PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Liaison ferroviaire Paris-aéroport Charles-de-Gaulle
Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à une liaison ferroviaire entre Paris et l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle (texte de la commission n° 167, rapport n° 166).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Nègre, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, réunie le 30 novembre dernier pour examiner le projet de loi « Charles-de-Gaulle Express » est parvenue à un accord. Les débats ont permis d’aboutir à trois principaux constats.
Le premier est l’élan nouveau que donne ce texte à l’histoire chaotique du CDG Express. Lancé au début des années 2000, ce projet a en effet connu pendant près d’une décennie le sort réservé aux grands chantiers d’infrastructures dans notre pays : il s’est enlisé !
À force d’atermoiements, nous sommes aujourd’hui contraints d’agir dans l’urgence. La question n’est plus de savoir s’il faut construire ou non le CDG Express : il n’y a pas d’autre option crédible pour absorber la croissance à venir de l’aéroport, répondre aux besoins spécifiques des passagers aériens, s’inscrire dans une démarche de développement durable, ou encore se préparer aux jeux Olympiques et aux manifestations suivantes. Sans ambiguïté, le Sénat et l’Assemblée nationale se sont prononcés en faveur de ce projet d’intérêt général, dont les bénéfices s’apprécieront dans le temps long.
Le deuxième constat concerne la mise en œuvre du projet. S’agissant du montage juridique, qui sépare les missions de construction, d’une part, et d’exploitation, d’autre part, il n’y a pas eu de débat, d’autant, je le rappelle, qu’il a reçu l’aval des autorités européennes. Ce montage est globalement similaire à celui qui a été retenu pour la réalisation du Grand Paris Express. Vous le savez, je me félicite de la mise en concurrence de l’exploitation du service de transport ferroviaire, qui vient compenser l’attribution de gré à gré par l’État de la construction de l’infrastructure à une société de projet, filiale de SNCF Réseau et d’Aéroports de Paris.
Le Sénat a cherché à faciliter la mise en œuvre juridique de ce montage en sécurisant une éventuelle participation de la Caisse des dépôts et consignations au capital de la société de projet. Il a également repoussé le délai permettant de recourir à la procédure spéciale d’extrême urgence pour réaliser des expropriations, et ce afin de favoriser la recherche d’accords amiables, toujours souhaitables quand on cherche à éviter les contentieux. Ces deux évolutions favorables au projet ont été conservées par la commission mixte paritaire.
En ce qui concerne la mise en œuvre opérationnelle du projet, je vous rappelle que nous avions exprimé quelques inquiétudes au regard de son impact pour les usagers du RER B. En dépit de l’enveloppe de 125 millions d’euros destinée à financer les investissements nécessaires à la bonne gestion des situations dégradées, d’inévitables perturbations ne manqueront pas de se déclencher, soit pendant la phase de travaux, soit pendant la phase d’exploitation. Il faudra donc bien veiller les uns et les autres, notamment SNCF Réseau, à respecter les besoins des voyageurs du quotidien.
Le troisième constat a trait au plan de financement, qui est resté flou jusqu’à la dernière minute. Le coût de l’infrastructure est estimé à 1,4 milliard d’euros hors taxe, aux conditions économiques de 2014. Le coût des équipements nécessaires, dont le matériel roulant, est évalué à environ 285 millions d’euros. Cependant, je crains que, pour un tel chantier, ce coût ne soit conduit à augmenter au fil du temps.
Sur la question de la constitution des fonds propres de la société de projet, je me suis personnellement opposé dès l’origine à la proposition de déroger à la règle d’or pour l’endettement de SNCF Réseau, règle que nous avions votée en 2014. Cette « exception exceptionnelle » me paraît inacceptable dans son principe même !
Le Sénat avait malgré tout décidé de conserver cette dérogation, en votant la disposition dans une rédaction la rendant inapplicable. Cette situation a conduit la commission mixte paritaire a adopté le texte proposé par le rapporteur de l’Assemblée nationale, Philippe Duron, qui comporte deux améliorations.
D’une part, le texte préserve l’avis préalable de l'ARAFER, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, sur chaque projet d’investissement supérieur à un seuil actuellement fixé par décret à 200 millions d’euros. En confirmant l’obligation dans laquelle se trouve le régulateur de se prononcer sur ces dossiers, nous sommes là encore en cohérence avec notre action.
D’autre part, il précise que la participation de SNCF Réseau doit être rémunérée en tenant compte des dépenses de toute nature supportées par la société pour l’exercice des missions qui lui sont confiées par la concession de travaux, ainsi que l’amortissement et la juste rémunération des capitaux investis. Ce dernier point reprend l’esprit de la « rentabilité suffisante », notion qui figurait dans le texte adopté par le Sénat.
Mes chers collègues, en tant que républicain, je ne peux que respecter cette décision même si, à mon sens, la rémunération des capitaux n’est pas au cœur du problème. Je regrette cependant que les annonces faites ces deux dernières semaines ne fassent que donner de la consistance aux inquiétudes que j’avais exprimées, monsieur le secrétaire d'État.
Tout d’abord, la constitution des fonds propres a été en partie précisée : vous avez annoncé un montant de 400 millions d’euros, répartis entre ADP, SNCF Réseau et « probablement la Caisse des dépôts et consignations », ainsi que 100 millions d’euros d’avances remboursables d’ADP.
Je me félicite que, dans l’urgence, cette solution d’avances remboursables, que j’avais suggérée, ait été retenue. Il est dommage que vous ne l’ayez pas arrêtée plus en amont, car elle confirme bien que d’autres mécanismes étaient techniquement envisageables. Cela aurait peut-être changé la vision d’un certain nombre d’entre nous sur l’impérieuse nécessité de déroger à la règle d’or, faute d’alternative.
Surtout, en ce qui concerne la contribution d’équilibre sur les passagers, jugée nécessaire pour lever la dette sur les marchés financiers, vous avez choisi une solution de facilité. Il était évidemment indispensable de la repousser à 2024. Dans le contexte actuel, il n’était pas imaginable de taxer davantage les compagnies aériennes, notamment Air France, pour financer une infrastructure dont elles ne tireraient des bénéfices que dans huit ans !
Néanmoins, je regrette que le montant de cette taxe ait été relevé de 1 euro à 1,40 euro, soit une augmentation de 40 % ! Sur ce point aussi, vous avez obtenu gain de cause dans le cadre du collectif budgétaire. Vous n’avez pas souhaité entendre les appels répétés, y compris au sein de votre propre majorité, en faveur d’une remise à plat de la taxe de solidarité sur les billets d'avion ou a minima d’une affectation du surplus de recettes qui résulte de son écrêtement depuis 2015, et dont profite uniquement Bercy.
Pour conclure, je dirai qu’il est évident que nous aurions pu faire mieux et même beaucoup mieux sur le volet financier. Comme pour chaque grand projet d’infrastructure, vous l’avez compris, je m’inquiète du risque de dérive des coûts. Je redoute déjà le jour où SNCF Réseau sera éventuellement appelé à recapitaliser la société de projet. Maintenant que la dérogation à la règle d’or a été décidée, il n’y a plus de garde-fou. Il faudra donc rester plus que jamais vigilant quant à la dette de la SNCF. Pour autant, je me félicite que le CDG Express en tant que projet de développement économique pour Paris et la région parisienne avance positivement et que le Parlement, quant à lui, ait su œuvrer rapidement pour faciliter sa mise en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser Alain Vidalies, qui n’a pas pu être présent cet après-midi.
M. Jean Desessard. Une panne de RER ?
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. Nous voici réunis pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à une liaison ferroviaire entre Paris et l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, dont vous venez de dresser le bilan, monsieur le rapporteur.
Le Charles-de-Gaulle Express est un service indispensable pour améliorer le lien entre le centre de Paris et l’un de ses principaux aéroports, au service du dynamisme de l’agglomération parisienne et, au-delà, de l’ensemble du pays. Il permettra, à la fin de 2023, de relier directement en vingt minutes l’aéroport Charles-de-Gaulle et la gare de l’Est.
Le projet répond à deux enjeux principaux : l’attractivité économique et touristique de l’Île-de-France et le développement durable. Chacun sait qu’il sera aussi un élément important pour les dossiers de candidature de la France aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, d’une part, et à l’Exposition universelle, d’autre part. Enfin, ce projet s’appuie sur une véritable complémentarité avec les projets du Nouveau Grand Paris : la ligne Charles-de-Gaulle Express ne peut pas se faire au détriment des transports du quotidien. Rien ne serait pire, notamment pour les 900 000 voyageurs quotidiens du RER B !
Près de 130 millions d’euros d’engagements pour réaliser des travaux sur les infrastructures existantes – ce sont les voies sur lesquelles circulent le RER B, la ligne K du Transilien et le TER Picardie – figurent dans le projet et témoignent de cette prise en compte indispensable.
Le projet de loi vise à établir les fondements législatifs qui rendront possible ce projet dans le cadre du nouveau montage économique validé par la Commission européenne. Ce nouveau montage, qui prend acte de l’échec de la concession privée en 2011, repose sur la séparation des missions de construction de l’infrastructure et d’exploitation du service de transport ferroviaire.
Le texte tend donc à confier la mission de conception, de construction, de financement et d’entretien de l’infrastructure à une société de projet, future filiale de SNCF Réseau et d’Aéroports de Paris. L’article 1er ratifie l’ordonnance du 18 février 2016 autorisant principalement l’État à signer de gré à gré un contrat de concession de travaux avec la société de projet à créer, associant SNCF Réseau et Aéroports de Paris et, le cas échéant, un tiers investisseur.
Il a en outre pour objet d’attribuer la mission d’exploitation du service de transport ferroviaire à un opérateur ferroviaire. L’article 2 prévoit que l’État désignera l’exploitant par voie d’appel d’offres, selon les mêmes modalités que celles qui ont été retenues pour le réseau de transport du Grand Paris Express.
Avec un tel montage, le financement du projet reposera essentiellement sur la billetterie : celle-ci permettra de payer les coûts d’exploitation du service et les péages ferroviaires au gestionnaire d’infrastructure. Les résultats de la modélisation indiquent toutefois que les ressources financières tirées de la billetterie ne seront pas suffisantes. L’équilibre financier requiert une ressource complémentaire sous la forme d’une taxe sur les voyageurs du transport aérien, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur.
Telle est la raison pour laquelle le Gouvernement a déposé un amendement dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2016, qui a été adopté par les députés et voté conforme par la Haute Assemblée samedi dernier. Cette taxe ne sera applicable qu’en 2024, une fois la nouvelle liaison mise en service. Elle ne concernera que les seuls passagers de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, hors correspondances, pour un montant plafond de 1,40 euro.
Par ailleurs, un engagement des investisseurs de la société de projet – ADP, SNCF Réseau et, probablement, la Caisse des dépôts et consignations –, portant sur un montant total de fonds propres de 400 millions d'euros, auxquels s’ajoutent 100 millions d'euros d’avances remboursables d’ADP, devrait désormais permettre d’assurer la viabilité du projet.
Nous allons donc pouvoir notifier le dossier aux instances communautaires européennes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement salue l’accord trouvé en commission mixte paritaire sur l’article tendant à autoriser SNCF Réseau à déroger à la règle d’or pour ce projet.
Désormais, la nouvelle version de l’article, élaborée sur le fondement d’un amendement sénatorial, précise bien les conditions dans lesquelles SNCF Réseau sera amené à investir dans cette société de projet, et pour lesquelles les conditions de rémunération des fonds propres investis seront déterminées par l’ordonnance.
Ces précisions explicitent les spécificités de ce projet au regard des objectifs posés par la règle d’or.
Au nom de mon collègue Alain Vidalies et de l’ensemble du Gouvernement, je veux enfin saluer le rapporteur pour la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Je vous remercie, monsieur Nègre, du travail que vous avez accompli, avec tous les sénateurs qui se sont impliqués dans ce dossier.
Ce travail a permis d’enrichir le projet de texte, avec, notamment, l’adoption de deux amendements tendant, d’une part, à permettre qu’un tiers investisseur soit présent dès la création de la société de projet et, d’autre part, à permettre l’application de la procédure d’extrême urgence du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique sur une durée plus longue, c’est-à-dire jusqu’à la fin de la validité de la déclaration d’utilité publique.
C’est donc un travail parlementaire extrêmement positif et efficace que le Gouvernement tient, ici à saluer. En conséquence, il soutient pleinement l’adoption du projet de loi, dans la rédaction issue de l’accord entre les deux assemblées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour le groupe écologiste.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi tend à ratifier l’ordonnance permettant la création d’une ligne de train dédiée pour relier directement, sans arrêt intermédiaire, l’aéroport Paris-Charles de Gaulle au centre de Paris d’ici à 2023.
Touristes et acteurs économiques pourront ainsi rejoindre la capitale en vingt minutes ; en sens inverse, les usagers de l’aéroport pourront s’y rendre depuis Paris sans se préoccuper d’éventuels retards. La ligne B du RER, deuxième ligne la plus empruntée d’Europe avec ses quelque 900 000 passagers quotidiens, ne correspondrait pas aux standards de qualité attendus.
M. Philippe Dallier. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Jean Desessard. Les membres du groupe écologiste ont trois oppositions à formuler à ce projet.
Tout d’abord, s’agissant de la ligne B du RER, malgré un plan de rénovation, annoncé voilà quelques années, de 650 millions d’euros de budget, la situation est toujours aussi insupportable pour les usagers.
M. Jean-Pierre Bosino. C’est un euphémisme !
M. Jean Desessard. L’état des rames est déplorable ; les pannes et les retards sont presque systématiques, tout particulièrement aux heures de pointe.
On nous propose aujourd’hui un très lourd investissement – 1,7 milliard d’euros – pour le projet CDG Express, qui transportera 20 000 voyageurs par jour, et rien, ou très peu, pour améliorer significativement le fonctionnement de la ligne B du RER, qui, elle, transporte quotidiennement 900 000 usagers…
Or toutes les études montrent que des travaux structurels très importants doivent être menés pour que cette ligne fonctionne de nouveau convenablement !
On l’a encore vu récemment avec la mise en œuvre de la circulation alternée : dès qu’il y a une augmentation, même temporaire, du nombre de voyageurs, les caténaires lâchent ! Ce n’est pas acceptable, a fortiori lorsqu’on incite la population, avec raison, à prendre les transports en commun pour lutter contre la pollution.
De plus, le coût prévu de l’aller simple sur cette future ligne – 24 euros –, non pris en charge par le pass Navigo, exclut de fait les usagers franciliens, les salariés de l’aéroport et de nombreux voyageurs. Ainsi, le taux de report prévu, de la ligne B du RER vers le CDG Express, atteint à peine 6 %.
On nous propose de faire coexister deux modes de transport très inégalitaires : pour les plus aisés, une liaison directe, confortable et rapide ; pour tous les autres, des retards, des pannes, des trains annulés et des rames bondées. On est passé des rames de métro de première et deuxième classes aux lignes entières de première et deuxième classes !
Regardons chez nos voisins, comme on nous invite souvent à le faire : à Berlin, le trajet entre l’aéroport et le centre-ville coûte 3 euros, à Rome 14 euros, à Bruxelles 8,5 euros. Nous sommes loin du coût, prohibitif, annoncé pour le CDG Express, et bien plus proche du service aujourd'hui assuré sur la ligne B du RER, quand elle fonctionne normalement.
Notons aussi que, ne s’y arrêtant pas, le nouveau train n’apporterait aucun bénéfice aux habitants et habitantes des villes de Seine-Saint-Denis traversées. En revanche, le passage de 152 rames par jour induirait, pour eux, de nouvelles nuisances visuelles et sonores. Pire encore, un engorgement des voies de la ligne B du RER, en partie utilisées par ce nouveau train, engendrera mécaniquement encore plus de retards sur cette ligne.
Tout cela pour quoi ? Un gain d’à peine dix minutes lorsque le RER fonctionne bien !
Ce projet vient également concurrencer celui de la ligne 17 du Grand Paris Express, qui, en 2023, doit relier l’aéroport Charles-de-Gaulle à la gare de Saint-Denis Pleyel. Cette dernière est censée devenir un lieu d’intermodalité, offrant de nombreuses correspondances. Pourquoi un tel doublon, monsieur le secrétaire d’État ?
Enfin, le rapport issu de l’enquête publique met en exergue d’importantes zones d’ombre au sujet du financement de ce projet – c’est, d’une certaine manière, ce que vous avez énoncé à mots couverts, monsieur le rapporteur.
En particulier, deux réserves sont formulées : outre qu’il est « difficile d’apprécier le bien-fondé des dépenses », la rentabilité du projet ne serait pas forcément suffisante pour atteindre l’équilibre. De surcroît, l’enquête publique déplore « le manque de précision sur le recours aux fonds propres ou à l’emprunt, aux subventions publiques ou européennes ». Nous sommes en plein flou !
Compte tenu de cette opacité du montage financier, nous souhaiterions être sûrs qu’un système de transport aussi inégalitaire – je viens de le montrer – ne sera pas financé par de l’argent public. Ce serait le comble ! Nous n’en sommes qu’au début de la discussion, mais les propos entendus jusqu’à maintenant ne sont pas de nature à nous rassurer.
Par conséquent, le groupe écologiste, dans sa majorité, ne soutient pas ce projet, qui ne permet pas de doter l’Île-de-France d’un système de transport permettant à la fois une desserte aéroportuaire de qualité et des liaisons, directes et omnibus, au bénéfice des Franciliens, des salariés de l’aéroport et des voyageurs. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Nicole Bonnefoy. L’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, premier aéroport de France, deuxième d’Europe par sa taille et neuvième à l’échelle mondiale par son trafic, est la principale interface entre la France et le reste du monde, le lieu par lequel transitent la majorité des 15 millions de visiteurs étrangers qui se rendent chaque année à Paris, première destination touristique au monde.
Pourtant, ses accès sont aujourd’hui fortement congestionnés, que ce soit par les autoroutes Al et A3 ou par la ligne B du RER. Les temps de trajet oscillent entre 30 minutes et 1 heure 30, et l’expérience du voyageur, lorsqu’il est dans les embouteillages ou dans le RER bondé, sans espace pour les bagages, en pâtit fortement.
Le projet CDG Express, qui vise à relier directement l’aéroport au centre de Paris en 20 minutes d’ici à 2023, est dès lors nécessaire pour améliorer la qualité du voyage et de l’accueil de nos visiteurs, et donner une image plus moderne de notre pays.
Il s’agit en effet d’un enjeu essentiel pour l’attractivité économique et touristique de l’Île-de-France, d’autant plus que les aéroports européens de même rang en sont déjà tous dotés et que Paris a besoin d’une infrastructure de transport de haut niveau dans la perspective de ses candidatures aux jeux Olympiques de 2024 et à l’Exposition universelle de 2025.
L’enjeu économique est majeur, alors que les projections prévoient un doublement du trafic aérien mondial d’ici quinze à vingt ans et que notre pays s’est donné pour objectif global d’accueillir 100 millions de touristes par an à l’horizon de 2020.
Le secteur du tourisme souffre aujourd’hui énormément du climat lourd que nous connaissons. C’est une donnée que nous avons la responsabilité d’intégrer, puisqu’il s’agit d’un des secteurs clés de notre économie, représentant entre 7 % et 8 % de notre produit intérieur brut et 2 millions d’emplois directs et indirects.
L’amélioration de la qualité de l’accueil des visiteurs est ainsi l’un des axes du travail à accomplir pour soutenir un secteur qui a perdu, en 2016, 1 million de touristes entre les seuls mois de janvier et d’août, et ce malgré l’organisation de l’Euro de football.
Le projet CDG Express s’inscrit en complémentarité avec l’ensemble des autres projets de transports en commun du Grand Paris, notamment la nouvelle ligne 17.
L’amélioration des infrastructures de transports au service des Franciliens des petite et grande couronnes a certes tardé, mais il ne faut pas mettre en concurrence ces deux projets d’infrastructure. Il ne s’agit pas des mêmes financements et ce projet de desserte directe aura également la vertu de soulager le transport routier, ainsi que les transports publics dédiés aux déplacements du quotidien.
Aussi, je tiens à saluer l’accord qui a été trouvé en commission mixte paritaire entre sénateurs et députés pour déboucher sur un texte surmontant, enfin, les difficultés liées aux questions relatives au financement et permettant, enfin, la réalisation de ce projet d’intérêt général.
Je souhaite également ici remercier le secrétaire d’État Alain Vidalies d’avoir accepté, au nom du Gouvernement, de repousser à 2024 – l’annonce en avait été faite au Sénat – la taxe de 1 euro par passager dont devront s’acquitter les compagnies aériennes.
Celui-ci a su entendre les préventions que j’ai formulées sur ce point, en tant que rapporteur pour avis de la mission « Transports aériens », et que nombreux d’autres parlementaires ont tenu à exprimer, parmi lesquels Bruno Le Roux, auteur en 2014 du rapport sur la compétitivité du transport aérien français.
Cette décision est bonne pour aider nos compagnies aériennes à résorber le déficit de compétitivité, coût qui pèse sur elles, et les aider à reconquérir les parts de marché qu’elles méritent au sein de ce marché mondial en forte croissance.
La réalisation du Charles-de-Gaulle Express, couplée à ces importantes mesures, offre ainsi un signal fort en direction de nos compagnies aériennes et de notre secteur touristique, tout en traduisant notre volonté d’améliorer nos infrastructures de transport et l’attractivité de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe CRC.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au terme d’une longue procédure législative, les travaux de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à une liaison ferroviaire entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle ont été fructueux. Un compromis a été trouvé pour valider ce projet.
Pour notre part, nous considérons celui-ci comme inutile et coûteux.
Ce projet constitue même une véritable provocation, alors que le mois dernier, la galère n’a jamais été aussi pénible pour les usagers de la ligne B du RER et de la gare du Nord. À trois reprises, le 22 novembre, les 6 et 9 décembre, les caténaires ont lâché, plongeant les usagers dans une situation particulièrement inconfortable du fait des retards et annulations de trains. Ces caténaires, paraît-il, dataient de 1946 !
Comment faire comprendre aux populations, aux usagers et aux salariés – les voyageurs du quotidien – que la plus grande urgence serait de financer un projet pharaonique, de l’ordre de 1,69 milliard d’euros, dont ils ne pourraient bénéficier ?
Ce projet CDG Express est conçu et revendiqué pour le seul confort des usagers de l’aérien – enfin, simplement de ceux qui auront les moyens de payer 24 euros un aller simple ! Un tel niveau de tarification, qui se place hors tarification du Syndicat des transports d’Île-de-France, exclut de fait la majorité des Franciliens. Soyons clairs, même lorsqu’ils iront prendre l’avion, ces derniers continueront d’utiliser la ligne B du RER.
Prenons un exemple : ils n’iront pas de la gare de Drancy à la gare du Nord pour prendre, ensuite, le Charles-de-Gaulle Express. Cela leur ferait 15 minutes de la gare RER de Drancy à la gare du Nord, puis 20 minutes jusqu’à l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle par le CDG Express, soit 35 minutes pour 24 euros, au lieu de 25 minutes pour une liaison directe par RER, payée avec le pass Navigo, entre la gare de Drancy et l’aéroport. Telle est la réalité, mes chers collègues.
On nous dit qu’il ne faut pas opposer tous les projets. Mais où sont les financements pour la ligne B du RER, pour la ligne de transport express régional – ou TER – Picardie ou encore pour la ligne K ?
Mme Nicole Bricq. Ils sont inscrits dans les budgets !