseoir un peu plus la primauté de l’OTAN au détriment d’une défense européenne.
S’il faut bien évidemment reconnaître que l’OTAN est l’une des seules coalitions internationales où les armées aient réussi à coopérer, l’expérience récente d’une divergence fondamentale d’intérêts entre ses différents membres soulève la question de la pertinence d’un élargissement.
La défense de l’Union européenne est aujourd’hui clairement déléguée à l’OTAN. Or l’Union doit assumer les responsabilités incombant à un acteur politique et économique de son rang. Il ne peut revenir aux États-Unis ni de nous protéger contre l’éventualité tragique d’une guerre ni de présider aux choix européens en matière de défense.
Dans le contexte géopolitique changeant et incertain dans lequel nous vivons, pouvons-nous encore faire l’économie d’une relance de la défense européenne ? Alors que le modèle européen est en proie à des déstabilisations de toute part, n’est-il pas temps de dépasser les déclarations d’intentions et d’avancer concrètement sur ce dossier ? Je n’ai de cesse de rappeler devant vous la nécessité que l’Europe soit un acteur politique stratégique autonome, mettant son influence au service du système de sécurité collective et de la prévention ou la résolution des conflits.
Pour ce faire, nous devons impérativement actualiser la stratégie européenne de sécurité, encourager un consensus politique en matière de défense et poursuivre la création et la mutualisation d’une base industrielle et technologique de défense européenne.
Considérant que l’OTAN reste aujourd’hui un frein réel et durable à la défense européenne, le groupe écologiste s’abstiendra. (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Gilbert Roger. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes appelés ce matin à examiner le projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession du Monténégro.
Après les adhésions à l’OTAN de la Bulgarie et de la Slovénie en 2004, puis celles de la Croatie et de l’Albanie en 2009, celle du Monténégro sera un gage de stabilité pour la région des Balkans occidentaux.
L’intérêt de la France est que le Monténégro, comme tous les États des Balkans, se modernise et contribue à notre sécurité collective, notamment au travers de la lutte contre la corruption, le blanchiment et le crime organisé en vigueur sur son territoire. Son entrée dans l’OTAN lui permettra d’achever son processus de réformes démocratiques, institutionnelles et judiciaires en cours. Nous saluons cette démarche.
Le Monténégro est un élément moteur de la coopération régionale dans les Balkans. Malgré sa taille modeste, il contribuera à la sécurité de l’Alliance en assurant le long de l’Adriatique un continuum géographique entre l’Albanie et la Croatie. Au niveau militaire, le pays a démontré son implication dans les missions de paix pilotées par l’Union européenne, notamment au Mali et en République centrafricaine. Il a également participé à plusieurs opérations en Afghanistan.
Il faut aussi rappeler que le Monténégro a fait le choix de se tourner vers l’Europe depuis son accession à l’indépendance, en 2006, en adoptant l’euro et en se portant candidat à l’entrée dans l’Union européenne. Cette candidature a suscité un débat démocratique dans l’opinion publique monténégrine et a recueilli l’accord de plus de 60 % de la population.
Certes, au-delà du Monténégro et des Balkans, des craintes ou des critiques ont été exprimées, notamment de la part de la Russie, mais cet élargissement, contrairement à d’autres, ne représente pas un risque stratégique sérieux pour ce pays. En effet, le Monténégro n’a jamais été intégré au territoire russe ; il n’est donc pas dans la situation de l’Ukraine ou de la Géorgie. C’est la raison pour laquelle, si les autorités russes ont exprimé leur opposition à cet élargissement, elles ont également déclaré officiellement qu’elles respecteraient la décision du Monténégro.
Quant aux conséquences de cette adhésion sur la politique d’élargissement – plusieurs orateurs, dont notre rapporteur, l’ont souligné –, on s’est assuré, en amont du sommet de Varsovie, que l’invitation faite au Monténégro ne serait pas comprise comme le signe d’un élargissement non maîtrisé. L’adhésion du Monténégro n’ouvrira pas la voie à une relance générale de la politique dite « de la porte ouverte ».
Aussi, ni la République de Macédoine, ni la Bosnie-Herzégovine, ni la Géorgie, ni, enfin, l’Ukraine ne sont en mesure de rejoindre l’OTAN dans les conditions actuelles. En effet, au-delà des difficultés que vivent ces différents États, l’évolution du contexte stratégique a conduit l’Alliance à se recentrer sur sa mission de défense collective, reléguant au second plan les questions d’élargissement.
Enfin, l’adhésion du Monténégro à l’OTAN ne préjuge en rien des décisions que prendra, le moment venu, l’Union européenne puisqu’il n’y a pas d’automaticité entre ces deux processus.
Mes chers collègues, compte tenu de tous ces arguments, le groupe socialiste et républicain vous invite à adopter ce projet de loi afin de consolider la marche du Monténégro vers l’État de droit et la stabilité dans les Balkans ; sous réserve de quelques abstentions, dont celle de Mme Jourda, il votera lui-même ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour le groupe Les Républicains.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je m’exprime sur le temps de parole du groupe Les Républicains, mais à titre personnel.
Permettez-moi tout d’abord de saluer l’excellent rapport réalisé par notre collègue, Xavier Pintat, sur un sujet rendu complexe par un contexte diplomatique et stratégique difficile.
L’adhésion du Monténégro à l’OTAN peut paraître mineure au regard de la taille du pays et de son apport militaire et financier limité aux forces de l’Alliance atlantique. À titre d’exemple, seuls 1 850 hommes servent actuellement sous les drapeaux monténégrins. Sans vouloir sous-estimer les mérites de ses forces armées, on peut légitimement s’interroger sur la capacité réelle du Monténégro à contribuer à la sécurité de l’espace euro-atlantique, qui est pourtant, selon l’article 10 du traité de l’Atlantique Nord, l’un des critères devant présider à son élargissement.
Cela dit, au-delà de l’intégration du Monténégro en elle-même, qui ne changera évidemment pas la face de l’OTAN, c’est bien le contexte dans lequel elle s’inscrit qui la rend problématique ; je fais bien sûr référence à la dégradation des relations entre les pays occidentaux et la Russie.
À l’évidence, les agissements de Moscou en Ukraine exigeaient une réponse ferme et déterminée des Occidentaux, et tout particulièrement des Européens, car certaines lignes rouges ne sauraient être franchies sans conséquence. C’est pourquoi j’ai soutenu sans réserve la mise en œuvre et le maintien de sanctions à l’encontre de la Russie tant que les accords de Minsk ne seront pas intégralement appliqués sur le terrain.
Il n’est toutefois dans l’intérêt de personne de laisser perdurer des situations de tensions qui ne peuvent mener qu’à la surenchère et, finalement, à la montée des périls. La multiplication des démonstrations de force auxquelles nous assistons de la part de la Russie et de l’OTAN ces derniers mois en est le signe évident.
On le sait, la Russie a une opposition de principe à tout élargissement de l’Alliance atlantique, qu’elle perçoit comme un encerclement portant directement atteinte à sa propre sécurité. Qu’il s’agisse ou non d’une surinterprétation des menaces qui pèsent véritablement sur elle, l’expansion de l’OTAN est donc indéniablement une source de crispations avec Moscou.
Il ne s’agit bien évidemment pas de conférer à la Russie un quelconque droit de regard sur le processus d’élargissement de l’OTAN, qui appartient à ses États membres et à eux seuls, ni de souscrire à l’idée d’un partage de l’Europe en sphères d’influence. Cela dit, dans ce contexte tendu, les messages que nous envoyons sont particulièrement importants et l’adhésion du Monténégro, guidée par des considérations plus politiques que stratégiques, constitue bien un message fort. Dans l’esprit de ses promoteurs, cette démarche est avant tout destinée à la région des Balkans occidentaux, dont le cheminement sur la voie de la stabilité doit encore être consolidé.
Néanmoins, on ne peut pas ignorer que ce n’est pas de cette manière qu’elle sera interprétée par la Russie. Bien que le Monténégro ne représente pas pour elle le même enjeu stratégique et symbolique que des États tels que l’Ukraine, la Géorgie ou encore la Serbie, les liens économiques et culturels, mais aussi militaires qui lient ces deux pays sont anciens et puissants.
Même si les autorités russes ont déclaré qu’elles respecteraient la décision du Monténégro – c’est bien la moindre des choses, s’agissant du choix d’un État souverain –, cette adhésion est tout de même une étape supplémentaire dans l’expansion de l’OTAN et elle laissera nécessairement des marques dans notre relation avec la Russie.
À un moment où nous devrions avant tout chercher le rétablissement de relations constructives, cette initiative me paraît donc particulièrement inopportune. Par ailleurs, cette adhésion doit également nous interpeller du point de vue des perspectives qu’elle dessine concernant un autre processus d’intégration, l’adhésion à l’Union européenne.
En effet, l’adhésion à l’OTAN est généralement perçue comme un premier pas dans l’intégration à la communauté euro-atlantique, qui doit s’achever par une adhésion à l’Union européenne. Même s’il s’agit évidemment de deux processus totalement distincts juridiquement, force est de constater que les élargissements de l’OTAN menés depuis 1999 en Europe centrale et orientale ont tous débouché, sauf pour l’Albanie, sur une adhésion rapide à l’Union européenne.
Il serait tout à fait irresponsable que cette logique perdure et que le Monténégro interprète son éventuelle accession à l’OTAN comme le signal d’une accélération à venir de ses négociations avec l’Union européenne. Je pense que, sur ce point, nous sommes d’accord, mes chers collègues.
Disons-le d’emblée, nous ne pouvons donner aucune perspective d’adhésion au Monténégro, que ce soit à court ou à moyen terme.
La capacité d’absorption de l’Union européenne est aujourd’hui saturée, même s’agissant d’un petit pays. L’Union doit concentrer ses efforts sur la redéfinition de son projet et de son fonctionnement avant de songer à s’élargir. Évitons de reproduire les erreurs des années 2000 !
Surtout, le Monténégro est encore loin d’être prêt à une telle adhésion, aux niveaux démocratique, institutionnel, économique ou judiciaire. S’il est vrai qu’il s’est engagé sur la voie des réformes pour renforcer l’État de droit et lutter contre la criminalité organisée et la corruption, les progrès enregistrés à ce jour n’empêchent pas qu’il soit toujours très éloigné des standards européens en la matière. Le fait qu’il soit soumis, depuis le début des négociations d’adhésion, en 2012, à une « nouvelle approche », reposant sur des exigences renforcées, en dit long sur la réalité de ce pays, qui n’a connu aucune alternance politique depuis plus de vingt-cinq ans et qui reste marqué par des soupçons de collusion avec des réseaux délictueux.
Si la plus grande prudence doit prévaloir quant à la poursuite de la politique de la porte ouverte de l’OTAN, cela vaut donc encore davantage pour l’Union européenne. Je ne dis pas que le Monténégro ne pourra pas, un jour, rejoindre ces deux organisations, mais le contexte actuel, à la fois sur le plan international et sur le plan interne, devrait nous inciter à éviter toute précipitation.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous l’aurez compris, malgré toute la pertinence des analyses développées par notre rapporteur, je reste pour le moins circonspect quant à la perspective d’une adhésion du Monténégro à l’Alliance atlantique. Pour toutes les raisons que je viens de développer, je ne pourrai pas apporter mon soutien au projet de loi de ratification.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l'atlantique nord sur l'accession du monténégro
Article unique
Est autorisée la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession du Monténégro, signé à Bruxelles le 19 mai 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je comprends les propos de mon estimé collègue Jacques Legendre, mais nous votons aujourd'hui sur une adhésion du Monténégro non pas à l’Union européenne, mais à l’OTAN !
Je voudrais insister sur l’importance politique de ce vote. On adresse beaucoup de reproches au Monténégro ; en particulier, on dit volontiers que la corruption y règne. Or un tout récent rapport de Transparency International spécifie que le Monténégro est certainement l’un des États les moins corrompus des Balkans, et même qu’il l’est moins que certains États membres de l’Union européenne…
Bien évidemment, des progrès doivent encore être réalisés, mais beaucoup a déjà été accompli. En particulier, des réformes ont permis de renforcer l’indépendance de la justice. Aujourd'hui, allons-nous donner un signal politique positif à un pays qui essaie de se réformer, qui consent des efforts, qui, bien qu’il ne compte que 2 000 soldats, contribue beaucoup plus, en proportion de sa population de 620 000 habitants, que certains autres pays à l’effort de défense, notamment en Afghanistan, ou allons-nous au contraire céder à une forme de pression exercée par Moscou et, peut-être, par Trump, en refusant l’admission du Monténégro dans l’OTAN ? Nous serions le premier pays à voter en ce sens…
Mes chers collègues, je ne peux que vous inviter à voter en faveur de l’accession du Monténégro à l’OTAN.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession du Monténégro.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
10
Accord multilatéral sur l'échange des déclarations pays par pays
Adoption définitive d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l’échange des déclarations pays par pays (projet n° 272, texte de la commission n° 308, rapport n° 307).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, le Premier ministre a indiqué que chaque jour de cette fin de législature devait être un jour utile. Aujourd'hui, nous vous proposons d’adopter un projet de loi autorisant l’approbation de l’accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l’échange des déclarations pays par pays.
C’est donc un jour important pour la lutte contre l’évasion fiscale, qui, tout au long du quinquennat, a été une priorité du Gouvernement. Le travail engagé depuis 2012 se poursuit aujourd’hui avec la ratification de cet accord, que l’on désigne souvent par l’acronyme « CBCR », pour country by country reporting, ou reporting pays par pays.
Vous qui participez de façon assidue aux travaux sur les projets de loi de finances connaissez bien ce sujet et vous souvenez sans doute, en particulier, que la loi de finances pour 2016 a institué une obligation, pour les plus grandes entreprises, de déclarer à l’administration fiscale la répartition pays par pays des bénéfices et des principaux agrégats économiques comptables et fiscaux. Mais, pour être pleinement efficaces, ces déclarations doivent être échangées automatiquement entre les administrations fiscales, pour que chaque pays puisse avoir une vision globale de l’activité, notamment, des multinationales.
C’est pourquoi Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances, a signé le 27 janvier 2016, à Paris, cet accord multilatéral. Il l’a déjà été par cinquante États dans le monde.
Je tiens à remercier, en préambule, M. le rapporteur de son travail. Comme vous, monsieur Doligé, je considère que cet accord international est un jalon important. Je ne peux d'ailleurs que me réjouir que ce sujet essentiel transcende aujourd’hui les clivages partisans.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Rappelons tout de même que, lorsque nous avions introduit cette obligation pour les entreprises, certains parlementaires, surtout des députés,…
M. Éric Bocquet. Pas seulement !
M. André Gattolin. Non, pas seulement !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … avaient saisi le Conseil constitutionnel de l’article 121 du projet de loi de finances pour 2016,…
M. Éric Bocquet. Très juste !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … estimant que cette disposition portait atteinte au principe d’égalité ou à la liberté d’entreprendre.
Dans sa décision, que j’ai encore relue ce matin, le Conseil constitutionnel a validé cette disposition, jugeant qu’elle ne contrevenait ni au principe d’égalité ni à la liberté d’entreprendre, « pour autant que les informations transmises ne soient pas publiques ». Je reviendrai sur ce dernier point.
Lors de l’examen de la loi de finances rectificative pour 2016, vos collègues députés avaient souhaité rendre le reporting public. J’avais alors demandé une seconde délibération, afin que cette disposition ne soit pas adoptée. Cela m’a valu des attaques personnelles indignes…
M. André Gattolin. Elles ne venaient pas de nous !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … et a malheureusement masqué le fait que, dès la loi de finances initiale de 2016, nous avions instauré l’obligation du CBCR au bénéfice des seules administrations fiscales, craignant la fragilité constitutionnelle d’un reporting public, à juste titre comme l’a montré la décision du Conseil constitutionnel que je viens d’évoquer.
Pour autant, la France est favorable à un reporting public, dès lors qu’il sera la règle au sein de l’Union européenne. C’est la position que Michel Sapin a toujours défendue. Le reporting public sera constitutionnel dès lors qu’une directive européenne – laquelle, c’est un autre principe constitutionnel, prévaut sur la législation nationale – l’imposera. (M. André Gattolin le confirme.)
L’humilité commande de reconnaître que nous ne sommes pas encore parvenus au bout du chemin. Cela ne nous empêche pas de considérer que la France peut être fière de l’action qu’elle conduit en matière de lutte contre la fraude, tant au niveau national qu’au niveau international, pour au moins trois raisons.
Premièrement, nous avons obtenu des résultats extrêmement intéressants, pour ne pas dire exceptionnels, dans la lutte contre la fraude fiscale. Ces résultats sont en progression constante. Ainsi, en 2015, l’administration fiscale a redressé 21,2 milliards d’euros de fraude, contre à peine 16 milliards d’euros, en moyenne, avant 2012. Les cinq plus gros redressements portent sur des multinationales, pour un montant de 3,3 milliards d’euros. Cela démontre que la France dispose déjà aujourd’hui d’outils puissants pour redresser les manipulations de prix de transfert ou pour caractériser l’existence, sur son sol, d’un établissement stable imposable. En outre, contrairement à d’autres pays, nous ne négocions pas ! Nous sommes parvenus à faire rentrer 12 milliards d’euros dans les caisses de l’État : c’est plus que les budgets de la justice, de la culture et de l’aide au développement réunis !
Deuxièmement, ces résultats, nous les devons à la mobilisation de moyens législatifs et humains pour repérer et redresser les fraudes. Depuis 2012, pas moins de quatre-vingts mesures législatives ont été prises pour lutter contre la fraude fiscale. Il y a eu la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Il y a eu ensuite, Bernard Cazeneuve étant alors ministre chargé du budget, la création du service de traitement des déclarations rectificatives, le fameux STDR, dont l’action a permis de faire sortir de l’ombre près de 30 milliards d’euros d’avoirs cachés à l’étranger et d’encaisser plus de 7 milliards d’euros de droits et pénalités. Tous ces outils, ainsi, bien entendu, que la mobilisation au quotidien des administrations –Direction générale des finances publiques et Direction générale des douanes et droits indirects –, nous ont permis d’augmenter de près de 30 % le montant des redressements par rapport à 2009.
Troisièmement, si ces résultats s’amplifient encore demain, ce sera grâce au rôle joué par la France à l’échelle internationale depuis 2012. Nous pouvons être fiers de la mise en place de l’échange automatique d’informations financières à compter de 2017, qui mettra fin au secret bancaire et fiscal entre 101 pays à l’échéance du 1er janvier 2018. Nous pouvons aussi être fiers de l’accord de l’accord BEPS – Base Erosion and Profit Shifting - élaboré par l’OCDE et signé par les ministres des finances des pays membres du G20, pour la conclusion duquel la France a joué un rôle moteur. On ne peut que se réjouir, par ailleurs, de l’adoption, l’été dernier, de la directive européenne sur les rulings.
Je voudrais enfin répondre à certaines interrogations que l’accord peut susciter.
La première concerne son champ d’application. Toutes les entreprises, tous les groupes dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros seront concernés. À l’échelle mondiale, ce seuil permet de couvrir les 10 % d’entreprises multinationales qui réalisent environ 90 % du chiffre d’affaires mondial. Comme je l’ai dit, cinquante États ont déjà signé cet accord. Certes, les États-Unis ne l’ont pas fait,…